télécommunicationsaudiovisuelespacesecteur postaltechnologies de l'info

Extraits du rapport d'activité de la direction générale des postes et télécommunications (DGPT) publié en juin 1995.

CHAPITRE 5

La concurrence loyale : à la recherche du bon équilibre

L'ouverture progressive et, au terme de 1998, totale du secteur des télécommunications à la concurrence nécessite la mise en oeuvre d'une régulation complète et équilibrée.

Cette régulation, qui doit à la fois assurer le bon accomplissement des missions de service public fortement attachées à ce secteur et favoriser le développement sur le marché de nouveaux acteurs, tourne autour de deux axes principaux.

Premier axe de la régulation : les modalités d'accès aux prestations de France Télécom qui détient des droits exclusifs pour une partie de ses activités (téléphonie vocale et infrastructures destinées aux réseaux filaires). Le cadre de ces modalités est fixé par les directives européennes dites "ONP" (Open Network Provision ou fourniture d'un réseau ouvert) transposées en droit français par la DGPT, autorité de réglementation nationale des télécommunications.

Le deuxième axe concerne la régulation de la concurrence. Le secteur des télécommunications est soumis au droit commun de la concurrence, et la DGPT s'est vue confier par la loi la mission de veiller au respect d'une concurrence loyale entre France Télécom et ses concurrents.

1. Le cadre de l'action de la DGPT

1.1. Les principes

  1. 1.1. Le droit commun de la concurrence et notamment la notion d'abus de position dominante

Le secteur des télécommunications, comme l'ensemble des activités économiques, est régi, du point de vue de la concurrence, par l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Ce sont notamment le titre III, intitulé "Des pratiques anticoncurrentielles", et ses articles 7 et 8, prohibant les ententes et l'exploitation abusive d'une position dominante, qui trouvent à s'appliquer plus particulièrement dans ce secteur.

De ce fait, la compétence du Conseil de la Concurrence et des tribunaux de droit commun s'exerce de façon pleine et entière.

Par ailleurs, les activités de télécommunications sont également soumises au droit communautaire et en particulier aux articles 85 et 86 du Traité de Rome, relatifs aux ententes et aux abus de position dominante. Les conditions d'application de ces articles sont fournis dans le règlement 17/62 du Conseil, en date du 6 février 1962. Ainsi, les litiges peuvent être déférés devant la Commission de l'Union européenne (DG IV). Le deuxième degré de juridiction est exercé par la Cour de Justice de l'Union européenne.

  1. 1.2. Les principes de régulation du secteur des télécommunications, notamment les principes de l'ONP

Au delà des principes généraux du droit de la concurrence, des dispositions particulières s'appliquent au secteur des télécommunications. Ces dispositions sont issues de la directive ONP-cadre (Open Network Provision ou fourniture d'un réseau ouvert), qui oblige l'opérateur "historique" de télécommunications à mettre son réseau à la disposition de tous les fournisseurs de services ouverts à la concurrence dans des conditions "transparentes, objectives et non discriminatoires".

En effet, dans tous les pays d'Europe, cet opérateur - qu'il soit public ou privé et qu'il détienne ou non un monopole sur les infrastructures publiques - est le seul à disposer aujourd'hui d'un vaste réseau au maillage dense. Ainsi, pour proposer des services de télécommunications, les entreprises doivent utiliser, dans la plupart des cas, le réseau de l'opérateur dominant, lui même fournisseur de services : les concurrents sont donc aussi les clients de cet opérateur.

La directive ONP-cadre a été déclinée pour préciser les conditions d'application à l'offre de liaisons louées (directive ONP-liaisons louées), aux transmissions de données par paquets (recommandation Paquets) et au RNIS (recommandation RNIS).

