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Extraits du rapport d'activité de la direction générale des postes et télécommunications (DGPT) publié en juin 1995.
CHAPITRE 8
Vers une réforme de la gestion des fréquences
Des ondes pour tous
Les fréquences radioélectriques sont un bien collectif, limité. Or les besoins de fréquences ne cessent de croître. Du radiotéléphone au satellite, les télécommunications hertziennes se multiplient au bénéfice du public. Les médias mettent en valeur le nomadisme de l'usager actuel et cette ubiquité que nos contemporains attendent de la communication : cet engouement témoigne mieux que toutes les études de marché, de l'appétit de notre société pour la communication sans fil.
Cependant les télécommunications civiles sont loin d'être les seuls utilisateurs du spectre. La défense nationale et l'audiovisuel sont de très grands consommateurs de bandes, et aussi quantité d'autres acteurs moins gourmands mais pour lesquels la radio est un instrument de travail indispensable par exemple pour la navigation aérienne, la recherche spatiale, ou encore la radioastronomie.
Répartition des fréquences par utilisateurs, en France
1. Bande 30-960 MHz
CSA (audiovisuel) : 41%
Forces Armées : 29%
DGPT (télécommunications civiles) : 12%
bandes partagées CSA/DGPT : 5%
bandes partagées CSA/Forces Armées : 5%
Autres utilisateurs (Intérieur, Météo, Aviation Civile, ..) : 8,5%
1. Bande 960-3400 MHz
Forces Armées : 21,5%
bandes partagées Aviation Civile/Forces Armées : 17%
DGPT (télécommunications civiles) : 9,5%
CSA (audiovisuel) : 3%
Autres utilisateurs et bandes partagées : 48%
Tous ces utilisateurs doivent cohabiter et l'on voit de plus en plus de systèmes se partager une même bande de fréquence grâce à des procédures complexes de coordination et des calculs savants de compatibilité. Ces procédures de partage du spectre sont élaborées par des organisations internationales comme l'UIT et doivent être reprises, à un niveau plus fin, par les administrations nationales. Elles requièrent des analyses techniques sophistiquées afin d'améliorer toujours davantage le rendement du spectre.
Une nouvelle organisation est souhaitable en France
Dans cette course à l'efficacité, la France a pris du retard. Son organisation actuelle, bâtie autour d'un comité de coordination des télécommunications, le CCT, qui anime de nombreuses concertations interministérielles, n'est plus adaptée. Les enjeux sont trop grands et l'évolution technique trop rapide pour que de simples comités d'experts, réunis de loin en loin, puissent faire face à la tâche. Cette situation a été mise en évidence de longue date, à travers des rapports successifs, qui n'avaient malheureusement pas eu de suites.
Cependant, en 1994, le dossier a progressé, dans la ligne d'un nouveau rapport, déposé en février par Pierre Huet, Conseiller d'Etat.
Comme mesure principale, ce rapport préconise la création, sur le modèle britannique, d'une agence de gestion des fréquences radioélectriques, capable d'animer la réflexion sur l'emploi des fréquences, au bénéfice de l'ensemble des utilisateurs et de mener à bien les tâches techniques de gestion, de plus en plus complexes, associées au partage des fréquences disponibles.
Parallèlement, le rapport propose d'étendre à tous les utilisateurs de fréquences une redevance d'usage du spectre, considéré comme patrimoine de l'Etat, mis à disposition des utilisateurs. Cette proposition vise aussi à introduire davantage de rationalité économique dans l'utilisation de supports radioélectriques. En effet, à ce jour, seuls les gestionnaires de réseaux de télécommunications autorisés au titre des articles L33-1 et L33-2 du code des PTT, paient l'usage de leurs fréquences. Ce sont les réseaux ouverts au public comme par exemple les réseaux de radiotéléphone GSM de France Télécom et SFR, ou les réseaux indépendants comme ceux d'EDF ou encore les milliers de réseaux d'ambulanciers, dépanneurs ou transports en commun. La grande majorité des autres utilisateurs : défense, audiovisuel, administrations diverses, ne paient pas, ce qui ne les incite pas à être économes des fréquences. Les montants financiers ainsi récupérés devraient permettre le fonctionnement de l'agence et la constitution d'un fonds d'aménagement du spectre qui contribuerait à aider les utilisateurs à redéployer leurs installations dans des bandes mieux adaptées. En l'absence d'un tel fonds d'usage général, la DGPT est actuellement amenée à organiser au cas par cas des compensations financières. C'est ainsi qu'elle a engagé la réorganisation de la bande des 400 MHz.
Vers une Agence de gestion du spectre ?
Sitôt remis au Premier ministre, le rapport Huet a suscité une intense concertation interministérielle. Le sujet est en effet de la plus haute importance pour tous les gestionnaires de fréquences, les ministères, mais aussi le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Tout en étant convaincu de l'intérêt collectif du projet, chacun a souhaité voir préserver ses responsabilités et notamment celles que lui confère la loi.
