J.O. 37 du 13 février 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décision n° 2007-0089 du 30 janvier 2007 portant sur la levée de la régulation du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national


NOR : ARTT0700009S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (« lignes directrices ») ;

Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (« CPCE »), et notamment ses articles L. 32-1, L. 36-7, L. 37-1, L. 38, D. 301 à D. 312 ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, ci-après dénommée « France Télécom » ;

Vu la décision no 2005-0275 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;

Vu la décision no 2005-0277 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ;

Vu la décision no 2005-0278 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;

Vu la décision no 2005-0280 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional ;

Vu les observations de la Commission en date du 26 juillet 2005 portant sur le projet de décision notifié relatif à sur la définition du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations qui lui sont imposées ;

Vu la décision no 2005-0281 de l'Autorité en date du 28 juillet 2005 portant sur la définition du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations qui lui sont imposées ;

Vu la décision no 2005-0834 de l'Autorité en date du 15 décembre 2005 définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total ;

Vu la décision no 2006-0432 de l'Autorité en date du 25 avril 2006 relative à la mise en place d'un questionnaire visant la collecte d'informations nécessaires à l'application de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu la décision no 2006-1007 de l'Autorité en date du 7 décembre 2006 portant sur les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, lancée le 20 juillet 2006 et clôturée le 4 septembre 2006 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence en date du 25 septembre 2006 ;

Vu les éléments complémentaires transmis au Conseil de la concurrence le 6 octobre 2006 ;

Vu l'avis no 06-A-21 du Conseil de la concurrence en date du 17 novembre 2006 ;

Vu la notification relative à l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales des autres Etats membres de l'Union européenne en date du 7 décembre 2006 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 18 janvier 2007 reçues à l'Autorité le 19 janvier 2007 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national lancée le 7 décembre 2006 et clôturée le 20 janvier 2007 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Après en avoir délibéré le 30 janvier 2007,



I. - Introduction


Dans sa décision no 2005-0281 du 28 juillet 2005 susvisée, l'Autorité a déclaré pertinent le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national. Conformément au considérant 9 de la recommandation de la Commission relative à l'analyse des « marchés pertinents », l'Autorité a vérifié que les trois critères cumulatifs suivants étaient bien remplis pour ce marché non listé dans la recommandation :

- existence de « barrières élevées et non provisoires à l'entrée, qu'elles soient de nature structurelle, légale ou réglementaire » ;

- prise en compte des seuls « marchés dont la structure ne présage pas d'évolution vers une situation de concurrence effective » ;

et

- « incapacité du droit de la concurrence à remédier à lui seul à la ou aux défaillances concernées du marché ».

Le périmètre du marché correspondait au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et à Mayotte.

Ce marché comprenait les offres de gros d'accès large bande DSL livrées au niveau national, indépendamment du type de clientèle finale visée et de l'interface de livraison (IP ou ATM). Par « point de livraison national », on entend un point dont la zone arrière est l'ensemble du territoire national et au niveau duquel un fournisseur d'accès à internet peut se faire livrer la totalité des flux de ses clients, de métropole ou des départements d'outre-mer.

Ces offres étaient, au moment de l'adoption de la décision no 2005-0281, vendues par deux opérateurs, France Télécom et Neuf Cegetel, ce dernier construisant ses accès à partir du dégroupage ou des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional.

Par ailleurs, l'Autorité a estimé que France Télécom exerçait une influence significative sur le marché des offres de gros livrées au niveau national, compte tenu notamment des effets d'échelle dont elle bénéficiait et de son intégration verticale qui lui permettait de faire jouer des effets de levier entre les différents marchés de détail et de gros.


I.-A. - Le dispositif de régulation ex ante

applicable précédemment


Le dispositif de régulation ex ante du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national a été défini par l'Autorité dans sa décision no 2005-0281.

