J.O. 304 du 31 décembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2005-0929 du 8 novembre 2005 se prononçant sur un différend opposant la société Bouygues Telecom à la société Orange France


NOR : ARTT0500106S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 7 mars 2002, relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 ;

Vu l'arrêté du 8 décembre 1994 portant autorisation d'établissement d'un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service de communication personnelle DCS F3 ;

Vu l'arrêté du 17 août 2000 autorisant la société France Télécom Mobiles SA à établir un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F1 fonctionnant dans les bandes des 900 MHz et des 1 800 MHz ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant adoption du règlement intérieur ;

Vu la décision no 2003-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 2 octobre 2003, portant modification de la décision no 99-528 susvisée ;

Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 11 juillet 2005, présentée par la société Bouygues Telecom immatriculée au RCS de Nanterre 397 480 930, dont le siège social est situé 20, quai du Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt, représentée par M. Gilles Pelisson, président-directeur général ;

La société Bouygues Telecom demande à l'Autorité de :

- se déclarer compétente pour connaître du différend qui l'oppose à SFR ;

- fixer le tarif de terminaison d'appel SMS interpersonnels de SFR à 2,5 centimes d'euro HT à compter du 1er juillet 2005 ;

- reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondé à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal.



I. - EXPOSÉ DE LA DEMANDE



La société Bouygues Telecom indique que la terminaison d'un SMS interpersonnel sur le réseau de chacun des opérateurs français de téléphonie mobile en provenance de l'un des autres réseaux est régie par un contrat d'interconnexion SMS. Elle précise qu'elle a signé un accord avec SFR le 7 décembre 1999 et un accord avec France Télécom Mobiles (Orange France) le 9 décembre 1999 fixant une charge identique d'interconnexion de 5,336 centimes d'euro HT.

Bouygues Telecom précise qu'en octobre 2004 elle a entamé des négociations avec ses concurrents afin d'obtenir une baisse du niveau de terminaison SMS adaptée à l'évolution du marché et des flux de trafic. Bouygues Telecom souligne que, lors de ces négociations, Orange France et SFR ont refusé la baisse demandée.

Pour ces motifs, l'opérateur demande à l'Autorité de fixer un tarif commun à hauteur de 2,5 centimes d'euro HT à la charge de Bouygues Telecom lorsque la terminaison d'appel SMS est assurée par Orange France et SFR.

Parallèlement, Bouygues Telecom demande à bénéficier d'une rémunération de 3 centimes d'euro pour la terminaison d'appel SMS sur son réseau, en provenance d'Orange France et de SFR.



II. - SUR LA COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ



Bouygues Telecom estime que l'Autorité est compétente pour connaître du présent litige qui relève de l'interconnexion et qui résulte d'un échec des négociations sur la baisse du niveau du tarif de terminaison SMS.


2.1. Le différend relève de l'interconnexion


Bouygues Telecom rappelle qu'en 1999 l'entreprise a signé avec les sociétés SFR et France Télécom Mobiles des accords dits « d'interfonctionnement point à point pour l'envoi et la réception de messages courts entre abonnés des trois opérateurs ».

L'opérateur indique que, conformément à l'article L. 32-9 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), l'interopérabilité SMS permet aux utilisateurs des trois réseaux mobiles de communiquer entre eux grâce à des prestations réciproques fournies par chaque opérateur. Bouygues Telecom précise que le prix de ces prestations consiste à rémunérer la collecte et la terminaison de messages SMS sur le réseau de chaque opérateur.

Par conséquent, la partie demanderesse estime que l'interopérabilité SMS relève du régime juridique de l'interconnexion et de la compétence de l'Autorité.


2.2. Sur l'échec des négociations


Bouygues Telecom précise que, le 11 octobre 2004, elle a sollicité Orange France et SFR pour obtenir une baisse de leurs tarifs d'interconnexion SMS de moitié. Bouygues Telecom estime que cette demande est raisonnable au regard de l'évolution du service SMS.

La position d'Orange France :

Bouygues Telecom indique qu'après plusieurs mois où elle s'est efforcée d'engager des négociations, Orange France lui a adressé le 16 mai 2005 un courrier signifiant son accord en vue d'entamer des discussions. Dans ce cadre, Bouygues Telecom précise que le 24 mai 2005, la société Orange France l'a informé qu'une baisse de 50 % de ses tarifs lui semblait excessive mais qu'elle se disait prête à reconsidérer les tarifs de terminaison SMS dans l'objectif d'une baisse sensiblement moindre.

Bouygues Telecom souligne qu'au cours de deux réunions en date du 8 et 15 juin 2005, Orange France n'a pas changé de position. Par deux courriers en date des 23 et 27 juin 2005, Orange France lui a confirmé que sa proposition portait sur une baisse de 1 centime d'euro, soit un tarif de terminaison d'appel de 4,3 centimes d'euro HT.

La position de SFR :

Bouygues Telecom signale que, par courrier du 2 novembre 2004, la société SFR lui a indiqué qu'elle souhaitait procéder, d'une part, à une « évolution à la baisse de son tarif de terminaison SMS dans le respect du principe de non-discrimination » et qu'elle envisageait, d'autre part, d'entamer des négociations « afin de discuter des modalités et du niveau de la baisse du tarif de terminaison de SMS » sur les deux réseaux.

Après de nombreux échanges, la société SFR lui a indiqué qu'elle envisageait une réduction du tarif de terminaison limitée à 10 % pour la fin de l'année 2005. Bouygues Telecom a estimé que cette proposition ne correspondait pas aux évolutions du marché de la téléphonie mobile depuis 1999. Bouygues Telecom a alors réitéré, par courrier en date du 16 mai 2005, sa demande de baisse de 50 % du tarif de terminaison d'appel SMS. La société SFR a répondu le 13 juin 2005 qu'elle « allait procéder à une baisse de sa terminaison d'appel d'environ 20 % à compter du 1er septembre 2005, soit un tarif de 4,3 centimes d'euro par SMS ».

Le constat d'échec des négociations :

Bouygues Telecom considère que la position d'Orange France conduit à la fixation d'une charge d'interconnexion identique.

L'opérateur estime que le refus d'Orange France de trouver un accord pour baisser le niveau tarifaire des SMS met en évidence le constat d'échec des négociations commerciales.




III. - DISCUSSIONS



Bouygues Telecom précise qu'une baisse significative du tarif d'interconnexion SMS pourrait conduire à une baisse sensible du prix de détail des SMS.


3.1. Le développement du service SMS


Un usage en constante augmentation :

Bouygues Telécom indique que, depuis l'année 1999, date de la mise en oeuvre de l'interconnexion SMS entre les trois opérateurs mobiles, les communications par SMS n'ont fait qu'augmenter. L'entreprise précise en ce sens qu'au cours du premier trimestre 2005 le nombre de SMS émis a atteint plus de 3,2 milliards, soit une progression de 28 % par rapport à l'année précédente et une augmentation de 69,7 % entre mars 2003 et mars 2005.

La société Bouygues Telecom souligne en outre qu'en moins de trois ans l'envoi mensuel de SMS par client utilisateur a progressé de 56,2 % de fin 2002 à début 2005.

Un marché déséquilibré :

Bouygues Telecom estime que le mode d'évolution de la consommation de SMS ne profite pas de façon identique à tous les opérateurs puisque la majorité des SMS provient des réseaux d'Orange France et de SFR.

[...]


3.2. La nécessité d'une baisse significative de la terminaison SMS


Bouygues Telecom estime que l'Autorité ne pourra que faire droit à sa demande car le maintien de tarifs de terminaison SMS élevés constitue une contrainte sur le marché de détail conduisant à des prix de détail élevés.

Les conditions financières sont contraires aux principes d'objectivité et de transparence :

Bouygues Télecom rappelle que la charge de terminaison SMS doit répondre aux principes d'objectivité et de transparence énoncés par le CPCE et qu'elle doit par suite être établie en corrélation avec l'usage du service et les coûts afférents.

Une charge trop élevée depuis l'année 1999 :

Bouygues Telecom indique que, dès 1999, elle souhaitait développer l'usage du SMS et des services innovants associés. L'entreprise a d'ailleurs engagé des négociations avec ses concurrents dans cette perspective.

Bouygues Telecom souligne que les prix de détail constituaient une contrainte dans la mesure où tous les opérateurs mobiles commercialisaient déjà des services de SMS vendus à 15 centimes d'euro TTC, alors que le tarif que proposait Bouygues Telecom était de 10,6 centimes d'euro TTC par SMS. Dans ces conditions, Bouygues Telecom a préconisé un tarif de terminaison SMS d'environ 3 centimes d'euro HT, alors que France Télécom Mobiles demandait un prix de l'ordre de 7,6 centimes d'euro HT et SFR de l'ordre de 6,1 centimes d'euro HT. L'opérateur rappelle qu'Orange France et SFR se sont mis d'accord sur un tarif de 5,3 centimes d'euro HT.

La société Bouygues Telecom précise qu'elle ne pouvait risquer d'être marginalisée sur le marché de la téléphonie mobile sur lequel elle n'était présente que depuis trois ans.

Dans ces conditions, il était impératif de trouver un accord afin de bénéficier de l'interopérabilité notamment à l'occasion de la fin de l'année, période active sur le plan commercial. Pour cette raison, la société Bouygues Telecom a accepté les conditions imposées par Orange France et SFR.

L'opérateur considère cependant que ce tarif était pénalisant, puisqu'il lui imposait d'augmenter ses tarifs de détail dans la mesure où le tarif de gros représentait environ 60 % de son prix de détail HT et sa faible part de marché le conduisait à anticiper un déséquilibre structurel du trafic SMS.

La société Bouygues Telecom indique que le niveau de la charge d'interconnexion SMS l'a donc conduite à remonter ses tarifs de détail pour les mettre au même niveau que ses concurrents.

Une charge encore plus injustifiée aujourd'hui :

Bouygues Telecom signale qu'en 2005 la charge d'interconnexion SMS d'un montant de 5,3 centimes d'euro HT, voire de 4,3 centimes d'euro HT si Orange France et SFR appliquent la baisse annoncée à leur charge d'interconnexion, ne répond pas aux principes d'objectivité et de transparence et n'est pas justifiée au regard des coûts d'Orange France et de SFR, ni au regard de la structure du marché et du développement de l'interopérabilité entre les réseaux.


Au regard des coûts des opérateurs


En premier lieu, Bouygues Telecom indique que la modélisation des coûts du SMS permet d'isoler les coûts commerciaux et techniques et d'évaluer le montant d'une charge d'interconnexion raisonnable.

La société rappelle qu'au sein de ces coûts l'interconnexion SMS correspond aux coûts techniques du réseau de téléphonie mobile, majorés d'une quote-part des coûts de structure de l'entreprise. Elle estime que le développement du service SMS a permis aux coûts des opérateurs de baisser de façon substantielle.

Bouygues Telecom précise qu'à partir des informations dont elle dispose le coût moyen pondéré modélisé pour l'interopérabilité en 2005 est inférieur à 2,5 centimes d'euro et que, pour Orange France, ce coût est encore plus bas.

L'opérateur estime que le tarif de 2,5 centimes d'euro constitue la charge d'interopérabilité que les parties peuvent raisonnablement s'appliquer dans le cadre de l'interconnexion SMS et correspond à une baisse raisonnable équivalente à environ 50 % du tarif actuellement pratiqué.

Au surplus, Bouygues Telecom note que le niveau de la terminaison d'appel SMS n'a pas évolué depuis 1999, alors que la charge de terminaison d'appel vocal a décru de plus de 60 % sur la même période.


Au regard de la structure du marché


En second lieu, la société estime que l'écart de parts de marché avec ses concurrents justifie la baisse de la charge d'interconnexion SMS. [...]

Bouygues Telecom précise que SFR et Orange France commercialisent des forfaits SMS allant de 7 à 10 centimes d'euro TTC, soit de 5,85 à 8,36 centimes d'euro HT/SMS.

