J.O. Numéro 127 du 1er Juin 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 08230

Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décret du 29 mai 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra »


NOR : AGRP0000329D


Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'agriculture et de la pêche,
Vu le règlement communautaire no 2081/92 modifié du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires ;
Vu le code rural, et notamment les articles L. 641-2, L. 641-3 et L. 641-6 ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le décret no 91-368 du 15 avril 1991 portant organisation et fonctionnement de l'Institut national des appellations d'origine ;
Vu la proposition du comité national des produits agroalimentaires de l'Institut national des appellations d'origine en date du 1er décembre 1999,
Décrète :

Art. 1er. - Seuls ont droit à l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra » les piments frais, en corde ou en poudre qui répondent aux dispositions du présent décret.
Un règlement d'application homologué par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation, pris sur proposition du comité national des produits agroalimentaires de l'Institut national des appellations d'origine, précise en tant que de besoin les modalités d'applications du présent décret.

Art. 2. - Les piments doivent être produits, transformés et conditionnés à l'intérieur de l'aire géographique qui s'étend au territoire des communes ou parties de communes suivantes du département des Pyrénées-Atlantiques :
- communes retenues en totalité : Larressore, Souraïde ;
- communes retenues en partie : Aïnhoa, Cambo-les-Bains, Espelette, Halsou, Itxassou, Jatxou, Saint-Pée-sur-Nivelle, Ustaritz.
Les limites de l'aire géographique sont reportées sur le cadastre des communes retenues en partie.

Art. 3. - Les piments sont récoltés dans des parcelles identifiées, situées dans l'aire géographique définie à l'article 2.
L'identification des parcelles est faite sur la base des critères relatifs au lieu d'implantation des parcelles et aux conditions de production définies dans le présent décret.
Les critères relatifs au lieu d'implantation ont été fixés par le comité national des produits agroalimentaires en sa séance du 1er décembre 1999, après avis de la commission d'experts désignés par ledit comité national. Ils sont consultables auprès des services de l'Institut national des appellations d'origine et du syndicat de défense intéressé.
Tout producteur ou tout nouveau producteur désirant faire identifier une parcelle doit en faire la demande auprès des services de l'Institut national des appellations d'origine avant le 1er février précédant la mise en culture et s'engager à respecter les critères relatifs au lieu d'implantation et les conditions de production.
La demande est enregistrée par les services de l'Institut national des appellations d'origine.
L'enregistrement vaut identification de la ou les parcelles tant qu'il n'est pas constaté de non-respect de l'engagement du producteur.
Toute parcelle pour laquelle l'engagement visé au quatrième alinéa n'est pas respecté est retirée de la liste des parcelles identifiées par les services de l'Institut national des appellations d'origine, après avis de la commission d'experts en ce qui concerne les critères relatifs au lieu d'implantation.
La liste des parcelles identifiées est consultable auprès des services de l'Institut national des appellations d'origine et du syndicat de défense intéressé.

Art. 4. - Les piments proviennent exclusivement de l'espèce « Capsicum annuum L. », de type variétal suivant : plante herbacée annuelle pouvant atteindre 80 cm de haut. Feuilles alternes, entières et ovales. Fleurs blanches, solitaires à l'aisselle des feuilles. Fruit charnu, pendant, de forme conique, rouge à maturité. Une cloison divise le fruit, incomplètement au sommet, en trois loges comprenant de nombreuses graines.
Les producteurs peuvent utiliser les semences provenant de leur exploitation.

Art. 5. - Chaque parcelle culturale est exclusivement réservée à la culture du piment destiné à l'appellation susvisée.
La plantation se fait entre le 1er avril et le 15 juillet. Elle se réalise en pleine terre en sol nu ou partiellement sur paillage plastique. La culture du piment sous abri est interdite.
La plantation en plant simple ou double est pratiquée. L'écartement entre les lignes est de 60 cm minimum. L'écartement sur la ligne entre les plants est de 40 cm minimum et la densité des plants de piment est comprise entre un minimum de 10 000 pieds/ha et un maximum de 30 000 pieds/ha (en plant simple) ou 60 000 pieds/ha (en plant double).
Les seuls apports de matières organiques autorisés sont ceux d'origine agricole.
Les traitements phytosanitaires systématiques sont interdits.
L'irrigation est interdite hors période de repiquage. Toutefois, en cas de sécheresse persistante, les services de l'Institut national des appellations d'origine peuvent autoriser cette pratique sur proposition du syndicat de défense de l'appellation.
Les parcelles peuvent faire l'objet d'une protection contre le gel du 1er avril au 31 mai et en fin de culture à partir du 25 octobre.

Art. 6. - L'usage de défoliant est interdit.
La récolte est manuelle et s'effectue de manière échelonnée jusqu'au gel de la parcelle. Seuls les piments rouges à au moins 80 % de leur surface peuvent être récoltés.
Sur une parcelle, le rendement annuel maximum est de 1 kilogramme de piments frais par pied et ne peut dépasser 30 tonnes de piments frais par hectare.

Art. 7. - Le tri des piments est manuel. Les piments blessés, fendus ou nécrosés sont exclus.
Après le tri, le piment doit être sec, propre et débarrassé de toute souillure.
Les piments doivent être triés chez le producteur dans un délai de quarante-huit heures suivant la récolte.
Durant ce délai, les piments doivent être conservés dans un endroit frais et aéré.
Le stockage des piments en chambre frigorifique est interdit.
Les installations de tri et de stockage doivent être conformes aux usages.