A l'automne 94, cette concertation a débouché sur un texte qui propose la création d'une agence, établissement public administratif placé sous la double tutelle du premier ministre et du ministère du Budget. Il s'agit, par ces tutelles, d'affirmer le caractère interministériel de cette entité nouvelle, dont le conseil d'administration réunirait essentiellement des représentants des ministères utilisateurs et du CSA.
L'agence devrait mener deux types d'activités :
- des activités à caractère interministériel : prospective, planification, études d'ingénierie, action internationale et autres, dont elle serait statutairement en charge,
- des activités opérationnelles qui lui seraient confiées, sous convention, par des ministères ou autres entités extérieures souhaitant bénéficier de son expertise et de ses moyens. Ainsi le ministère chargé des télécommunications souhaite-t-il confier à l'agence les activités qui sont aujourd'hui celles du Service national des radiocommunications, le SNR.
Ce projet est complété par une esquisse de définition de la redevance généralisée. Sur la base du tableau national des fréquences, qui répartit le spectre entre grands utilisateurs, des scénarios ont été analysés qui simulent ce que pourrait être la contribution financière de chaque utilisateur. Le modèle de référence est une redevance proportionnelle à la bande de fréquence allouée, avec une dégressivité, fonction de la fréquence centrale, pour les bandes situées au-dessus de 1 GHz. Ce modèle semble donner satisfaction à la plupart des utilisateurs.
Si l'agence voit le jour, la contribution de la Direction Générale des Postes et Télécommunications y sera importante. C'est pourquoi des concertations approfondies ont eu lieu avec les agents susceptibles d'être concernés par cette création et qui pourraient être amenés à rejoindre l'agence. C'est en particulier le cas du service national des radiocommunications et des personnels de la DGPT en charge de la gestion des fréquences.
L'ensemble de ces travaux a fait l'objet de plusieurs exposés publics auprès des acteurs des télécommunications et particulièrement au SIRCOM, le salon professionnel des radiocommunications. L'accueil de ces propositions par le secteur a été très largement positif, dans la mesure où il correspond à l'attente générale d'une gestion plus dynamique du spectre.
Les outils informatiques de la DGPT
Dans le cadre des structures actuelles, la DGPT a fait progresser ses propres outils de gestion. C'est ainsi que le Système Informatique des Radiocommunications (SIR), est entré en service en 1994. Construit sur une architecture répartie, il comporte treize serveurs Unix-Oracle installés tant à la DGPT que dans les centres régionaux du SNR sur l'ensemble du territoire national. Ces ordinateurs qui supportent fichiers et applications, sont accessibles à travers deux cents postes de travail, articulés sur des réseaux locaux Ethernet. L'ensemble des sites sont interconnectés par les réseaux Transpac et Transfix de France Télécom.
L'année 1994 a vu la mise en service de l'application "Réseaux" qui permet de gérer les réseaux radioélectriques indépendants, et de l'application "Coordination" qui permet d'instruire les procédures internationales de partage de fréquences, entre réseaux situés au voisinage des frontières. Par ailleurs, l'application "Réseaux" constitue, avec l'application "Safari", une chaîne cohérente qui permet d'établir les factures de redevance d'usage du spectre dues par les exploitants de réseaux indépendants autorisés. L'application "Safari" ayant été également recettée en 1994, la facturation des réseaux indépendants va être lancée en 1995.
1994 a vu aussi des progrès dans le déploiement des outils de contrôle de spectre. Plus de trente stations, réparties sur le territoire national, sont désormais opérationnelles et sont progressivement équipées d'un matériel plus performant, de seconde génération. Complétées par des centres mobiles, ces stations qui sont télécommandées depuis les services régionaux des radiocommunications, permettent une observation efficace du spectre hertzien et de son utilisation sur le territoire.
Ces outils puissants sont mis à profit, de manière spectaculaire, dans des opérations exceptionnelles. Ainsi, en 1994, les cérémonies commémoratives du débarquement en Normandie ont-elles mobilisé, sous l'autorité du CCT, la plupart des moyens de contrôle du spectre ainsi que les bases de données du Système d'Information des Radiocommunications (SIR) qui contiennent toutes les informations relatives aux stations de radiocommunication autorisées. Par le jeu combiné de ces moyens, l'espace radioélectrique a été nettoyé, les utilisateurs abusifs ayant été repérés et ayant dû cesser d'émettre. Des plans de fréquence opérationnels pour toutes les émissions temporaires des services de sécurité et des médias ont été également établis avec l'aide de l'informatique.
Le "nettoyage" des bandes de fréquences à l'occasion des cérémonies de commémoration du 50· anniversaire des débarquements en Normandie et en Provence: un inventaire à la Prévert !
Postes sans fil non agréés, radios privées utilisant des faisceaux hertzien non autorisés, réseaux privés pirates, émetteurs TV non déclarés, micro HF non déclarés, fréquences GSM non déclarées,... : les agents chargés de la coordination interministérielle de l'utilisation du spectre hertzien (parmi lesquels des équipes de la DGPT et du SNR) à l'occasion des cérémonies du 50· anniversaire des débarquements alliés en France ont du faire le "ménage" du spectre.
