| Ministère délégué
à la poste, aux télécommunications et à l'espace BUDGET |
Discours prononcé le 8 Décembre 1995 par François Fillon au Sénat à l'occasion de la présentation du budget 1996 de son ministère.
L'AVENEMENT DE LA SOCIETE DE L'INFORMATION
UN BUDGET VOLONTAIRE MAIS VERTUEUXI - PROMOUVOIR LES AUTOROUTES DE L'INFORMATION
- La nécessité d'une recherche forte
- Les incitations financières
- L'adaptation du cadre réglementaireII - PREPARER LE SECTEUR DES TELECOMMUNICATIONS A L'OUVERTURE A LA CONCURRENCE
- La loi sur la réglementation des télécommunications et le service public
- Les alliances stratégiques
- Le changement de statut de France TélécomIII - POURSUIVRE LES EFFORTS DE MODERNISATION ET DE CONSOLIDATION DU SERVICE PUBLIC POSTAL
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Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
L'AVENEMENT DE LA SOCIETE DE L'INFORMATION
Le ministère qui m'a été confié joue un rôle déterminant dans la construction de l'avenir de notre pays. L'avènement de la société de l'information, une meilleure connaissance de la terre grâce à l'utilisation des satellites ou encore l'exploration à peine débutée aujourd'hui de l'univers: autant de "nouvelles frontières" que le MPTE à pour ambition de mettre à notre portée.
La capacité de la France à relever ces défis essentiels dépend pour une part des choix budgétaires qui vous sont proposés.
La puissance et le rayonnement de la France ont été consolidés par la révolution industrielle. Notre pays est aujourd'hui à la veille d'une seconde révolution technologique, dont les conséquences seront tout aussi décisives - celle que permet le développement du numérique. Il faut que notre pays ressorte, une fois encore, plus fort de cette "révolution de l'information".
C'est pour cela que nous devons préparer, avec toute la mobilisation nécessaire, l'avènement de la société de l'information.
La révolution technologique que nous vivons actuellement peut en effet être l'occasion, si nous y veillons, de jeter les bases d'une société plus prospère, plus juste et plus solidaire :
- plus prospère : les industries de l'information vont jouer demain, un rôle de moteur de l'économie au moins aussi grand que celui que jouait naguère et joue encore aujourd'hui l'industrie automobile ;
- plus juste et plus solidaire : les technologies de l'information sont à la fois un instrument de réduction de la fracture sociale et un instrument de l'aménagement du territoire.
Ces technologies sont un instrument de réduction de la fracture sociale parce que l'accès aisé de tous à toutes les informations peut, s'il est assuré, notamment dans le cadre du service public, constituer un outil au service du principe républicain de l'égalité des chances. C'est un instrument de l'aménagement du territoire parce que l'accès de tous, en tout point du territoire à toutes les sources d'information rend moins pertinent notre modèle actuel d'urbanisation qui repose pour une large part sur la concentration.
La France dispose d'atouts essentiels pour réussir son ancrage dans la société de l'information et conserver sa place dans le peloton de tête des pays innovants: une industrie des télécommunications qui compte parmi les toutes premières du monde, une expérience unique dans le domaine de la télématique, un opérateur national de télécommunications puissant et performant, des outils de recherche de tout premier plan, notamment dans les domaines des mathématiques et de l'informatique...
L'espace joue également un rôle clé dans la croissance de cette société de l'information: la capacité à se doter, de manière autonome, de satellites de télécommunications performants est, en particulier, vitale dans ce domaine.
Les technologies du spatial sont aussi, aujourd'hui, à la source d'une meilleure connaissance de notre planète, de la possibilité offerte à l'humanité de mieux maîtriser son environnement et, pour la première fois, de prévoir son avenir.
Elles sont aussi, à plus long terme, la condition d'une l'exploration par l'homme de l'univers - c'est bien là une de ces "nouvelles frontières" de l'humanité.
Au fond, Mesdames et Messieurs c'est le budget du "ministère du futur" que vous examinez aujourd'hui.
Mais si mon ministère prépare l'avenir, c'est bien avec l'ambition de mettre dès aujourd'hui à la disposition de nos entreprises et de nos concitoyens les "outils" les plus innovants et les plus performants; avec l'ambition de nous rapprocher chaque jour un peu plus de ces "nouvelles frontières" - avec la conviction que ce "futur" peut devenir une réalité dès demain.