Bouygues Telecom considère qu'avec un tarif de détail de 7 centimes d'euro TTC proposé par Orange France et SFR, elle ne pourrait disposer que de [...] pour couvrir ses coûts réseau, ses coûts communs et ses coûts commerciaux, ce qui est insuffisant.

[...]

[...]

Elle précise qu'Orange France et SFR peuvent proposer des offres compétitives car les sociétés concurrentes bénéficient d'un effet club accentué depuis 2004 par des offres on net qui permettent aux abonnés d'envoyer des SMS à d'autres clients de l'opérateur selon un tarif préférentiel. Ainsi, l'incitation est d'autant plus forte pour le consommateur que l'écart tarifaire est important.

Bouygues Telecom indique que, de ce fait, les opérateurs concernés :

- favorisent les échanges sur leur propre réseau,

- incitent le consommateur à choisir son opérateur en fonction de celui de ses correspondants habituels afin de réduire le montant de sa facture.

Dans ce cadre, l'opérateur estime que l'instauration d'une charge de terminaison d'appel SMS élevée permet de :

- amplifier la charge financière pesant sur les SMS off net,

- créer une barrière artificielle au développement d'offres de détail quand le volume des SMS off net est supérieur au volume des SMS on net,

- justifier un écart important entre tarifs on net et off net.

L'entreprise fait savoir que seul un tarif de terminaison d'appel SMS bas lui permettrait d'assurer une baisse significative des tarifs de détail et de faire jouer la concurrence.


Au regard du développement de l'interopérabilité


Bouygues Telecom souligne que le droit national et le droit communautaire imposent à l'Autorité d'assurer l'interopérabilité entre les réseaux sur le fondement du droit des communications électroniques et en particulier au regard de l'objectif de développement équilibré du service. L'opérateur souligne qu'il s'agit d'une condition essentielle à la fourniture et au développement de services de communications électroniques.

Dans cette perspective, Bouygues Telecom considère que le tarif pratiqué par Orange France et SFR constitue une barrière à l'interopérabilité entre les réseaux. A contrario, Bouygues Télecom affirme que la baisse des charges d'interconnexion SMS de 50 % contribue à favoriser l'interopérabilité entre les réseaux.



Sur le caractère raisonnable de la proposition tarifaire de Bouygues Telecom :

L'opérateur estime que l'Autorité peut faire droit à sa demande en fixant la charge d'interconnexion d'Orange France et de SFR à 2,5 centimes d'euro et en rappelant que celle de Bouygues Telecom peut s'établir au-dessus de celle de ses deux concurrents.

La charge d'interconnexion SMS d'Orange France et de SFR doit être de 2,5 centimes d'euro :

Bouygues Telecom considère qu'une baisse de 50 % de la charge d'interconnexion d'Orange France et de SFR lui permettrait d'envisager une évolution significative de ses prix de détail et permettrait à l'Autorité de garantir l'effectivité des objectifs posés par l'article L. 32-1 du CPCE. La société estime qu'il appartient à l'Autorité de rétablir une concurrence équitable par les prix en faisant droit à sa demande de baisser les tarifs de gros d'Orange France et de SFR à 2,5 centimes d'euro.

La charge d'interconnexion SMS de Bouygues Telecom peut s'établir 20 % au-dessus de celle d'Orange France et de SFR :

Bouygues Telecom rappelle que, dans un courrier du 23 juin 2005, Orange France a entendu subordonner la diminution de son tarif à une baisse du tarif de Bouygues Telecom dans les « mêmes conditions ». Il est ainsi indiqué que SFR réserve le bénéfice de la baisse de la terminaison d'appel SMS aux seuls opérateurs « s'engageant à une baisse similaire de leur terminaison SMS à la même échéance ».

Bouygues Telecom souligne qu'à compter du 1er septembre 2005 Orange France et SFR appliqueront un tarif de terminaison d'appel SMS de 4,3 centimes d'euro HT dans le cadre d'un accord bipartite et qu'elles entendent imposer à Bouygues Telecom, par ce biais, non seulement le tarif de sa terminaison d'appel SMS, mais également le rythme de son évolution.

Par suite, la société Bouygues Telecom note que le bénéfice de cette baisse ne lui serait étendu que si elle établissait son prix de gros au même niveau que celui d'Orange France et de SFR.

L'entreprise estime qu'elle est fondée à demander un tarif de terminaison SMS supérieur à celui de ses concurrents pour les motifs suivants :

- la différence de coûts et de revenus associés à chacun des réseaux mobiles liés à l'arrivée tardive de Bouygues Telecom sur le marché ;

- la taille des parcs de clients respectifs et la part de marché des trois opérateurs ;

- le pourcentage de SMS adressé à destination des clients de réseaux tiers au regard du volume global de SMS émis par les clients des trois opérateurs.

[...]

Vu le courrier du 13 juillet 2005 de l'adjoint au chef du service juridique adressé aux parties fixant le calendrier de dépôt des mémoires des parties et portant désignation des rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 29 août 2005 présentées par la société Orange France, immatriculée au RCS de Nanterre no B 428 706 097, dont le siège social est situé 41-45, boulevard Romain-Rolland, 92120 Montrouge ;

A titre liminaire, la société Orange France précise que l'utilisation du terme « terminaison de SMS » dans le cadre de la présente demande ne préjuge pas de son régime juridique et ne constitue pas une reconnaissance par Orange France d'un parallélisme, tant sur le plan technique que réglementaire, entre les prestations de « terminaison d'appels vocaux » et les prestations conduisant à l'acheminement de SMS entre opérateurs mobiles.


A. - A titre principal, la demande de Bouygues Telecom

doit être considérée comme irrecevable



I. - LA SAISINE DE BOUYGUES TELECOM EST IRRECEVABLE

EN L'ABSENCE D'ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES



La société Orange France précise que, le 11 octobre 2004, Bouygues Telecom lui a adressé un courrier indiquant être en mesure d'envisager une baisse « significative » de son tarif de terminaison des SMS à compter du 1er mars 2005. Dans ce cadre, l'opérateur demandait à Orange France une baisse d'au moins 50 % du prix de la terminaison d'appel SMS.

Il est indiqué qu'aucune baisse de la part de Bouygues Telecom n'est intervenue au 1er mars 2005. Ce n'est que le 16 mai 2005 que Bouygues Telecom a informé Orange France « qu'une baisse courant 2005 de 50 % est raisonnable et ne saurait être différée plus longtemps ».

L'entreprise a répondu à Bouygues Telecom le 24 mai 2005 que le principe d'une baisse du prix des terminaisons d'appel SMS paraissait justifié, mais qu'une baisse de 50 % était excessive et a proposé une réunion sur ce sujet.

Deux réunions ont eu lieu, les 8 et 15 juin 2005. Orange France précise qu'au cours de la dernière réunion elle a proposé à Bouygues Telecom une diminution de son tarif de 1 centime d'euro à compter du 1er septembre 2005, ce qui conduisait à ramener la charge de terminaison à 4,336 centimes d'euro HT.

Il est indiqué que cette proposition n'a pas suscité de remarques de la part de Bouygues Telecom et que, le 23 juin 2005, Orange France lui a fait part de son intention d'arrondir le montant à 4,3 centimes d'euro HT.

Orange France rappelle que cette proposition d'arrondi avait été évoquée avec la société Bouygues Telecom, qui ne s'y était pas opposée et qui, en retour, avait également évoqué la possibilité de procéder à une baisse de son tarif dans les mêmes conditions.

Orange France précise que, le 27 juin 2005, elle indiquait son souhait de poursuivre la négociation sur le niveau du tarif de terminaison d'appel SMS en précisant que la date d'application devrait être négociée après un premier accord sur le prix et que, par conséquent, il convenait de ne pas tenir compte de la date du 1er septembre 2005 précédemment évoquée.

Par ailleurs, la partie défenderesse précise que, le 8 juillet 2005, la société Bouygues Telecom lui a adressé un courrier indiquant que la proposition d'Orange France constituait un refus manifeste de poursuivre les négociations et a introduit trois jours après, soit le 11 juillet 2005, une demande de règlement de différend devant l'Autorité.

La société Orange France estime qu'à aucun moment Bouygues Telecom n'a contesté les bases de négociation qu'elle lui a transmises, tant en ce qui concerne la baisse de terminaison d'appel SMS, qu'en ce qui concerne sa date de mise en application.

Elle souligne que, pour Bouygues Telecom, le taux de 50 % était une hypothèse maximale, l'objectif étant d'aboutir à un accord sur un taux inférieur. Orange France considère que le fait d'avancer une autre proposition que celle formulée par son concurrent ne peut suffire à établir un constat d'échec des négociations commerciales. En outre, Orange France précise que, moins de deux mois après le début des négociations, Bouygues Telecom a saisi l'Autorité, plutôt que de poursuivre les discussions autour de la position d'Orange France.

La société estime que Bouygues Telecom n'apporte pas d'éléments susceptibles d'établir l'échec des négociations. Le dernier message d'Orange France, en date du 27 juin 2005, mentionne au contraire la poursuite des négociations.

Enfin, la partie défenderesse rappelle que le courrier adressé par Bouygues Telecom le 8 juillet 2005 démontre que l'opérateur souhaitait mettre fin aux discussions en cours et cherchait en réalité un prétexte pour saisir l'Autorité.

A ce sujet, Orange France rappelle que l'Autorité a déjà indiqué que l'échec des négociations commerciales, pour être caractérisé, devait être formalisé à la date de la saisine.

Orange France constate cependant que Bouygues Telecom n'apporte pas d'éléments permettant d'attester un refus définitif de négociation, mais que son intention est plus probablement de voir l'Autorité trancher sur la tarification de la terminaison d'appel SMS de façon à obtenir à son avantage un écart similaire à celui de la terminaison d'appel vocal.

Orange France note que Bouygues Telecom a saisi l'Autorité dès la réception de ses propositions, alors que les négociations étaient en cours et qu'aucun constat de désaccord n'était établi. Orange France précise que sa proposition d'une baisse tarifaire distincte de celle proposée par Bouygues Telecom ne peut conduire à révéler une situation d'échec des négociations.

Au surplus, Orange France constate que la question d'une asymétrie entre le niveau de terminaison SMS de Bouygues Telecom et celui des deux autres opérateurs est évoquée pour la première fois dans le courrier du 8 juillet 2005 et que, par voie de conséquence, ce point n'a pu faire l'objet de négociations entre les parties.

Par suite, Orange France estime que la saisine de Bouygues Telecom ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues à l'article L. 36-8 du CPCE.




II. - LA SAISINE DE BOUYGUES TELECOM EST IRRECEVABLE EN TANT QU'ELLE APPELLE

UNE DÉCISION DE RÉGULATION ET NON PAS UN RÈGLEMENT DE DIFFÉREND



2.1. La saisine de Bouygues Telecom a pour objet et aurait pour effet de faire échec à l'application par l'Autorité des articles L. 37-1 et L. 37-2 du CPCE relatif à un éventuel marché de gros de la terminaison d'appel SMS

Orange France rappelle que l'Autorité a lancé dès l'été 2004 les premiers travaux relatifs à l'analyse d'un éventuel marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles.

Ainsi, dans l'hypothèse où l'Autorité ferait droit à la demande de Bouygues Telecom, sa décision anticiperait les résultats de l'analyse de marché en cours sans avoir respecté préalablement la procédure adéquate. Orange France souligne également qu'en faisant droit à la demande de Bouygues Telecom, l'Autorité considérerait a priori que le marché de détail des SMS n'est pas concurrentiel.

Les demandes de Bouygues Telecom conduiraient l'Autorité à imposer une obligation d'une portée particulièrement grave à la charge de la société Orange France, sans attendre les résultats de l'analyse des marchés en cours.