L'Autorité avait alors considéré :

- que France Télécom devait se voir imposer les obligations de ne pas pratiquer des tarifs d'éviction, de non-discrimination, de séparation comptable et de comptabilisation des coûts des prestations d'accès : ces deux dernières obligations sont précisées dans le projet de décision de l'Autorité susvisé relatif aux obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom ;

- que l'obligation d'homologation tarifaire en vigueur dans l'ancien cadre pouvait être levée ;

- qu'il était nécessaire que France Télécom formalise et tienne à jour, sous forme de protocoles, les conditions techniques et tarifaires des prestations de services internes entre la ou les entités opérant les réseaux de communications électroniques nécessaires à la fourniture de services haut débit sur le marché résidentiel et la ou les entités assurant les fonctions traditionnellement assurées par les fournisseurs d'accès à internet ; qu'elle transmette ces protocoles à l'Autorité et les tienne, le cas échéant, à disposition des autorités de concurrence.

Le dispositif ainsi défini constituait un allégement significatif des contraintes réglementaires précédemment en vigueur. Il permettait de maintenir un mécanisme transitoire visant à décourager d'éventuels comportements anticoncurrentiels de l'opérateur historique et, le cas échéant, à les détecter.

I.-B. - Une nécessaire révision de l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national

Dans ses commentaires sur le projet de décision no 2005-0281 qui lui avait été notifié le 27 juin 2005, la Commission européenne a considéré que lorsque « les obligations sur le dégroupage et les produits d'accès large bande livrés au niveau régional [seraient] proprement mises en oeuvre et en particulier la séparation comptable, la régulation proposée [...] ne [serait] plus nécessaire ». Considérant les « incertitudes liées à l'évolution des conditions de marché au-delà des prochains douze mois et l'effet des remèdes amont une fois proprement mis en oeuvre », elle a alors invité l'Autorité :

(i) « à assurer la mise en oeuvre complète et effective des obligations existantes sur le dégroupage et les produits d'accès large bande livrés au niveau régional aussitôt que possible ;

(ii) à s'engager à revoir [l'analyse du marché] dès que l'entrée en vigueur des remèdes cités ci-dessus en (i) est complètement assurée, et ce au plus tard dans l'année qui suit l'adoption de la mesure finale résultant de cette notification ;

et

(iii) de limiter en conséquence la validité des obligations proposées dans le [...] projet de mesure ».

Compte tenu de ces observations, l'Autorité a limité la portée de sa décision no 2005-0281 à un an à compter du jour de sa notification à France Télécom après publication au Journal officiel de la République française, soit jusqu'au 23 septembre 2006.

L'Autorité se doit donc de procéder au réexamen de l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national. Après avoir analysé les données fournies par les opérateurs dans le cadre des réponses au questionnaire visant la collecte des informations nécessaires à l'application de l'article L. 37-1 du CPCE, mis en place pour l'année 2005 par la décision no 2006-0432 de l'Autorité en date du 25 avril 2006, l'Autorité a soumis à consultation publique, entre le 20 juillet 2006 et le 4 septembre 2006, un projet de décision visant à lever le dispositif de régulation ex ante sur ce marché.

Dans ce cadre, elle a reçu différentes contributions de la part d'opérateurs (France Télécom, Tele2 France) et de l'association AFORST, ainsi qu'une contribution sous la forme d'une lettre d'une page d'un opérateur qui l'a estimée couverte par le secret des affaires. Ces contributions sont publiées sur le site internet de l'Autorité, à l'exception des parties couvertes par le secret des affaires, et ont été prises en compte dans la rédaction du présent projet de décision. L'Autorité a également reçu les contributions de trois consommateurs.

Le 25 septembre 2006, après avoir pris en compte l'ensemble des contributions adressées par les acteurs à l'occasion de la consultation précitée, l'Autorité a transmis pour avis au Conseil de la concurrence, dans le respect des dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, son projet de décision portant sur la levée de la régulation du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national.

Après avoir pris en compte les remarques du Conseil de la concurrence, l'Autorité a établi un projet de décision en vue de sa notification à la Commission européenne le 7 décembre 2006, ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne. Ce projet a également été soumis en parallèle à consultation publique du 7 décembre 2006 au 20 janvier 2007.

Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaires sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre l'informant qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur l'analyse présentée par l'Autorité du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national.