UN BUDGET VOLONTAIRE MAIS VERTUEUX
Certes, ce budget, n'est pas le plus important de l'Etat par son volume. Mais sa progression traduit la détermination du Gouvernement à assurer à la France les premières places, aussi bien dans le réseau mondial des inforoutes que dans la conquête spatiale.
Avec 10,3 milliards, dont 8,3 milliards sont inscrits au titre du budget civil de recherche et de développement, ce budget progresse de 3,9% par rapport à la loi de finances rectificative de 1995.
Cette progression ne signifie pas pour autant que le Ministère de la poste, des télécommunications et de l'espace se soit abstrait de la priorité que constitue pour le Gouvernement la réduction des déficits publics.
Les importants redéploiements effectués, notamment dans le secteur spatial, en témoignent.
C'est donc un budget volontaire et vertueux que j'ai l'honneur de vous présenter.
Il traduit pleinement les quatre priorités d'action de mon département ministériel :
-promouvoir les nouveaux services et technologies de l'information pour faire entrer la France dans la société de l'information et lui assurer la place qu'elle mérite dans les réseaux mondiaux de l'information ;
-préparer l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications au 1er janvier 1998 ;
-poursuivre les efforts de modernisation et de consolidation du service public postal;
-définir une nouvelle ambition pour notre politique spatiale.
I - LES AUTOROUTES DE L'INFORMATION
Permettez-moi de revenir sur ces quatre ambitions en commençant par la promotion des autoroutes de l'information.
Il s'agit, nous devons tous en être conscients, d'un enjeu économique, industriel, social et culturel considérable. Il s'agit aussi d'un défi que notre pays doit relever dans un contexte complètement nouveau.
Dans une situation qui était encore, il ya quelques années, caractérisée par l'existence de monopoles publics dans le domaine des télécommunications, notre réflexe aurait été, pour répondre à un tel défi, de concevoir un grand plan, à l'image de celui qui nous a permis de passer du téléphone électromagnétique au téléphone électronique ou de celui qui nous a permis de faire du Minitel un outil présent dans la quasi totalité des foyers.
Ces solutions, dans lesquelles il est vrai que notre pays excellait, ne répondent plus aux nouveaux enjeux. Notre action s'inscrit désormais dans un univers fortement concurrentiel où les grands plans étatiques ne peuvent plus satisfaire les besoins de la population et ceux de notre économie.
Le rôle de l'Etat a profondément changé et il faut en prendre acte.
Aussi bien, s'agissant des autoroutes de l'information, ce rôle se résume-t'il aujourd'hui à trois domaines :
- garantir aux acteurs une réglementation qui serve leur dynamisme, qui favorise une concurrence saine et loyale et qui permette le respect des obligations de service public;
- assurer la régulation, du jeu de la concurrence notamment ;
- enfin, inciter à la recherche les entreprises, les services et les collectivités locales qui souhaitent innover.
Tels sont les objectifs du plan "autoroutes de l'information" ou du plan multimédia, qui a été présenté la semaine dernière par le Gouvernement.
LA NECESSITE D'UNE RECHERCHE FORTE
Je voudrais d'abord insister sur l'enjeu que constitue la recherche.
Des deux ans que j'ai passés à la tête du ministère de la recherche, j'ai conçu le sentiment que la recherche n'est pas assez reconnue ni assez considérée dans notre pays.
Qui a d'abord permis à la révolution du numérique de s'accomplir? Les laboratoires des indus- tries qui développent des technologies avec l'objectif qu'elles se traduisent par des applications pratiques pour les habitants de notre pays? Eh bien non: la révolution numérique a d'abord son origine dans les travaux de l'école de mathématiques française, qui est l'une des premières au monde; elle résulte d'abord des travaux du laboratoire du CNRS, du CEA ou de l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique.
C'est pour cela qu'il est indispensable de préserver notre recherche fondamentale. Telle est l'ambition de ce Gouvernement, l'ambition du Président de la République, qui a souhaité que l'enveloppe du budget civil de recherche et développement soit préservée.
1/ LES INCITATIONS FINANCIERES
J'en viens maintenant aux incitations financières à la recherche-développement que nous souhaitons mettre en oeuvre pour favoriser les initiatives des collectivités locales et des entreprises.
