Livre VII, III. - Le Rat qui s'est retiré du monde. Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain Rat, las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude était profonde, S'étendant partout a la ronde. Notre ermite nouveau subsistait la dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert: que faut-il davantage? Il devint gros et gras: Dieu prodigue ses biens A ceux qui font voeu d'être siens. Un jour, au dévot personnage, Des députés du peuple rat S'en vinrent demander quelque aumône légère: Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat; Ratapolis était bloquée: On les avait contraints de partir sans argent, Attendu L'état indigent De la république attaquée. Ils demandaient fort peu, certain que le secours Serait prêt dans quatre ou cinq jours. "Mes amis, dit le Solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus: En quoi peut un pauvre reclus Vous assister? que peut-il faire Que de prier le Ciel qu'il vous aide en ceci? J'espère qu'il aura de vous quelque souci." Ayant parle de cette sorte, La nouveau saint ferma sa porte. Que désigné-je, à votre avis, Par ce Rat si peu secourable? Un moine? Non, mais un dervis: Je suppose qu'un moine est toujours charitable. Jean de la Fontaine.