2.2. La demande de Bouygues Telecom est irrecevable

car elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 36-8-I du CPCE


Orange France considère que Bouygues Telecom utilise la procédure de règlement de différend pour traiter un litige de droit privé entre deux cocontractants, dans le seul but de conduire l'Autorité à fixer les tarifs applicables à l'ensemble des acteurs concernés pour aboutir à l'encadrement d'un éventuel marché de gros de la terminaison d'appel SMS.

Pour l'entreprise défenderesse, la demande de Bouygues Telecom consiste à faire établir, d'une part, un écart tarifaire entre la prestation de terminaison d'appel SMS et celles de ses deux concurrents et, d'autre part, le caractère excessif des prix pratiqués par Orange France et SFR.

Par ailleurs, Orange France signale que Bouygues Telecom reconnaît que sa demande est motivée par des considérations générales, notamment par l'existence de fortes contraintes susceptibles de nuire à un développement équilibré du service SMS et à son souhait d'obtenir une baisse des prix de détail.

Orange France souligne que la demande de Bouygues Telecom tend à obtenir une décision produisant des effets à l'égard des deux parties cocontractantes mais aussi à l'égard des tiers, ce qui est contraire à l'article L. 36-8 du CPCE.

Orange France précise que l'article L. 36-8-I du CPCE ne peut conduire, sous couvert d'assurer l'interopérabilité des réseaux et la connectivité de bout en bout, à mettre à la charge d'un co-contractant des obligations nécessitant au préalable une analyse de marché.

En définitive, Orange France indique que la saisine de Bouygues Telecom l'obligerait à respecter un encadrement tarifaire de ses prix de SMS non justifié et non conforme au principe de liberté tarifaire.


B. - A titre subsidiaire, la demande de Bouygues Telecom n'est pas fondée



I. - AUCUNE ATTEINTE À L'INTEROPÉRABILITÉ

OU À LA CONNECTIVITÉ N'EST DÉMONTRÉE



La partie défenderesse note que Bouygues Telecom constate que la consommation de SMS est en forte progression, mais que celle-ci ne profiterait pas identiquement à tous les opérateurs.


1.1. Sur la croissance des SMS


Pour justifier sa demande, Bouygues Telecom soutient que le maintien d'une terminaison d'appel SMS élevée est une contrainte sur le marché de détail qui conduirait à des prix élevés. Or, Orange France rappelle que l'Autorité, dans son rapport annuel 2004, a constaté qu'entre 2001 et 2004 le nombre de SMS a été multiplié par trois, pendant que le trafic en minutes de la téléphonie mobile augmentait d'un peu moins de 70 %. La société insiste sur le fait que cette croissance du trafic SMS est importante puisqu'au cours du deuxième trimestre 2004 et du deuxième trimestre 2005 elle s'établissait à près de 32 % sur douze mois.

Orange France estime que ses tarifs sont positionnés dans la fourchette basse des prix de détail les plus fréquemment constatés, ce qui dément l'affirmation selon laquelle le prix des SMS serait resté à un niveau trop élevé.

S'agissant de la diversité des offres et des tarifs proposés aux clients finals, Orange France indique que la situation concurrentielle sur le marché de détail mobile et sur les services SMS est dynamique.

L'opérateur indique qu'en matière de SMS elle propose à ses clients une grande diversité d'offres, tant sur le plan des usages que sur celui des formules ou des tarifs. Ainsi, le prix de base du SMS pour les clients grand public est de 13 centimes d'euro TTC, de 10 centimes d'euro TTC pour les soirs et week-ends, entre 9,23 et 10 centimes d'euro TTC pour les forfaits SMS, 8 centimes d'euro TTC pour les offres à destination du public étudiants et des SMS gratuits (« nuits KDO »).

Orange France précise enfin que les autres opérateurs de réseau mobile, tels que SFR et Bouygues Telecom, ainsi que les nouveaux opérateurs virtuels (Débitel, Breizh Télécom, Télé2) proposent aussi de nombreuses offres de SMS avec des formules et des tarifs très diversifiés :

- Débitel propose un tarif unique de 9 centimes d'euro TTC par SMS ;

- Breizh Télécom propose des SMS à 10 centimes d'euro TTC ;

- Télé2 propose des SMS à 9 centimes d'euro TTC ;

- Bouygues Telecom offre une large gamme de forfaits à partir de 7,1 centimes d'euro TTC le SMS.

Orange France rappelle que d'autres opérateurs proposent également des services de SMS interpersonnels, c'est notamment le cas de France Télécom et de certains fournisseurs d'accès internet.


1.2. Le réseau de Bouygues Telecom a profité

de la croissance des SMS de façon équilibrée




Orange France relève que Bouygues Telecom considère qu'il n'a pas bénéficié du développement des SMS dans des conditions équivalentes à celles de ses concurrents. A cette fin, Bouygues Telecom a pu indiquer que sa part de marché SMS représente [...], alors qu'elle est de [...] sur la téléphonie mobile. Cet argument n'est pas jugé sérieux puisqu'en appliquant la même analyse à la situation d'Orange France les chiffres montrent que la part de marché SMS est de [...], alors que sa part de marché en parc total client est de [...]. Orange France estime donc que, si déséquilibre il y a, ce déséquilibre n'est pas en sa faveur.



II. - LES CONDITIONS REVENDIQUÉES PAR BOUYGUES

TELECOM SONT INJUSTIFIÉES ET INÉQUITABLES



L'opérateur estime que les conditions revendiquées par Bouygues Telecom sont disproportionnées et ne satisfont pas aux principes d'objectivité et de transparence édictés par le CPCE.

Orange France indique qu'une réduction de 50 % du tarif de terminaison d'appel SMS est déraisonnable et non fondée, au vu des comparaisons européennes qui ne démontrent aucune corrélation entre le niveau de la terminaison d'appels SMS et le développement du marché de détail en volume.

La société rappelle que les services mobiles sont consommés par les clients finals de façon jointe et que l'offre mobile est perçue comme un « bien système » ou un « panier de biens » articulé autour des usages de communications personnelles. Orange France souligne ainsi que les clients se procurent en même temps auprès des opérateurs mobiles l'accès et le départ d'appels vocaux, la terminaison d'appels vocaux, le terminal, des services de type SMS, MMS, et d'autres services payants ou gratuits, comme la messagerie vocale ou les SMS de notification. Par suite, elle conclut qu'il n'y a pas de demande indépendante pour un seul de ces services, lesquels sont perçus comme complémentaires par les consommateurs.

Pour la société Orange France, il n'y a pas, à ce jour, d'élasticité significative de la demande de communications mobiles par rapport aux prix d'un seul des composants du panier, comme les SMS.

Par ailleurs, elle considère qu'à moyen terme le développement des nouveaux services permettra de faire émerger un marché de la transmission de données sur mobiles. Par conséquent, Orange France souligne que vouloir imposer une baisse massive du prix de gros du SMS peut être négative sur l'équilibre du marché de la transmission de données mobiles. Elle note qu'une baisse du prix de gros du SMS se traduirait par une diminution du prix du SMS au client final avec le risque de déstabiliser la demande pour les nouveaux produits encore émergents et plus chers.

Orange France souligne que, pour justifier sa demande d'écart tarifaire sur la prestation de SMS, Bouygues Telecom procède à une transposition des mécanismes mis en oeuvre sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers chacun des réseaux mobiles et rappelle que, contrairement aux observations de la partie demanderesse, l'analyse du marché de la terminaison d'appel vocal a été menée en conformité avec les dispositions communautaires et nationales.

Orange France estime que Bouygues Telecom n'apporte pas de justification à l'application différenciée des tarifs et qu'une mise en oeuvre distincte des obligations ne peut se déduire aussi mécaniquement que le suggère Bouygues Telecom. En outre, elle considère que les arguments invoqués par Bouygues Telecom à l'appui de ses prétentions ne justifient pas un régime discriminatoire et vont à l'encontre de la décision de l'Autorité no 2004-939 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative de Bouygues Telecom sur le marché de la terminaison d'appel vocal.

Orange France précise encore que Bouygues Telecom procède à une analogie avec la terminaison d'appel mobile pour justifier sa demande visant à légitimer une asymétrie tarifaire en matière de prestations SMS. Pourtant, contrairement à la terminaison d'appel mobile, aucune asymétrie ne résulte d'une obligation réglementaire appliquée à certains opérateurs mobiles.

Orange France estime qu'en faisant droit à la demande de Bouygues Telecom l'Autorité irait à l'encontre de sa position sur la terminaison d'appel mobile et qu'une telle mesure serait d'autant plus surprenante que, depuis 1999, le niveau de terminaison SMS est identique pour les trois opérateurs et qu'aucun élément nouveau et pertinent n'est intervenu pour justifier qu'une différenciation soit créée en 2005.

L'opérateur considère qu'une telle contradiction serait contraire aux principes d'objectivité et de transparence. A cette fin, Orange France demande à l'Autorité de constater le caractère excessif et disproportionné des demandes de Bouygues Telecom.

Pour ces motifs, Orange France demande à l'Autorité de dire et de décider :

- à titre principal, que les demandes de Bouygues Telecom sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, que les demandes de Bouygues Telecom ne sont pas raisonnables ni justifiées et doivent être rejetées ;

- de renvoyer les parties à continuer la négociation.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 8 septembre 2005 transmettant un questionnaire aux parties et fixant au 23 septembre 2005 la clôture des réponses ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 15 septembre 2005 transmettant un second questionnaire aux parties et fixant au 29 septembre 2005 la clôture des réponses ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 19 septembre 2005 présentées par la société Bouygues Telecom ;



I. - LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM EST RECEVABLE



Bouygues Telecom estime que l'échec des négociations est indiscutable et que les prestations SMS relèvent effectivement du régime juridique de l'interconnexion.


A-1. Sur les négociations entre les parties


Il est rappelé que le 11 octobre 2004 la société Bouygues Telecom a fait part de son intention de procéder à une baisse très significative de son tarif de terminaison d'appel SMS à compter du 1er mars 2005, soit au moins 50 % du prix de terminaison des réseaux d'Orange France et de SFR.

Elle indique qu'Orange France n'a pas répondu à cette demande et que les négociations sont alors restées bloquées pendant près de huit mois. Par un courrier en date du 16 mai 2005, l'entreprise précise qu'elle a sollicité une nouvelle fois Orange France, provoquant une réponse datée du 24 mai 2005 dans laquelle il était signifié un accord de principe pour reconsidérer les prix respectifs, mais dans l'objectif d'une baisse sensiblement moindre.

Bouygues Telecom précise qu'une réunion s'est tenue le 8 juin 2005, au cours de laquelle Orange France a accepté le principe d'une baisse dans la mesure où celle-ci pourrait prévenir toute régulation de la terminaison d'appel SMS par l'Autorité, mais qu'elle s'est opposée au niveau de baisse proposé par Bouygues Telecom en tant qu'il serait supérieur au tarif que le régulateur pourrait imposer dans le cadre d'une éventuelle régulation ex ante.

Dans le cadre de cette réunion, Orange France a limité sa proposition à une baisse d'un centime d'euro, soit une diminution de 20 % du tarif actuel.

Bouygues Telecom indique par la suite avoir été informée par SFR qu'en raison du refus d'Orange France de procéder à une baisse supérieure à 20 % elle ne procéderait pas à une baisse plus importante et revenait ainsi sur le compromis convenu lors d'une réunion du 23 mai 2005.

Lors d'un entretien téléphonique du 15 juin 2005 avec Orange France, la société Bouygues Telecom a proposé un nouveau compromis, quitte à ce que la baisse soit inférieure à 50 %. Pourtant, cette option a été refusée par Orange France qui a rejeté également le principe d'une différenciation tarifaire.

L'opérateur a tenté une nouvelle fois d'engager des négociations avec Orange France, qui a refusé de proposer une date de mise en oeuvre de sa proposition, alors que, le 15 juin 2005, elle évoquait cependant une application de son nouveau tarif à compter de la date du 1er septembre 2005. C'est dans ce contexte que Bouygues Telecom a saisi l'Autorité.