Au total, les instruments de la DGPT ont fait la preuve de leur maturité et pourront constituer le coeur des systèmes d'information de l'agence. Leur qualité retient l'attention des pays qui souhaitent mettre en oeuvre des outils modernes de gestion du spectre. C'est ainsi que de nombreuses missions d'experts étrangers sont venues s'informer des réalisations françaises et plusieurs ingénieurs de la DGPT sont allés aider des administrations étrangères à définir leurs projets.
LA COMMISSION EXECUTIVE D'ASSIGNATION DES FREQUENCES
(CAF)
Organe exécutif de la commission mixte des fréquences, la CAF -dont le secrétariat et la présidence, relèvent de la DGPT- est chargée de l'assignation des fréquences (autorisation d'usage délivrée canal par canal) à l'ensemble des utilisateurs du spectre reconnus au niveau national dans toutes les bandes partagées, de l'enregistrement de ces assignations dans le fichier national des fréquences (récapitulant 120 000 assignations et plus de 220 000 "liaisons" radioélectriques) et, éventuellement dans le fichier international des fréquences (application de la procédure de "notification") tenu à jour par le Bureau des Radiocommunications de l'UIT, ainsi que du traitement des plaintes en brouillage entre utilisateurs nationaux.
Activités d'assignation et d'enregistrement des fréquences
La CAF, qui siège mensuellement, a tenu en 1994 onze séances au cours desquelles :
- 14 068 assignations de fréquences ont été inscrites au fichier national pour les services de terre
- 34 demandes de coordination de stations terriennes étrangères vis-à-vis des services de terre français ainsi que 2 demandes de coordination de réseaux à satellites français en projet ont été examinées.
- 22 114 assignations de fréquences, correspondant aux conclusions (favorables, ou défavorables) données par le Bureau des Radiocommunications de l'UIT aux assignations notifiées ou ayant fait l'objet de représentation sur insistance ont été examinées. Les conclusions, qui confèrent un statut international aux assignations ont été par ailleurs intégrées dans le fichier national des fréquences.
La mise à jour du fichier national (traitement des assignations antérieures à 1965 par exemple) a été poursuivie. Elle a concerné en 1994 près de 80 000 assignations.
Un groupe de travail chargé de traiter les problèmes de brouillages entre utilisateurs nationaux a été mis en place : il a procédé à un inventaire quantitatif et qualitatif des brouillages et a élaboré un formulaire de dépôt de plainte.
Activités à caractère réglementaire
Le secrétariat de la CAF a élaboré des procédures d'application des dispositions réglementaires prévues au préambule du tableau national de répartition des fréquences publié sous forme d'arrêté en date du 19.10.1994. Celles-ci se rapportent :
- à la procédure de coordination des fréquences au niveau national
- au traitement des assignations de fréquences correspondant à des utilisations en dérogation de service
- au traitement des assignations correspondant à une limite de bande de fréquences
Le secrétariat de la CAF a élaboré des contributions relatives aux procédures de coordination internationale des fréquences dans le cadre de la préparation de la conférence mondiale des radiocommunications (CMR-1995) chargée notamment d'examiner le rapport du Groupe Volontaire d'Expert (GVE) relatif à la simplification du règlement des radiocommunications.
Informatisation de la gestion des fréquences
Le secrétariat de la CAF a élaboré un projet de cahier des charges en vue d'informatiser le traitement de la circulaire hebdomadaire publiée par le Bureau des Radiocommunications de l'UIT (document adressé chaque semaine aux administrations membres) par laquelle le BR porte à la connaissance de celles-ci les conclusions (favorables ou défavorables) apportées par ses soins aux assignations notifiées.
Le SNR et la gestion des fréquences
Quelques chiffres pour 1994
La gestion opérationnelle des réseaux radioélectriques indépendants est assurée par le service national des radiocommunications (SNR).
- Au 31 décembre 1994 le SNR gérait, sur l'application "Réseaux" du Système d'information des radiocommunications (SIR), un total de 79 503 réseaux, dont 67 472 réseaux actifs.
- Les agents chargés du contrôle administratif des réseaux ont effectué de l'ordre de 7 000 contrôles de conformité pour des créations, modifications ou annulations. Ils ont instruit 930 dossiers de brouillage et en ont résolu 833.
Les contrôles de commercialisation ont permis de relever près de 4 000 appareils en infraction et les agents habilités ont dressé plus de 160 procès-verbaux.
- Les services régionaux ont fait passer plus de 2 000 examens de radioamateurs.
- Le réseau de contrôle du spectre comportait 31 stations à la fin de l'année. Ces stations sont télécommandées depuis les services régionaux des radiocommunications (SRR). En 1994, le contrôle du spectre a été utilisé pendant 7 000 heures dont 3 600 heures de balayage automatique des zones de couverture.
- Le SNR assure la gestion administrative de 32 réseaux à ressources partagées déployés sur 184 sites qui disposent en moyenne de 5 canaux par site et supportent 35 terminaux par canal. Depuis la mise en service de l'application "Coordination" en juin 1994, il instruit les demandes de coordination relatives aux réseaux de télécommunication.
Chapitre IX
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