J.O. 125 du 31 mai 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis sur le projet d'arrêté relatif aux taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel


NOR : INDI0505154V



La Commission de régulation de l'énergie a été saisie, le 20 avril 2005, par le ministre délégué à l'industrie, d'un projet d'arrêté pris pour l'application du V de l'article 18 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui fixe les taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel.

Cette contribution tarifaire vise à assurer le financement des droits spécifiques de retraite acquis au 31 décembre 2004 et dus aux personnels relevant du régime des industries électriques et gazières affectés aux activités régulées de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel ainsi qu'aux activités de gestion des missions de service public dont les charges sont compensées par la CSPE.

Les taux de la contribution tarifaire soumis à l'avis de la CRE sont les suivants :

10 % pour les prestations de transport d'électricité ;

20,4 % pour les prestations de distribution d'électricité ;

5,3 % pour les prestations de transport de gaz naturel ;

15,7 % pour les prestations de distribution de gaz naturel.

La CRE formule les observations suivantes.



1. Les modalités de calcul


Les taux ont été calculés comme le quotient des droits spécifiques annuels à financer, évalués par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), par l'assiette, constituée, pour l'électricité, de la part fixe hors taxe du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et distribution et, pour le gaz, de la quote-part hors taxe des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution, liée au soutirage et indépendante de la consommation effective.


A. - L'assiette


Le montant des assiettes retenues pour le calcul des taux de contribution tarifaire est conforme au niveau des parts fixes qui résultent des tarifs d'utilisation des réseaux actuellement en vigueur.

La CRE souligne, toutefois, que toute modification du tarif d'utilisation des réseaux est susceptible d'avoir un impact sur les assiettes de la contribution tarifaire et que, par conséquent, les taux ci-dessus pourraient ne plus être adaptés avec l'entrée en vigueur de prochains tarifs.


B. - Les droits annuels à financer


Les droits annuels à financer retenus pour le calcul du taux ont été calculés comme une moyenne des droits résultant des estimations établies pour les cinq prochaines années, conformément aux dispositions du V de l'article 18 de la loi du 9 août 2004.

Cependant, la répartition par activité des droits à financer, fixée par le décret no 2005-322 du 5 avril 2005, ne reflète pas la réalité des droits à financer des seules activités régulées.

Répartition des droits entre les activités d'EDF :

Les droits annuels à financer ont été évalués en prenant en compte, notamment, la répartition par activité des droits spécifiques, telle qu'elle résulte du décret no 2005-322 du 5 avril 2005 relatif à l'évaluation et aux modalités de répartition des droits spécifiques.

Or, cette répartition, fixée par le décret, n'est pas totalement conforme, pour ce qui concerne EDF, aux dispositions du II de l'article 17 de la loi du 9 août 2004, qui définit les droits spécifiques à financer par la contribution tarifaire comme ceux afférents aux activités de transport et de distribution d'électricité et de gaz ainsi qu'aux « activités de gestion des missions de service public dont les charges sont compensées [par la CSPE] ».

Le tableau de répartition annexé au décret et établi en application de ces dispositions fait apparaître que les droits spécifiques passés - calculés à partir de la masse salariale - des agents affectés à la production dans les zones non interconnectées ont été imputés, en totalité, aux activités régulées.

Or, seule la part des agents affectés à une mission de service public et dont les coûts salariaux sont compensés dans le cadre de la CSPE aurait dû être retenue dans le calcul des droits spécifiques financés par la contribution tarifaire.

L'imputation retenue est, donc, incorrecte. Elle aboutit à surestimer les droits imputables à la distribution et financés par la contribution tarifaire. La CRE note, cependant, que l'impact qui en résulte est limité, puisqu'il représente au total environ 120 M, soit, en moyenne, un demi-point de pourcentage des droits imputés à la distribution.

Répartition des droits entre les activités de Gaz de France :

Pour Gaz de France, la répartition par activité des droits spécifiques, telle qu'elle résulte du décret no 2005-322 du 5 avril 2005, fait apparaître une imputation à l'activité de distribution non conforme aux principes de dissociation comptable validés par la CRE.