Enfin, l'Autorité a reçu une contribution de France Télécom en réponse à la consultation publique menée en parallèle de cette notification. Cette contribution n'a pas mis en évidence de faits nouveaux par rapport aux éléments transmis par les acteurs à l'occasion des précédentes consultations publiques, et n'a ainsi pas mené l'Autorité à faire évoluer sensiblement son analyse.


I.-C. - Les évolutions constatées

sur le marché du haut débit depuis dix-huit mois

Sur les marchés de détail :

un marché toujours dynamique


Depuis juillet 2005, le marché du haut débit a continué d'être dynamique. Du 30 juin 2005 au 30 septembre 2006, le nombre d'abonnés haut débit a progressé de 49 %. Au 30 septembre 2006, on dénombrait ainsi plus de 11,8 millions d'accès haut débit, dont 11,1 millions via le DSL et 650 000 par câble. La technologie DSL est restée prépondérante et représentait fin septembre 2006 près de 95 % des accès haut débit.

La Commission européenne, dans son XIe rapport publié le 20 février 2006, a souligné que les tarifs observés sur le marché français demeurent parmi les plus attractifs d'Europe alors que dans le même temps les débits maxima théoriques sont en augmentation et les services se multiplient.

Selon les chiffres publiés par l'ECTA pour le premier trimestre 2006, au 1er mars 2006, la France se classait au deuxième rang en termes de nombre d'accès au sein de l'Europe des 25.

Désormais, les principaux FAI proposent des offres incluant l'accès à internet, la téléphonie illimitée et la télévision, lorsque celle-ci est disponible. Chacun de ces opérateurs distribue son propre bouquet de chaînes et propose l'accès à des offres de télévision payante. En outre, des offres de vidéo à la demande sont désormais disponibles chez la plupart des FAI.

Depuis 2005, une des évolutions les plus marquantes a été l'essor des offres basées sur le dégroupage total permettant aux abonnés de s'affranchir de toute relation commerciale avec France Télécom et qui représentent désormais la quasi-totalité des commandes passées auprès des opérateurs alternatifs en zones dégroupées. Depuis l'été 2006, l'apparition des offres d'ADSL nu permet également aux consommateurs en zones non dégroupées de s'affranchir de l'abonnement analogique.




La diminution de la taille relative du marché des offres de gros d'accès large bande

livrées au niveau national et l'évolution des parts de marché des acteurs


L'Autorité relève que la taille relative du marché objet de la présente analyse, au sein des marchés de gros du haut débit en DSL, continue de décroître. Il représentait environ 13 % des accès ADSL au 1er juillet 2006, contre 18 % au 1er janvier 2005 et 34 % un an plus tôt.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution depuis dix-huit mois du nombre d'accès vendus sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national et de leur part relative au sein des marchés de gros du haut débit en DSL.


=============================================
Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
en bas du document, dans l'encart "version PDF"
JO no 37 du 13/02/2007 texte numéro 161
=============================================





La diminution du poids relatif de ce marché résulte du mouvement d'intégration verticale observé sur les marchés du haut débit, ainsi que du développement du dégroupage et des offres d'accès large bande livrées au niveau régional.

L'Autorité observe par ailleurs que la part de marché de l'opérateur historique a significativement baissé au cours des deux dernières années sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national : en volume, elle est de l'ordre de 36 % à la fin du premier semestre 2006, contre 42 % en décembre 2004 et 91 % en décembre 2003.

Ces parts de marché sont cependant susceptibles d'être fortement affectées par toute opération de concentration dans le secteur des communications électroniques ou toute entrée d'un nouvel acteur sur ce marché.

En particulier, l'absorption de l'activité internet d'AOL France par Neuf Cegetel conduit mécaniquement à une hausse de la part de marché de France Télécom et à une réduction importante de la taille du marché libre des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national. A contrario, la commercialisation par Darty depuis le 31 octobre 2006 d'offres haut débit utilisant l'offre d'accès large bande livrée au niveau national de Completel devrait tendre, au contraire, à la réduire.

La forte dépendance des parts de marché des acteurs aux éventuels mouvements de concentration sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national est révélatrice de la diminution du poids relatif de ce marché au sein des marchés de gros du haut débit. Elle rend peu pertinente une analyse en parts de marché.

