J.O. 124 du 29 mai 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 24 mars 2005 se prononçant sur un différend qui oppose la Société d'études et de réalisations hydroélectriques (SERHY) à Electricité de France (EDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production hydroélectrique au réseau public de distribution


NOR : CREX0508273S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 4 février 2005 sous le numéro 05-38-03, présentée par la Société d'études et de réalisations hydroélectriques, enregistrée au RCS de Castres sous le numéro B 379 746 001, dont le siège social est situé 91, route Nationale, 81240 Saint-Amans-Soult, représentée par son président, M. Rémy Loup, assisté par son directeur, M. Christian Roux et le Groupement des producteurs autonomes d'énergie hydroélectriques (GPAE), dont le siège social est situé 66, rue La Boétie, 75008 Paris.

La Société d'études et de réalisations hydroélectriques (ci-après désignée la « société SERHY ») a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, sur les conditions du raccordement au réseau public de distribution de son installation de production hydroélectrique, située à Arette (Pyrénées-Atlantiques).

La société SERHY soutient que toutes les procédures administratives concernant le projet de réalisation de sa centrale pour une puissance de 1 230 kVA sont achevées et que seul le coût du raccordement au réseau public de distribution fait obstacle à sa concrétisation.

La société SERHY expose qu'elle entend obtenir d'Electricité de France le respect des engagements qu'il aurait pris en 1991, prévoyant le raccordement de la centrale hydroélectrique à une puissance de 1 230 kW, sans paiement de charges supplémentaires de renforcement du réseau public. Elle précise que les échanges avec Electricité de France entre 1989 et 1991 ont déterminé le choix de la capacité actuelle de production à 1 200 kVA, alors que le potentiel du site est largement supérieur.

La société SERHY soutient que les méthodes de calculs appliquées par Electricité de France dans ses études du raccordement de sa centrale présentent des lacunes justifiant la mise en place d'une tolérance, que l'absence de tolérance dans les comptes rendus d'études d'Electricité de France est injustifiable tant physiquement que mathématiquement et est en contradiction avec l'obligation de résultat d'Electricité de France.

Elle soutient qu'il existe, dans le choix de la tension de consigne au niveau du poste source, une discrimination entre consommateurs et producteurs.

La société SERHY soutient que la référence de tension retenue par Electricité de France (21 000 V au lieu de la tension contractuelle) pour le calcul de l'évaluation de tension aux postes des clients disposant de contrats « Emeraude » est inexacte et que, par suite, la centrale du Chousse ne peut être considérée comme provoquant des contraintes de tension pour les autres clients sur le réseau public de distribution.

La société SERHY soutient que la prise en compte des incertitudes de la régulation de tension ( 1 %) n'est pas conforme à la réglementation et qu'en application de l'arrêté du 14 avril 1995 la centrale ne provoque pas d'élévation de tension préjudiciable au réseau.

Elle conclut que la centrale, qui ne provoque qu'une faible élévation de tension, devrait être raccordée au réseau public de distribution sans travaux de renforcement.

La société SERHY soutient qu'Electricité de France ne peut, en tout état de cause, utiliser l'argument du réseau en contraintes avant l'arrivée du producteur, pour justifier l'absence de capacité d'accès au réseau. Elle estime, par suite, qu'en cas de travaux de renforcements éventuels ceux-ci devront être mis à la charge d'Electricité de France.

La société SERHY soutient que les études réalisées par Electricité de France ne démontrent pas que le renforcement envisagé constitue la seule solution pour lever les contraintes de tension initiales et qu'il aurait dû étudier, en dehors du renforcement qu'il propose, les autres solutions de raccordement possibles.

La société SERHY, qui a conduit ses propres études détaillées à partir des données fournies par Electricité de France, soutient que des solutions alternatives à un renforcement du réseau permettent de lever les contraintes d'élévation de tension.

La société SERHY soutient, en particulier, qu'Electricité de France a fait une mauvaise application de l'arrêté du 17 mars 2003 en ce qui concerne la possibilité du fonctionnement sous tangente phi inductive pour les centrales de plus de 1 MW. Elle estime, donc, qu'Electricité de France est tenu d'autoriser un tel mode de fonctionnement ou, le cas échéant, de justifier son refus.

Elle soutient, enfin, que la fluctuation des estimations du coût du raccordement met en cause la fiabilité des études réalisées par Electricité de France, ainsi que le projet lui-même au regard du coût de l'installation de production.

En conséquence, la société SERHY demande à la Commission de régulation de l'énergie :

- d'imposer à Electricité de France de respecter ses engagements de 1991 ;

- de statuer sur la légalité de la procédure et des délais imposés par Electricité de France pour que la société SERHY obtienne un devis et de lui imposer d'engager une simplification et une amélioration du dispositif ;

- d'imposer à Electricité de France de raccorder la centrale de Chousse au réseau le plus proche, à une puissance de 1 230 kVA, dans un délai maximum de dix mois ;

- d'imposer à Electricité de France de fournir une proposition technique et financière dans un délai d'un mois, prévoyant un coût définitif de raccordement de la centrale au réseau de distribution le plus proche, sans frais de renforcement ;

- de décider que le gain sur les pertes en réseau dû au raccordement de la centrale de Chousse sur le départ Issor soit calculé par Electricité de France, actualisé sur trente ans au taux légal et payé à la société SERHY.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 22 février 2005, présentées par Electricité de France (EDF), société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par EDF réseau distribution, pris en la personne de M. Marc Espalieu, directeur d'EDF Réseau Distribution.