L'entreprise estime que l'absence de progrès dans les négociations et le fait qu'elles se soient étalées sur environ dix mois permettent de caractériser l'échec des pourparlers commerciaux. Elle considère que l'opposition constante sur le niveau de la baisse tarifaire de la terminaison d'appel SMS fonde de ce fait en droit la recevabilité de sa saisine.


A-2. Sur la présentation des négociations par Orange France


La société Bouygues Telecom affirme qu'elle avait l'intention d'entamer des négociations sur une baisse concomitante du tarif de terminaison SMS. Elle souligne qu'avec une part de moins de [...] des SMS émis elle ne peut procéder à une baisse de son tarif de terminaison d'appel SMS, sans qu'une baisse ne soit adoptée par ses concurrents. L'entreprise rappelle à cette fin qu'elle a régulièrement formulé des propositions à l'attention d'Orange France, lesquelles ont cependant été systématiquement rejetées.

Bouygues Telecom souligne que les observations d'Orange France sont erronées, car l'entreprise était prête à étudier diverses solutions, notamment celles pouvant conduire à une baisse étalée dans le temps d'ici à janvier 2006.

Elle estime que le refus répété d'Orange France de faire évoluer sa proposition ne permettait plus d'espérer aboutir, d'autant que SFR formulait la même proposition.



A l'issue de discussions internes sur la proposition d'Orange France, il a été considéré qu'un tarif de 4,3 centimes d'euro HT ne pouvait pas être satisfaisant, dans la mesure où il ne correspondait pas à la baisse proposée par Bouygues Telecom.

L'opérateur considère donc que l'échec des négociations résulte des échanges infructueux qui se sont étalés dans le temps et qui ont abouti à une divergence entre les parties en ce qui concerne la proposition de baisse (limitée à 20 %), associée à une différenciation tarifaire des prix de la terminaison SMS.


B. - La procédure de règlement de différend

est adaptée au tarif de terminaison SMS

B-1. L'inapplicabilité de la procédure liée à l'analyse de marché


A titre liminaire, Bouygues Telecom souligne que l'argument d'Orange France selon lequel la régulation du tarif de terminaison SMS relève de l'article L. 37-1 du CPCE ne peut être pris en considération. La société rappelle que le service SMS n'est pas un marché pertinent et qu'il ne peut faire l'objet, à ce titre, d'une régulation ex ante.

Bouygues Telecom indique que l'Autorité procède à une analyse de l'état et de l'évolution prévisible de la concurrence sur les marchés des communications électroniques et que les opérateurs puissants peuvent se voir imposer certaines obligations, notamment la fourniture de prestations d'interconnexion, appropriées et proportionnées aux problèmes concurrentiels constatés.

En outre, l'opérateur rappelle que la Commission européenne n'a pas défini la terminaison d'appel SMS comme constitutive d'un marché pertinent. Bouygues Telecom souligne que la nécessité d'une régulation ex ante du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles n'a pas été affirmée par l'Autorité et que, par conséquent, l'article L. 37-1 du CPCE ne peut s'appliquer.

Bouygues Telecom estime que, compte tenu des délais imposée à l'Autorité pour résoudre un litige, il est inenvisageable que l'Autorité procède dans ces délais à une analyse de marché.

L'opérateur considère par conséquent que sa demande est recevable et que l'analyse de marché et les conséquences éventuelles qui en seront tirées sont indépendantes des solution qui pourraient être trouvées pour résoudre le litige qui l'oppose à Orange France.


B.2. L'application de la procédure de règlement de différend

est pertinente au cas d'espèce


Bouygues Telecom indique en effet que ni les directives communautaires ni les dispositions du CPCE relatives à la procédure de règlement de différend ne conditionnent la recevabilité de la saisine de l'Autorité à une analyse de marché préalable.

La société demanderesse souligne qu'en revanche, dans le cadre de ses pouvoirs de règlement de litige, l'Autorité a posé l'obligation pour chaque opérateur de ne pas pratiquer des prix excessifs et a affirmé la possibilité de déroger au principe de liberté tarifaire en imposant à un opérateur de communications électroniques, même non puissant, le niveau tarifaire de l'interconnexion.

Dans cette perspective, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de fixer un niveau de terminaison d'appel SMS équitable entre les parties. S'agissant d'un tarif de gros, l'Autorité doit prendre en compte l'impact de la détermination de ce tarif d'interconnexion sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail.



II. - SUR LE BIEN-FONDÉ

DE LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM



La société Bouygues Telecom rappelle, d'une part, que le tarif de terminaison d'appel SMS est soumis aux principes du CPCE, d'autre part, que la charge d'interconnexion, fixée à 5,3 centimes d'euro HT en 1999, ne répond plus aux principes d'objectivité et de transparence de l'article D. 99-10 du CPCE.

Elle a souhaité bénéficier d'un tarif de terminaison d'appel SMS supérieur à celui de ses concurrents pour les motifs suivants :

- la différence de coûts et de revenus associés à chacun des réseaux mobiles liés notamment à l'arrivée tardive de Bouygues Telecom sur le marché ;

- la taille des parcs de clients respectifs et la part de marché des trois opérateurs.

Bouygues Telecom affirme que sa demande est équitable au sens des dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE, car :

- la baisse de la terminaison d'appel SMS est nécessaire au regard de la forte croissance qu'a connue la consommation de SMS ;

- la diminution du prix s'impose, compte tenu de la nécessité de veiller au respect du principe d'interopérabilité ;

- la baisse repose sur des conditions justifiées et équitables.


A. - Sur le niveau de la terminaison SMS


Bouygues Telecom rappelle que l'augmentation de la consommation de SMS porte atteinte à l'interopérabilité en créant un obstacle artificiel à l'échange de SMS entre les réseaux. Dans ce contexte, la baisse de la terminaison d'appel SMS s'impose, afin que les prix au détail puissent aussi être revus à la baisse.

Le nombre de SMS est en forte croissance :

Bouygues Telecom indique qu'un tarif d'interconnexion SMS peu élevé favorise le développement d'offres de détails à des tarifs attractifs et une croissance forte de l'usage du service SMS. A titre d'exemple, c'est par ce mécanisme que sont apparues au Danemark des offres illimitées qui ont généré une augmentation sensible de l'usage de SMS.

Bouygues Telecom n'a pas profité de la croissance de façon équilibrée :

Bouygues Telecom considère qu'avec une part de marché de près de [...] le volume de SMS échangé sur le réseau d'Orange France n'est pas comparable avec celui échangé sur son réseau. Par ailleurs, l'opérateur note que la majorité des SMS émis provient des réseaux d'Orange France et de SFR.

[...]



B. - Les conditions tarifaires demandées

par Bouygues Telecom sont justifiées et équitables


Bouygues Telecom considère que les tarifs de terminaison d'appel SMS doivent répondre aux principes posés par l'article D. 99-10 du CPCE et que le respect des principes d'objectivité et de transparence impose à chaque opérateur de pratiquer des tarifs raisonnables. Au demeurant, il apparaît justifié que les tarifs de gros pratiqués suivent l'évolution des coûts réellement supportés par chacun des opérateurs.

Or, Bouygues Telecom constate que les tarifs de terminaison d'appel SMS fixés en 1999 n'ont pas évolué et ne répondent plus aux principes fixés par les dispositions de l'article D. 99-10 du CPCE.

La baisse demandée par Bouygues Telecom est raisonnable :

A l'appui de sa demande, l'opérateur peut invoquer les arguments suivants :

- une charge d'interconnexion SMS de 5,3 centimes d'euro HT n'offre pas de marge de manoeuvre pour une diminution sensible des offres de détail ;

- une baisse de 50 % de la terminaison d'appel SMS en 2005 doit être appréciée dans le temps, au regard de l'absence de baisse depuis 1999 ;

- un tarif de 2,5 centimes d'euro HT reste supérieur aux coûts d'Orange France ;

- la demande de Bouygues Telecom n'a pas d'impact sur le développement des autres services de données.

Selon l'entreprise, cette demande est justifiée par la structure du marché de la téléphonie mobile. Le maintien d'un tarif de terminaison SMS élevé pénaliserait le développement du secteur avec des conséquences plus graves encore pour Bouygues Telecom. A l'inverse, une baisse significative du tarif de terminaison SMS n'aurait pas d'impact financier pour Orange France.

Une demande conforme à la structure du marché :

Il est précisé que les opérateurs européens troisième entrant subissent un handicap lié à leur arrivée tardive qui, bien que compensé parfois par des mesures réglementaires adaptées, se traduit par des marchés structurellement déséquilibrés.

[...]

Un tarif de terminaison SMS élevé pénalise le développement du marché :

Pour l'opérateur, le poids de la terminaison d'appel SMS dans la construction d'une offre de détail est central notamment pour les offres les plus attractives dont le tarif est d'environ 7 centimes d'euro TTC par SMS.

Bouygues Telecom indique en ce sens qu'un phénomène identique a pu être constaté en matière de terminaison d'appel vocal et a justifié l'intervention du régulateur qui a imposé aux opérateurs puissants, depuis 1999, une baisse tarifaire dans le cadre de plusieurs price cap successifs. En outre, Bouygues Telecom considère que la demande de détermination d'un prix de terminaison à 2,5 centimes d'euro en 2005 correspond à la tendance européenne.

La société indique que le benchmark sur les prix de détail des SMS communiqué par Orange France ne permet pas d'étayer une analyse objective car Orange France ne prend en compte qu'un nombre réduit de pays européens. Bouygues Telecom précise qu'Orange France occulte certains pays du nord et de l'est de l'Europe qui pratiquent des tarifs de détails plus faibles que les tarifs observés en France.

Bouygues Telecom souligne qu'une étude comparée des tarifs de terminaison d'appel SMS et des offres de détail permet de constater qu'une charge d'interconnexion peu élevée favorise la baisse des tarifs de détail et par conséquent le développement des usages sur le marché de détail.

Il est encore signalé qu'en France les niveaux des tarifs de détails observés pour des clients post-payés situent le marché national en dessous de la courbe de tendance, ce qui démontre qu'une baisse des tarifs de terminaison d'appel SMS est nécessaire pour permettre une baisse des tarifs de détails.

Un tarif actuel défavorable à Bouygues Telecom :

La partie demanderesse estime qu'avec la baisse du prix de détail des SMS et le lancement d'offres on net par ses concurrents sur la période 2003-2004, elle a perdu une part de son pouvoir d'attraction auprès des usagers des SMS au profit d'Orange France et de SFR, ce qui leur a permis d'augmenter leur chiffre d'affaires à son détriment.

Une demande proportionnée au regard des coûts :

Bouygues Telecom signale que sa demande est proportionnée au regard des coûts encourus par les opérateurs.

La méthode de modélisation retenue s'appuie sur un modèle de type CMILT bottom-up sur la base des coûts courants exposés pour la construction d'un réseau GSM permettant de fournir le service SMS et le service d'acheminement de la voix.

Bouygues Telecom indique que les résultats de cette modélisation font apparaître, pour Orange France, un coût moyen de terminaison d'appel SMS sur la période 1999-2003 inférieur à [...] et inférieur à [...] pour la période 2004-2008, alors que, dans le même temps, le coût moyen de terminaison pour Bouygues Telecom sur la période 1999-2003 était de [...].

Ces résultats démontrent que si le tarif d'interopérabilité appliqué sur la première période était cohérent avec les coûts supportés par les opérateurs pour la fourniture de service il demeure excessif au regard des coûts qui seront encourus sur la période 2004-2008 et justifient donc la baisse demandée par Bouygues Telecom et la fixation d'un tarif de 2,5 centimes d'euro.

Par ailleurs, Bouygues Telecom a estimé le coût de terminaison d'appel SMS sur la base de ses coûts historiques pour 2003 tels qu'ils ont été élaborés pour le reporting à l'Autorité des comptes réglementaires sur le segment de la voix.