L'analyse de l'Autorité concluant à la levée de la régulation sur ce marché se fonde donc essentiellement sur d'autres éléments. Elle se base notamment sur le développement d'une concurrence effective, sur la mise en oeuvre effective de la régulation sur les marchés du dégroupage et des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional et sur la capacité du droit de la concurrence à résoudre les défaillances du marché.


II. - Analyse de l'Autorité


L'Autorité observe que les caractéristiques du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national ont significativement évolué depuis fin juillet 2005. Il apparaît tout d'abord que les réseaux de collecte des opérateurs tiers se sont multipliés et densifiés. Ainsi, les opérateurs qui n'exercent qu'une activité de FAI peuvent dès lors mettre en concurrence différents offreurs sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national.

L'Autorité constate également que, pour l'essentiel, la régulation des offres de gros d'accès dégroupés et d'accès large bande livrées au niveau régional, c'est-à-dire en amont du marché national, est en place. Ces nouveaux dispositifs ont conduit à modifier à plusieurs reprises les offres de référence relatives à chacune de ces deux offres, tant sur le plan de leur structure que sur le plan tarifaire.

La décision no 2006-1007 relative aux obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom a été adoptée par l'Autorité le 7 décembre 2006 et publiée au Journal officiel le 23 décembre 2006. Ce nouveau dispositif est donc applicable et de plein effet dès 2007. L'année 2007 sera donc pour France Télécom le premier exercice comptable opposable au titre du nouveau dispositif de séparation comptable.


II-A. - Le développement de la concurrence et l'abaissement des barrières

à l'entrée sur le marché des offres livrées au niveau national

Le déploiement et la densification des réseaux de collecte

des opérateurs alternatifs


Depuis juillet 2005, l'Autorité a observé que les réseaux de collecte des opérateurs tiers se sont multipliés et densifiés, tant aux points de collecte régionaux permettant d'avoir recours aux offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional de France Télécom qu'au niveau des répartiteurs de France Télécom, grâce au dégroupage de la boucle locale.

L'Autorité constate en particulier que de nombreux opérateurs ont à ce jour déployé un réseau jusqu'aux noeuds régionaux de livraison de trafic. Ces réseaux leur permettent de souscrire aux offres d'accès large bande livrées au niveau régional dans les zones où ils ne sont pas présents au titre du dégroupage. Il s'agit notamment de Free, Neuf Cegetel, Telecom Italia France, T-Online France et Completel.

De manière générale, l'ensemble de ces opérateurs alternatifs peuvent construire, pour des FAI tiers ou leurs propres filiales, des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national en se basant sur les offres de gros amont de l'opérateur historique, notamment le dégroupage de la boucle locale et les offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional en mode ATM ou en mode IP.

L'Autorité relève que le nombre et la capillarité accrue des réseaux de collecte constatés en 2006 résultent notamment des investissements consentis, d'une part, par T-Online France pour déployer son propre réseau, alors qu'il n'achetait auparavant que des accès large bande livrés au niveau national et, d'autre part, par Completel et Telecom Italia France.

Bien que la plupart de ces déploiements aient été annoncés dès l'été 2005, l'Autorité note que la situation est désormais très différente, dans la mesure où ces déploiements ne sont plus prospectifs mais, en grande partie, effectifs.



Le tableau ci-dessous permet d'illustrer le niveau de déploiement actuel des opérateurs alternatifs :

=============================================
Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
en bas du document, dans l'encart "version PDF"
JO no 37 du 13/02/2007 texte numéro 161
=============================================


Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le constat d'absence d'évolution vers une situation de concurrence est désormais caduc. L'Autorité estime que la concurrence se développe sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national et qu'elle devrait s'intensifier dans les prochains mois.


La réduction des barrières à l'entrée


Dans la mesure où la plupart des opérateurs alternatifs ont déployé ou densifié des réseaux de collecte, ceux-ci sont désormais en mesure de proposer à des tiers une offre sur le marché de gros des accès large bande livrés au niveau national, réduisant ainsi très significativement les barrières à l'entrée sur ce marché.