Electricité de France soutient que les courriers échangés en 1989 et en 1991 font apparaître que la société SERHY n'avait pas arrêté le niveau de la puissance de production de la centrale et que plusieurs scénarios avaient été envisagés. Il rappelle que, dans une lettre du 14 octobre 1991, il avait déjà attiré l'attention du producteur sur la nécessité d'un renforcement au-delà d'une puissance de 1 200 kW et qu'il ne ressort d'aucun courrier que le raccordement de la centrale pour une puissance de 1 200 kW serait réalisé gratuitement.

Selon Electricité de France, les différents chiffrages, présentés et expliqués à la société SERHY, correspondaient à une solution de raccordement adaptée aux caractéristiques du réseau et à celles, évolutives, du projet présenté par la société SERHY à chaque nouvelle étude.

Electricité de France précise par ailleurs que, sur la période considérée, le réseau a fait l'objet d'une restructuration entre les postes sources de Licq-Athérey et de Légugnon.

Electricité de France soutient que la société SERHY ne peut demander une proposition technique et financière, dont elle aurait pu disposer dès la fin du mois d'août 2004 et le 26 novembre 2004 et qu'elle a refusée pour des motifs d'intérêts économiques. Electricité de France rappelle qu'une proposition technique et financière optimisée a, d'ailleurs, été communiquée à la société SERHY le 18 février 2005.

Electricité de France soutient que les données utilisées pour les calculs de la régulation de la tension au poste source et les calculs des élévations de tension proviennent de bases de données mises à jour par les centres d'EDF-GDF Distribution, conformément à un processus qualité, et que les mises à jour sont effectuées à partir de la modification de l'état physique des réseaux et du rattachement des utilisateurs, ainsi que des modifications relevant de travaux programmés. Electricité de France soutient, donc, que ces calculs ne comportent pas de lacune et sont fiables.

Electricité de France expose que la valeur de puissance à faible charge utilisée est calculée au 1/5 (20 %) de la puissance maximale et que le ratio est établi au regard des mesures effectuées sur un échantillon national de départs HTA de postes sources. La pertinence de la formule utilisée est vérifiée par les relevés des puissances à faible charge sur plusieurs départs du poste source de Légugnon, qui donnent des valeurs comprises entre 18 et 23 %.

Electricité de France soutient que l'étude réalisée à la demande de la société SERHY, pour un raccordement à tangente phi inductive (- 0,1) ne permet pas de résoudre toutes les contraintes de tension et qu'il a fait une correcte application de l'arrêté du 17 mars 2003.

Electricité de France soutient, en outre, que l'arrêté du 14 avril 1995, que la société SERHY lui reproche de ne pas respecter, a été abrogé par l'arrêté du 4 juillet 2003.

Selon Electricité de France, le réglage de la valeur de la tension de consigne résulte d'un calcul de tension du réseau à forte charge sans production et à faible charge avec le producteur, afin de respecter en toute circonstance les engagements de tenue de tension tout au long du réseau. Il estime, donc, que la diminution de ce réglage pour raccorder un producteur conduirait à ce que tout le réseau dépendant du poste source soit désoptimisé et aboutirait à une mauvaise alimentation de centaines de clients.

Electricité de France conteste le fait qu'il pratiquerait une discrimination entre producteurs et consommateurs au regard des principes de réglage de tension retenus. Il soutient que la non-discrimination consiste à traiter de la même manière des personnes qui se trouvent dans une situation identique. Or, Electricité de France considère qu'il existe entre les producteurs et les consommateurs des différences de situations significatives.

Electricité de France soutient que la mise en place d'un système de consigne variable (« compoundage »), qu'il n'utilise plus pour les postes alimentant des installations de production, ne permet pas de différencier la diminution du courant due à une baisse de charge ou à une augmentation de la production, ce qui implique que l'intensité de référence qui permet le réglage n'est plus représentative de la charge du réseau public.

Electricité de France soutient que la proposition de la société SERHY « de faire de l'optimisation des prises de transformateurs HTA/BT sur le réseau peu chargé avec le producteur et appliquer ensuite le calcul à forte charge sans le producteur » aboutirait, en cas d'arrêt de fonctionnement de la centrale de production, à mettre au moins autant de postes en contrainte de tension basse, ce qui obligerait les collectivités à effectuer des investissements sur les réseaux publics basse tension.

Electricité de France estime qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige le gestionnaire de réseau à indemniser le producteur pour sa contribution à la compensation des pertes.

Electricité de France soutient que la procédure de traitement de la demande de raccordement a été respectée et rappelle que celle-ci a été soumise aux producteurs lors d'une réunion du « Comité de concertation des producteurs » et qu'elle est publiée sur le site d'EDF Distribution.

Electricité de France demande, en conséquence, à la Commission de régulation de l'énergie de déclarer sans objet l'intégralité de la demande de la société SERHY et de dire que :

- il n'y a pas lieu pour la société SERHY de considérer le courrier de 1991 comme un engagement d'Electricité de France de raccorder la centrale à 1 230 kW sans charges ;

- la société SERHY dispose d'une proposition technique et financière sur laquelle elle peut se prononcer ;

- Electricité de France ne peut raccorder la centrale de la société SERHY sur le réseau public de distribution existant sans générer des surtensions préjudiciables aux autres utilisateurs ;

- que le coût d'adaptation du réseau est à la charge de la société SERHY ;

- il n'y a pas lieu de payer la contribution technique de la société SERHY à l'optimisation des pertes du réseau public de distribution.


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 1er mars 2005, présentées par la société SERHY.

La société SERHY estime qu'Electricité de France ne peut pas systématiquement écarter toutes les propositions alternatives sans les étudier.

S'agissant de l'utilisation d'un système de consigne variable, la société SERHY soutient qu'elle n'a obtenu qu'une réponse générale de principe à sa demande et non une réponse détaillée.