C'est dans la continuité de l'appel à propositions lancé par le gouvernement d'Edouard Balladur que le comité interministériel des autoroutes de l'information vient de labelliser 170 projets: ils seront regroupés sur des plates-formes nationales et régionales, non seulement pour expérimenter en vraie grandeur des technologies innovantes mais aussi et surtout pour vérifier, sur une région toute entière, qu'il existe bien une demande solvable, un marché potentiel et pour s'assurer qu'il y a concordance entre l'offre de service et les aspirations de nos concitoyens.
Chaque région de France est concernée au moins par une de ces expérimentations. France Télécom est à l'origine de 11 d'entre elles, les collectivités locales en ont proposé 12, et je voudrais souligner l'importance de leur engagement tout à fait considérable, les entreprises en ont proposé huit et les administrations de l'Etat, deux.
Ces expérimentations correspondent à des projets concrets que certains d'entre vous ont contribué à porter et dont je voudrais citer deux exemples :
* La plate-forme de services proposée par Sophia-Antipolis, qui permettra notamment :
- d'offrir des services d'informations professionnelles et de services marchands pour les entreprises ;
- de mettre en place un parc de bornes interactives multimédia à destination du grand public ;
- de développer des services de travail coopératif avec l'Institut Méditérrannéen d'Etudes des Téléactivités.
* La plate-forme Autoroute de l'Information du département du Rhône qui permettra notamment:
- de tester de nouveaux services interactifs et multimédia sur le câble
- de proposer un certain nombre de services d'intérêt public
- de mettre en oeuvre des applications nouvelles dans le domaine du télé-enseignement, de la télé-presse et de la télé-médecine.
J'insiste sur la politique ainsi mise en oeuvre en matière d'autoroutes de l'information : le Gouvernement ne se lance pas dans un "plan fibre-optique", il suscite et favorise des expérimentations en vraie grandeur destinées à tester la réalité et la solvabilité de la demande plutôt que de décider d'emblée et en aveugle d'investissements lourds et coûteux.
270 Mios de francs sont inscrits dans le projet de loi de finances après son passage à l'Assemblée nationale, contre 50 Mios de francs en 1995, afin de soutenir les projets les plus innovants au moyen d'aides à la recherche et au développement. Sur cette enveloppe, 90 Mios sont réservés aux PME via l'ANVAR.
Cela dit, il ne s'agit pas de se substituer au secteur privé en proposant cette formule: nous réservons en effet la totalité des aides publiques aux dépenses de recherche et de développement, qui seront financées, en moyenne, à hauteur de 35%
Il convient de rappeler que nos concurrents n'ont pas hésité, de leur côté, à consacrer des crédits très importants à ce secteur essentiel: les Etats-Unis mettent chaque année un peu plus de 1 milliard de dollars de crédits publics dans l'aide à la recherche et au développement sur les autoroutes de l'information. Le Canada dépense 500 millions de dollars canadiens et le Québec l'équivalent de 600 millions de francs - pour un pays de 8 millions d'habitants !
Second moyen que le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre pour favoriser le développement des autoroutes de l'information : c'est :
2. L'adaptation du cadre réglementaire
La réalisation de plusieurs des projets que je viens d'évoquer devant vous est actuellement entravée par la législation ou la réglementation résultant de la loi de 1986 sur l'audiovisuel et de la loi de 1990 sur les télécommunications.
Attendre que ces deux lois soient modifiées prendrait du temps. Or nous sommes dans un contexte concurrentiel, et une course de vitesse est engagée entre les grands éditeurs de services en ligne aux Etats-Unis, en Allemagne, en France.
Nous soumettrons donc au parlement, dés le début du mois de janvier, le projet de loi de dérogation qui a été examiné en conseil des ministres le 15 novembre dernier.
Ce texte permettra d'instaurer un régime de licence expérimental et d'échapper au cadre législatif actuel, pour une durée strictement limitée et dans une aire géographique limitée.
Si vous approuvez ces projets et cette méthode, je puis vous affirmer qu'en moins de cinq ans la France sera entrée de plain pied dans la société de l'information, et aux premières places.
La responsabilité du Gouvernement est de préparer notre pays, en particulier l'opérateur national France Télécom, à cette échéance.
Pour ma part, j'entends donner à France Télécom les structures et les moyens d'aborder dans de bonnes conditions l'ouverture à la concurrence et à la compétition internationale.