L'Autorité constate ainsi que, durant l'automne 2006, plusieurs fournisseurs d'accès à Internet ou fournisseurs de service se sont appuyés sur les réseaux déployés par des opérateurs tiers pour proposer de nouvelles offres :

- Darty a établi un partenariat avec Completel pour le lancement d'offres résidentielles multiservices, commercialisées depuis le 31 octobre 2006 ;

- depuis septembre 2006, The Phone House commercialise des offres ADSL à destination du marché résidentiel sur la base d'un partenariat avec Telecom Italia France.


L'intégration croissante (fusions et rachats) observée

sur le marché de l'internet haut débit


Depuis 2005, le marché de l'internet haut débit a fait l'objet d'une importante consolidation, marquée par de nombreux rachats et fusions-acquisitions entre les opérateurs concurrents de France Télécom.

En effet, deux des événements les plus marquants de 2005 ont été le rapprochement de Tiscali et de Telecom Italia France, puis celui de Neuf Télécom et de Cegetel.

Ce mouvement de concentration s'est ensuite poursuivi durant l'année 2006 : le 26 octobre 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a autorisé l'acquisition par Neuf Cegetel de l'activité accès internet d'AOL France, qui est effective depuis le 1er novembre 2006.

Parallèlement, SFR a annoncé le 3 octobre 2006 la signature d'un accord avec le groupe Tele2, lui permettant d'acquérir toutes les activités de téléphonie fixe et ADSL de Tele2 France pour un montant d'environ 350 millions d'euros.

Suite à ces opérations de concentration, l'intégration verticale croissante observée des opérateurs alternatifs semble réduire, voire supprimer, le caractère stratégique pour eux de l'offre de gros d'accès large bande livrée au niveau national de France Télécom.


II-B. - La mise en oeuvre effective de la régulation et la capacité du droit de la concurrence

à résoudre les défaillances du marché

La mise en oeuvre effective de la régulation du marché des offres de gros d'accès dégroupé

à la boucle locale et d'accès large bande livrées au niveau régional


Dans ses commentaires en date du 26 juillet 2005, la Commission européenne a demandé à l'Autorité de revoir son analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrés au niveau national après avoir assuré la mise en oeuvre complète et effective des obligations imposées à France Télécom au titre de la régulation des marchés de gros amont de l'accès dégroupé et des offres d'accès large bande livrées au niveau régional.

S'agissant du dégroupage, le dispositif de régulation mis en place par l'Autorité dans sa décision no 2005-0277 s'inscrit dans la continuité du règlement européen 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale. La méthode de valorisation de la paire de cuivre a toutefois été modifiée à l'occasion du passage au nouveau cadre par la décision no 2005-0834.

S'agissant des offres d'accès large bande livrées au niveau régional, l'Autorité constate que le dispositif mis en oeuvre par les décisions no 2005-0278 et no 2005-0280 a singulièrement évolué par rapport au mode de régulation qui préexistait et, partant, que ces offres de gros ont connu depuis un an des évolutions tant sur le plan de leur structure que sur le plan tarifaire.

Sur le plan de leur structure tout d'abord, la grille tarifaire de Turbo DSL (offre de détail soumise à homologation tarifaire dans l'ancien cadre) en T, T0, T1, T2 et T3 a été abandonnée au profit d'une structure en départements et plaques à l'occasion du passage de cette offre à l'offre de référence DSL Entreprises. A terme, cette structure tarifaire sera également étendue à l'offre DSL Collect ATM.

Sur le plan tarifaire ensuite, les offres de collecte destinées in fine à la clientèle résidentielle, en IP comme en ATM, ont vu leurs tarifs baisser soit par le biais d'un changement de mode de tarification (DSL Collect ATM), soit à mode de tarification constant par une baisse du tarif lui-même (- 15 % pour DSL Collect IP).

Les tarifs des accès résidentiel et professionnel ont également connu des baisses au cours des douze derniers mois : de 25 % à 36 % pour les accès mono-paire professionnels et jusqu'à 18 % pour les accès résidentiels.