Bouygues Telecom indique que ses coûts ont été alloués sur les services voix et SMS et que l'allocation des coûts au SMS est basée :

- pour les coûts de réseau sur la base de l'usage ;

- pour les coûts communs en les répartissant entre les services voix et SMS au prorata des coûts réseau, ces coûts allouables au SMS sont ensuite répartis sur les différents types de SMS (entrant, sortant, on net) au pro rata des volumétries correspondantes.

Bouygues Telecom souligne que cette méthode a permis de calculer un coût de terminaison d'appel SMS pour l'année 2003 de l'ordre de [...].

Une demande sans incidence sur les résultats financiers d'Orange France :

L'opérateur estime qu'un tarif de terminaison d'appel SMS de 2,5 centimes d'euro reste supérieur aux coûts supportés par Orange France. Bouygues Telecom considère ainsi que si l'Autorité fait droit à sa demande et que la baisse du prix de gros est répercutée en intégralité sur les prix de détail, le manque à gagner pour Orange France ne devrait pas représenter plus de [...], ce qui est insignifiant au regard du chiffre d'affaires d'Orange France.

L'absence d'effet sur le développement des nouveaux services :

La société Bouygues Telecom souligne que les conséquences sur les investissements d'une baisse du prix du service en partie substituable ne sont pas justifiées et sont contredites par les investissements consentis par Orange France et SFR pour le déploiement du réseau UMTS effectué au moment même où le prix des communications GSM baissait.

L'opérateur considère que la rentabilité des nouveaux services s'étudie à long terme selon les besoins des consommateurs et que l'évolution du prix du service de SMS est sans incidence sur le développement de ces services.

La demande d'asymétrie tarifaire de Bouygues Telecom est fondée :

Bouygues Telecom indique que si une asymétrie tarifaire est justifiée entre deux opérateurs de réseaux de téléphonie fixe, la justification est encore plus forte entre deux opérateurs de téléphonie mobile.

Dans cette optique, il est précisé qu'il y a une différence entre réseaux fixes et mobiles car les opérateurs de réseaux fixes peuvent déployer leurs infrastructures dans des zones rentables, alors que les opérateurs mobiles doivent couvrir une part croissante de la population, y compris dans les zones non rentables.

Bouygues Telecom précise que l'investissement en infrastructures des opérateurs mobiles se situe à des niveaux comparables, alors que, pour les acteurs de la téléphonie fixe, les coûts de déploiement pèsent essentiellement sur France Télécom.

Bouygues Telecom indique qu'avec 7,6 millions de clients elle est exposée aux mêmes coûts qu'Orange France et SFR et que cette situation est liée à l'attribution tardive de la troisième licence GSM près de quatre ans après les deux autres.

Bouygues Telecom souligne que l'asymétrie qui lui a été accordée par l'Autorité sur sa terminaison d'appel vocal montre qu'elle n'est pas en mesure d'atteindre des niveaux de coûts de réseau comparables à ceux d'Orange France et de SFR. Par voie de conséquence, cette approche doit également être retenue en ce qui concerne la terminaison d'appel SMS.

[...]



Vu les réponses des parties au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 23 septembre 2005 ;

Vu les réponses des parties au second questionnaire des rapporteurs enregistrées le 29 septembre 2005 ;

Vu les secondes observations en défense présentées par la société Orange France enregistrées le 3 octobre 2005 ;



I. - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM



A. - Sur l'échec des négociations commerciales


La société Orange France renvoie à ses précédentes observations, mais souhaite apporter des précisions sur la phase d'échange entre les deux parties.


1.1. Sur le rejet de la demande de Bouygues Telecom


Orange France considère qu'au cours des négociations Bouygues Telecom n'a pas eu une réelle volonté de négocier et que toute proposition alternative de baisse du prix de la terminaison d'appel SMS d'Orange France restait ignorée.

Orange France indique que son concurrent n'a pas fait évoluer sa position au cours des négociations et n'a pas pris en compte l'autre proposition de baisse formulée par Orange France au motif qu'elle était inférieure au prix revendiqué par Bouygues Telecom.

Orange France note que Bouygues Telecom estime depuis peu que le tarif de terminaison d'appel SMS, négocié et mis en oeuvre depuis 1999, lui est préjudiciable et que c'est à tort que Bouygues Telecom prétend que c'est de façon concertée que ses deux concurrents ont positionné leur tarif de terminaison d'appel SMS à un niveau identique. Orange France souligne que les seules discussions engagées avec Bouygues Telecom sur la base de prétentions unilatérales ne peuvent satisfaire à l'obligation de négociations entre les parties.

Il est rappelé que le 15 juin 2005 Bouygues Telecom l'a informé du niveau tarifaire proposé par SFR, soit 4,3 centimes d'euro. Orange France estime que la marge de manoeuvre de Bouygues Telecom n'a pas été limitée par Orange France et par SFR, alors que Bouygues Telecom était en relation avec chacun de ses concurrents et qu'elle les tenait informés de leur position croisée respective.

Orange France indique que l'alignement entre les niveaux proposés résulte du seul fait que Bouygues Telecom menait des discussions avec chacun de ces opérateurs de façon parallèle.


1.2. Sur le différentiel entre le prix de terminaison d'appel SMS

de Bouygues Telecom et celui d'Orange France


Orange France rappelle en premier lieu que les discussions qui se sont déroulées avec Bouygues Telecom n'ont pas porté sur l'application d'un différentiel entre les deux terminaisons d'appel SMS.

En second lieu, la partie défenderesse précise que le courrier de Bouygues Telecom en date du 16 mai 2005 faisait état d'une baisse de sa terminaison d'appel SMS et non d'une éventuelle demande d'asymétrie tarifaire entre les deux prestations.

L'opérateur note que, pour justifier cette nouvelle demande, Bouygues Telecom invoque une différence de terminologie entre sa proposition de baisse significative de sa prestation de terminaison d'appel SMS et sa demande de baisse de 50 % auprès d'Orange France.

Orange France estime donc que, la demande d'écart tarifaire n'ayant pas fait l'objet d'une demande claire exprimée préalablement par Bouygues Telecom, elle n'a pas fait l'objet de négociations entre les parties.

Dans ces conditions, l'entreprise souligne que l'Autorité ne pourra que constater l'absence de négociations sur la demande de Bouygues Telecom et pourra, par suite, conclure à son irrecevabilité.


B. - Les demandes de Bouygues Telecom sont contraires

aux dispositions des articles L. 37-1, L. 37-2 et L. 36-8-I du CPCE


A titre liminaire, Orange France indique qu'elle est consciente que la Commission européenne n'a pas identifié la terminaison d'appel SMS comme constitutive d'un marché pertinent et ne subordonne pas la compétence de l'Autorité à une analyse de marché préalable, mais souhaite démontrer que les mesures revendiquées par Bouygues Telecom ne peuvent être imposées qu'à la suite d'une analyse de marché appropriée.

A titre incident, Orange France note que Bouygues Telecom ne conteste pas que sa demande vise à obtenir des mesures de régulation du tarif de la terminaison SMS.

Orange France rappelle que, selon elle, la procédure de règlement de différend n'a pas pour objet de mettre en oeuvre un mécanisme de régulation, mais qu'elle a été conçue pour permettre aux opérateurs de régler leurs différends par l'intermédiaire d'une saisine de l'Autorité.

Orange France considère que les conditions d'identification d'un marché de gros de la terminaison d'appel SMS ne sont pas réunies et que la mise en oeuvre d'une régulation de cette prestation n'est pas justifiée.

L'opérateur soutient que si une régulation devait intervenir elle ne pourrait se faire qu'après une phase d'analyse conduisant, le cas échéant, à déterminer un marché approprié. Orange France estime que les conditions techniques et tarifaires de la prestation ne peuvent être déterminées sans considération des règles qui s'imposeraient ou non aux parties à la suite d'une analyse précise du marché de détail pertinent et le constat du caractère insuffisamment concurrentiel de celui-ci.

Orange France indique enfin que les dispositions actuelles du CPCE ne permettent pas de prendre des mesures de mise en oeuvre du principe d'orientation vers les coûts revendiqué par Bouygues Telecom s'agissant d'un tarif relevant de la liberté tarifaire ou d'un écart tarifaire entre les prestations relevant de la libre négociation commerciale.




II. - SI LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM

ÉTAIT RECEVABLE, ELLE N'EST PAS JUSTIFIÉE

A. - Les demandes de Bouygues Telecom ne sont pas justifiées

au regard de l'état du marché


Orange France rappelle que les services mobiles ont le caractère de « biens systèmes » ou « paniers » de services et qu'il n'y a pas d'élément permettant de déterminer un marché pertinent spécifique au SMS.

La société signale à nouveau que l'ensemble du panier des services mobiles constitue un seul et unique marché des services de communications électroniques mobiles de détail qui recouvre différents paniers de services. Il est précisé que les SMS apparaissent comme complémentaires et partiellement substituables à la voix.

Il s'agit d'un marché de détail concurrentiel qui ne justifie pas une intervention du régulateur sur un marché de gros qu'il délimiterait. Orange France estime que la prise en compte des coûts de la prestation de terminaison d'appel SMS et l'orientation des tarifs de prestation de terminaison vers les coûts ne sont pas justifiés et sont disproportionnés au regard du principe de la liberté tarifaire. Orange France considère donc que l'exemple du Danemark ne peut être pertinent, contrairement aux observations de Bouygues Telecom.

La société défenderesse indique que les SMS sont complémentaires à la voix et peuvent être substituables à de nouveaux services data pour les utilisateurs mobiles. Orange France précise qu'en nombre d'utilisateurs actifs l'évolution des usages data passe par une décroissance du SMS et une augmentation corrélative des services e-mails et MMS. Les phénomènes de substituabilité des data aux SMS sont en outre présentés dans l'étude du cabinet Ovum.

Orange France précise que les prix de détail des SMS en France sont dans la moyenne européenne, qu'il s'agisse du prix moyen pratiqué ou du prix unitaire des SMS. La société souligne que Bouygues Telecom ne peut contester le benchmark présenté dans ses précédentes observations en considérant qu'il concerne un nombre réduit de pays, alors que les sept plus grands pays européens sont retenus dans l'analyse.


B. - La demande de Bouygues Telecom n'est pas justifiée

au regard de l'atteinte au principe d'interopérabilité


Orange France rappelle qu'il n'a pas été porté atteinte à l'interopérabilité SMS, compte tenu de leur développement qui, en outre, ne s'est pas fait au détriment de Bouygues Telecom, puisque l'opérateur a mieux profité de la croissance des SMS qu'Orange France.

La partie défenderesse note que Bouygues Telecom ne démontre pas que le niveau du tarif de la prestation SMS entraverait l'interopérabilité du service entre les différents opérateurs. Contrairement aux observations de Bouygues Telecom, il n'est pas possible de pratiquer une analyse prévisionnelle fiable des terminaisons SMS et de fixer un niveau de terminaison d'appel SMS en France se situant dans la moyenne des terminaisons à venir.

Orange France souligne que les niveaux de terminaison SMS fixés après la sortie du Bill & Keep sur les SMS dans certains pays européens ne permet pas de présager des niveaux de terminaison pouvant être atteints dans les autres pays européens. Orange France estime qu'avec une baisse d'un centime d'euro (soit une terminaison SMS ramenée à 4,3 centimes d'euro HT) pour l'ensemble des opérateurs la France se retrouverait quasiment au niveau de la terminaison SMS de l'Autriche ([...]) et de la Norvège ([...]).

Orange France souligne qu'il n'y a aucune corrélation significative entre le niveau de la terminaison d'appel SMS et le développement du marché de détail en volume. Pour illustrer cette affirmation, il est indiqué que les prix de détail des SMS les plus fréquents et les prix de gros dans plusieurs pays européens ne sont pas significativement corrélés entre eux.