LA LOI SUR LA REGLEMENTATION DES TELECOMMUNICATIONS ET LE SERVICE PUBLIC
Dans le domaine des télécommunications, la concurrence n'est pas systématiquement ennemie du service public. Elle se traduira par la mise à la disposition de nos concitoyens de services nouveaux et diversifiés, ainsi que, la plupart du temps, par une baisse des tarifs.
Ce que je veux cependant, ce que veut le Gouvernement, à propos de France Telecom, comme d'autres entreprises publiques, c'est le maintien du service public.
C'est parce que le Gouvernement veut maintenir la qualité du service public, du service rendu aux usagers qu'il faut qu'une entreprise comme France Telecom s'adapte à son environnement technologique et concurrentiel.
Maintenir le service public, cela ne veut pas dire figer des structures, cela veut dire maintenir les missions de service public.
France Telecom est une grande entreprise de service public ; chaque citoyen bénéficie chaque jour de ces progrès technologiques.
Mais le monde des télécommunications est en pleine explosion : les besoins des utilisateurs se multiplient et seule la diversité de l'offre peut répondre à la diversité de la demande.
C'est pourquoi l'ouverture à la concurrence des télécommunications au 1/1/98 a été décidée à l'unanimité des pays européens en 1993.
Cette échéance a été décidée, elle est inéluctable ; nous avons le devoir de nous y préparer et nous avons le devoir d'y préparer France Telecom.
L'heure n'est ni à la construction d'une "ligne Maginot" ni au repli sur des positions intenables: peut-on laisser France Telecom aborder un contexte nouveau, affonter la concurrence avec les armes, les moyens du passé ?
NON, bien sûr, car cela serait manquer à nos responsabilités et dans 10 ans, nous serions accusés de ne pas avoir pris les mesures qui s'imposaient, de répeter les erreurs des gouvernements socialistes qui n'ont pas su préparer Air France à l'ouverture à la concurrence du secteur aérien.
Il faut que France Telecom s'adapte et devienne une véritable entreprise pour avoir les moyens d'être un opérateur mondial. Le changement de statut, c'est une chance pour France Telecom parce que cela lui permettra de passer des alliances avec des partenaires internationaux qui lui permettront de garder l'excellence qui est la sienne.
C'est dans cette optique que j'ai soutenu l'alliance avec Deutsche Telekom et j'ai obtenu gain de cause auprès de la Commission.
C'est encore dans cette optique qu'à Washington j'ai soutenu l'alliance avec Sprint et vous verrez dans quinze jours le résultat de cette démarche.
Pour que le service public conserve son sens et soit respecté, encore faut-il que ces services soient accessibles sur l'ensemble du territoire national, et au même prix. La définition du service public à la française que je souhaite mettre au point avec vous, dans le cadre du projet de loi de réglementation qui vous sera soumis, pourrait alors se résumer dans cette formule : péréquation des tarifs, péréquation géographique, mais aussi péréquation sociale.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement a engagé un débat public sur la future loi de réglementation des télécommunications, qui se poursuivra jusqu'au 15 décembre et auquel chacun peut participer. Je présiderai une table ronde qui permettra de tirer les conclusions de ce débat. Puis nous préparerons un projet de loi qui sera présenté à votre assemblée dans le courant du printemps. Nous souhaiterions que les premières licences puissent être délivrées aux nouveaux opérateurs entrant sur le marché à partir du début ou du milieu de l'année 1997, de façon que, le 1er janvier 1998, la concurrence soit une réalité dans notre pays.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, dans un marché extrêmement concurrentiel, l'avenir de France Télécom passe aussi par des alliances stratégiques. Il faut regarder le monde comme il est, et non selon les vieux schémas du passé. Deux géants des télécommunications sont nés. D'un côté, British Telecom s'est allié avec l'américain MCI et, de l'autre côté, le géant ATT s'est allié avec la plupart des opérateurs de téléphone européens dans un groupement qui s'appelle Unisource. La prochaine étape de ces alliances, c'est le dialogue entre ces géants et ceux d'Asie du Sud-Est, qui vont également passer des accords.
Dans ces conditions, France Télécom a eu raison de rechercher des alliances avec Deutsche Telekom et avec l'américain Sprint. Cette alliance est d'autant plus nécessaire que le développement du multimédia va nécessiter des investissements considérables - lesquels sont mieux assumés par ces alliances.
