J.O. 124 du 29 mai 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Délibération n° 2004-068 du 24 juin 2004 portant avis sur le projet de décret du ministre de l'intérieur modifiant le décret du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales (demande d'avis n° 104023)


NOR : CNIX0508452V



La Commission nationale de l'Informatique et des Libertés,

Saisie par le ministère de l'intérieur d'un projet de décret modifiant le décret du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur ;

Vu la directive no 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données ;

Vu la convention no 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article 55-1 ;

Vu l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et notamment son article 8-3 ;

Vu la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, et notamment ses articles 21 et 24 ;

Vu le décret du 17 juillet 1978 modifié pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu les délibérations no 84-18 du 3 mai 1984 et no 86-102 du 14 octobre 1986 ;

Vu le projet de décret modifiant le décret du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur ;

Après avoir entendu M. François Giquel en son rapport et Mme Charlotte-Marie Pitrat, commissaire du Gouvernement, en ses observations,

Formule les observations suivantes :

Le ministère de l'intérieur a saisi pour avis la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés d'un projet de décret modifiant le décret du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales.

Les modifications envisagées concernent, à titre principal, l'enregistrement et le traitement de nouvelles catégories d'information et l'extension des cas d'alimentation du fichier.



Le traitement de nouvelles catégories d'informations


Le ministère de l'intérieur souhaite enregistrer dans le fichier, d'une part, les empreintes palmaires, qu'elles résultent de traces relevées sur les lieux de commission d'infractions ou qu'il s'agisse d'empreintes d'individus relevées dans les conditions définies par le décret du 8 avril 1987 et, d'autre part, les clichés anthropométriques des intéressés.

L'article 55-1 du code de procédure pénale constitue le fondement juridique du relevé des empreintes palmaires d'individus, identifiés ou non, et de la prise de clichés anthropométriques dans le cadre d'une enquête judiciaire ; s'agissant des personnes condamnées à une peine privative de liberté, l'article D. 284 du code de procédure pénale prévoit qu'à leur arrivée en établissement, les détenus sont soumis aux formalités de l'écrou et aux mensurations anthropométriques.

L'ajout de ces informations a pour objet de fiabiliser les enregistrements d'empreintes digitales d'individus identifiés relevées dans les cas prévus par le décret et, s'agissant des clichés anthropométriques, de permettre aux enquêteurs interrogeant le fichier de s'assurer qu'un jeu d'empreintes est bien celui d'un individu donné.

La prise en compte dans le fichier des empreintes palmaires vise aussi à permettre, à terme, des comparaisons entre les empreintes palmaires d'individus non identifiés qui seraient relevées sur les lieux d'infraction avec celles recueillies ultérieurement auprès d'individus identifiés.

La commission prend acte que le seul traitement appliqué aux clichés anthropométriques consistera à les numériser et à les conserver dans le fichier, sous des numéros et selon des modalités excluant toute autre forme de traitement, en particulier de reconnaissance faciale des intéressés.

Elle prend aussi bonne note qu'il sera impossible d'interroger le fichier à partir d'un autre critère que l'état civil ou les empreintes de la personne concernée.


Les nouveaux cas d'alimentation du fichier


Le ministère de l'intérieur souhaite mettre le décret du 8 avril 1987 en conformité avec l'article 24 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et ainsi permettre aux organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et aux services de police étrangers d'alimenter le fichier.

Le ministère de l'intérieur a aussi ajouté la possibilité d'enregistrer les traces relevées dans le cadre d'une enquête pour recherche des causes d'une disparition.

Dans ce dernier cas, en application du premier alinéa de l'article 5 du décret, ces traces seront conservées pendant une durée maximale de vingt-cinq années ; elles pourront être effacées du fichier avant l'écoulement de cette période en cas de réception d'un avis de découverte de la personne concernée.

Cependant, par-delà les modifications envisagées par le ministère de l'intérieur, la commission estime que les dispositions législatives et réglementaires intervenues depuis l'entrée en vigueur du décret du 8 avril 1987 portant création du fichier automatisé des empreintes digitales, ainsi que les garanties qu'elle considère devoir nécessairement entourer la création, l'alimentation, le fonctionnement, la mise à jour et l'apurement des fichiers centralisés de police judiciaire doivent être prises en compte dans l'examen du projet de décret modificatif du ministre de l'intérieur.

