J.O. 304 du 31 décembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission de régulation de l'énergie sur le projet de décret modifiant le décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité


NOR : INDI0506492V



La Commission de régulation de l'énergie a été saisie le 19 août 2005 par le ministre délégué à l'industrie d'un projet de décret modifiant le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.

Ce projet vise à prendre en considération diverses modifications apportées à la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, par l'article 61 de la loi no 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, par l'article 33 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières et par les articles 73 et 74 de la loi no 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) formule les observations qui suivent sur ce projet de décret.


1. Financement des raccordements


1.1. Le 5° de l'article 2 du décret du 26 avril 2001 dispose que les coûts couverts par le tarif d'utilisation des réseaux comprennent en particulier « les coûts de maintenance, de sécurisation, de développement et de renforcement des réseaux publics, y compris lorsque ces renforcements sont liés au raccordement de nouveaux utilisateurs ».

Le I de l'article 1er du projet de décret prévoit la suppression des mots « y compris lorsque ces renforcements sont liés au raccordement de nouveaux utilisateurs ».

Aucun élément porté à la connaissance de la CRE ne justifie une telle suppression. Cette modification de la rédaction actuellement en vigueur crée une situation d'insécurité juridique. En effet, le droit ne changeant pas sur le fond, les nouveaux utilisateurs du réseau ne peuvent se voir appliquer un traitement discriminatoire des autres utilisateurs en ce qui concerne la prise en charge par le tarif des coûts de renforcement.

Le I de l'article ler du projet de décret doit être supprimé et la rédaction antérieure du 5° de l'article 2 du décret du 26 avril 2001 maintenue.

1.2. Le II de l'article ler du projet de décret prévoit l'ajout, après le 5 de l'article 2 du décret du 26 avril 2001, d'un alinéa 5 bis prévoyant que les coûts couverts par le tarif comprennent en particulier « la part des coûts des travaux de raccordement qui n'est pas recouvrée directement auprès des demandeurs de raccordement ou couverte par la contribution mentionnée à l'article 4 de la loi du 10 février 2000 susvisée ».

Ni la loi, ni un décret ne précisent la part des coûts de travaux de raccordement recouvrée directement auprès des demandeurs de raccordement. Cette absence de précision génère des difficultés d'application pour l'évaluation des charges à couvrir par le tarif.

En l'absence d'un cadre réglementaire permettant de déterminer les coûts des travaux de raccordement qui sont recouvrés directement auprès des demandeurs de raccordement, le II de l'article ler du projet de décret doit être supprimé.


2. Information des consommateurs


Le V de l'article 1er du projet de décret abroge et remplace les dispositions du I de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 en ce qui concerne l'information des clients au moment de leur facturation.

Le texte actuellement en vigueur prévoit que « le montant correspondant aux coûts d'utilisation des réseaux publics est identifié sur les factures » des clients non éligibles et des clients éligibles qui n'ont pas fait jouer leur éligibilité.

2.1. La rédaction proposée de l'alinéa 2 du I de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 prévoit désormais que le fournisseur des clients éligibles ayant exercé leur droit et opté pour un contrat unique, doit identifier sur la facture « le montant correspondant à l'utilisation des réseaux publics par son client ».

Cette disposition, qui prend en considération les clients éligibles ayant conclu un contrat unique, va dans le sens d'une meilleure information des consommateurs.

2.2. Toutefois, la rédaction proposée de l'alinéa 3 du I de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 prévoit que les factures adressées aux clients non éligibles et aux clients éligibles n'ayant pas exercé leur droit « indiquent, pour la catégorie tarifaire concernée, la proportion correspondant aux coûts d'utilisation des réseaux publics ».

Cette rédaction constitue, donc, un recul par rapport aux obligations qui pèsent actuellement sur le fournisseur à l'égard des consommateurs, puisque certains, au lieu de connaître le montant exact du coût d'utilisation du réseau, n'en connaîtraient désormais que la proportion qu'il représente sur le montant total de la facture.

Le projet de décret conduit, en outre, à une information différente sur le montant de la facture lié à l'utilisation du réseau, selon que les clients ont ou non fait jouer leur éligibilité : montant exact pour les uns, montant moyen de leur catégorie tarifaire pour les autres.

La discrimination introduite par le projet de décret est susceptible de porter atteinte à l'ouverture du marché. En effet, un client qui souhaite faire jouer son éligibilité doit être en mesure de pouvoir comparer les offres des différents fournisseurs. Pour cela, il doit connaître le montant exact de la part fourniture de sa facture.

Les deuxième et troisième phrases de l'alinéa 3 du projet d'article 5 du décret du 26 avril 2001 doivent donc être remplacées par les dispositions suivantes : « Le fournisseur indique sur la facture le montant correspondant à l'utilisation des réseaux publics par le client, calculé en application du tarif d'utilisation des réseaux publics. »


3. Terminologie tarifaire


La rédaction proposée de l'alinéa 2 du I de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 prévoit que, s'agissant des clients éligibles qui ont exercé leur droit et opté pour un contrat unique, le fournisseur identifie sur la facture le montant correspondant à l'utilisation des réseaux publics par son client, « calculé à partir du tarif d'utilisation des réseaux publics ».