Dans le cadre de la dissociation comptable, la masse salariale affectée à l'activité de distribution inclut, notamment, la totalité des coûts salariaux des agents affectés à la gestion de la clientèle. La moitié de ces coûts est ensuite refacturée, selon un protocole interne, à l'activité de négoce, de sorte que l'activité de distribution et l'activité de négoce supportent, à parts égales, les coûts salariaux liés à la gestion de la clientèle.

Or, la répartition des droits à financer a été faite sur la base d'une imputation de ces coûts à hauteur de 60 % pour l'activité de distribution, au titre des années 1950 à 2002.

Il en résulte une surestimation de 1,25 % des droits à financer par la contribution tarifaire au titre de la distribution. Le taux de CTA devrait, donc, être réajusté en conséquence.

Répartition des montants externalisés ou provisionnés :

Les montants externalisés ou provisionnés par les entreprises de la branche avant la réforme des retraites des agents relevant des IEG et financés par les activités régulées auraient dû être pris en compte dans le calcul des droits spécifiques à financer par la contribution tarifaire.

La CRE a examiné, en particulier, les montants externalisés par EDF et Gaz de France, qui ont souscrit auprès de diverses compagnies d'assurance des contrats d'assurance vie garantissant une partie des prestations vieillesse à verser aux salariés après leur départ en inactivité. Les montants ainsi « externalisés » se montent respectivement à 3,887 Md et 1,928 Md. Les activités régulées ont contribué au financement de ces fonds externalisés, à hauteur de 236 M pour le transport d'électricité, de 1 088 M pour la distribution d'électricité, de 173 M pour le transport de gaz et de 579 M pour la distribution de gaz.

La CRE considère que, en application des principes de dissociation comptable dont elle est garante, la quote-part des fonds externalisés ou provisionnés financée par les activités régulées ne doit pas être réattribuée aux activités concurrentielles, sauf à devoir s'analyser comme une subvention croisée. Cette quote-part doit contribuer au financement exclusif des droits à pension des agents affectés aux activités régulées.

L'article 21 de la loi du 9 août 2004 dispose que les réserves déjà constituées par les entreprises au titre de leurs engagements de retraite ne peuvent être transférés à la CNIEG. Par conséquent, la quote-part des fonds externalisés ou provisionnés financée par les activités régulées doit venir en déduction des droits à financer par la contribution tarifaire et les taux de la CTA doivent être recalculés en conséquence.


C. - Les taux issus des calculs


Les taux fixés par le projet d'arrêté sont conformes à ceux résultant de la stricte application du quotient des droits annuels moyens à financer - tels qu'ils ont été évalués par la CNIEG - sur l'assiette de contribution, à l'exception du taux applicable à l'activité de transport d'électricité : le taux fixé dans le projet d'arrêté est de 10 %, alors que celui qui ressort des calculs effectués à partir des chiffres utilisés par l'administration est de 6,42 %.

Cela est dû au fait que le taux minimum fixé à l'article 18 de la loi du 9 août 2004 pour la contribution assise sur le tarif de transport d'électricité est de 10 %. Par conséquent, l'arrêté ne peut, sans méconnaître les dispositions législatives, fixer un taux inférieur.

La CRE invite, donc, le Gouvernement à prendre dans les meilleurs délais les dispositions qui conviennent, afin d'introduire une modification de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 visant à modifier la fourchette de valeurs de taux de contribution tarifaire applicable à l'activité de transport d'électricité.

Par ailleurs, le manque à gagner éventuel subi par RTE pendant la période transitoire, du fait de l'application d'un taux non conforme, devra faire l'objet d'une restitution, afin d'assurer la neutralité du dispositif.

Enfin, les taux proposés étant, notamment pour la distribution d'électricité et de gaz, très proches des bornes inférieures des fourchettes de taux fixées à l'article 18-V de la loi du 9 août 2004, la CRE estime nécessaire la révision de ces fourchettes, de manière que les taux s'inscrivent au centre des fourchettes.


2. Les difficultés de mise en place de la contribution tarifaire pendant la période transitoire


La contribution tarifaire est applicable au 1er janvier 2005.

