J.O. 209 du 9 septembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Avis n° 2006-0469 du 27 avril 2006 sur le projet d'arrêté d'application de l'article R. 213-1 du code de procédure pénale fixant la tarification applicable aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de communications électroniques


NOR : ARTJ0600049V



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/58 /CE du Parlement européen et du Conseil en date du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32-1, L. 33-1, L. 34-1, L. 36-5 et R. 10-13 ;

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles L. 800, R. 92 et R. 213-1 ;

Vu la loi no 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, notamment son article 29 ;

Vu le décret 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la conservation des données des communications électroniques ;

Vu l'avis no 2004-564 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 1er juillet 2004, concernant le projet de décret relatif à la conservation des données relative à une communication par les opérateurs de télécommunications et sur le projet d'arrêté fixant la tarification applicable aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de télécommunications ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2000-441 DC du 28 décembre 2000 ;

Vu la saisine du directeur des affaires criminelles et des grâces en date du 31 mars 2006 ;

Après en avoir délibéré le 27 avril 2006,



I. - Remarques liminaires


Les dispositions de l'article L. 34-1-I du code des postes et des communications électroniques (CPCE) soumettent les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne à l'obligation d'effacer ou rendre anonyme toute donnée relative au trafic, à l'exception cependant des données techniques nécessaires aux autorités judiciaires pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales.

Ainsi, dans le cadre de l'application de l'article L. 34-1-II du code des postes et des communications électroniques, les articles R. 10-12 à R. 10-14 du CPCE issus de la rédaction du décret no 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la conservation des données des communications électroniques précisent les catégories de données devant être conservées au titre de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ainsi que la durée de leur conservation. En outre, l'article R. 10-13 du CPCE prévoit que « Les surcoûts identifiables et spécifiques supportés par les opérateurs requis par les autorités judiciaires pour la fourniture des données relevant des catégories mentionnées au présent article sont compensés selon les modalités prévues à l'article R. 213-1 du code de procédure pénale ».

Le principe de juste rémunération des prestations assurées par les opérateurs au titre de la sécurité publique est expressément mentionné dans les dispositions du code des postes et des communications électroniques, et notamment à l'article L. 33-1 (e).

En effet, conformément à la décision du Conseil constitutionnel no 2000-441 DC du 28 décembre 2000, les coûts que représentent « (...) le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs. »

Par ailleurs, l'article 3 de ce même décret introduit dans le code de procédure pénale une nouvelle section intitulée « Des frais des opérateurs de communications électroniques » comprenant comme disposition unique : l'article R. 213-1. Celui-ci dispose expressément que les tarifs relatifs aux « frais correspondants à la fourniture des données conservées en application du II de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques sont fixés par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du garde des sceaux. Cet arrêté distingue les tarifs applicables selon les catégories de données et les prestations requises, en tenant compte, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques supportés par les opérateurs requis par les autorités judiciaires pour la fourniture de ces données. ».

C'est ce projet d'arrêté qui est soumis à l'avis de l'Autorité.


II. - Sur la prise en compte de la notion « d'opérateur efficace »


Il ressort de la saisine du garde des sceaux que le conseil général des technologies de l'information (CGTI) s'est vu confier par le ministre délégué à l'industrie notamment la mission de définir, en lien avec le ministère de la justice, la juste rémunération devant être perçue par les opérateurs de communications électroniques au titre des interceptions téléphoniques ou des prestations annexes, effectuées sur réquisition des services de police judicaire pour le besoin des enquêtes pénales. Il est également précisé que le CGTI a analysé les coûts supportés par chacun des opérateurs mobiles SFR, Bouygues Télécom, Orange et France Télécom afin d'en dégager la notion « d'opérateur efficace ».

L'Autorité souscrit à une telle approche, communément appliquée dans le secteur des communications électroniques.

L'Autorité souligne que la notion d'efficacité est un des principes qui encadre la rédaction de toutes ses décisions ou dispositions à caractère tarifaire. Ainsi, l'article L. 32-1, II du CPCE impose à l'Autorité, dans l'accomplissement des missions qui lui incombent, de veiller notamment au développement de l'investissement efficace dans les infrastructures.

En outre, dans le cadre de la régulation des opérateurs disposant d'une influence significative sur un marché pertinent donné, l'Autorité peut être amenée à imposer des obligations tarifaires.

Or, dans cette hypothèse, l'article D. 311 du CPCE dispose que l'Autorité peut préciser « (...) les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur (...) Elle peut également prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. Elle veille également à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ».

De même, l'article D. 312 de ce même code dispose dans son paragraphe IV que « les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts utilisés pour l'application du présent article satisfont aux principes : d'efficacité : les coûts pris en compte doivent tendre à accroître l'efficacité économique à long terme. L'Autorité peut à ce titre se fonder notamment sur l'utilisation de meilleures technologies industriellement disponibles et sur une utilisation optimale des ressources [...] ».

Il convient enfin de noter que la notion d'efficacité est également appliquée au service public des communications électroniques. Ainsi pour le service universel, les coûts pris en compte lors du calcul du coût relatif à la desserte des zones non rentables par l'opérateur en charge de la composante 1 du service universel, composante « service téléphonique », sont ceux « d'un opérateur efficace » tel que visé à l'article R. 20-33-II du CPCE.

Dans ces différentes hypothèses, l'Autorité est ainsi amenée pour la mise en oeuvre de ce principe d'efficacité à comparer ces coûts dans la mesure du possible, et au moins sur la base des tarifs correspondants aux coûts exposés par l'opérateur concerné, à ceux d'autres opérateurs fournissant des prestations comparables, et à examiner ces mêmes coûts au regard des meilleures solutions technologiques actuellement disponibles.

Par conséquent, il ressort de ces éléments, que la notion d'opérateur efficace prise en compte par le CGTI dans son étude afin d'élaborer les tarifs annexés au projet d'arrêté renvoie à l'un des principes majeurs régissant la régulation du secteur des communications électroniques.

L'Autorité a eu connaissance, dans le cadre du présent avis, du rapport du CGTI relatif à ces travaux, et, même s'il ne lui appartenait pas de vérifier ceux-ci dans le détail, la méthode choisie par le ministère lui est apparue conforme aux principes du droit des communications électroniques.

De plus, l'Autorité souligne que le projet s'efforce d'établir un équilibre entre la protection des intérêts de l'Etat, qui ne doit pas compenser ce qui ne constitue pas un surcoût spécifique, et les intérêts des opérateurs, qui ne doivent pas être injustement lésés par les réquisitions judiciaires.

Aussi, il apparaît légitime et fondé que le projet choisisse de fixer les tarifs en prenant en compte la notion « d'opérateur efficace » pour évaluer les coûts. En s'appuyant sur l'étude du CGTI, le projet permet d'établir une grille tarifaire en annexe qui tient compte du principe de juste rémunération.

C'est donc notamment dans un souci de respect du principe de bonne gestion des deniers publics qu'apparaît s'inscrire ce projet d'arrêté.

Par conséquent, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes émet un avis favorable sur le projet d'arrêté.

Le présent avis sera transmis au ministre chargé des communications électroniques et au garde des sceaux, ministre de la justice, et publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 27 avril 2006.



Le président,

P. Champsaur