Lorsque j'ai pris mes fonctions au ministère de la Poste, des télécommunications et de l'espace, ce projet d'alliance entre France Télécom et Deutsche Telekom semblait bloqué. La Commission de Bruxelles exprimait les plus vives réticences et il y avait un doute réel sur la volonté du gouvernement allemand de soutenir ce projet jusqu'au bout. Eh bien, en étroite collaboration avec le ministre allemand des postes et télécommunications, avec les présidents des deux opérateurs concernés, nous avons rencontré à trois reprises le commissaire Karel Van Miert. Et nous avons obtenu, la semaine dernière, le feu vert de la Commission pour le projet Atlas.
Cet accord étant acquis, je viens de me rendre aux Etats-Unis pour expliquer la démarche de la France - s'agissant notamment de la libéralisation de notre marché - et pour emporter l'accord des autorités américaines à l'alliance avec Sprint.
Enfin, le Gouvernement considère qu'il est nécessaire de donner à France Télécom le statut d'une véritable entreprise avant le 1er janvier 1998, pour lui permettre d'affronter la compétition avec les mêmes armes que ses concurrents. Ce changement de statut est nécessaire, pour permettre à France Télécom de concrétiser ses alliances stratégiques, de prendre des parts de marchés à l'étranger et d'investir dans les nouvelles technologies.
Toutefois, le Gouvernement a posé deux conditions, qui devront être respectées dans le cadre du à ce changement de statut, parce qu'elles garantissent la mission de service public dévolue à l'entreprise : que son capital demeure majoritairement public et que les agents qui sont fonctionnaires de l'Etat conservent leur statut de fonctionnaire.
J'ai la responsabilité de la méthode pour mener à bien cette réforme. J'ai indiqué que ce changement de statut nécessitait une relance de la dynamique interne à l'entreprise - et c'est le travail de son président, M. Michel BON, qui a toute la confiance du Gouvernement - une clarification de l'environnement concurrentiel et réglementaire - je viens de vous en parler - enfin, une concertation étroite avec les salariés et les représentants du personnel. Celle-ci aura lieu.
La bataille de la consolidation du service public postal passe d'abord par Bruxelles. Je vous dis de la façon la plus solennelle que le Gouvernement français est opposé à toute nouvelle libéralisation du secteur postal. En effet, contrairement au secteur des télécommunications, La Poste est une entreprise de main-d'oeuvre et aucun motif d'ordre technologique ne saurait justifier sa déréglementation.
Aussi, le Gouvernement français s'est-il opposé lors du Conseil du 13 juin dernier, que je présidais, aux projets de la Commission dans ce domaine. Il a obtenu un projet de directive qui maintient dans le champ du monopole jusqu'en l'an 2000, le courrier de moins de 350 grammes et d'un prix inférieur à cinq fois le prix minimum, le publipostage et le courrier transfrontalier.
Le seul danger de ce projet de directive réside dans le fait qu'il prévoit un réexamen de la situation en l'an 2000 par la seule Commission, sans contrôle du Parlement ni du Conseil des ministres. Nous nous sommes opposés à ce processus et continueront à nous y opposer comme nous l'avons fait lors du dernier Conseil des ministres qui s'est tenu le 27 novembre dernier- et nous ne sommes pas les seuls en Europe à vouloir le faire. La procédure de la codécision, c'est-à-dire la consultation du Parlement et du Conseil des Ministres, est nécessaire pour tout réexamen de cette situation.
La Poste est un service public qui est essentiel à la cohésion de la République et j'entends le défendre.
Dans cet esprit, je serai tout particulièrement attentif à ce que le rôle qu'exerce LA POSTE en matière d'aménagement du territoire au travers de ses 17 000 points de contact avec le public puisse être maintenu. Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le Président de LA POSTE a confirmé en juin dernier qu'aucun bureau de poste ne serait fermé d'ici à la fin du contrat de plan. Evidemment,.LA POSTE doit conserver les moyens financiers d'assurer cet engagement.
Consolider les missions de service public de LA POSTE n'empêche toutefois pas, bien au contraire, de les moderniser. C'est notamment vrai du transport et de la distribution de la presse. Cette modernisation constitue tout l'enjeu des négociations quadripartites entre la presse, La Poste, l'Etat et les parlementaires qui ont débuté il y a un mois. Dans l'attente du nouveau cadre relationnel entre la presse et La Poste, les engagements pris par l'Etat dans le cadre du contrat de plan avec La Poste, signé en octobre 1994, seront respectés. C'est la raison pour laquelle il est inscrit dans ce projet de budget 1,9 milliards de francs au titre de l'aide aux transports et à la distribution de presse.
