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Extraits du rapport d'activité de la direction générale des postes et télécommunications (DGPT) publié en juin 1995.
Chapitre 1
Des progrès décisifs dans l'ouverture à la concurrence du marché français des télécommunications
Le marché français des télécommunications est, au plan réglementaire, l'un des plus ouverts de l'Union européenne, après ceux du Royaume Uni, de la Finlande et de la Suède. La concurrence s'y est encore renforcée en 1994, avec notamment la désignation d'un 3ème opérateur de radiotéléphone, l'arrivée de quatre concurrents à Transpac sur la transmission de données ou l'utilisation de plus en plus effective des possibilités offertes aux groupes fermés d'utilisateurs. La totalité des directives communautaires dans ce domaine ont été mises en place en droit national, et nombre de décisions européennes ont été anticipées en France.
La consultation publique sur l'évolution des télécommunications françaises, menée par Bruno Lasserre a permis de mettre en relief les demandes des acteurs économiques et sociaux du secteur : concurrence étendue en 1998 aux infrastructures, concurrence plus loyale, affirmation du rôle du régulateur, notamment au plan économique.
Enfin, la France, forte de l'appui donné par cette consultation, a largement inspiré et soutenu les décisions d'ouverture totale à la concurrence des services et des infrastructures au 1er janvier 1998 prises par les Conseils des Ministres européens des télécommunications de juin 1993 et novembre 1994. Cette libéralisation suppose la mise en place d'un cadre réglementaire harmonisé au plan communautaire : définition et financement du service universel, interconnexion, délivrance des licences, accès réciproques aux marchés des pays tiers.
Ces principes ont été au coeur de l'action menée par la DGPT pour la préparation du Conseil des ministres européen du 13 juin 1995.
I - Les axes de renforcement de la concurrence en France
L'année 1994 a vu se poursuivre l'ouverture concrète du marché français des télécommunications à la concurrence. Dans certains domaines, l'action engagée auparavant s'est poursuivie et la concurrence progressivement étendue. D'autres segments du marché (transmission de données, mobiles, téléphonie internationale) ont vu, au contraire, la concurrence s'intensifier. Le régulateur a adapté ses schémas réglementaires à ces évolutions du marché.
1.1. Les mobiles : une concurrence désormais totale
1994 a été l'année du parachèvement de l'ouverture totale à la concurrence de ce segment du marché : désignation d'un 3· opérateur mobile, Bouygues Télécom, titulaire d'une licence nationale pour mettre en place le service de communication personnelle DCS 1800, alors que les deux opérateurs GSM étaient autorisés à expérimenter ce service dans une grande ville française; décollage du GSM (qui est passé de moins de 100.000 abonnés fin 1993 à 458.000 à la fin 1994) dans un marché de plus en plus concurrentiel ; licence expérimentale DECT délivrée à la Cie Générale de Vidéocommunications; délivrance de trois licences de radiomessagerie numérique européenne à la norme Ermes aux groupes Bouygues, Cie Générale des eaux et France Télécom; nouvelles licences pour des réseaux radioélectriques ouverts aux tiers. (NB : Toutes ces activités sont développées au chapitre N·4)
1.2. Les communications par satellite : de nouveaux acteurs dans un marché encore trop peu actif
L'activité réglementaire s'est poursuivie en 1994 sur la lancée des schémas d'ouverture à la concurrence définis en 1991. Sept autorisations supplémentaires ont été délivrées à des réseaux VSAT, portant le nombre total de licences à 33. Mais en-dehors de trois opérateurs ayant remporté des appels d'offres pour le compte de grands clients, peu de ces entreprises autorisées ont effectivement développé une activité dans ce domaine.
Les stations de reportage (liaisons vidéo temporaires) ont connu cinq nouvelles autorisations (pour un total de 25 à ce jour) et connaissent une activité régulière.
Les perspectives de développement de la concurrence pour l'année qui vient sont néanmoins importantes. Le régulateur devra répondre à plusieurs demandes nouvelles, par exemple d'utilisation des bandes partagées ou de stations satellite reliées à des téléports.
Il devra aussi, en transposant la directive adoptée en octobre 1994 par la Commission Européenne sur les communications par satellite, réfléchir aux mesures à prendre pour améliorer l'accès au segment spatial qui continue d'être la principale source de difficulté pour les opérateurs, et de contentieux pour le régulateur.