Cette formulation est imprécise, car le montant correspondant à l'utilisation des réseaux publics doit être calculé « en application du tarif d'utilisation des réseaux publics », ce tarif étant d'ordre public et ne laissant en conséquence aucune marge d'interprétation lors de sa mise en oeuvre.

La deuxième phrase de l'alinéa 2 du I de l'article 5 remplacé du décret du 26 avril 2001 doit être modifiée comme suit : « Il identifie sur la facture le montant correspondant à l'utilisation des réseaux publics par son client, calculé en application du tarif d'utilisation des réseaux publics. »

Par ailleurs, la rédaction proposée de l'alinéa 4 du I de l'article 5 du décret du 26 avril 2001 prévoit que, s'agissant des clients non éligibles, des clients éligibles n'ayant pas exercé leur droit ou des clients ayant opté pour la signature d'un contrat unique, le fournisseur reverse au gestionnaire de réseau auquel est raccordé son client « le montant du tarif d'utilisation du réseau appliqué à ce client. »

L'usage de l'expression « le montant du tarif » est inapproprié.

L'alinéa 4 du I de l'article 5 remplacé du décret du 26 avril 2001 doit être modifié comme suit : « Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéa du présent I, le fournisseur reverse au gestionnaire de réseau auquel est raccordé son client le montant, calculé en application du tarif d'utilisation des réseaux publics, facturé à son client. »


4. Procédure d'adoption du tarif


Le VI de l'article 1er du projet de décret abroge et remplace l'article 8 du décret du 26 avril 2001 par de nouvelles dispositions qui reprennent celles de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 sur la procédure d'adoption des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

D'un point de vue juridique, cette répétition dans un décret de dispositions législatives en vigueur est inutile. Il convient donc d'abroger purement et simplement l'article 8 du décret du 26 avril 2001.

Si, néanmoins, le Gouvernement maintenait son projet d'amendement de l'article 8 du décret du 26 avril 2001, il serait nécessaire d'y apporter les modifications suivantes.

4.1. Dans la rédaction proposée, le premier alinéa de l'article 8 du décret du 26 avril 2001 prévoit que la CRE doit accompagner sa proposition des « résultats des consultations des acteurs du marché de l'énergie ». Cette obligation contrevient à la confidentialité des travaux de la CRE imposée par l'article 35 de la loi du 10 février 2000. Elle est, en outre, susceptible de nuire aux travaux préparatoires de la CRE, car le contenu des contributions pourrait être altéré, les acteurs consultés n'étant plus assurés de la préservation de la confidentialité de leurs observations. Cette mention doit, dès lors, être supprimée.

Le premier alinéa de l'article 8 doit être modifié comme suit : « Toute proposition tarifaire de la Commission de régulation de l'énergie transmise aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie est motivée. »

4.2. Dans la rédaction proposée, le troisième alinéa de l'article 8 du décret du 26 avril 2001 prévoit que, après leur approbation tacite, les ministres disposent d'un délai pouvant aller jusqu'à deux mois pour procéder à la publication des tarifs. L'instauration d'un tel délai est en contradiction avec la volonté du législateur d'accélérer la procédure d'adoption et d'entrée en vigueur des tarifs, en limitant à deux mois la durée de cette procédure à compter de la réception de la proposition (1).

Le troisième alinéa de l'article 8 doit être modifié comme suit : « A défaut d'opposition notifiée à la Commission de régulation de l'énergie par l'un des deux ministres dans le délai de deux mois suivant la réception de sa proposition, celle-ci est réputée approuvée et les tarifs sont publiés sans délai au Journal officiel de la République française par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie. »

4.3. Dans la rédaction proposée, le quatrième alinéa de l'article 8 du décret du 26 avril 2001 permet aux ministres de fixer la date d'entrée en vigueur des tarifs, sans que cette faculté soit encadrée.

Il appartient normalement à la Commission de régulation de l'énergie de fixer, dans sa proposition tarifaire, la date d'entrée en vigueur. Celle-ci fait partie, en effet, des paramètres économiques pris en compte dans l'élaboration de la proposition tarifaire. Le rejet par les ministres de cette date se fait alors, le cas échéant, par le rejet de la proposition de tarifs.

Le quatrième alinéa de l'article 8 du décret du 26 avril 2001 doit être modifié comme suit : « La proposition tarifaire de la Commission de régulation de l'énergie entre en vigueur à la date qu'elle mentionne. »

4.4. L'article 23.3 de la directive 2003/54 /CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité prescrit que tout rejet formel par les autorités gouvernementales des Etats membres d'un projet de décision tarifaire élaboré par l'autorité de régulation doit être rendu public, avec sa justification.

Il convient de mettre en oeuvre cette disposition en l'inscrivant dans le droit national.

Les dispositions suivantes sont à insérer après le deuxième alinéa de l'article 8 du décret du 26 avril 2001 : « La décision par laquelle les ministres chargés de l'économie et de l'énergie s'opposent à la proposition tarifaire de la Commission de régulation de l'énergie doit être motivée. Elle est publiée au Journal officiel de la République française. »


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Sous réserve de la prise en compte des modifications demandées ci-dessus, la Commission de régulation de l'énergie émet un avis favorable au projet de décret qui lui a été soumis.

Fait à Paris, le 7 septembre 2005.



Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota


(1) Débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, 2e lecture, 3e séance du 29 mars 2005, JORF, CRI, AN, p. 2573. Rapport de Henri Revol, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en 2e lecture, p. 86.