Ces dispositions, transposées en droit national en particulier par la loi sur la réglementation des télécommunications (LRT) du 29 décembre 1990 et par des décrets d'application, visent donc à garantir que les concurrents de France Télécom aient accès à son réseau sans distorsion de concurrence, à la fois d'un point de vue technique et tarifaire, par rapport aux conditions que France Télécom se fait à lui-même ou à ses filiales. L'article L 32.1.4. du code des postes et télécommunications, reprenant la terminologie de l'ONP, dispose que l'accès au réseau public doit être "assuré dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires".

1.2. Les missions

  1. 2.1. Une mission confiée par la loi à la DGPT

Si la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) du ministère de l'Economie exerce, en matière de concurrence, une compétence générale de contrôle, la LRT confie au ministre chargé des télécommunications, et donc à la DGPT, la mission de veiller au respect d'une concurrence loyale, notamment entre France Télécom et ses concurrents.

C'est sur la base des éléments de droit national et communautaire décrits ci-dessus que la DGPT exerce cette compétence.

Pour mettre concrètement en oeuvre cette compétence, et effectuer des analyses comparatives des conditions d'offres de services, la DGPT peut mener des "investigations", auprès de tous les acteurs du secteurs des télécommunications.

De plus, l'article 11 du cahier des charges de France Télécom confie à la DGPT une mission d'arbitrage pour déterminer les droits d'interconnexion entre France Télécom et ses concurrents, en cas de désaccord entre les parties.

  1. 2.2. Deux démarches complémentaires

Veiller au respect d'une concurrence loyale : cette mission s'exerce à la fois a priori, par des actions préventives, et a posteriori lorsque la DGPT intervient à la demande de concurrents qui s'estiment victimes de pratiques anticoncurrentielles de la part d'autres entreprises (et notamment, mais pas exclusivement, de la part de France Télécom) .

Démarche préventive

LES LIGNES DIRECTRICES EN MATIERE DE CONCURRENCE LOYALE

En mars 1994, un document intitulé "Intervention de France Télécom dans le secteur concurrentiel" a été publié par la DGPT en annexe à la synthèse de la consultation publique consacrée à l'évolution de la réglementation des télécommunications (ce document est disponible sur demande à la DGPT : n· Fax : (1) 43 19 65 34).

Ce document définit un cadre général au mode d'intervention de France Télécom, notamment au différents stades de son action commerciale, destiné à "gommer" les avantages concurrentiels découlant de ses droits réservés. Le résumé des propositions, issues de la concertation et qui ont servi de référence à l'action de la DGPT depuis lors, sont reproduites ci-après.

ACTION COMMERCIALE

A. Les informations dont dispose France Télécom et leurs utilisations

  • Veiller à l'utilisation des fichiers conformément à leur finalités.
  • Séparer techniquement les fichiers en fonction des activités concernées.
  • Veiller à ce que les tiers accèdent aux informations disponibles dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
  • Interdire l'utilisation des fichiers d'informations détenues au titre du monopole pour faire de la prospection sur les services en concurrence.
  • Interdire à France Télécom de démarcher les abonnés inscrits sur liste orange.
  • Permettre l'accès des éditeurs d'annuaires à la liste orange.

B. Publicité et image du groupe

  • Répercuter les coûts publicitaires à chaque ligne de produit.
  • Etablir des brochures publicitaires distinctes pour les services réservés et les services en concurrence.
  • Distinguer l'appellation commerciale d'un produit (ou service) et sa dénomination générique.
  • Mentionner sur les documents publicitaires le caractère concurrentiel des produits ou services concernés.
  • Interdire l'insertion de publicités sur les services en concurrence dans les supports liés au monopole (factures téléphonique, cabines publiques)
  • Interdire l'envoi de publicité aux abonnés inscrits en liste orange