L'Europe spatiale était en panne depuis 1990, c'est-à-dire depuis l'abandon du programme Hermès et des ambitions de l'Europe d'agir seule dans le domaine des vols habités. La conférence de Munich, puis celle de Grenade se sont terminées sur un échec. A la veille de la conférence qui s'est réunie à Toulouse, la plupart des observateurs annonçaient l'éclatement programmé de l'Europe spatiale. En effet, l'engagement de l'Allemagne en faveur du projet de station mondiale, la station Alpha, et le refus de la France et d'autres pays de s'y associer n'auraient pas manqué de se traduire par la remise en cause des programmes scientifiques qui font le ciment de l'Agence et par la remise en cause du programme des lanceurs, c'est-à-dire du programme Ariane 5. C'est en réalité l'existence même de l'agence européenne qui était mise en cause et, à travers elle, l'existence de l'Europe dans la politique spatiale.
En 1994, le Premier Ministre de l'époque, M. Edouard BALLADUR, m'avait chargé d'une mission de réflexion sur l'espace dans une perspective à long terme. Dans le cadre de cette mission, j'ai pu identifier la cause profonde de la crise de l'Agence spatiale européenne. En réalité, cette crise est essentiellement due à l'absence de concertation en amont entre la France et l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle, dès le mois de juin dernier, je me suis attaché à rapprocher les points de vue des gouvernements français et allemand, ce qui a permis de parvenir à un accord à Toulouse.
Je vous rappelle que cet accord permet de maintenir la priorité donnée aux lanceurs, l'Europe conservant ainsi son indépendance en matière d'accès à l'espace. Il permet aussi de participer de manière raisonnable à la station Alpha et de maintenir les programmes scientifiques nationaux, dont je disais tout à l'heure qu'ils sont le ciment de cette Agence, qui réunit quatorze pays, mais dont très peu sont intéressés par les vols habités et les lanceurs.
Ce succès à Toulouse a été salué par tous les observateurs européens. Il permet à la France, avec un budget du C.N.E.S. en augmentation de 6,5 % pour 1996, de conduire une politique spatiale articulée autour des trois priorités définies par le Président de la République et fondée sur un équilibre, au sein du budget du C.N.E.S., entre les programmes nationaux, qui concourent à notre compétitivité industrielle, et les programmes européens, qui préparent l'avenir.
La première de ces priorités, c'est l'indépendance européenne dans l'accès à l'espace avec le développement du lanceur lourd Ariane 5.
Depuis 15 ans, nous disposons, avec le programme Ariane, d'une autonomie dans l'accès à l'espace qui nous a permis de récupérer 60 % du marché des lancements de satellites commerciaux : nous sommes les leaders mondiaux dans ce domaine. Mais une telle situation pourrait ne pas durer, car nous devons faire face à une concurrence extrêmement vive : une concurrence russe, qui est beaucoup plus vive que par le passé ; une concurrence chinoise, qui apparaît ; une concurrence japonaise qui est programmée. C'est dire si nous avons besoin, pour maintenir notre place dans la compétition internationale, de ce lanceur Ariane 5, qui est plus lourd, mais aussi globalement plus économique, et qui permettra de placer dans l'espace des tonnages plus importants pour un coût réduit.
Pour que le développement d'Ariane 5 se poursuive normalement, trois conditions doivent être remplies.
La première implique une participation gouvernementale renforcée au maintien opérationnel de l'infrastructure de production et de lancement. En effet, nous sommes sur un marché où les Américains, les Russes et les Chinois utilisent des infrastructures militaires et se servent de crédits militaires pour financer les bases de lancement et les usines de production, alors que nous, nous sommes dans un système complètement civil et totalement concurrentiel.
La deuxième condition, c'est un accompagnement technologique du lanceur en phase d'exploitation, afin d'en garantir la fiabilité.
La troisième condition, enfin, consiste en un développement de la première version évoluée du lanceur, afin de maintenir sa compétitivité face aux évolutions du marché. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé trois programmes complémentaires Ariane 5 à Toulouse.
Au total, en 1996, le C.N.E.S. ne consacrera pas moins de 2,7 milliards à la filière Ariane à travers sa contribution à l'Agence, dont 440 millions pour les nouveaux programmes Ariane 5 engagés en 1996 et pour les coûts supplémentaires liés aux aléas que nous avons rencontrés dans le développement du moteur.