1.3. Les réseaux privés d'entreprise : une liberté de plus en plus utilisée
Les réseaux privés d'entreprise comprennent à la fois les infrastructures établies pour les besoins internes à des entreprises ou à des groupes fermés d'utilisateurs (réseaux indépendants), et les services de télécommunications qui ne sont pas fournis au public.
Plus de 400 réseaux indépendants filaires ont été à ce jour autorisés par la DGPT. Il s'agit pour l'essentiel de réseaux de petite taille et strictement privés, en général utilisés pour connecter deux sites proches mais séparés par la voie publique. Certains de ces réseaux sont de taille plus importante et appartiennent à des entités qui bénéficient de la continuité territoriale. Il s'agit par exemple des réseaux de la SNCF, des métros urbains (RATP, métro de Lyon), ou des sociétés d'autoroute. A côté de ces 400 réseaux indépendants filaires existent 67 000 réseaux radioélectriques indépendants autorisés en France.
L'année 1994 a été marquée dans ce domaine par trois tendances majeures.
La première, liée à la croissance de ce secteur d'activité, est l'augmentation sensible des demandes d'interprétation qui parviennent à la DGPT sur les notions de groupe fermé d'utilisateurs (GFU) ou de services non fournis au public. Pour la notion de GFU, qui n'est pas définie par la loi, le régulateur a élaboré, à l'occasion de la jurisprudence des cas concrets présentés, une définition : le groupe fermé d'utilisateurs doit reposer sur une communauté d'intérêts suffisamment stables pour être identifiée et préexister à la demande d'établissement du réseau indépendant. Cette définition souple a donné lieu à plusieurs interprétations concrètes (voir encadré).
La DGPT a élaboré certaines règles qui permettent de mieux délimiter ce qui est et ce qui n'est pas un GFU
Ne constituent des critères ni nécessaires ni suffisants pour caractériser un GFU
Constituent des GFU, par exemple
- La location sur une même zone géographique.
- La matérialisation par une entité juridique
- Un GFU peut inclure des membres du personnel de sociétés en déplacement ou à leur domicile, lorsque leurs communications répondent à des besoins professionnels.
- L'identification du client par un numéro, un contrat, une convention
- Une entreprise et ses concessionnaires
- La mise en place d'une numérotation abrégée
- La relation contractuelle ou conventionnelle
- Une entreprise et ses filiales, lorsqu'elles interviennent sur le même secteur d'activité.
- Une entreprise et ses fournisseurs.
- Des entreprises d'un même secteur ayant des relations de partenariat ou de coopération matérialisées par des accords.
Les services fournis sur des liaisons louées sont considérés comme non fournis au public lorsqu'ils ne sont pas connectés au réseau public commuté ou le sont à une seule extrémité. La présomption s'inverse lorsqu'il y a connexion au réseau public commuté aux deux extrémités. Cette approche, cohérente avec les règles établies au niveau européen (directive "services") ou international (recommandation D1 de l'UIT), a permis à de nombreux prestataires de répondre aux besoins croissants de communications internes pour les entreprises ou les groupes d'entreprises.
La deuxième tendance a trait aux projets d'exploitation des réseaux filaires en usage partagé, c'est à dire utilisés par plusieurs groupes fermés d'utilisateurs qui n'ont pas vocation à communiquer entre eux. Courante pour les réseaux radioélectriques, cette pratique ne l'était pas à ce jour pour les réseaux filaires. Les premières demandes sont arrivées à la DGPT et sont en cours d'instruction : elles pourraient déboucher en 1995 sur de nouveaux types d'autorisation.
Le dernier axe d'ouverture à la concurrence dans ce domaine s'est matérialisé en 1994 avec l'adoption de conditions générales d'autorisation de faisceaux hertziens indépendants (arrêté du 7 octobre 1994, reproduit en annexe). Ces conditions, qui sont couplées à la libération progressive de fréquences dans plusieurs bandes adaptées à cet effet, vont permettre de répondre de manière plus efficace et plus rapide à des besoins professionnels de transmission par voie radio.
1.4. La transmission de données : l'ouverture effective à la concurrence
C'est au 1er janvier 1993, comme le prévoyait la directive "services", qu'a été totalement libéralisé le marché de la transmission de données, par le décret du 30 décembre 1992 définissant les conditions d'autorisation des "services-supports" (c'est-à-dire de simple revente de capacité). L'autorisation est délivrée à tout prestataire qui en fait la demande ; elle est subordonnée au respect d'un cahier des charges.