C. Les pratiques commerciales

  • Distinguer le rôle d'expert et de soumissionnaire de France Télécom dans les marchés publics.
  • Veiller à ce que les activités d'expertise respectent les conditions d'une concurrence loyale lorsque France Télécom intervient dans les marchés privés.
  • Distinguer dans le cadre d'offres globales les prestations et les informations relatives aux services et produits proposés, (selon qu'ils relèvent du secteur réservé ou du secteur en concurrence).
  • Distinguer les produits et services en concurrence dans l'offre, les fichiers de prospects, les documents ou messages publicitaires, le circuit de distribution, l'établissement des études et devis préalables.
  • Mentionner le caractère concurrentiel des produits et services sur l'ensemble des supports commerciaux situés dans les agences commerciales ou tout autre lieu.
  • Etablir des factures matériellement distinctes pour les produits ou services en concurrence.
  • Appliquer les principes de transparence comptable aux agences commerciales de France Télécom.

LE COMPORTEMENT DE L'ENTREPRISE

  • Diffuser un guide à l'attention des agents commerciaux de France Télécom, portant en particulier sur une information générale sur le droit de la concurrence, sur les pratiques à éviter à l'occasion des campagnes publicitaires, sur les conditions d'utilisation des informations détenues par France Télécom et sur les conditions d'une offre globale.
  • Supprimer la mention "annuaire officiel" portée sur les éditions de l'exploitant public.
  • Informer sur les évolutions du réseau public ou des services réservés de France Télécom.
  • Développer la concertation entre les partenaires.

En outre, cette consultation, dont la synthèse a été publiée en mars 1994 a fait apparaître la nécessité de mesurer l'intervention de France Télécom en secteur concurrentiel et d'en publier les résultats.

Une telle mesure a pour but de rétablir une plus grande symétrie de l'information entre France Télécom et ses concurrents ; elle nécessite de pouvoir d'une part, appréhender l'activité des différents segments du marché des télécommunications et d'autre part, évaluer l'activité de France Télécom sur ces segments de marché. Il s'agit de préciser les modalités d'intervention de l'opérateur public sur les marchés considérés, en faisant ressortir ses caractéristiques (taille, ancienneté, nombre et structure des entreprises en présence, effectifs, chiffre d'affaires global,...).

Un premier travail de réflexion a permis de définir le périmètre sur lequel porterait cette mesure du marché. Il a par ailleurs mis en évidence certaines difficultés de réalisation, concernant la collecte et la publication des données : la diversité des sources, le caractère parcellaire et hétérogène des données et la question de leur utilisation dans un objectif de publication. L'année 1995 devrait apporter une concrétisation de ce projet, du moins pour une partie des marchés considérés, par exemple l'installation en téléphonie privée, la télématique écrite et vocale, et le secteur des sociétés de services informatiques (SSII).

Démarche a posteriori

La démarche effectuée par ces entreprises devant la DGPT est différente d'un recours de type contentieux, pour lequel les juridictions judiciaires et le Conseil de la Concurrence sont compétents. L'intervention du régulateur a pour but d'assurer, dans des délais raisonnables, le rétablissement des conditions de concurrence loyale, lorsqu'il s'avère que les griefs soulevés par les entreprises sont fondés. En effet, dans un secteur où la concurrence est en émergence, certains nouveaux entrants sont "fragiles" et les délais induits par des recours devant les juridictions compétentes peuvent être trop longs pour garantir leur pérennité. On peut toutefois signaler que le recours en référé a pu être porteur de solutions satisfaisantes et rapides pour le plaignant.

2. Les actions menées dans le courant de 1994

Les cas qui ont été soumis à la DGPT ont permis, à partir des principes énoncés ci-dessus, d'analyser et de proposer des solutions pour qu'il soit mis fin à certaines pratiques contraires au respect des principes de concurrence loyale. Ces cas ne sont pas ici présentés individuellement, afin de préserver la confidentialité de certaines informations, mais selon une typologie qui permet d'identifier les différentes catégories de problèmes soulevés :

2.1. Les pratiques de commercialisation et de publicité

Deux dossiers qui lui ont été soumis ont permis à la DGPT de rétablir des conditions de concurrence plus loyale. Ces dossiers concernaient des services à valeur ajoutée offerts sur le réseau public commuté, à savoir un service de téléréunion et un service de messagerie vocale.