La société SERHY souligne qu'elle ne demande pas un raccordement gratuit, mais un raccordement sans coût de renforcement à sa charge.

La société SERHY précise qu'une proposition technique et financière lui a bien été communiquée par Electricité de France après la saisine de la Commission de régulation de l'énergie, mais qu'elle ne satisfait pas sa demande pour un raccordement sans frais de renforcement. Elle ajoute qu'Electricité de France ne justifie pas les études réalisées.

La société SERHY soutient que l'arrêté du 4 juillet 2003 n'abroge les dispositions de l'arrêté du 14 avril 1995 qu'en ce qui concerne les installations raccordées au réseau public de transport et que, même si ce texte était totalement abrogé, rien n'autorise Electricité de France à ajouter une marge de 1 % sur le calcul des chutes de tension.

La société SERHY rappelle qu'elle conteste l'absence de tolérance pour tenir compte des incertitudes, alors qu'Electricité de France n'est pas en mesure de justifier précisément ses calculs.

Elle prend, toutefois, acte de ce que la tension contractuelle des deux clients disposant de contrats « Emeraude » en contrainte est bien de 20 kV et que, contrairement aux informations en sa possession, la valeur limite est bien de 21 kV.

La société SERHY soutient qu'il existe une incertitude dans les hypothèses de calcul utilisées par Electricité de France et que l'effet « couperet » des seuils fixés par Electricité de France conduit à lui faire supporter des charges de renforcement importantes.

La société SERHY soutient qu'Electricité de France n'a pas respecté les dispositions de l'article 8 du décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale, qui prévoit que le concessionnaire doit faire, dans un délai de trois mois, une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement à tout producteur autonome qui en fait la demande.

La société SERHY expose, par ailleurs, qu'Electricité de France n'a jamais pris en compte les observations formulées par les producteurs hydrauliciens sur la procédure de raccordement appliquée.

La société SERHY persiste, donc, dans ses précédentes conclusions au principal, à l'exception de celle concernant la tension contractuelle.


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Vu les observations en réponse, enregistrées le 14 mars 2005, présentées par Electricité de France, par lesquelles il confirme ses précédentes écritures.

Electricité de France soutient que la proposition technique et financière transmise le 18 février 2005 à la société SERHY est conforme aux règles de facturation des raccordements des producteurs, publiées sur son site internet.

Electricité de France soutient que les éléments transmis en 1991 ne l'ont été qu'à titre indicatif, les caractéristiques de l'installation n'ayant pas encore été déterminées et les études techniques n'ayant pas été réalisées de manière exhaustive. Il précise que, depuis, les caractéristiques des utilisateurs raccordés et le schéma d'exploitation ont fortement évolué.

Electricité de France estime que, pour le calcul des contraintes de tension, l'hypothèse de calcul est valide et favorable au producteur, puisque, si la valeur moyenne de la puissance minimale de l'ensemble des départs était retenue, une valeur inférieure aurait été utilisée pour le calcul.

Electricité de France soutient que les hypothèses de calcul retenues de la valeur de la tangente phi imposée au producteur sont valides et cohérentes.

Electricité de France soutient que la valeur de tension qui permet d'initialiser le calcul d'élévation de tension est la valeur de la tension de consigne incrémentée de 1 %. Selon Electricité de France, cet incrément ne tient pas à une incertitude de calcul, mais reflète le réglage effectif de la tension au poste source et ne pénalise pas le producteur.

Electricité de France soutient que la méthode utilisée pour les calculs de variation de tension est appliquée de façon identique, qu'il s'agisse d'un producteur ou d'un consommateur, et que cette méthode a déjà été confrontée à des résultats de mesures physiques.

Electricité de France soutient qu'il est impossible d'utiliser un système de consigne variable lorsqu'une installation de production non marginale est raccordée à un départ du poste source et qu'il est, par conséquent, inutile de réaliser des simulations.

Electricité de France soutient qu'une modification de la tension de consigne au poste source, destinée à s'affranchir des contraintes de dépassement de seuil de tension haute sur une période de l'année, conduirait le gestionnaire de réseau public de distribution à demander au producteur de limiter sa puissance sur d'autres périodes non définies a priori, dans le cas où les contraintes d'exploitation du réseau nécessiteraient de revenir à une tension de consigne plus élevée du fait de soutirages importants. Il considère que cette pratique engendrerait des risques et des coûts supplémentaires pour le gestionnaire de réseau et serait contraire à ses engagements figurant dans le modèle de contrat d'accès « CARD-I ».

Electricité de France soutient qu'il ressort d'une simulation de réglage des prises des postes HTA/BT effectuée sur le réseau du poste source de Légugnon que plus de 400 clients basse tension raccordés au départ d'Issor seraient coupés pour une durée minimale de 2,5 heures par an et qu'il en résulterait de nombreuses manoeuvres d'exploitation.

Electricité de France soutient, enfin, qu'une concertation a bien été conduite dans le cadre du comité des utilisateurs du réseau de distribution électrique sur la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production.

Electricité de France persiste dans ses précédentes conclusions et demande à la Commission de régulation de l'énergie de dire, en outre, que :

- Electricité de France a étudié les propositions faites par la société SERHY avec sérieux et a répondu aux questions techniques posées en fournissant les précisions attendues ;

- les réserves émises par la société SERHY sur la validité des calculs réalisés ne sont pas fondées ;

- les demandes résiduelles de la société SERHY sont rejetées.


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Vu les autres pièces du dossier remis par les parties ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 14 février 2005 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement du différend ;

Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges types de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, ensemble l'avenant du 10 avril 1995 à la convention du 27 novembre 1958 pour la concession à Electricité de France, service national, du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;

Vu le décret no 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution ;

Vu l'arrêté du 17 mars 2003 modifié relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique.