Enfin, les tarifs de raccordement au réseau de France Télécom en colocalisation ont également été revus à la baisse, en DSL Entreprises comme en DSL Collect ATM, passant de 888 par mois à 265 par mois.


La mise en oeuvre des obligations de comptabilisation des coûts

et de séparation comptable imposées à France Télécom


Dans ses décisions no 2005-0277, no 2005-0280 et no 2005-0281 susvisées, l'Autorité a notamment imposé à France Télécom une obligation de comptabilisation des coûts et une obligation de séparation comptable concernant respectivement les offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, les offres d'accès large bande livrées au niveau régional et les offres d'accès large bande livrées au niveau national.

S'agissant spécifiquement du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, l'Autorité a considéré que France Télécom devait formaliser, sous forme de protocoles, ses conditions techniques et tarifaires de prestation de services internes, ce dispositif devant permettre de vérifier :

- l'absence de tarifs ou de pratiques d'éviction résultant de conditions de cessions internes non réplicables par les concurrents de l'entreprise en s'appuyant sur les prestations que celle-ci leur fournit ;

- l'absence de pratiques d'éviction ou de prédation de la part de l'entreprise verticalement intégrée sur le marché de détail, qui résulteraient de subventions croisées lui permettant de vendre au détail à des tarifs trop bas, voire inférieurs aux tarifs de cessions internes.

L'Autorité constate que France Télécom s'est conformée à cette obligation, qui se justifiait notamment par l'ineffectivité à cette date de la mise en oeuvre des obligations comptables imposées à France Télécom sur l'ensemble des marchés du haut débit et qui devaient faire l'objet d'une décision ultérieure de l'Autorité.

La décision qui précise ces obligations comptables a été adoptée par l'Autorité le 7 décembre 2006 et publiée au Journal officiel le 23 décembre 2006. L'Autorité y décide notamment la formalisation par France Télécom des conditions techniques et tarifaires de ses prestations de services internes, et notamment ses prix de cession interne.


La capacité du droit de la concurrence à remédier

aux éventuelles défaillances du marché


A l'été 2005, France Télécom disposait d'une clientèle captive. D'importantes modifications tarifaires, voire la suppression totale de l'offre, auraient eu d'importantes conséquences sur le marché, notamment pour les opérateurs s'approvisionnant uniquement auprès de France Télécom.

Désormais, la situation a évolué. Aucun opérateur n'utilise majoritairement les offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national de France Télécom, la plupart ayant déployé depuis leur propre réseau de collecte ou ayant recours aux offres concurrentes de France Télécom sur ce marché.

Dès lors, si France Télécom venait à modifier, voire à supprimer son offre d'accès large bande livrée au niveau national, l'impact serait faible sur l'ensemble des acteurs, qui pourraient en tout état de cause faire jouer la concurrence a minima entre Neuf Cegetel et Completel.

L'Autorité considère en outre que la mise en oeuvre des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées à France Télécom, notamment au titre de la régulation des marchés du haut débit, ainsi que la construction par l'Autorité de modèles de coûts (accès, collecte, FAI) permettront de détecter les éventuelles pratiques anticoncurrentielles auxquelles pourrait se livrer France Télécom.

Enfin, la capillarité croissante des réseaux concurrents limite les risques liés à la mise en place par l'opérateur historique d'une stratégie d'éviction de ses concurrents par des tarifs d'accès à son propre réseau trop élevés. A l'inverse, il convient de noter que toute stratégie opposée de l'opérateur historique consistant à pratiquer des tarifs trop bas sur le marché 12 bis pour évincer les opérateurs de réseaux concurrent reste prohibée par l'article L. 420-2 du code de commerce et par l'article 82 du traité de l'Union européenne que le Conseil de la concurrence est chargé d'appliquer, indépendamment de la décision prise par l'Autorité d'inscrire ou non le marché concerné sur la liste des marchés régulables.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Autorité estime que la régulation ex post par le Conseil de la concurrence du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national est aujourd'hui la plus adaptée. Les commentaires exprimés sur ce point par le Conseil de la concurrence, dans son avis no 06-A-21 en date du 17 novembre 2006, sont détaillés dans la partie III-A du présent projet de décision.