2.1.1. La prise en compte des coûts de commercialisation

Pour le premier de ces cas, le concurrent de France Télécom faisait valoir que les prix pratiqués par France Télécom pour son service de téléréunion, étaient anormalement bas aussi bien par rapport à ses propres coûts qu'en fonction de comparaisons internationales. De ce fait, l'émergence d'une véritable concurrence sur ce segment de marché était pratiquement interdite.

Tarif de services de téléréunion au premier trimestre 1994

en francs par minute, hors coût des communications téléphoniques (taux de change du 16.02.94)

ATT

2.35

MCI

2.35

BT

0.87

DBT Telekom

4.25 *

Nederland telekom

1.10

Televerket Suède

2.92

Televerket Norvège

1.52

Telecom Finland

2.1

France Télécom

0.67 **

* coût des communications inclus

** : réduction tarifaire supplémentaire de 30 % au delà d'une consommation de 1200 francs hors taxe par mois.


L'examen de ce dossier par la DGPT a fait apparaître que les prix pratiqués par France Télécom pouvaient effectivement être considérés comme des "prix d'éviction", c'est à dire des prix ne permettant pas à un concurrent de se maintenir sur le marché. En particulier, la rémunération du réseau commercial - et donc les coûts de commercialisation du service de téléréunion de France Télécom - étaient nettement sous-évalués.

Une nouvelle évaluation, conforme à la vérité des coûts, et leur prise en compte dans l'élaboration des prix a conduit France Télécom à augmenter son tarif qui se situe désormais légèrement en dessous de la moyenne internationale pour des services équivalents. La DGPT a demandé à France Télécom et à son concurrent de dresser un bilan de leur activité et de leurs résultats au début et au milieu de l'année 1995, afin que puisse être apprécié l'effet de ces mesures sur le développement du marché de la téléréunion, encore restreint en France.

2.1.2. Les pratiques publicitaires

Par ailleurs, un encart publicitaire pour son service de téléréunion figurait dans les pages "Infos" de toutes les éditions d'annuaires de France Télécom. Cet encart publicitaire était considéré comme de "l'info-service" (et non comme de la publicité) par France Télécom, et ne faisait donc pas l'objet d'une rémunération à ce titre auprès de l'Office d'Annonces (ODA), la régie publicitaire des annuaires de France Télécom.

La DGPT a demandé que, pour l'ensemble des produits en concurrence, et en particulier pour le service de téléréunion, ces encarts, considérés comme de l'information par France Télécom, soient considérés comme de la publicité, et à ce titre, valorisés selon les tarifs en vigueur à l'ODA. La DGPT a constaté que, dans certains cas et dans celui de la téléréunion en particulier, France Télécom a préféré supprimer la mention de services en concurrence dans ces pages "Infos" des annuaires.

Un cas identique (publicité pour une activité concurrentielle non valorisée comme telle et utilisant un support relevant du monopole) s'est présenté dans le dossier concernant la fourniture par une entreprise privée d'un service de messagerie vocale concurrent du service Mémophone de France Télécom. En l'occurrence, ce service était mentionné à la fois dans les pages "Infos" des annuaires et dans toutes les cabines publiques de France Télécom. France Télécom a opté pour la même solution que dans le cas de la téléréunion, en décidant de ne plus faire apparaître la mention de ce service dans les supports liés à son monopole.

En outre, France Télécom s'engage à faire mention, dans ses supports publicitaires, du caractère concurrentiel de ses services lorsque cela est le cas.

Enfin, une autre affaire de publicité a donné lieu, sur plainte de la Société Française de Radiotéléphone (SFR), à un jugement en référé devant le tribunal d'instance de Paris. S'appuyant notamment sur les travaux de la DGPT, le juge a condamné l'utilisation, par France Télécom, des factures téléphoniques pour faire de la publicité pour Itinéris, le service de radiotéléphone GSM de France Télécom, concurrent du service de la SFR.