Orange France constate que les prix de détail des SMS en Angleterre sont assez élevés par rapport aux prix de détail français malgré un niveau de terminaison d'appel SMS inférieur à celui de la France.


C. - Les conditions revendiquées par Bouygues Telecom

ne sont pas raisonnables et inéquitables

C.1. Une baisse brutale de la terminaison d'appel SMS

aurait un effet négatif sur les investissements


Orange France précise que la tendance montre que les services émergents en matière de données se substituent aux services existants, tels que les MMS vendus à des prix plus élevés que les SMS. L'entreprise souligne qu'une baisse brutale du prix des SMS pourrait ralentir ce mouvement de substitution et que les prix très bas des SMS pourraient alors détourner les clients de ces nouveaux services. Par suite, le ralentissement de la demande pour ces services émergents pourrait influer sur sa politique d'investissement dans ces nouvelles infrastructures.

Orange France indique que Bouygues Telecom ne peut prendre l'exemple du modèle danois, puisque les services mobiles data ne s'y développent pas et que le régulateur national a imposé l'obligation d'accès aux opérateurs mobiles disposant de licence.

Orange France précise que les opérateurs MVNO ont une politique commerciale visant à baisser les prix de détail de la voix et des SMS avec la banalisation des offres illimitées ou des offres à forte consommation.

Ces opérateurs ont cependant négligé le développement des services data émergents qui sont en retard par rapport aux autres pays européens. Orange France précise que l'entrée de plus de dix acteurs ayant tous une stratégie de baisse tarifaire importante a provoqué une saturation du marché des mobiles danois, ce qui se traduit par une concentration des opérateurs donnant lieu à des mouvements de fusions et acquisitions.

Orange France indique que, dans l'exemple du Danemark retenu par Bouygues Telecom, il faut observer que les data autres que le SMS marquent un retard dans leur développement et que les clients se sont détournés des data mobiles émergents en raison des prix excessivement bas pratiqués sur les SMS.

Enfin, Orange France souligne qu'il y a une forme de substituabilité entre les SMS et les autres data et qu'une chute du prix du SMS peut engendrer un retard dans l'utilisation et le développement des autres data.


C.2. Les éléments apportés par Bouygues Telecom au titre de la méthodologie des coûts

ne peuvent servir de référence pour la fixation du prix de la terminaison d'appel SMS


Sur la méthodologie :

Orange France souligne les limites de l'exercice consistant à traiter de la pertinence des différentes méthodes de calcul de coût de terminaison d'appel SMS et signale qu'elle n'a pu approfondir les méthodes présentées par Bouygues Telecom. En conséquence, il est demandé à l'Autorité d'écarter la référence aux modélisations soumises dans le cadre du présent litige.

Sur le calcul du coût de la terminaison d'appel SMS :

Orange France rappelle qu'elle a développé un modèle de coûts complets historiques qui, à partir d'une modélisation de l'ensemble des produits techniques voix et data et des éléments de réseau, permet l'extraction des données propres à l'activité voix sous la forme d'un rapport annuel des coûts.

L'opérateur indique qu'il est apparu au regard de la modélisation de l'activité SMS que cette méthode était rendue plus complexe par la multiplicité des produits propres aux SMS en comparaison de la voix.

Orange France note que certaines études sur la modélisation des coûts SMS reposent sur le principe d'une conversion nombre d'octets/minutes. Il faut cependant considérer que ce principe n'est pas pertinent. En effet, ce n'est pas le nombre d'octets du message qui est l'élément déterminant pour le calcul du coût, mais bien plutôt la durée d'occupation du canal de signalisation.

Sur l'approche théorique :

S'agissant du document de TERA Consultants annexé à la réponse de Bouygues Telecom en date du 23 septembre, Orange France souhaite apporter les commentaires suivants :

- il y a lieu de contester l'hypothèse qui a été retenue concernant les zones périurbaine et rurale [...] ;

- le fait de ne retenir que les seules BTS de couverture et non les BTS de trafic pose un problème : le « réseau de couverture » ne peut être uniquement conçu comme assurant une couverture du territoire, il doit également prendre en compte un niveau suffisant de qualité de service ;

- le fait que « sur le bas de réseau, les coûts sont équitablement répartis entre les services de voix et de messagerie » révèle le caractère particulièrement simplificateur de ce modèle qui n'utilise aucun système de conversion SMS/minutes et déroge au principe de causalité, pourtant fondateur de tout modèle de coût pertinent. Orange France souligne encore que le facteur 1/2 affecté au coût du réseau de couverture pour calculer le coût de la partie SMS n'est pas lié aux caractéristiques de fonctionnement du SMS dans un réseau mobile ;

- la société Orange France considère qu'on ne peut utiliser la méthode de la valeur de Shapley au prétexte d'une « impossibilité de déterminer les coûts de fourniture isolés des noeuds de réseau pour les seuls SMS ».

Enfin, Orange France estime que le choix d'opérer différemment en ce qui concerne les noeuds de réseau et le HLR révèle l'incohérence de la méthode.



Orange France indique que les données qu'elle utilise pour les parts de marché volume voix et volume SMS ne sont pas égales à la part de marché parc car la typologie de ses clients est différente de celle des clients de ses concurrents et se traduit donc par un usage moyen voix et SMS inférieur.

Sur l'approche historique :

Orange France considère que la description faite dans le document de Bouygues Telecom du 23 septembre n'est pas assez détaillé pour juger de la pertinence de la méthode et de ses résultats, notamment en ce qui concerne :

- l'allocation des coûts radio : Orange France indique que dans une approche top-down, tous les coûts des équipements impliqués doivent être alloués aux produits techniques dans le modèle. Pour le cas des BCCH, Orange France précise qu'elle les a traités de la même façon que les canaux SDCCH de signalisation. Orange France note que les coûts des services communs ne sont pas affectés à la voix et aux SMS et considère que ce choix est contestable et que les coûts de mise à jour de localisation représentent une part importante de terminaison d'appel SMS ;

- la répartition des coûts de la partie coeur de communication commun devrait s'effectuer en fonction du nombre de messages de signalisation puisque ces équipements sont dimensionnés en fonction du nombre de messages de signalisation qui passent permettant de prendre en compte les retransmissions de SMS.

Orange France précise que le principe d'allocation des coûts de transmission intercommutateur est erroné car, dans son réseau, la signalisation utilise un marché dédié par lequel sont acheminés les messages de signalisation relatifs aux communications voix et SMS, ainsi que les mises à jour de localisation. L'opérateur souligne que ce réseau dédié, hautement sécurisé, est différent du réseau de transport. Orange France note enfin que la clé d'allocation des coûts HLR, VLR, localisation, AUC, EIR n'est pas explicitée.

Synthèse des commentaires sur les modèles de coûts :

Orange France considère que seuls les modèles de type « approche historique top-down » prenant en compte le fonctionnement réel et complet du SMS dans un réseau mobile et permettant de respecter le principe de causalité sont à même de permettre l'identification d'un coût pertinent de terminaison d'appel SMS. Orange France souligne que l'Autorité ne pourra que constater le caractère contestable des hypothèses retenues par Bouygues Telecom.


C.3. Les conditions revendiquées par Bouygues Telecom

sont contraires aux principes de transparence et d'objectivité


Orange France estime que les revendications de son concurrent conduirait l'Autorité à prendre des mesures ne respectant pas les principes prévus à l'article D. 99-10 du CPCE.

Les mesures revendiquées ne sont pas compatibles avec le principe de transparence :

Orange France souligne que Bouygues Telecom n'apporte aucun élément permettant de montrer en quoi le tarif négocié entre les parties depuis 1999 serait devenu excessif au point qu'il soit nécessaire d'obtenir une baisse de 50 %. Orange France considère que la demande de Bouygues Telecom est injustifiée, disproportionnée et inéquitable au regard des spécificités du marché français.

Sur le fait d'imposer un différentiel conduisant à subventionner un opérateur inefficace économiquement :

Orange France rappelle que l'Autorité a déjà reconnu la nécessité d'une méthodologie de calcul réciproque de la terminaison d'appel en considération de l'identité des prestations échangées afin de déterminer le tarif de la prestation de terminaison vocale des concurrents de France Télécom sur leur boucle locale.

Orange France indique à nouveau que Bouygues Telecom n'apporte aucun élément de nature à justifier l'existence d'un tarif différencié de sa terminaison d'appel SMS. Au regard des prestations échangées entre les opérateurs concernés, un tel écart aurait surtout pour conséquence d'introduire une discrimination en sa faveur.

L'entreprise souligne que la marge inférieure dégagée par Bouygues Telecom provient d'un coût unitaire supérieur découlant d'un trafic SMS moins important sur son réseau dû à une part de marché inférieure à celle de ses concurrents, mais aussi à ses choix en matière d'offres commerciales et tarifaires.

Orange France précise que, en vertu du principe d'équité et d'objectivité, le bilan économique proportionnel au trafic doit être le résultat de l'efficacité de chaque opérateur sur le marché de détail et de la différence entre les flux de trafic sur le marché de gros. Orange France indique que le marché de gros ne doit pas servir à transférer la valeur d'un opérateur à l'autre au détriment de la valeur économique générée sur le marché de l'interconnexion.

Un opérateur possédant une part de marché élevée bénéficie d'économies d'échelle lui permettant de réduire ses coûts unitaires, alors qu'un opérateur à part de marché plus faible doit acquérir des clients pour rentrer dans un modèle de coût unitaire plus concurrentiel. Orange France considère que la subvention n'entre pas dans un modèle économique viable de long terme et ne peut être soutenue dans un marché équitable.

La société Orange France rappelle que l'Autorité a imposé en 2001 une régulation des terminaisons d'appels vocaux aux deux opérateurs puissants sur le marché de l'interconnexion voix (SFR et France Télécom Mobiles), mais que, depuis le changement de cadre réglementaire, les trois opérateurs sont régulés sur leur terminaison d'appel vocal.

Elle considère qu'il est contraire au principe d'objectivité et d'équité de créer une nouvelle rente pour Bouygues Telecom en instituant un différentiel sur la terminaison d'appel SMS d'Orange France, alors que l'Autorité tente de réduire le différentiel existant sur la voix.

La mise en oeuvre des revendications de Bouygues Telecom à compter du 1er juillet 2005 aurait conduit, selon Orange France, à organiser le subventionnement de son concurrent en lui procurant une manne financière inéquitable et sans justification.

Cela constituerait un profit pour Bouygues Telecom, puisque la baisse de la terminaison SMS d'Orange France ne pourrait pas être répercutée aux clients finaux de Bouygues Telecom.

Orange France indique que la mise en oeuvre d'une baisse tarifaire aux clients finaux résultant de la baisse de terminaison d'appel SMS ne peut intervenir qu'après un délai suffisant pour intégrer, dans les systèmes d'information, les données appropriées en procédant parallèlement à la communication des nouveaux tarifs aux clients dans des conditions conformes à la réglementation en matière d'information sur les prix des services téléphoniques.

Pour ces motifs, Orange France maintient les mêmes demandes que dans ses précédentes observations en précisant que les conditions revendiquées par Bouygues Telecom sont inéquitables.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 21 octobre 2005 convoquant les parties à une audience devant le collège le 3 novembre 2005 ;

Vu le courrier de la société SFR enregistré le 27 octobre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Bouygues Telecom enregistré le 28 octobre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 3 novembre 2005, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Henry-Pierre Mélone, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Emmanuel Forest, Emmanuel Micol, Pascal Dutru, pour la société Bouygues Telecom ;

- les observations de M. Didier Quillot, pour la société Orange France.