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue, le 24 mars 2005, en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Michel Lapeyre, Bruno Lechevin, Pascal Lorot et Jacques-André Troesch, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;

M. Didier Laffaille, rapporteur, MM. Ouahid Ben Amar et Gaël Bouquet, rapporteurs adjoints ;

MM. Rémy Loup et Christian Roux, pour la Société d'études et de réalisations hydroélectriques et M. Henri Naacke, pour le Groupement des producteurs autonomes d'énergie hydroélectriques ;

MM. Benoît Thomazo et Jean-Claude Millien et Mme Florence Arnoux-Guisse, pour Electricité de France ;

Après avoir entendu :

Le rapport de M. Didier Laffaille, exposant les moyens et les conclusions des parties ;

Les observations de MM. Rémy Loup et Christian Roux, pour la société SERHY : la société SERHY persiste dans ses conclusions et moyens ; elle indique que la commune d'Arette a obtenu une autorisation préfectorale de turbinage en date du 23 juillet 2004, pour une durée de quarante ans ; elle soutient que les coûts faramineux de raccordement au réseau public et leurs variations sont incompréhensibles et non justifiés ; elle conteste l'effet couperet des calculs réalisés par Electricité de France, qui n'admettent aucune tolérance ; elle soutient que, depuis 2001, le réseau de distribution de la commune d'Arette est en contrainte et qu'il n'a pas fait l'objet de travaux de renforcement depuis ; elle précise avoir repris, à la demande de la commune d'Arette, le projet initié par le bureau d'études BETERU ; elle indique avoir attendu trente semaines pour obtenir d'Electricité de France une étude sur le raccordement de son projet d'installation de production ; elle déclare que, depuis que son projet est suivi par l'agence de Bordeaux, les relations avec Electricité de France se sont nettement améliorées ;

Les observations de MM. Benoît Thomazo et Jean-Claude Millien et de Mme Florence Arnoux-Guisse, pour Electricité de France : Electricité de France persiste dans ses conclusions et moyens ; il soutient qu'il a respecté scrupuleusement les principes qui président aux raccordements des producteurs et qu'il a répondu de manière argumentée et transparente à toutes les questions posées par la société SERHY ; il indique qu'il a étudié des solutions permettant le raccordement de l'installation de production à moyen terme en fonction des contraintes du réseau public de distribution ; il estime avoir respecté le délai de trois mois fixé au cahier des charges du RAG pour la communication orale d'une proposition technique et financière ; il précise que la modification du réseau de distribution nécessitée par le développement de la station de ski de La Pierre Saint-Martin a ouvert de nouvelles perspectives de raccordement pour le projet de la société SERHY ; il soutient que les calculs de tension réalisés avec un fonctionnement de la centrale hydraulique à tangente phi inductive sont exacts et conformes à la réglementation en vigueur ; il indique qu'il est possible de déterminer les valeurs de la tension contractuelle à partir de la tension limite indiquée dans son étude, soit une tension de 20 kV pour les trois clients disposant d'un contrat « Emeraude » ; il soutient que l'arrêté du 17 mars 2003 lui permet d'imposer la tangente phi de fonctionnement de la centrale de production ;

La Commission en ayant délibéré le 24 mars 2005, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents de la Commission de régulation de l'énergie se sont retirés.


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Les faits :

La commune d'Arette (Pyrénées-Atlantiques) a développé depuis 1987 un projet de centrale hydraulique dénommé « projet de Chousse ». Elle a alors entrepris des démarches auprès d'Electricité de France, afin de connaître les conditions de raccordement de sa future centrale.

Par lettre du 30 avril 1991, Electricité de France a indiqué au maire de la commune d'Arette que les solutions techniques pour l'évacuation de l'énergie produite par l'installation de production et les coûts « sont donnés à titre indicatif et nécessiteront une étude détaillée ».

Les 27 septembre 1991, Electricité de France a informé le cabinet d'études BETERU qu'il avait procédé à l'étude technique du raccordement. Il lui a précisé, le 14 octobre 1991, qu'un renforcement du réseau serait nécessaire à partir d'un niveau de puissance d'auto-production supérieur à 1 200 kW.

Par lettre du 7 mars 2002, la société SERHY a présenté à Electricité de France une demande de raccordement de sa centrale hydraulique au réseau public de distribution.

Par lettre du 25 juillet 2002, Electricité de France a communiqué à la société SERHY les résultats de l'étude exploratoire, qui, compte tenu de contraintes de tension, mettaient en évidence la nécessité de créer une ligne de 31 km depuis le poste source de Légugnon. Le coût du raccordement était évalué à 1 936 505 (HT).

Par lettre du 8 novembre 2002, la société SERHY a demandé à Electricité de France de prendre rang dans la file d'attente et lui a retourné les fiches de collecte remplies, sans toutefois fournir la lettre de notification du délai d'instruction de la demande de permis de construire.

Par lettre du 10 décembre 2002, Electricité de France a informé la société SERHY qu'il avait radié de la liste d'attente son projet de raccordement, au motif qu'elle n'avait pas produit les éléments techniques et financiers dans le délai imparti à compter de la date à laquelle l'étude exploratoire lui a été communiquée, à savoir le 25 juillet 2002.

Le 20 janvier 2003, la société SERHY a présenté une nouvelle demande de raccordement, à laquelle Electricité de France a répondu par l'envoi d'une nouvelle étude exploratoire, le 16 mai 2003, qui évalue le coût du raccordement à 1 515 000 (HT).