Mais c'est en 1994 que quatre concurrents de Transpac -déjà autorisé en 1993- ont demandé et obtenu leurs autorisations de fournir au public des "services-supports" et se sont installés sur ce marché : BT France, Sprint, Unisource, Air France. En outre une autorisation de fourniture de services-supports sur réseaux câblés a été délivrée à la Cie Générale de Vidéocommunication, pour l'expérimentation du réseau DECT de Saint Maur des Fossés.
Répondre aux besoins d'interconnexion
Dans le cadre de cette ouverture à la concurrence des services de transmission de données, des besoins d'interconnexion se sont exprimés, besoins qui peuvent être résolus grâce au régime réglementaire mis en place depuis 1990. Les autorisations prévoient en effet un certain nombre de droits et obligations qui permettent aux prestataires de développer leur offre dans un environnement concurrentiel satisfaisant. En particulier, France Télécom est tenu, en application de son cahier des charges, de faire droit aux demandes d'interconnexion de "services supports" autorisés. Il est prévu dans ce cadre un mécanisme de négociation commerciale, aboutissant à une convention soumise à approbation de la DGPT, assortie d'une possibilité d'arbitrage par la DGPT, en l'absence d'accord.
Réfléchir à la simplification des schémas réglementaires
Dans le cadre de la consultation publique organisée par Bruno Lasserre sur l'évolution des télécommunications françaises, une simplification des procédures a été largement souhaitée par l'ensemble des acteurs, notamment pour ce qui concerne la pertinence de la distinction entre les "services à valeur ajoutée" et les "services-supports".
En effet, rares sont les services qui se limitent à la seule transmission de données : le plus souvent d'autres fonctions (l'administration de réseau notamment) y sont associées. L'existence d'un cahier des charges, même s'il ne vise qu'à des obligations de transparence et d'information des utilisateurs, est parfois considérée comme lourde.
La réflexion sur la simplification de ce régime réglementaire est donc à l'ordre du jour. La DGPT est très favorable à cet assouplissement, qui pourrait se traduire par un régime déclaratif pour l'ensemble des services de données et/ou à valeur ajoutée.
1.5. Le développement des services de téléphonie internationale : call back et reroutage
L'année. 1994 a vu l'émergence réelle d'une offre concurrente de téléphonie internationale qui s'appuie essentiellement sur un mieux disant tarifaire. Cette offre s'est essentiellement développée sous deux formes: le callback et le reroutage.
Le call back, qui utilise exclusivement le réseau public commuté est libre au regard de la loi. Le reroutage, qui utilise des liaisons louées, est libre tant qu'il n'y a pas pas fourniture au public : dans la mesure où les clients sont raccordés au service par des liaisons louées, la DGPT estime qu'il y a présomption de non fourniture au public (cf supra).
Le call back
L'intérêt pour l'utilisateur : le jeu tarifaire, notamment avec les Etats Unis
En France, le call back s'est principalement développé pour les communications vers les Etats Unis. Il joue ainsi sur les décalages horaires existant entre ces deux pays (appels au tarif de nuit) et, dans une moindre mesure, sur les différentiels tarifaires.
Par ailleurs, on constate aujourd'hui que de petits opérateurs de call back, soutenus par de grands opérateurs internationaux pour lesquels ils génèrent du trafic, bénéficient de tarifs de "gros" ou de "demi-gros". L'activité qui consiste à acheter en gros une minute de communication transatlantique pour la revendre au détail est en effet tout à fait lucrative. De plus, le service étant facturé aux Etats Unis, la TVA n'est pas exigible.
Il est à noter que ce type de service ne présente d'intérêt pour le consommateur que si celui-ci a un gros trafic à l'international en raison notamment des minimums de facturation qui sont perçus par les opérateurs de call-back, avec le risque toujours possible de changements brusques de parité des taux de change. Enfin, le consommateur aura tout intérêt à s'intéresser au lieu - précisé dans le contrat - où seraient jugés d'éventuels litiges liés à la facturation.
Un marché de niche
D'aprés une étude réalisée par l'IDATE pour la DGPT, la part du call back dans le chiffre d'affaire des services de la voix est encore faible : en 1994, le chiffre d'affaires du call back devait atteindre 100 millions de francs, chiffre à rapprocher du trafic international vers les USA (environ un milliard de francs) ou du trafic international dans son ensemble (environ 10 milliards de francs).
II - Les aménagements de la réglementation française des télécommunications
III Un nouveau champ d'expérimentation : les infrastructures alternatives
IV - Les décisions communautaires de libéralisation des services et des infrastructures
Chapitre II
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