Art. 8. - Dans un délai de quarante-huit heures après la récolte, les piments sont triés et soit expédiés en frais, soit mis en corde, soit mis en maturation pour la fabrication de poudre.
Les piments destinés à la vente en corde sont mis en corde manuellement sur une ficelle alimentaire. La mise en corde est effectuée par le producteur. Les piments sont encordés par deux (en arête), par trois (en triangle) ou par quatre (en croix). Ils doivent présenter une forme régulière, conique, avoir un épiderme lisse et une longueur comprise entre 7 et 14 cm hors pédoncule. Une corde comprend 20, 30, 40, 60, 80 ou 100 piments de taille homogène.
Les piments destinés à la vente en poudre font l'objet, après tri, d'une maturation de quinze jours minimum dans un endroit chaud et aéré. Pendant cette période toute déshydratation brutale ou tout séchage en four est interdit. A la fin de cette période, les piments doivent être séchés par un passage au four de quelques heures. Avant d'être broyé, le piment doit être « craquant » ou « croustillant ».
La poudre est issue de la transformation de piments provenant exclusivement d'une même exploitation et doit répondre aux caractéristiques précisées dans le règlement d'application visé à l'article 1er du présent décret.
La dernière transformation des piments en poudre de la saison doit être effectuée au plus tard le 30 mars suivant la récolte.
Le mélange de poudre issue de deux années de récolte est interdit.
Les piments entiers frais ne sont expédiés que s'ils ne présentent aucune coloration verte. Les piments doivent présenter une forme régulière, conique, avoir un épiderme lisse et une longueur comprise entre 7 et 14 cm hors pédoncule.
Avant expédition le stockage des piments se fait à l'abri du soleil et de l'humidité.

Art. 9. - L'étiquetage des piments frais, en corde ou en poudre, doit comporter le nom de l'appellation d'origine « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra » inscrit en caractères de dimensions au moins égales à 1,3 fois celles des caractères les plus grands figurant sur l'étiquetage.
Outre l'étiquetage, les documents d'accompagnement, les factures, les marquages doivent comporter le nom de l'appellation d'origine et la mention « appellation d'origine contrôlée » ou « AOC ».
La mention « appellation d'origine contrôlée » ou « AOC » doit apparaître immédiatement avant ou après le nom de l'appellation sans mentions intermédiaires.
Pour les piments destinés à la vente en corde, chaque corde doit être identifiée par un système de marquage inviolable agréé par les services de l'Institut national des appellations d'origine et distribué par le syndicat. Ce système indique le nombre de piments et peut servir de support à l'étiquetage.
Pour les piments destinés à la vente en poudre, chaque contenant de poudre comporte un système de marquage inviolable agréé par les services de l'Institut national des appellations d'origine et distribué par le syndicat. Ce système peut servir de support à l'étiquetage et indique également l'année de récolte.
Le conditionnement de la poudre doit préserver les caractéristiques organoleptiques du produit.
Les piments entiers frais sont conditionnés en caissettes ajourées identifiées et utilisées exclusivement pour le « Piment d'Espelette ».
Le producteur doit remplir un bon d'accompagnement par livraison, fourni par le syndicat sous contrôle de l'Institut national des appellations d'origine. Ce bon mentionne les identifications du producteur et du destinataire, la date de livraison et le poids net.
Pour les piments entiers frais, chaque caissette doit être identifiée par un système de marquage inviolable agréé par les services de l'Institut national des appellations d'origine et distribué par le syndicat. Ce système peut servir de support à l'étiquetage.

Art. 10. - Les piments ne peuvent être commercialisés sous l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra » avant d'avoir satisfait aux dispositions du décret relatif à l'agrément de l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette ».

Art. 11. - L'emploi de toute indication ou de tout signe susceptibles de faire croire à l'acheteur qu'un piment frais, en corde ou en poudre, a droit à l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra », alors qu'il ne répond pas à toutes les conditions fixées par le présent décret, sera poursuivi conformément à la législation générale sur les fraudes et sur la protection des appellations d'origine.

Art. 12. - Par dérogation aux dispositions de l'article 2, les ateliers situés hors de l'aire géographique de l'appellation peuvent conditionner la poudre de piment bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée « Piment d'Espelette » ou « Piment d'Espelette-Ezpeletako Biperra » s'ils disposent d'une antériorité dans ce domaine.
Cette dérogation est accordée, après avis du Comité national des produits agroalimentaires, pendant une période maximale de deux ans à compter de la date de publication de l'enregistrement de l'appellation d'origine protégée conformément à l'article 5 du règlement (CEE) no 2081/92. La liste de ces ateliers est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la consommation.

Art. 13. - Les opérateurs recensés par le Comité national des produits agroalimentaires ayant produit et commercialisé des piments sous tout ou partie du nom de l'appellation, de façon continue, peuvent continuer à utiliser ce nom dans les conditions actuelles sans la mention « appellation d'origine contrôlée » pendant la période telle que visée à l'article 12.

Art. 14. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'agriculture et de la pêche et la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 29 mai 2000.


Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'agriculture et de la pêche,
Jean Glavany
Le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
Laurent Fabius
La secrétaire d'Etat
aux petites et moyennes entreprises,
au commerce, à l'artisanat
et à la consommation,
Marylise Lebranchu