En particulier, la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure comporte, dans son chapitre V, consacré aux traitements automatisés d'informations, des dispositions nouvelles concernant les applications automatisées d'informations nominatives mises en oeuvre par les services de police judiciaire, « afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs » et, dans son chapitre VI, consacré aux moyens de police technique et scientifique, des dispositions nouvelles concernant le fichier national automatisé des empreintes génétiques.


La durée de conservation des informations

et la mise à jour du fichier


S'agissant de la durée de conservation maximale des informations nominatives enregistrées au fichier, fixée de façon uniforme par le décret initial à vingt-cinq années, la commission estime que les principes de mise à jour et d'apurement posés par l'article 29 de la loi du 18 mars 2003, et mis en oeuvre par le décret du 25 mai 2004 concernant le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), doivent être transposés en l'espèce, dans la mesure où l'un et l'autre fichier présentent de grandes similitudes, comme l'indique le rapport au Premier ministre qui accompagne le projet de décret.

La commission demande donc que le projet de décret modificatif soit complété afin de préciser que le magistrat, sous le contrôle duquel est placé le fichier, peut ordonner la destruction des enregistrements concernant des personnes mises en cause lorsque leur conservation ne paraîtrait manifestement plus utile compte tenu de la finalité du fichier, non seulement d'office, mais aussi à la demande de l'intéressé, et que dans ce dernier cas, il indique aussi précisément que possible les modalités d'exercice par les intéressés de leur demande d'effacement des informations les concernant qui seraient enregistrées au FAED.


Le contrôle du fichier


L'article 7 du projet de décret, modifiant les dispositions du décret du 8 avril 1987, prévoit que le fichier est désormais placé sous le contrôle d'un magistrat du parquet placé hors hiérarchie, nommé pour trois ans, c'est-à-dire selon la même modalité que le FNAEG.

La commission demande, à l'instar de ce qui a été prévu pour ce fichier, que l'autorité gestionnaire du fichier automatisé des empreintes digitales adresse au magistrat sous le contrôle duquel est placé le fichier et à la CNIL un rapport annuel d'activité mentionnant notamment les résultats des opérations de mise à jour et d'apurement du fichier.

Enfin, eu égard à l'augmentation du nombre de personnels des services d'identité judiciaire susceptibles, à terme, d'accéder directement au fichier, la commission demande que le projet de décret modificatif prévoie expressément la mise en place d'un système permettant de garder trace des interrogations du fichier, afin de pouvoir détecter toute utilisation abusive ou frauduleuse d'un accès au fichier.


Les destinataires


La commission prend acte que la nouvelle rédaction de l'article 8 du décret du 8 avril 1987 ne permet pas aux agents expressément habilités du ministère de l'intérieur ou de la gendarmerie visés par l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France d'accéder directement au FAED, afin d'identifier des étrangers en situation irrégulière ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

Emet sous les réserves suivantes un avis favorable au projet de décret du ministre de l'intérieur modifiant le décret du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales :

- compléter l'article 7 du projet de décret modificatif afin de préciser que le magistrat sous le contrôle duquel est placé le fichier peut ordonner la destruction des enregistrements dont la conservation ne paraîtrait manifestement plus utile compte tenu de la finalité du fichier, non seulement d'office, mais aussi à la demande de l'intéressé ;

- prévoir dans le projet de décret, et de la façon la plus précise possible, l'indication des modalités d'exercice par les intéressés de leur demande d'effacement ;

- prévoir dans le projet de décret une disposition mentionnant l'existence du système permettant de garder trace des interrogations du fichier, afin de pouvoir détecter toute utilisation abusive ou frauduleuse d'un accès au fichier ;

- prévoir que l'autorité gestionnaire du fichier adresse au magistrat sous le contrôle duquel est placé le fichier et à la CNIL un rapport annuel d'activité mentionnant notamment les résultats des opérations de mise à jour et d'apurement du fichier.



Pour la commission :

Le président,

A. Türk