Le 5 septembre 2003, la société SERHY a adressé à Electricité de France les fiches de collecte d'informations remplies, ainsi que la lettre de notification du délai d'instruction de la demande de permis de construire.

Au cours d'une réunion tenue le 30 septembre 2003, Electricité de France a présenté l'étude exploratoire et a apporté des éclaircissements techniques à la société SERHY. Le jour même, la société SERHY a adressé à Electricité de France les pièces nécessaires à la réalisation d'une nouvelle étude exploratoire.

Le 13 mai 2004, Electricité de France a adressé à la société SERHY une nouvelle étude exploratoire qui évalue le coût du raccordement de la centrale à 2 028 000 EUR (HT).

Par lettre du 24 mai 2004, la société SERHY a fait connaître à Electricité de France son désaccord sur les résultats de l'étude exploratoire, mais lui a, toutefois, demandé une étude détaillée pour le raccordement de son projet.

Le 16 juin 2004, la société SERHY a indiqué qu'elle était d'accord pour qu'une proposition technique et financière lui soit communiquée, mais relevait qu'aucune étude détaillée n'avait été réalisée.

Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 5 août 2004, Electricité de France a présenté à la société SERHY différentes solutions techniques de raccordement et a estimé le coût du raccordement de la centrale hydraulique à 650 000 EUR (HT). La société SERHY a émis des doutes sur la fiabilité des études réalisées et la nécessité de la réalisation des travaux prescrits, et a demandé des explications complémentaires.

Après plusieurs échanges entre les mois d'octobre et de décembre 2004, la société SERHY a saisi la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, sur les conditions d'accès au réseau public de distribution de sa centrale hydraulique.

Le 18 février 2005, Electricité de France a communiqué à la société SERHY une proposition technique et financière, qui prévoit la création d'une dérivation simple de 13,7 km sur le départ de Saint-Engrace du poste source de Licq-Athérey. Cette proposition évalue le montant des travaux de raccordement à 651 968,58 EUR (HT) et prévoit une durée de 14 mois pour leur réalisation.


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Sur la demande de la société SERHY de prise en considération des engagements d'Electricité de France en 1991 :

La société SERHY demande à la Commission de régulation de l'énergie d'imposer à Electricité de France le respect de ses engagements pris par écrit en 1991, à savoir la réalisation d'un raccordement sans coût de renforcement à sa charge pour une puissance de production de 1 230 kW. Elle indique que ces engagements ont orienté le choix de la puissance de production de son projet.

Il ressort des pièces du dossier que, le 30 avril 1991, Electricité de France a indiqué au maire de la commune d'Arette que les solutions techniques pour l'évacuation de l'énergie produite par l'installation de production et leurs coûts étaient donnés à titre indicatif et nécessiteraient une étude détaillée. Ce courrier ne peut, en conséquence, constituer un engagement de la part d'Electricité de France.

Si les 27 septembre et 14 octobre 1991 Electricité de France a bien informé le cabinet d'études BETERU qu'il avait « procédé à l'étude technique du raccordement », dont il ressortait qu'il était nécessaire de renforcer le réseau de distribution « à partir d'un niveau de puissance d'autoproduction supérieur à 1,2 MW », le producteur n'a pas, à l'époque, indiqué quel serait le niveau de puissance de sa future centrale de production. Il ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de ces différentes correspondances.

Au demeurant, la Commission de régulation de l'énergie constate que le producteur a, entre 1991 et 2002, suspendu l'étude du raccordement de son projet de centrale hydraulique.

Il résulte de ce qui précède que la société SERHY n'est pas fondée à demander que les éléments d'information qui lui ont été communiqués en 1991 soient considérés comme valant engagement de la part d'Electricité de France.

Sur la demande de la société SERHY tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie impose à Electricité de France d'établir une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation de production au réseau public le plus proche :

La société SERHY a demandé à Electricité de France d'étudier l'hypothèse du raccordement de son installation de production au réseau public existant le plus proche.

Electricité de France a réalisé cette étude le 13 juillet 2004, en simulant le raccordement de la centrale de Chousse sur le départ Issor du poste source de Légugnon, par une dérivation de 103 mètres, et en appliquant à cette centrale une valeur de tangente phi à 0. Cette étude fait apparaître des contraintes de tension haute pour trois clients raccordés en HTA et 34 postes HTA/BT. Compte tenu de ces contraintes de tension, Electricité de France considère que des travaux d'adaptation du réseau public existant sont nécessaires avant le raccordement de la centrale du producteur.

Pour éviter des travaux de renforcement du réseau public de distribution, la société SERHY a demandé à Electricité de France de réaliser une nouvelle étude avec un raccordement de la centrale de production fonctionnant avec une tangente phi inductive à 0,1.

Le 15 octobre 2004, Electricité de France a réalisé l'étude demandée en simulant le raccordement de la centrale de Chousse sur le départ Issor du poste source Légugnon et en appliquant à cette centrale une valeur de tangente phi inductive à 0,1. Les résultats de cette étude font apparaître que, sans travaux d'adaptation, des contraintes de tension haute subsistent pour deux clients raccordés en HTA et quatorze postes HTA/BT.

La société SERHY conteste la validité de cette étude et met en cause la méthode utilisée par Electricité de France et les calculs.

Sur les calculs de contraintes de tension réalisés par Electricité de France :

L'article 5 du décret no 2003-229 du 13 mars 2003 dispose notamment que : « le gestionnaire du réseau effectue une étude pour déterminer le schéma de raccordement. Il prend en compte les caractéristiques de l'installation à raccorder, les caractéristiques des ouvrages existants ou décidés ainsi que celles des installations déjà raccordées [...] ».