Deuxième priorité : le maintien de la place de l'Europe dans le domaine des vols habités.
La question que nous nous sommes posée pendant plusieurs mois et que beaucoup se posent encore est la suivante : fallait-il "monter" dans la station spatiale internationale ? Ma réponse est oui, et ce pour trois raisons.
D'abord, parce que c'est le premier programme mondial en matière de conquête spatiale. En outre, je considère qu'un programme spatial aussi ambitieux, qui réunit à la fin de la période de la guerre froide les Etats-Unis, la Russie, le Japon, le Canada et, désormais, l'Europe, a une signification politique que nous ne pouvons pas négliger.
Ensuite, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que notre refus de participer à la station aurait conduit à l'éclatement e l'Europe spatiale.
Enfin, parce que, en participant à la station, nous allons acquérir des compétences dans le domaine des vols habités, compétences qui seront utiles pour nos propres programmes en matière d'exploration de l'univers, qui serviront surtout à notre industrie et qui permettront de soutenir nos technologies.
Fallait-il "monter" dans cette station à n'importe quel prix ? Je réponds non. L'Europe tout entière participe à hauteur de 5,7 % de l'ensemble du programme, ce qui n'est pas considérable. Sur ce pourcentage, la France a pris à sa charge 27,6 %, soit 2,6 milliards pour la période 1996-2002. Nous avons obtenu des retombées industrielles considérables pour notre pays, puisque la France fabriquera le cargo automatique - l'ATV, c'est-à-dire l'Automatic transfer vehicle - qui reliera la Terre à la station et construira, si la décision de le réaliser est confirmée, le véhicule de transport d'équipage : le CTV, c'est-à-dire le Crew transfer vehicule.
Ces deux véhicules seront transportés par la fusée Ariane 5, qui, par ailleurs, sera utilisée pour assurer la participation de l'Europe aux frais de fonctionnement de la station : nous ne donnerons pas un centime à la NASA, nous la paierons en vols d'Ariane 5.
Enfin, dernière priorité dans le domaine spatial : les programmes nationaux.
Contrairement à ce qui s'est dit et écrit ici ou là, les décisions prises à Toulouse n'impliquent nullement le sacrifice de nos programmes nationaux. J'ai tenu, en accord avec le Président de la République et avec le Premier Ministre, à maintenir les équilibres entre les programmes européens et les programmes nationaux par rapport aux années précédentes.
Je crois en effet qu'une politique nationale volontariste est nécessaire pour maintenir les compétences scientifiques et techniques du C.N.E.S.,
- pour garantir un fort taux de retour des programmes européens à nos industriels et
- pour fournir un appui à ceux-ci dans le domaine hautement compétitif des satellites de télécommunications - c'est ce que permettra le programme Stentor qui sera doté de 350 millions de crédits en 1996. Enfin, pour consacrer une place de premier plan dans l'observation de la terre, nous poursuivrons le programme Spot 5, qui bénéficiera de 300 millions en 1996 contre 250 millions en 1995.
Nous sommes parvenus à un équilibre délicat : pour cela nous avons dû demander au C.N.E.S. et aux industriels de faire preuve de beaucoup de rigueur dans la gestion de leurs programmes. La même demande a d'ailleurs été adressée à l'E.S.A. pour certains programmes dont le coût avait dérivé dangereusement, comme le programme Artemis. En définitive, c'est en économisant 1 700 millions sur les programmes européens et 900 millions sur les programmes nationaux, sur la période 1996-2002, que nous avons pu financer la participation de la France à la station spatiale.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, la France, nous le savons tous, est engagée dans une révolution à l'échelle mondiale, qui va bouleverser notre relation au travail, notre horizon culturel, tous les aspects de notre vie quotidienne. Cette révolution, c'est celle des technologies de l'information, et l'espace y jouera un rôle clé.
Ces mutations, nous devons impérativement les comprendre, les accompagner et les mettre au service de la France, de ses entreprises, de ses citoyens.
Il y va de l'emploi de demain. Il y va des perspectives d'avenir de notre jeunesse.
Il y va du rayonnement de notre pays, de la diffusion à travers le monde de nos produits, de notre culture, de notre langue.
Car c'est de la place qu'occupera la France dans le réseau mondial des inforoutes que dépendront sa puissance et son rang au XXI siècle.