En présence de :

MM. Emmanuel Forest, Arnaud Van Eeckhout, Emmanuel Micol, Pascal Dutru, Mme Constance de la Source, pour la société Bouygues Telecom, Me Agnès Germain, Me Joseph Vogel, pour le Cabinet Vogel & Vogel, M. Laurent Benzoni, pour la société Téra Consultants ;

MM. Didier Quillot, Jean-François Devemy, Patrick Roussel, Davy Letailler, Mmes Laurence Genty, Florence Muh-Wallerand, pour la société Orange France ;

MM. Philippe Distler, directeur général, François Lions, directeur général adjoint, Henry-Pierre Mélone, Olivier Mellina-Gottardo, Benoît Loutrel, Sébastien Soriano, Grégoire Weigel, Mmes Isabelle Kabla-Langlois, Joëlle Adda, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Le collège en ayant délibéré le 8 novembre 2005, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :




I. - COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ



En application des dispositions de l'article L. 36-8-I du CPCE, l'Autorité peut être saisie par l'une ou l'autre des parties « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques ».

Par ailleurs, l'article L. 32 (9°) du CPCE dispose que l'interconnexion désigne « la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur (...) ».

Enfin, « on entend par réseaux ouverts au public tout réseau de communications électroniques établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de communications électroniques ou de services de communication au public par voie électronique » (art. L. 32-3 du CPCE).

S'agissant du SMS mobile vers mobile, le service d'envoi et de réception des messages courts permet aux utilisateurs des différents réseaux exploités par les opérateurs de téléphonie mobile de communiquer entre eux.

S'agissant de la terminaison d'appel SMS, le contrat d'interfonctionnement point à point pour l'envoi et la réception de messages courts entre abonnés d'opérateurs mobiles GSM signé entre Bouygues Telecom et Orange France indique, à l'article 1.1, que la convention a pour objet « de définir les conditions dans lesquelles chaque Partie fournit à l'autre Partie les services d'envoi de SMS à partir de son (ses) SMS-C et de réception de SMS en provenance du (des) SMS-C de l'autre Partie » (1). En outre, l'article 3 de ladite convention stipule notamment que « chacune des Parties s'engage à transmettre les SMS de ses clients à l'autre Partie (...) ». Enfin, le schéma technique repose bien sur la transmission des messages par le biais d'équipements caractérisant une « liaison physique et logique » entre les réseaux des opérateurs concernés.

Par ailleurs, les infrastructures concernées sont bien des réseaux ouverts au public.

Il résulte de ces éléments que la terminaison d'appel SMS relève du régime juridique de l'interconnexion. Au demeurant, ce point n'est pas contesté par la partie défenderesse.

Dans ces conditions, la compétence de l'Autorité au titre de la procédure de règlement de différend se trouve vérifiée.


(1) Les initiales SMS-C (Short Message Service Centre) désignent l'équipement gérant le stockage et l'expédition des SMS.

II. - RECEVABILITÉ



A. - Sur le champ des négociations commerciales et l'échec de ces négociations


La société Orange France invoque la décision no 2000-489 du 26 mai 2000, dans laquelle l'Autorité a considéré que la saisine de 9 Telecom Réseaux était irrecevable au motif qu'il n'apparaissait pas « qu'une négociation ait été engagée sur cette question par les deux parties ». Orange France estime que l'Autorité devrait conclure de la même manière au cas d'espèce.

Il ressort des éléments du dossier que Bouygues Telecom a adressé à Orange France un courrier daté du 11 octobre 2004 par lequel l'opérateur annonçait sa volonté de procéder à une baisse « très significative » de son tarif de terminaison d'appel SMS « dès le 1er mars 2005 » tout en demandant à Orange France de procéder elle-même à « une baisse de 50 % » de son tarif.

Le 24 mai 2005, Orange France répond à Bouygues Telecom que le principe d'une baisse du prix des terminaisons d'appel SMS paraît justifié, mais qu'une demande de plus de 50 % lui semblait excessive. A l'issue d'une première réunion de travail le 8 juin 2005, Orange France fait une proposition de baisse de tarif de terminaison SMS des deux parties d'un centime d'euro, soit une diminution de 20 % du tarif actuel. Orange France indique avoir proposé à Bouygues Telecom d'arrondir le montant à 4,3 centimes d'euro, tout en précisant que la date d'application de la baisse devait être négociée après accord sur le prix et qu'il convenait donc de ne pas tenir compte de la date du 1er septembre 2005.

Orange France conteste qu'il y ait eu échec des négociations. S'agissant plus particulièrement de la demande tendant à ce que l'ARCEP fixe le tarif de terminaison SMS de Bouygues Telecom à un niveau supérieur à celui d'Orange France, la partie défenderesse affirme que ce point n'a jamais fait l'objet d'une quelconque négociation et qu'elle a été informée de cette nouvelle demande par la lettre du 8 juillet 2005 par laquelle Bouygues Telecom constatait l'échec des négociations, avant de saisir l'Autorité du présent litige trois jours plus tard.

Il ressort en premier lieu des pièces transmises par les parties que l'objet principal des négociations initiées en octobre 2004 portait sur la fixation du tarif de terminaison d'appel SMS d'Orange France à l'égard de Bouygues Telecom, mais que le tarif de terminaison d'appel SMS de Bouygues Telecom à l'égard d'Orange France était également l'objet de la négociation. En effet, la proposition du 8 juin 2005 d'Orange France consistait en une baisse de 20 % portant sur son tarif mais également sur celui de Bouygues Telecom. De la même manière, Bouygues Telecom demandait à Orange France, dans son courrier du 11 octobre 2004, de baisser son tarif après avoir précisé qu'elle entendait pratiquer une baisse significative sur son propre tarif.

En second lieu, il apparaît que, malgré une réitération de ses demandes par Bouygues Telecom le 16 mai 2005 et la conduite de discussions entre les parties durant les mois de mai et juin 2005, les parties n'ont pu s'accorder sur la fixation de nouveaux tarifs d'interconnexion SMS.

L'Autorité relève donc que les négociations commerciales entre les parties ont bien échoué, tant en ce qui concerne le tarif de terminaison d'appel SMS d'Orange France à l'égard de Bouygues Telecom que celui de Bouygues Telecom à l'égard d'Orange France.


B. - Sur la recevabilité des demandes des parties


Dans sa saisine en date du 11 juillet 2005, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de :

- se déclarer compétente pour connaître du différend qui l'oppose à Orange France ;

- fixer le tarif de terminaison d'appel SMS interpersonnel d'Orange France à 2,5 centimes d'euro à compter du 1 er juillet 2005 ;

- reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondé à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnel plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal (en l'espèce, 3 centimes d'euro).

Orange France, dans son premier mémoire en défense du 29 août 2005, demande à l'Autorité de dire et décider :

- à titre principal, que les demandes de Bouygues Telecom sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, que les demandes de Bouygues Telecom ne sont pas raisonnables ni justifiées et doivent donc être rejetées, dès lors que les conditions revendiquées sont inéquitables ;

- de renvoyer les Parties à continuer la négociation.

L'article L. 36-8-I, alinéa 2, du CPCE dispose que, dans le cadre de sa compétence, l'ARCEP règle le litige en précisant « les conditions équitables d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés ». S'agissant plus particulièrement des pouvoirs d'intervention de l'Autorité en matière tarifaire, la cour d'appel de Paris souligne dans un arrêt en date du 20 janvier 2004 que « le principe de liberté tarifaire (...) n'est pas absolu et n'exclut pas que [l'Autorité] y apporte des restrictions tenant compte notamment d'un objectif d'efficacité économique, de la nécessité d'assurer un développement compétitif du marché, ainsi qu'un équilibre équitable entre les intérêts légitime des différents opérateurs du secteur des télécommunications » (2).

Ainsi, les demandes relatives à la fixation des tarifs de terminaison d'appel SMS sur les réseaux des opérateurs mobiles concernés sont recevables.


(2) La cour se prononçait dans le cadre du recours contre la décision de règlement de différend no 2003-703 du 5 juillet 2003 relatif au litige opposant UPC France contre France Télécom.

C. - Sur le détournement de procédure allégué par Orange France


Pour Orange France, la demande de Bouygues Telecom est irrecevable en ce qu'elle cherche à obtenir l'adoption de mesures de régulation ex ante et non le règlement d'un différend relatif aux modalités d'une relation commerciale.

Dans ces conditions, l'opérateur soutient que s'il était fait droit aux demandes de Bouygues Telecom, la solution du litige anticiperait les résultats de l'analyse des marchés en cours, sans en avoir respecté la procédure et sans en connaître les résultats. Orange France rappelle par ailleurs qu'à ce jour le marché de gros de la terminaison d'appel SMS ne constitue pas un marché pertinent.

Orange France précise encore qu'elle ne subordonne pas la compétence de règlement de litige de l'ARCEP à une analyse de marché préalable, mais qu'elle entend démontrer que les mesures revendiquées par Bouygues Telecom ne peuvent être imposées qu'à la suite d'une analyse de marché appropriée. Aussi, la société Bouygues Telecom instrumentalise-t-elle, selon Orange France, la procédure de règlement de différend pour faire adopter une mesure qui relève en réalité de la régulation ex ante.




Bouygues Telecom estime au contraire que la procédure du règlement de différend est la seule adaptée au cas d'espèce. D'une part, étant donné le temps imparti, la procédure liée à une analyse de marché est inapplicable et son annonce n'est pas de nature à exclure du champ de la procédure du règlement de différend toute matière se rapportant à cette analyse. D'autre part, la procédure relative au règlement de différend est adaptée à la situation dès lors qu'il y a échec des négociations commerciales portant sur une prestation d'interconnexion.

L'Autorité rappelle qu'elle est tenue de trancher un différend, dans la mesure où la demande est recevable au regard des dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE, et ce quand bien même une analyse de marché serait en cours concernant le marché en cause (au cas d'espèce le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles).

En effet, sur le fondement de l'article L. 36-8-I précité du CPCE, l'Autorité tranche les litiges en précisant « les conditions équitables d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion et l'accès doivent être assurés ». Suivant les prescriptions de l'article R. 11-1 du CPCE, elle rend sa décision dans le délai de quatre mois, sauf circonstance exceptionnelle.

La mise en oeuvre de ce mécanisme ne saurait donc être confondue avec la procédure distincte d'analyse des marchés qui, en application des dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, vise à imposer des obligations réglementaires ex ante au vu des obstacles au développement de la concurrence identifiés sur le marché concerné. En outre, cette procédure suppose de procéder à une consultation publique, de recueillir l'avis du Conseil de la concurrence et de notifier les projets de décisions à la Commission européenne.

Dans le premier cas, il est question de mettre en oeuvre une compétence quasijuridictionnelle, sous le contrôle du juge judiciaire, dans les conditions prévues par le législateur et de prononcer à ce titre, ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel, « des décisions exécutoires prises dans l'exercice de prérogatives de puissance publique » (3).

Dans le second cas, il s'agit de mener sur la base de critères précis une analyse de l'évolution de la situation concurrentielle sur un marché donné pour, selon les situations, déterminer les meilleurs dispositifs de correction ex ante susceptibles d'être appliqués pour remédier aux imperfections qui auront pu être identifiées.

Les deux mécanismes sont autonomes et ne s'excluent nullement.

Un règlement de différend peut ainsi intervenir dans le contexte d'un litige formé à l'occasion de l'exercice des activités de communications électroniques sur un marché régulé au titre de la régulation ex ante relative à l'analyse de marché. De même, un litige peut tout aussi bien être tranché en équité, entre des opérateurs pour des prestations non régulées, mais relevant du régime de l'accès ou de l'interconnexion.

Les fondements juridiques des deux procédures sont distincts, l'objet du règlement de litige est différent de celui de l'analyse des marchés et leurs effets ne sont pas identiques. Aucune priorité ni aucune subordination ne saurait être accordée à l'une plutôt qu'à l'autre. Dès lors, l'ARCEP ne peut écarter la compétence qu'elle tire des dispositions de l'article L. 36-8 susvisé.

Au cas d'espèce, l'Autorité rappelle que, dans le cadre de l'analyse des marchés, elle a envoyé des questionnaires portant sur les « services de communications mobiles SMS » aux différents acteurs concernés le 29 juillet 2004 puis a lancé une consultation publique sur l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles le 24 octobre 2005. Ces éléments n'impliquent aucunement la suspension de la compétence de règlement de litige qui appartient à l'ARCEP.