La Commission de régulation de l'énergie constate que l'étude menée par Electricité de France le 15 octobre 2004 comporte des erreurs manifestes en ce qui concerne les caractéristiques de la centrale de production de Lourdios, les limites de tension haute admissible pour les clients raccordés en HTA et la limite de tension haute admissible pour les clients raccordés en basse tension.

En ce qui concerne les caractéristiques de la centrale de production existante de Lourdios, dont la société SERHY est propriétaire, Electricité de France mentionne dans son étude un fonctionnement de la centrale hydraulique à une puissance active de 1 430 kW avec une tangente phi inductive à 0,1.

Il est constant que le fonctionnement d'une centrale de production avec une puissance active de 1 430 kW, à tangente phi inductive à 0,1, représente une absorption de réactif de 143 kvar, hors absorption du transformateur élévateur. Or, il ressort de l'étude qu'Electricité de France ne prend pas en compte ce fonctionnement, puisqu'il mentionne une puissance réactive, pour cette centrale existante, à 0 kvar. Cette simple mention conduit à mettre en cause les résultats de calculs présentés par Electricité de France.

En ce qui concerne les limites de tension haute admissible pour les clients raccordés en HTA disposant de contrats « Emeraude », Electricité de France mentionne dans son étude une tension haute à 21 kV, qui correspond à son engagement sur la qualité de la fourniture d'électricité pour ces clients.

En application des dispositions de l'article 2.3 de l'annexe 2 sur la qualité des fournitures HTA des contrats « Emeraude », la « valeur contractuelle de la tension (Uc) est située dans une plage de ± 5 % autour de la tension nominale (Un). La valeur efficace de la tension de fourniture (Uf) peut varier de ± 5 % autour de la valeur contractuelle, conformément aux prescriptions de la norme EN 50-160 ».

Il en résulte que la valeur contractuelle de la tension (Uc) + 5 % constitue la valeur de la limite de tension haute.

Au cours de la séance, Electricité de France s'est borné à préciser qu'il est possible de déterminer les valeurs de la tension contractuelle à partir de la tension haute indiquée dans son étude, soit une tension contractuelle de 20 kV pour les trois clients disposant d'un contrat « Emeraude ».

Dans ces conditions, Electricité de France n'a pas justifié les valeurs de la tension contractuelle pour les trois clients disposant de contrats « Emeraude » présents sur le départ Issor du poste source de Légugnon, dont il estime pourtant qu'elles ne constituent pas des informations commercialement sensibles. La société SERHY n'est donc pas en mesure, pas plus que la Commission de régulation de l'énergie, de vérifier la valeur limite de la tension haute admissible.

En ce qui concerne la limite de tension haute admissible pour les clients raccordés en basse tension, Electricité de France soutient dans ses écritures, et lors de la séance, qu'il doit respecter l'arrêté du 29 mai 1986, qui impose une tension haute admissible à 243,8 V, à savoir + 6 % de la tension nominale à 230 V.

Or, l'article 2 de l'arrêté du 29 mai 1986 relatif aux tensions normales de 1re catégorie des réseaux de distribution d'énergie électrique dispose que : « les tensions aux points de livraison devront [...] être maintenues, pour les réseaux de 1re catégorie [au sens de la loi du 15 juin 1906], entre les valeurs extrêmes suivantes : courant monophasé (en tension minimale et en tension maximale) : 207 volts ; 244 volts [...] ».

C'est donc à tort qu'Electricité de France utilise la valeur de 243,8 V, au lieu de 244 V, et fait ainsi supporter au producteur des contraintes de tension haute sur sept postes HTA/BT.

Il résulte de tout ce qui précède que les résultats de l'étude d'Electricité de France du 15 octobre 2004 ne peuvent être valablement retenus.

Dans ces conditions, la société SERHY est fondée à soutenir qu'Electricité de France ne peut opposer l'existence de contraintes de tension, fondées sur des calculs erronés, pour refuser le raccordement de la centrale de production de Chousse au réseau le plus proche.

Sur le fonctionnement de l'installation de production à tangente phi inductive à 0,1 :

La société SERHY reproche à Electricité de France de ne pas accepter un fonctionnement de son installation de production à tangente phi inductive à 0,1.

En application de l'article 4 du décret du 13 mars 2003, « lors de la demande de raccordement, le gestionnaire du réseau s'assure que la conception des installations à raccorder et leur schéma de raccordement permettent [...] de tenir, en service normal du réseau, la tension dans sa plage admissible dans tous les régimes de fonctionnement de l'installation, notamment lors de sa mise en service ou de son arrêt et lors de ses variations de charge [...] ».

Le dernier alinéa de l'article 7 de l'arrêté du 17 mars 2003 dispose que : « la puissance réactive réellement fournie ou absorbée par le producteur [...] et le mode de régulation sont déterminés par le gestionnaire du réseau de distribution en fonction des impératifs d'exploitation du réseau auquel est raccordée l'installation ».

Electricité de France soutient qu'il peut, en application des dispositions précitées de l'arrêté du 17 mars 2003, imposer aux producteurs un fonctionnement de la centrale de production avec une valeur de tangente phi, dans les limites réglementaires fixées par ce texte.

La Commission de régulation de l'énergie rappelle qu'Electricité de France ne peut imposer discrétionnairement une valeur de tangente phi d'une installation de production qui ne serait pas compatible avec l'étude de raccordement réalisée en application de l'article 4 du décret du 13 mars 2003. En conséquence, la puissance réactive réellement fournie ou absorbée par l'installation de production doit être fixée en cohérence avec l'étude réalisée.