2.2. Les conditions techniques et financières d'accès aux prestations de France Télécom (réseaux et services)

Les réclamations soumises à la DGPT mettaient en cause le non respect par France Télécom de l'un des principes de l'ONP : l'égalité d'accès au réseau.

Certains de ses concurrents lui ont reproché de ne pas fournir les éléments de réseau nécessaires à leur service dans des conditions identiques à celles que France Télécom pratique pour ses propres services ou ceux de ses filiales. Il s'agit, selon le cas, de liaisons louées, de ressources spatiales, de points d'interconnexion avec le réseau commuté,... Les réclamations des concurrents portaient aussi bien sur des aspects tarifaires que techniques.

France Télécom a ensuite intégré dans son catalogue des prix, par décision tarifaire, les conditions de fourniture de service accordées dans le cadre d'offres globales. Il a ainsi pratiqué une régularisation a posteriori. France Télécom n'en a pas moins bénéficié d'un avantage concurrentiel indu, puisqu'au moment même de l'offre ces nouvelles conditions n'étaient pas disponibles pour la concurrence. La DGPT lui a signifié qu'une telle pratique n'était pas acceptable.

Fournir des services en dessous des prix du catalogue peut aboutir à financer des services en concurrence par des ressources issues du monopole : il s'agit alors de "subventions croisées", pratique qui caractérise une distorsion de concurrence entre France Télécom et ses concurrents.

LES OFFRES SUR MESURE DE LIAISONS LOUEES

La seule dérogation possible, pour France Télécom, à l'obligation de fournir des services dans des conditions générales accessibles à tous, concerne les liaisons louées. L'article D 371 du décret du 28 juillet, qui transpose en droit français la directive ONP-liaisons louées, précise en effet que "lorsqu'il est conduit à fournir, à la demande d'un utilisateur déterminé, une liaison louée correspondant à des caractéristiques particulières, l'exploitant public informe l'autorité réglementaire des conditions financières et techniques de cette offre. L'autorité réglementaire peut alors, en fonction de la demande du marché, demander à l'exploitant public de rendre publiques les conditions de mise à disposition de ces liaisons".

En application de cet article, et à la demande de la DGPT, France Télécom a inscrit à son catalogue de 1995 les conditions techniques et tarifaires de son offre de liaisons à 34 Mbps.

La consultation publique relative aux liaisons louées conduite par la DGPT en 1994 a fait apparaître que le principe même des offres sur mesure de liaisons louées n'était pas remis en cause par les utilisateurs. Cependant les utilisateurs, dans leur majorité, souhaitent que cette opportunité -pour France Télécom et les utilisateurs- soit assortie d'une plus grande transparence et d'une meilleure visibilité pour les clients et les concurrents. En particulier, ils contestent que ces offres sur mesure puissent constituer un moyen de pratiquer des réductions tarifaires non transparentes sur des produits figurant au catalogue. Par ailleurs, la DGPT s'engage à publier annuellement les conditions techniques et tarifaires de ces offres, sous une forme compatible avec le secret des affaires.

Ainsi, au cours de l'année 1994, France Télécom a notifié à la DGPT une seule offre sur mesure, concernant un ensemble de liaisons louées à très haut débit, dont les caractéristiques sont les suivantes :

"Réseau informatique à fibre optique en anneau FFDI, reliant trois sites éloignés d'environ 300 mètres, d'une capacité de 100 Mbps, dans le cadre d'un contrat de 3 ans. Le prix se compose des frais initiaux (186.000 F HT) et d'une redevance mensuelle (75.025 FHT)."