Afin de ne pas faire supporter deux fois aux utilisateurs de réseaux les charges de retraite correspondant aux droits spécifiques passés des agents affectés aux activités régulées - une fois par le tarif d'utilisation des réseaux, une autre fois par la contribution tarifaire, qui s'ajoute au total facturé - l'article 50 de la loi du 9 août 2004 a prévu une période transitoire, courant « pour les clients non éligibles, jusqu'à l'entrée en vigueur du premier tarif de vente [réglementé] publié après le 1er janvier 2005 et pour les autres utilisateurs des réseaux, jusqu'à l'entrée en vigueur du premier tarif d'utilisation correspondant publié après le 1er janvier 2005 ». Durant cette période, le montant de la contribution tarifaire « est déduit de la facture d'utilisation du réseau de cet utilisateur ou, s'il s'agit d'un client non éligible, de sa facture d'achat d'électricité ou de gaz ».

L'application de cette disposition soulève deux difficultés dans le secteur du gaz naturel.


A. - Tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel


La publication du décret fixant les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution, sur proposition de la CRE en date du 24 décembre 2003, est intervenue le 14 janvier 2005, soit treize jours après la date limite de la période transitoire.

Un amendement visant à prolonger la période transitoire, déposé dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'énergie, est actuellement en cours d'examen au Parlement.

Ce changement de date est nécessaire pour que le dispositif transitoire s'applique sans difficulté A défaut, les utilisateurs de réseaux de distribution de gaz supporteraient deux fois le poids financier des charges de retraite concernées.


B. - Tarifs d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel


Les opérateurs Gaz de France Réseau Transport et Total Infrastructures Gaz France ont mis en oeuvre dès le 1er janvier 2005, avant la publication du décret correspondant, les tarifs d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel proposés par la CRE le 27 octobre 2004.

Contrairement aux tarifs encore en vigueur, les tarifs proposés par la CRE le 27 octobre 2004 tiennent compte de la baisse des charges des opérateurs, liée à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2005 de la réforme du régime de retraite des agents des IEG.

Dans ce contexte, les dispositions transitoires auront un impact financier pour le client final différent selon qu'elles s'appliqueront au tarif de transport en vigueur ou à celui appliqué depuis le 1er janvier 2005 par les opérateurs.

La CRE souligne, donc, l'urgence qui s'attache à la publication du décret relatif au tarif d'utilisation des réseaux de transport proposé en octobre 2004, qui permettrait de mettre fin à cette situation.

Dans tous les cas, la CRE rappelle que l'objectif du dispositif transitoire voulu par le législateur est de ne pas pénaliser les utilisateurs de réseaux. En conséquence, tant que les tarifs d'utilisation des réseaux tenant compte de l'impact financier de la réforme du financement des retraites des IEG ne sont pas entrés en vigueur, le fonctionnement de la contribution tarifaire doit être strictement neutre par rapport à la situation qui prévalait antérieurement.


3. Les taux de la contribution tarifaire doivent figurer sur la facture du client final


La loi du 9 août 2004 prévoit (art. 18, II) que la contribution tarifaire est perçue en addition du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, des prix ou des tarifs de vente auprès des consommateurs finals, selon les cas. A l'instar des dispositions en vigueur en matière de TVA, de taxes locales sur l'électricité et de contribution aux charges de service public de l'électricité (CSPE), la CRE considère que les taux de cette contribution tarifaire et leur montant doivent apparaître sur la facture de tous les consommateurs finals.

Compte tenu des observations qui précèdent, la CRE émet un avis défavorable sur le projet d'arrêté relatif aux taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel qui lui a été soumis par le ministre délégué à l'industrie. Elle estime, en effet, nécessaires :

i) la correction de la répartition des droits entre les activités d'EDF ;

ii) la correction de la répartition des droits entre les activités de Gaz de France ;

iii) la déduction des droits à financer par la contribution tarifaire pour les activités régulées de la quote-part des montants externalisés ou provisionnés ;

iv) le changement des taux impliqué par ces corrections et ces déductions ;

v) la vérification des droits à financer pour les ELD ;

vi) la révision des fourchettes de taux prévues à l'article 18-V de la loi du 9 août 2004, de manière que les taux de la contribution tarifaire objet du présent avis s'inscrivent au centre de ces fourchettes ;

vii) la prolongation par la loi de la période transitoire pour la contribution tarifaire des réseaux de distribution de gaz naturel ;

viii) la publication dans les délais les plus brefs du décret relatif au tarif d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel ;

ix) la mention du taux et du montant de la contribution tarifaire sur la facture de tous les consommateurs finals.

Fait à Paris, le 28 avril 2005.



Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota