COMMISSION DES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES SUR LA SECURITE ET LA SANTE DANS LES INDUSTRIES EXTRACTIVES
Médecine occidentale et vision chinoise
Exposés et débats du 18 novembre 1999
1ère partie  : La médecine occidentale  
Sommaire
 
 
LA REHABILITATION RESPIRATOIRE
 
J-C . PUJET
 

La réhabilitation respiratoire, qui est individualisée depuis plus de 20 ans, et est source d’une multiplication de publications scientifiques dans les meilleures revues, se propose d’agir de façon personnalisée sur l’ensemble  des facteurs qui, chez un malade donné, conduisent à l’essoufflement (dyspnée), à la réduction des activités physiques (périmètre de marche…) et à l’altération de la qualité de vie.

La perspective de cet «art médical» est double :

Améliorer les scores physiologiques et psychologiques :

- Paramètres mécaniques ventilatoires et musculaires …
- Paramètres cognitifs : attention, mémoire, capacités intellectuelles…
- Paramètres émotionnels : anxiété, dépression, déni, résignation…

 Adapter le patient au handicap physique en intervenant dans son comportement face à la maladie et en l’aidant à se fixer de nouvelles normes de santé.
Il s’agit d’un programme multidisciplinaire intégrant l’éducation, l’aide à l’arrêt du tabac, la prise en charge psychosociale, la kinésithérapie respiratoire, la prise en charge nutritionnelle et surtout le ré-entraînement à l’exercice.
 

Population concernée :

Il s’agit de malades, souvent âgés de 50 à 80 ans, présentant une dyspnée à l’effort qui limite leurs activités quotidiennes, et ce malgré un traitement pharmacologique maximal :

- 7% Ne peuvent ni se laver, ni se vêtir,
- 25% Ne peuvent ni faire leurs courses, ni bricoler,
- 31% Ne peuvent utiliser aucun moyen de transport public,
- 80% sont incapables de prendre des vacances…

Dans cette population, on retrouve essentiellement des patients porteurs d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) (par bronchite--tabagique++ ou d’origine professionnelle--), emphysème - primitif ou secondaire-, avec parfois une petite participation asthmatique, mais aussi des patients avec des bronchectasies, des cyphoscolioses, des paralysies diaphragmatiques -après chirurgie cardiaque-, des séquelles importantes de tuberculose…

Globalement il s’agit de patients avec un trouble ventilatoire obstructif notable : VEMS compris entre  50 et 30% des valeurs théoriques, ou un trouble restrictif d’au moins 40%.
 
 

Education :

Elle a pour but d’améliorer la connaissance et l’autogestion de la maladie en incluant l’observance des traitements et le mode de vie, dans un objectif d’autonomie aussi grande que possible.
Elle doit permettre aussi d’améliorer l’estime de soi, de renforcer les affects positifs tout en réduisant la sensation de handicap, et de mieux gérer les symptômes dont font partie non seulement la dyspnée, mais aussi l’anxiété et la dépression.
 

Kinésithérapie respiratoire :

Le drainage bronchique pour les malades avec hypersécrétion bronchique : toux contrôlée avec augmentation du flux expiratoire,
Ventilation à lèvres pincées, ventilation thorax penché en avant, synergie thoracoabdominale
Apprentissage de « l’économie d’énergie » dans la vie quotidienne.
 

Prise en charge nutritionnelle :

Il existe dans les BPCO deux situations aux effets délétères sur la tolérance à l’exercice :

- Dénutrition liée à l’hyper métabolisme des muscles ventilatoires, limitant globalement la performance musculaire, qui justifie une supplémentation calorique prolongée par voie orale correspondant à une augmentation d’au moins 30% des apports caloriques
- Surcharges pondérales, frein à la tolérance à l’exercice, qui justifie une restriction équilibrée et permanente de l’apport calorique tout en respectant la masse musculaire.
 

Réentraînement à l’exercice :

Il agit essentiellement par le biais du reconditionnement musculaire qui déplace le seuil de passage des muscles en métabolisme anaérobie vers des exercices de plus en plus importants.
Le ré entraînement privilégie l’action sur les muscles périphériques plutôt que sur les muscles respiratoires. Il s’agit d’un entraînement utilisant la marche en terrains divers, le vélo, la natation et la rame…la gymnastique en petit groupe. Son efficacité est vérifiée pour des programmes comprenant 2 à 4 séances (30 à 45 minutes, avec une intensité limitée au seuil d’apparition de la dyspnée) durant 4 à 6 mois en centres spécialisés (ambulatoires plutôt qu’hospitaliers) avec poursuite du travail  à domicile par la constitution d’un coin de gymnastique dans l’habitation. En effet, l’amélioration ne persiste que si l’entraînement à domicile est poursuivi de façon au moins  bi-hebdomadaire, toute la vie. 

Chez les malades, les plus sévères (désaturants à l’effort ou en permanence) l’administration d’oxygène accroît les possibilités du ré-entraînement  en retardant la fatigue diaphragmatique et en évitant tout risque d’insuffisance cardiaque droite.

Les résultats :

Il a été objectivé :

- Une amélioration de la qualité de vie dans ses différentes dimensions : mobilité physique, tonus, énergie-fatigue, réactions émotionnelles, sommeil, isolement social, perception de l’état de santé générale,
- Une diminution du recours aux soins (visites d’urgence,  hospitalisations, réanimations),
- Une diminution  des besoins ventilatoires et de la sensation de dyspnée pour un effort donné, améliorant la tolérance et la performance à l’exercice (par exemple, évaluées par des tests de marche mesurés sur 6 ou 12 minutes -épreuve de Mc Gavin-),
- Par contre la fonction ventilatoire et les gaz du sang demeurent inchangés, au mieux stables pour plusieurs années au lieu de se dégrader annuellement.
 

Le coût de la réhabilitation respiratoire :

Ces programmes réduisent :

- Le nombre annuel des jours d’hospitalisation,
- Et pour les 10% de patients qui ont encore une activité professionnelle, le nombre de jours d’arrêt de travail.
 

Les limites :

Bien que nous ayons institué un tel programme dès 1975 dans notre Centre de Santé spécialisé dans les affections respiratoires, et depuis lors largement participé à la formation de nos collègues pneumologues, les centres de réhabilitation respiratoire sont encore trop peu nombreux  et essentiellement d’initiative privée. Leur développement est limité par l’absence de nomenclature et donc de tarification, contrairement à la réhabilitation des insuffisants coronariens dont nous avons aussi  une grande pratique. Néanmoins le mouvement est en marche puisque se tiendra en mars 2000, à Lille, le quatrième congrès international sur cette thérapeutique applicable aux insuffisants respiratoires et aux insuffisants cardiaques.
 

Conclusions :

La réhabilitation respiratoire est le meilleur traitement de l’insuffisance respiratoire chronique, dès que le patient se plaint d’une dyspnée notable à l’exercice.
Elle permet, mieux que les médicaments broncho-dilatateurs et corticoïdes, mieux que l’oxygénothérapie, d’accroître l’activité physique et donc sociale et relationnelle de la vie quotidienne, et donc la qualité de vie des malades.


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