2.2.1. Les conditions financières d'accès au réseau de France Télécom

Deux dossiers ont été soumis à la DGPT, mettant en cause les conditions financières d'accès au réseau de France Télécom. Ces deux dossiers sont de nature différente dans la mesure où la compétence de la DGPT en la matière découle, pour l'un, de façon explicite des termes d'une autorisation de service et, pour l'autre, de ses compétences générales en matière de concurrence issues du code des postes et télécommunications.

COLISEE : ANALYSE REGLEMENTAIRE

L'offre Colisée de France Télécom consiste en deux services différents, relevant tous deux du régime concurrentiel, dans la mesure où il s'agit de services distincts du service téléphonique tel que défini dans la directive "services" de 1990, à savoir "l'exploitation pour le public du transport direct et de la commutation en temps réel au départ et à destination des points de terminaison du réseau public commuté"(RTCP).

L'offre Colisée dite "on-net" ou "interne-interne", qu'elle soit nationale ou internationale, est constituée exclusivement à partir de liaisons louées reliées à un commutateur dédié dit "commutateur Rivage" : elle est donc réservée à un groupe fermé d'utilisateurs (GFU). L'offre dite "off-net" ou "interne-externe" (qui n'existe qu'à l'international et dans la relation de la métropole vers les départements d'outre-mer) relie le client au réseau public commuté international par des accès dédiés (liaisons louées et commutateur Rivage), et non par le RTCP.

Dans la mesure où il s'agit d'un service en concurrence, France Télécom doit respecter des conditions de concurrence loyale impliquant une égalité technique et tarifaire de traitement de ses concurrents. C'est pourquoi ces derniers doivent avoir accès aux mêmes "briques de base", dans des conditions identiques à celles que France Télécom pratique pour ses propres services.

Au cours des échanges d'informations qui ont eu lieu avec la DGPT, les concurrents ont fait valoir que, pour fournir un service équivalent, ils ont obligatoirement recours aux liaisons louées de France Télécom aux tarifs "catalogue". Dans la mesure où le prix de la liaison louée dépend en grande partie de sa longueur, les concurrents ne peuvent fournir, à des tarifs attractifs, des services de réseaux privés virtuels qu'à des clients situés dans un périmètre restreint autour de leur commutateur. Or, on constate que France Télécom, quant à lui, détient une clientèle située sur l'ensemble du territoire national, alors que les commutateurs dédiés à Colisée sont tous situés dans un même lieu de la région parisienne. Pour constituer son service, France Télécom utilise donc un grand nombre de liaisons louées de grande distance, sans que cela affecte ses tarifs.

France Télécom a reconnu que son service Colisée serait nettement déficitaire si les liaisons louées étaient valorisées à leur tarif commercial publié au catalogue des prix. Dans le même temps, il a fait valoir que le service Colisée avait été conçu à un moment où il était le seul intervenant sur le marché : la question de la concurrence loyale ne se posait alors pas. Cette affaire a constitué, pour la DGPT, une forte incitation à la baisse du tarif des liaisons louées de France Télécom (voir chapitre 6), baisse dont les premiers effets se feront sentir pour tous les utilisateurs dès 1995.

Dans la mesure où une nouvelle offre (Transgroupe) se substituera peu à peu au service Colisée tel qu'il est fourni actuellement, la DGPT a décidé de porter ses efforts de clarification sur les services futurs et notamment de faire en sorte que les nouvelles modalités de ces services respectent scrupuleusement les principes de concurrence loyale. L'apurement des déficits passés sera reporté sur la nouvelle offre Transgroupe.

VERS UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DES TARIFS DE TRANSPAC

La DGPT a été confrontée à une autre question portant sur les tarifs : il s'agit des tarifs de services supports fournis par Transpac.

A la suite d'un appel d'offre émis par une entreprise, Transpac a remporté le marché en proposant à son client des réductions supérieures à celles figurant à son catalogue de prix. Une entreprise qui avait répondu à ce même appel d'offre, mais en proposant une solution VSAT, a porté l'affaire devant la DGPT.

Transpac bénéficie de la même liberté tarifaire que ses concurrents pour la fixation des tarifs de services supports. Néanmoins, la filiale de France Télécom est soumise, par sa licence, à certaines obligations particulières quant aux modalités de fixation et de publication de ses tarifs

C'est pourquoi la DGPT a demandé à Transpac d'apporter au document de publication des tarifs de plus grandes précisions quant aux volumes et aux durées de contrat donnant droit à des réductions supplémentaires, ainsi qu'aux fourchettes de réductions proposées. Les grands utilisateurs seront consultés afin de déterminer quel degré de précision est souhaitable pour ménager souplesse et transparence des tarifs.Cette mesure permettra une égalité de traitement des clients, qu'il s'agisse d'un client final ou d'une entreprise concurrente de Transpac pour laquelle les services de Transpac constitueraient une des "briques de base" de son offre.

2.2.2. Les conditions techniques d'accès au réseau de France Télécom

La question de l'égalité d'accès au réseau de France Télécom, envisagée d'un point de vue technique, entraîne parfois une action de plus long terme : en effet, elle peut rendre nécessaire des aménagements du réseau, physiques, organisationnels ou logiciels. L'année 1994 a d'ores et déjà vu se concrétiser plusieurs avancées, alors que d'autres questions, plus complexes, sont encore en cours d'examen.

La DGPT a demandé à France Télécom de rétablir des conditions de concurrence loyale. L'opérateur public a proposé deux séries de mesures adaptées à cet objectif, qui ont été acceptées par le régulateur. Premièrement, il a converti son service en un véritable service Audiotel, tant en ce qui concerne de la tarification que l'accès (hors la numérotation qui lui reste spécifique).

En deuxième lieu, il a supprimé toutes les restrictions d'accès existantes. Désormais l'ensemble des services Audiotel peut être joint à partir de toutes les catégories de terminaux (postes téléphoniques, cabines publiques à carte et à pièces, utilisation des cartes France Télécom en lecture directe ou indirecte). Une seule restriction a été maintenue pour l'utilisation des télécartes et des cartes France Télécom en lecture directe pour le palier Audiotel 36 70 ; France Télécom justifie le maintien de cette restriction par des problèmes déontologiques soulevés : en effet, la rémunération élevée - grâce au système de paiement partiel au forfait - a attiré un grand nombre de services dérogeant aux règles déontologiques annexées aux contrats télématiques. La DGPT a engagé l'entreprise qui l'avait saisie à porter cette question devant le Conseil Supérieur de la Télématique, compétent en matière de principes de déontologie télématique.

Les accès directs à Transpac via le canal D avaient été mis en place en 1992, période où Transpac était le seul fournisseur de ce type de services. Fin 1993, quelques 2000 accès directs avaient été installés. Fin 1994, ce nombre avait été multiplié par 10, représentant environ 20% du nombre total des accès. La possibilité donnée à Transpac d'offrir ce mode d'accès constituait donc un facteur déterminant de son développement et contribuait à déséquilibrer le marché, au détriment de la concurrence.

A la demande de la DGPT, France Télécom s'est engagé à mettre le Canal D à la disposition des fournisseurs de services de transmission de données autorisés qui lui en feraient la demande, l'intervention du régulateur n'étant prévue, au cas par cas, que dans l'hypothèse où les parties ne parviendraient pas à un accord sur les modalités de cet accès.

2.3. L'installation en téléphonie privée ou le risque de déséquilibre d'un marché

Le marché de l'installation en téléphonie privée concerne l'installation des matériels, par exemple les PABX, nécessitant l'intervention d' "installateurs admis". Il présente des caractéristiques particulières. En effet, sur ce segment du marché, France Télécom fait figure de nouvel entrant, face aux acteurs traditionnels qui sont les constructeurs de matériels de télécommunications et les installateurs indépendants.

La stratégie de France Télécom, qui vise à renforcer sa position sur ce segment de marché, l'a conduit à adopter une attitude plus offensive que par le passé, d'une part en restructurant cette activité, jusque là dispersée au sein du groupe, et d'autre part en procédant à l'acquisition de plusieurs installateurs indépendants. Dans un premier temps, France Télécom a acquis deux entreprises importantes (Cofratel et Sogestel), réalisant chacune un chiffre d'affaires annuel d'environ 500 millions de francs. Cette politique s'est poursuivie par le rachat, d'un plus grand nombre d'entreprises, d'envergure plus modeste, dont le chiffre d'affaires annuel est de l'ordre de quelques millions de francs par an. Ainsi, la part de marché de France Télécom est passée, en trois ans, de moins de 10 % à environ 20 %. Pour autant, France Télécom ne se trouve pas en position dominante sur ce marché, où les constructeurs occupent une place prépondérante (pouvant aller jusqu'à 60 ou 70% du marché).

Cette expansion nouvelle de France Télécom sur le marché de l'installation a provoqué l'inquiétude des installateurs indépendants qui s'est exprimée par la voix de leur syndicat professionnel, la FICOME : elle craint de voir encore leur part de marché se restreindre. C'est dans ce contexte qu'un "moratoire" a été conclu entre le ministère chargé des télécommunications et la Direction Générale de France Télécom, afin que France Télécom renonce à toute opération significative d'acquisition.

La DGPT suit avec attention l'évolution de ce marché. Pour l'instant la solution (adoptée dans le cas d'EDF) de "cantonner" l'activité de France Télécom n'a pas été retenue, France Télécom étant habilitée par la loi à exercer toute sorte d'activités relevant du secteur des télécommunications. Toutefois, une poursuite de la concentration de cette activité au sein de France Télécom pourrait donner lieu à un contrôle de concentration, conformément au droit commun de la concurrence.

LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS

Deux séries de textes autorisent l'intervention des pouvoirs publics en cas de modification du périmètre de France Télécom, l'un spécifique à cette entreprise publique, l'autre s'appliquant de façon générale en cas de concentration à toute entreprise économique.

L'article 32 du cahier des charges de France Télécom : si France Télécom est autorisé à détenir ou à créer, prendre ou céder des participations, l'approbation préalable du ministère chargé des télécommunications et du ministère chargé de l'économie est requise lorsque le seuil de ces opérations est supérieur à 300 millions de francs.

L'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence fixe un double seuil alternatif qui impose l'intervention a priori du ministère de l'Economie, lui même étant habilité à saisir pour avis le Conseil de la Concurrence. Les entreprises concernées par des prises de participations doivent, soit avoir ensemble une activité qui couvre plus de 25 % du marché national ou d'une partie substantielle de celui-ci, soit totaliser un chiffre d'affaire annuel de plus de 7 milliards de francs hors taxe, deux d'entre elles devant réaliser un chiffre d'affaire d'au moins 2 milliards. Le bien-fondé de cette concentration est alors examiné au regard d'une "contribution suffisante au progrès économique pour compenser les atteintes à la concurrence".

Pour l'instant, aucun de ces seuils n'a été atteint en ce qui concerne le marché de l'installation en télécommunications. Quant aux seuils fixés par le droit européen pour justifier une intervention similaire de la Commission, ils sont supérieurs aux seuils fixés en droit national.

Pour mieux apprécier l'effet sur le marché de l'installation en téléphonie privée des mouvements qui ont affecté ce secteur depuis quelques mois, la DGPT a décidé de mesurer - et de publier - les effets de l'intervention de France Télécom sur ce marché, les parts de marché des autres intervenants ainsi que les modalités d'intervention propres à chacune de ces catégories. Une étude sera donc réalisée par un expert indépendant au cours de l'année 1995, dont les résultats permettront notamment de savoir si les seuils autorisant les instances en charge de la concurrence à intervenir sont atteints.

Chapitre VI

forum communiqués de presse lois et rapports agenda

© Secrétariat d'Etat à l'industrie - France