La société SERHY est donc fondée à soutenir qu'Electricité de France, en fixant discrétionnairement la valeur de la tangente phi sans tenir compte des résultats de l'étude de raccordement, a méconnu les dispositions de l'arrêté du 17 mars 2003.

Sur la discrimination entre consommateurs et producteurs sur le niveau de la consigne au poste source :

La Commission de régulation de l'énergie observe qu'il existe deux arrêtés distincts, qui fixent les prescriptions techniques de conception et de fonctionnement, selon qu'il s'agit du raccordement aux réseaux publics de distribution d'une installation de production ou d'une installation de consommation. Cette réglementation prend en compte la différence de situation entre les producteurs et les consommateurs pour instituer un traitement distinct entre ces différents utilisateurs.

Il suit de là que la société SERHY n'est pas fondée à soutenir qu'il existerait une discrimination illégale entre les utilisateurs des réseaux publics de distribution.

Sur le raccordement de l'installation de production au réseau le plus proche :

La société SERHY a demandé à Electricité de France, à plusieurs reprises et dès le 24 mai 2004, d'étudier les solutions permettant de lever les contraintes de tension pour permettre le raccordement de l'installation de production hydraulique au réseau public de distribution le plus proche.

L'article 5 du décret du 13 mars 2003 dispose notamment que : « le gestionnaire du réseau effectue une étude pour déterminer le schéma de raccordement. [...] Il examine les divers scénarios de fonctionnement du système et les aléas qui peuvent le perturber. [...] L'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Les méthodes générales et les hypothèses utilisées sont rendues publiques par le gestionnaire du réseau public de distribution. Les résultats sont communiqués à l'utilisateur par le gestionnaire de réseau sous réserve du respect des règles de confidentialité auxquelles il est tenu ».

Il résulte des dispositions précitées qu'Electricité de France, lors de l'établissement de la proposition concernant les modalités techniques et financières du raccordement, est soumis à une obligation de transparence et de traitement non discriminatoire. A ce titre, il lui appartient d'examiner les différents scénarios de raccordement des installations de production au réseau public de distribution. Ces obligations se justifient d'autant plus qu'Electricité de France, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, se trouve en situation de monopole vis-à-vis des utilisateurs qui demandent leur raccordement.

Il résulte de l'instruction qu'Electricité de France n'a pas procédé à l'étude du scénario demandé par la société SERHY.

Faute d'avoir étudié l'ensemble des solutions de raccordement et d'avoir, en conséquence, satisfait à ses obligations, Electricité de France ne peut imposer à la société SERHY un raccordement en dérivation sur le départ Saint-Engrace du poste source de Licq-Athérey.

Il appartient, en conséquence, à Electricité de France d'autoriser la société SERHY à raccorder, comme elle le demande, son installation de production hydraulique sur le réseau public de distribution le plus proche.

Electricité de France ne pourra se soustraire à cette obligation qu'à la condition de démontrer l'impossibilité pour la société SERHY d'injecter, en permanence et en totalité, en l'état du réseau, l'énergie produite par son installation de production.

Sur le coût et les délais du raccordement de la centrale au réseau public de distribution :

La participation financière du producteur aux dépenses engagées par les gestionnaires de réseaux publics pour réaliser son raccordement au réseau public d'électricité doit, en application des principes mentionnés au quatrième alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, être calculée sur la base d'un schéma de raccordement de meilleur coût réalisable pour satisfaire sa demande, dans le respect de la réglementation technique applicable à ce type de raccordement.

Electricité de France est donc tenu d'instruire la demande de la société SERHY en recherchant si le raccordement au réseau public le plus proche constitue une solution technique et financière raisonnable et au meilleur coût, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le demandeur.

Electricité de France indique dans la proposition technique et financière communiquée à la société SERHY le 18 février 2005 que plusieurs solutions de raccordement ont été étudiées et que la solution proposée « correspond à la solution au moindre coût ».

Toutefois, dans le cadre de l'instruction de la présente demande de règlement de différend, Electricité de France n'a apporté aucun élément permettant de vérifier que la proposition technique et financière du 28 février 2005, qui prévoit la création d'une dérivation simple de 13,7 km sur le départ de Saint-Engrace du poste source de Licq-Athérey, est bien la solution la plus économique, notamment par rapport à l'hypothèse d'un raccordement de la centrale au réseau public le plus proche.

Par suite, Electricité de France, en se bornant à transmettre à la société SERHY une proposition technique et financière à la suite du dépôt de la demande de règlement de différend sans procéder à une étude comparative de coût de raccordement, a méconnu les obligations qui lui incombent en application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 10 février 2000 et de l'article 5 du décret du 13 mars 2003.

En conséquence, la Commission de régulation de l'énergie invite Electricité de France à adresser à la société SERHY, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, une proposition technique et financière pour le raccordement de son installation de production hydraulique au réseau public de distribution le plus proche.

Les travaux de raccordement de l'installation de production au réseau public de distribution devront être réalisés dans un délai maximum de dix mois à compter de la signature par la société SERHY de la proposition technique et financière.

Sur la charge du coût des éventuels travaux de renforcement du réseau :

Electricité de France soutient qu'il ne peut raccorder l'installation de production de la société SERHY sur le réseau public de distribution le plus proche sans générer des surtensions et que le coût d'adaptation du réseau qui en résulte doit être mis à la charge du producteur.

Comme il a été dit précédemment, Electricité de France a refusé le raccordement de la centrale de production de Chousse au réseau le plus proche, en invoquant des contraintes de tension qui résultaient de calculs erronés. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant apporté la justification de l'existence de contraintes de tension.