II-C. - Conclusion sur l'application

des trois critères définis par la Commission


L'Autorité estime que les trois critères cumulatifs de pertinence d'un marché définis par la Commission européenne dans sa recommandation « marchés pertinents » susvisée ne sont plus remplis s'agissant du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national.

L'Autorité considère que la capillarité accrue des réseaux, le déploiement des opérateurs alternatifs au niveau régional, le développement des marchés de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale et des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional et la présence d'offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national alternatives à celle de France Télécom témoignent de la vitalité de la concurrence sur le marché depuis l'été 2005.

Par ailleurs, la diminution de la part relative du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national au sein des marchés de gros du haut débit, l'intégration verticale croissante des acteurs et le constat qu'aucun opérateur n'utilise majoritairement les offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national de France Télécom confirment la capacité du droit de la concurrence à remédier aux éventuelles défaillances du marché.

Au vu de ce qui précède, et conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité estime que ce marché n'est plus pertinent pour l'application de l'article L. 38 du CPCE et qu'en conséquence le dispositif de régulation ex ante imposé sur ce marché par la décision no 2005-0281 doit être levé.


III. - Avis du Conseil de la concurrence

et observations de la Commission européenne

III-A. - Avis du Conseil de la concurrence


Sur le fondement des articles L. 37-1, D. 301 et D. 302 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative au projet de décision visant à lever la régulation ex ante sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national.

Le conseil confirme l'analyse de l'Autorité tout en invitant cette dernière « à faire diligence pour que les obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable de FT soient rapidement effectives ».

Sur la capacité du droit de la concurrence à résoudre les défaillances du marché, le conseil estime que l'évolution de la situation concurrentielle du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional, telle qu'exposée par l'ARCEP dans son projet de décision, conduit à relativiser les risques d'une insuffisance du droit commun de la concurrence à résoudre les défaillances sur ce marché qu'avait exprimés le conseil dans son avis no 05-A-03 du 31 janvier 2005.

Le conseil constate en particulier que « la capillarité croissante des réseaux concurrents limite les risques liés à la mise en place par l'opérateur historique d'une stratégie d'éviction des concurrents par des tarifs d'accès à son propre réseau trop élevés ». Le conseil ajoute que « la mise en place par l'opérateur historique de pratiques tarifaires ou techniques de nature à évincer ses concurrents du fait du pouvoir de marché qu'il détient sur le marché concerné ou sur des marchés connexes reste prohibée par l'article L. 420-2 du code de commerce et par l'article 82 du traité de l'Union que le Conseil est chargé d'appliquer, indépendamment de la décision prise par l'ARCEP d'inscrire ou non le marché concerné sur la liste des marchés régulables ».

Le conseil souligne toutefois que l'efficacité de son action dépend fortement de « la mise en place effective des obligations de comptabilisation des coûts et de séparation comptable imposées de manière transversale à France Télécom au titre de la régulation des marchés qui ont été estimés pertinents au sens de la régulation ».

Le conseil rappelle enfin que, même après la levée de la régulation sur le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, l'Autorité disposerait toujours, au titre de l'article L. 37-3 du CPCE, inséré par la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004, du « pouvoir de prendre dans des circonstances exceptionnelles, et sans définition préalable du marché, des mesures provisoires afin de préserver la concurrence et protéger les intérêts des utilisateurs ».


III-B. - Observations de la Commission européenne


La Commission européenne a indiqué qu'elle n'avait pas d'observation à formuler s'agissant de l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national menée par l'Autorité et de ses conclusions, conduisant à la levée de la régulation ex ante sur ce marché, Décide :


Article 1


Le marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, tel que défini à l'article 1er de la décision no 2005-0281 susvisée, n'est plus pertinent en vue de l'application des articles L. 38, L. 38-1 et L. 38-2 du code des postes et des communications électroniques.

Le dispositif de régulation de ce marché de gros imposé par la décision no 2005-0281 n'est donc pas reconduit.

Article 2


Le directeur général de l'Autorité notifiera à France Télécom la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 30 janvier 2007.


Le président,

P. Champsaur