Dans ces conditions, l'Autorité est appelée à résoudre le différend en équité, ce qui implique d'apprécier les demandes des parties au regard des obligations qui leur sont effectivement opposables à la date de la décision, et plus généralement au regard des objectifs de la régulation, tels qu'ils figurent dans les dispositions de l'article L. 32-1 précité du CPCE.

Dans ce cadre, étant entendu que les parties bénéficient de la reconnaissance légale d'un droit à l'interconnexion et d'une obligation de conclure les conventions s'y rapportant, conformément aux prescriptions de l'article L. 34-8 du CPCE, l'Autorité veillera notamment à ce que sa décision préserve en particulier les conditions d'exercice « d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » (4). En revanche, l'Autorité rappelle qu'à ce jour les opérateurs concernés ne sont pas soumis à une obligation de contrôle tarifaire ex ante telle qu'elle pourrait être imposée dans le cadre d'une analyse de marché.

Pour toutes ces raisons, l'Autorité considère que la demande de Bouygues Telecom est recevable et se déclare compétente pour connaître du différend qui l'oppose à Orange France, tant en ce qui concerne le tarif de terminaison d'appel SMS d'Orange France à l'égard de Bouygues Telecom que celui de Bouygues Telecom à l'égard d'Orange France.


(3) Conseil constitutionnel, décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996, RJC-I 675. (4) Article L. 32-1 (2°) du CPCE.

III. - AU FOND



A. - Sur la demande d'écart tarifaire


La société Bouygues Telecom a demandé à l'Autorité de « reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondée à solliciter un tarif de terminaison de SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal ».

Le demandeur estime que sa demande d'écart tarifaire est conforme à la pratique observée s'agissant des terminaisons d'appel vocal, fixes ou mobiles, pour lesquelles un écart existe entre certains opérateurs.

En premier lieu, contrairement aux marchés de gros de la terminaison d'appel vocal, fixe ou mobile, où l'écart tarifaire s'inscrit dans le cadre d'une obligation de contrôle tarifaire, notamment d'orientation vers les coûts, le marché de gros de la terminaison d'appel SMS n'a pas été identifié, à ce jour, comme pertinent par l'Autorité au sens de l'article L. 37-1 du CPCE. A fortiori, il n'existe pas d'obligation réglementaire ex ante sur ce marché. Aussi, à la date de la présente décision et au cas d'espèce, l'analogie avec la terminaison d'appel vocal n'est-elle pas pertinente pour la fixation du niveau équitable de la charge d'interconnexion.

En second lieu, le service de SMS interpersonnel est identique d'un opérateur à l'autre. En effet, il se base tout d'abord sur la même technologie (norme GSM). Ensuite, les architectures de réseau, schématisées ci-dessous, sont globalement identiques entre les deux opérateurs, comme l'indiquent les réponses des deux opérateurs au premier questionnaire de l'ARCEP portant, entre autres, sur la description des équipements utilisés dans le cadre de l'envoi et de la réception de SMS. Enfin, les opérateurs de réseau mobile sont soumis aux mêmes obligations de couverture du territoire. De ce fait, il n'existe pas de différences techniques significatives entre les prestations de terminaison d'appel SMS de chaque opérateur.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 304 du 31/12/2005 texte numéro 197



En troisième lieu, le volume annuel de SMS envoyé par Bouygues Telecom à Orange France est globalement équivalent, à moins de 5 % près, à celui envoyé par Orange France à Bouygues Telecom.

Dans ce contexte, il apparaît que si les parties étaient parvenues à un accord commercial, cet accord se serait fait sur la base d'une réciprocité tarifaire, c'est-à-dire d'une identité du niveau des terminaisons d'appel SMS respectives. En effet, en l'absence de mesures de régulation ex ante, la symétrie tarifaire constitue le résultat naturel d'une négociation dans la mesure où elle résulte d'un équilibre de Nash : individuellement, chaque acteur a intérêt à ce que la terminaison d'appel SMS de son concurrent soit la plus basse possible de façon à minimiser ses coûts, tout en ayant un tarif d'interconnexion le plus élevé possible de façon à maximiser ses revenus.

Ainsi, dans le cadre d'une négociation bilatérale où il existe une symétrie globale en termes de prestations fournies, de volumes ainsi que d'architecture de réseaux sous-jacents et où le tarif d'interconnexion constitue le seul élément de négociation entre les parties et que ce tarif n'est pas soumis à une obligation de contrôle tarifaire ex ante, l'Autorité considère qu'il est équitable que les tarifs de terminaison soient réciproques, sauf circonstances exceptionnelles. L'Autorité relève que les parties pratiquent d'ailleurs la réciprocité tarifaire dans le cadre des accords d'interfonctionnement SMS depuis 1999 ainsi que pour les accords d'interfonctionnement MMS.



Au surplus, l'Autorité relève que la demande de Bouygues Telecom est essentiellement motivée par le niveau jugé trop élevé de la terminaison d'appel SMS de ses deux concurrents et non sur celui de sa propre terminaison d'appel SMS.

Pour ces raisons, l'Autorité rejette la demande d'écart tarifaire de Bouygues Telecom et estime que, au cas d'espèce, sur la seule base de l'équité et compte tenu des moyens développés, la société Bouygues Telecom n'est pas fondée à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents.


B. - Sur le niveau équitable de la terminaison d'appel SMS


Au cours de la phase de négociations, les sociétés Bouygues Telecom et Orange France se sont accordées sur le fait que le tarif de 5,336 centimes d'euro, fixé en 1999 et actuellement appliqué par les parties, ne se justifiait plus au regard de l'évolution de la consommation de SMS.

En effet, Bouygues Telecom indique à Orange France, dans sa lettre du 11 octobre 2004, que l'évolution du contexte pendant ces cinq années rend ce tarif obsolète, l'usage des SMS ayant plus que triplé sur cette période. Orange France, dans son courrier du 24 mai 2005, reconnaît également que le principe d'une baisse du prix de terminaison SMS paraît justifié et que la signature en 1999 des accords d'interopérabilité SMS a directement contribué au développement important de l'usage des SMS ces dernières années, développement qui se poursuit aujourd'hui.

Les parties n'ayant pas réussi à s'accorder sur les modalités de la baisse, il appartient désormais à l'Autorité de se prononcer sur le niveau équitable de la charge de terminaison d'appel SMS. Elle considère que, sur la base des propositions faites par Orange France au cours des négociations et au regard des prétentions des parties, le tarif de 4,3 centimes d'euro, correspondant à une baisse d'environ 20 %, apparaît comme un point de départ que les parties étaient prêtes à s'appliquer à compter d'une date qui restait à déterminer.

Comme le note Bouygues Telecom, la terminaison d'appel SMS représente, au tarif actuel, près de 50 % des prix HT de détail les plus fréquemment pratiqués et jusqu'à 90 % des prix HT de détail (hors offres promotionnelles) les plus bas observés et cités par les opérateurs. Bouygues Telecom estime que les tarifs de détail ont baissé depuis 1999, notamment en 2004, sans que le niveau de la terminaison d'appel SMS n'évolue, ce qui a conduit à réduire son niveau de marge. En ce sens, l'Autorité considère qu'une baisse de 20 % de la terminaison d'appel SMS permettrait à Bouygues Telecom de retrouver une certaine marge de manoeuvre sur les marchés de détail, dans la mesure notamment où l'évolution du prix moyen du SMS depuis 1999 fait apparaître une baisse de moins de 20 %.

Par ailleurs, tous les éléments fournis par Bouygues Telecom dans le cadre des réponses au premier questionnaire de l'ARCEP portant sur les éléments de coûts, indépendamment des méthodes de valorisation et d'évaluation retenues, tendent à montrer que les coûts de terminaison d'appel SMS sur les réseaux des opérateurs mobiles sont inférieurs à 4,3 centimes d'euro. Le tarif de 4,3 centimes d'euro n'apparaît donc pas incompatible avec la structure de coût sous-jacente.

En revanche, en l'absence d'obligation de contrôle tarifaire ex ante, consistant par exemple en une obligation d'orientation vers les coûts, l'analyse des coûts ne peut constituer, au cas d'espèce, qu'une référence parmi d'autres. Pour juger du caractère équitable de la charge de terminaison d'appel SMS, l'Autorité ne peut donc se fonder sur la seule base des coûts.

Il résulte de ce qui précède que les arguments développés par la société Bouygues Telecom, essentiellement fondés sur des références aux coûts, sont insuffisants, au cas d'espèce, pour justifier un tarif d'interconnexion de 2,5 centimes d'euro.

L'Autorité rejette donc la demande de la société Bouygues Telecom de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS d'Orange France à 2,5 centimes d'euro et considère, au vu des éléments en sa possession, que le tarif de 4,3 centimes d'euro constitue un niveau équitable que les parties peuvent raisonnablement s'appliquer, sans préjudice de l'analyse de marché en cours, ni d'une renégociation ultérieure à la baisse décidée entre les parties.

Pour toutes ces raisons et au vu des moyens exposés par les parties, l'Autorité estime que le niveau équitable de terminaison d'appel SMS s'élève à 4,3 centimes d'euro.


C. - Sur la date d'application de la baisse de la terminaison d'appel SMS


Dans sa saisine en date du 11 juillet 2005, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS à compter du 1er juillet 2005.

Dans ses observations en réplique du 3 octobre 2005, Orange France estime que la date retenue par Bouygues Telecom dans ses demandes (1er juillet 2005) n'est pas justifiée et que la mise en oeuvre d'une baisse de la terminaison d'appel SMS ne peut intervenir qu'après un délai suffisant pour implémenter, dans les systèmes d'information, les données appropriées.

Toutefois, en vertu de l'article L. 36-8 du CPCE, il incombe à l'Autorité de préciser les conditions équitables d'ordre technique et financier de l'interconnexion « sur l'ensemble de la période litigieuse » (5). Or l'argument technique invoqué par Orange France pour fixer la date d'entrée en vigueur de la baisse de tarif de terminaison d'appel SMS à une date ultérieure au 1er juillet 2005 n'est étayé par aucun élément matériel et contredit la pratique constatée par l'Autorité en matière d'interconnexion.

Au demeurant, l'Autorité note que, dans la mesure où le tarif de terminaison d'appel SMS est réciproque entre les parties, les charges d'interconnexion supportées par un opérateur sont globalement compensées par les revenus d'interconnexion en provenance des autres opérateurs, les flux de SMS échangés n'étant pas significativement déséquilibrés en moyenne.

En conséquence, la baisse de terminaison d'appel SMS sur des volumes déjà échangés n'a que peu d'incidence sur les échanges de flux financiers entre opérateurs.


(5) Cour d'appel de Paris, arrêt du 20 janvier 2004, affaire UPC/France Telecom.



Dans ces conditions, l'Autorité estime équitable de retenir la date du 1er juillet 2005 pour l'application de la présente décision.

En conséquence de ce qui précède et sans préjudice d'obligations réglementaires imposées, le cas échéant, à l'issue de l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS, ni du droit des parties à négocier pour s'accorder sur de nouvelles évolutions tarifaires, l'Autorité décide :


Article 1


La demande de la société Bouygues Telecom est recevable et l'Autorité est compétente pour connaître du différend qui l'oppose à la société Orange France.

Article 2


La demande d'instauration d'un écart tarifaire à l'avantage de la société Bouygues Telecom est rejetée.

Article 3


Les sociétés Bouygues Telecom et Orange France devront s'appliquer un tarif de terminaison d'appel SMS de 4,3 centimes d'euro à compter du 1er juillet 2005.

Article 4


Le chef du service juridique est chargé de notifier aux sociétés Bouygues Telecom et Orange France la présente décision qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 8 novembre 2005.


Le président,

P. Champsaur


[...] passages relevant des secrets protégés par la loi.