En outre, malgré les demandes réitérées de la société SERHY, Electricité de France, en méconnaissance de l'obligation qui lui incombe, n'a pas étudié les différents scénarios de raccordement de nature à lever ces contraintes de tension. Ce faisant, il s'est refusé à évaluer, y compris au cours de la présente procédure, le coût du raccordement de l'installation de production de la société SERHY au réseau public de distribution le plus proche.

Pour mettre à la charge de la société SERHY le coût des travaux de renforcement du réseau qui résulteraient du raccordement de son installation de production au réseau le plus proche, Electricité de France se borne à soutenir qu'il « applique scrupuleusement les règles de facturation des raccordements des producteurs ». Or, il ressort des pièces du dossier que, pour toutes les solutions de raccordement au réseau public de distribution étudiées par Electricité de France, celui-ci prend à sa charge le coût du renforcement du réseau existant.

Il résulte de ce qui précède qu'Electricité de France, qui n'a pas justifié l'existence de contraintes de tension, n'a ni évalué le coût des travaux de renforcement du réseau qui en résulteraient ni démontré en quoi ces travaux de renforcement devraient être mis à la charge du producteur.

Dans ces conditions, la société SERHY est fondée à soutenir que ces travaux ne peuvent pas lui être facturés.

Sur la demande de la société SERHY tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie statue sur la légalité du processus de raccordement et des délais imposés par Electricité de France et lui demande d'engager une simplification et une amélioration du dispositif :

Sur le non-respect du délai fixé à l'article 8.3 du cahier des charges du RAG :

La société SERHY soutient qu'Electricité de France n'a pas respecté le délai fixé par la réglementation pour le traitement de sa demande de raccordement de son installation de production hydraulique au réseau public de distribution.

L'article 8.3 de l'annexe du décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (ci-après désigné « le cahier des charges du RAG ») dispose que : « [...] à la suite de toute demande de raccordement d'une installation de production autonome, le concessionnaire est tenu de faire au producteur autonome, dans un délai de trois mois, une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement de la source [...] ».

La Commission de régulation de l'énergie constate qu'après avoir présenté une demande formelle de raccordement de son installation de production le 24 mai 2004 la société SERHY n'a obtenu une proposition technique et financière d'Electricité de France que le 18 février 2005, soit après l'enregistrement de sa demande de règlement de différend. Au surplus, cette proposition technique et financière ne correspond pas à la demande de la société SERHY.

Electricité de France soutient qu'en août et novembre 2004, il était en mesure de formuler des propositions techniques et financières, mais que la société SERHY ne les aurait, en tout état de cause, pas acceptées pour des considérations d'intérêt économique. Il résulte, toutefois, de l'instruction que la société SERHY non seulement n'a pas été destinataire à ces dates d'une proposition technique et financière formalisée, mais n'a également jamais obtenu les explications souhaitées sur la solution et le coût du raccordement de son installation de production au réseau public le plus proche, alors qu'Electricité de France avait l'obligation d'étudier cette solution.

Il résulte de ce qui précède qu'Electricité de France n'a pas respecté le délai de trois mois prévu par l'article 8.3 du cahier des charges du RAG pour l'élaboration de la proposition technique et financière.

La Commission de régulation de l'énergie considère que, même si au cours de la présente procédure de règlement de différend, la société SERHY a obtenu communication d'une proposition technique et financière, le non-respect par Electricité de France du délai de trois mois doit être, dans les circonstances de l'espèce, regardé comme ayant constitué un refus d'accès au réseau public de distribution.

Sur la simplification et l'amélioration de la procédure de traitement des demandes de raccordement :

La société SERHY demande à la Commission de régulation de l'énergie d'imposer à Electricité de France de modifier la procédure de traitement des demandes de raccordement.

La Commission de régulation de l'énergie n'est pas compétente, dans le cadre d'une demande de règlement de différend présentée en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, pour ordonner à Electricité de France une telle modification de sa procédure de traitement des demandes de raccordement. En conséquence, la demande susvisée de la société SERHY est irrecevable et doit être rejetée.

Sur la demande de la société SERHY tendant à ce que la Commission de régulation de l'énergie décide que le gain sur les pertes en réseau résultant de la mise en service de la centrale de Chousse soit calculé par Electricité de France et lui soit versé :

La société SERHY demande à la Commission de régulation de l'énergie de décider que le gain sur les pertes en réseau résultant de la mise en service de la centrale de Chousse soit calculé par Electricité de France et lui soit versé.

Toutefois, ces conclusions sont étrangères à la demande de règlement du présent différend, qui ne concerne que le raccordement de l'installation de production de Chousse. Au surplus, aucun désaccord n'a été formalisé préalablement entre les parties sur cette question.

Il suit de là que la Commission de régulation de l'énergie ne peut se prononcer sur une telle demande, qui doit, dès lors, être rejetée.


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Décide :


Article 1


Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, adressera à la Société d'études et de réalisations hydroélectriques, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, une proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production hydraulique au réseau public de distribution le plus proche. Cette proposition technique et financière ne mettra pas à la charge de la société SERHY le coût des éventuels travaux de renforcement du réseau nécessités par le raccordement de cette installation de production.

Article 2


Les travaux de raccordement de l'installation de production au réseau public de distribution devront être réalisés dans un délai maximum de dix mois à compter de la signature par la société SERHY de la proposition technique et financière.

Article 3


Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, communiquera à la Commission de régulation de l'énergie, dans les mêmes délais que ceux prescrits aux articles précédents, tous les éléments lui permettant de s'assurer de l'exécution de la présente décision.

Article 4


Le surplus des conclusions de la Société d'études et de réalisations hydroélectriques et d'Electricité de France est rejeté.

Article 5


La présente décision sera notifiée à la Société d'études et de réalisations hydroélectriques et à Electricité de France ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 24 mars 2005.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota