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Décret no 95-978 du 24 août 1995 relatif à l'hébergement des travailleurs agricoles


NOR : AGRS9501439D


Le Premier ministre, Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre du travail, du dialogue social et de la participation et du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, Vu le code rural, et notamment ses articles 984 et 1144; Vu le code du travail, notamment le titre III du livre II; Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment son article R. 111-2; Vu le code pénal, notamment son article R. 610-1; Vu l'avis de la Commission nationale d'hygiène et de sécurité du travail en agriculture en date du 6 avril 1995; Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu, Décrète: Section 1 Dispositions applicables aux différents types d'hébergement Paragraphe 1 Dispositions communes

Art. 1er. - Le présent décret fixe les conditions d'hygiène, de sécurité et de confort auxquelles doivent satisfaire les logements des travailleurs mentionnés à l'article 1144 (1 à 7o, 9o et 10o) du code rural, lorsque ces travailleurs, et éventuellement les membres de leur famille, sont hébergés dans le cadre de leur relation de travail.

Art. 2. - Les travailleurs agricoles mentionnés à l'article 1er ci-dessus ne peuvent être hébergés ni en sous-sol ni, sous réserve des dispositions de l'article 17, sous des tentes. Ils doivent pouvoir clore leur logement et y accéder sans danger et librement.

Art. 3. - I. - Les logements doivent être isolés des lieux où sont entreposés des substances et préparations dangereuses au sens de l'article R. 231-51 du code du travail ou des produits susceptibles de nuire à la santé de leurs occupants. Ils doivent aussi être éloignés des dépôts de matières malodorantes et toutes mesures doivent être prises pour assurer la destruction des parasites et des rongeurs. II. - Les matériaux utilisés pour leur construction ne doivent pas être de nature à porter atteinte à la santé des occupants et doivent permettre d'évacuer les locaux sans risque en cas d'incendie. Les appareils à combustion destinés au chauffage et à la cuisson ainsi que leurs conduits, gaines et accessoires ne doivent pas être susceptibles de porter atteinte à la santé ou à la sécurité des occupants. Les installations électriques doivent préserver la sécurité de leurs utilisateurs. III. - Les logements doivent être construits en matériaux permettant d'éviter les condensations et températures excessives. Ils doivent être aérés de façon permanente. La hauteur sous plafond ne peut être inférieure à 2 mètres. Dans les pièces destinées au séjour et au sommeil, la surface des fenêtres doit être au moins égale à un dixième de la surface au sol de chaque pièce. Dans les pièces destinées au sommeil, les fenêtres doivent être munies d'un dispositif d'occultation. Les couloirs et les escaliers doivent être suffisamment éclairés pour assurer la sécurité des déplacements.

Art. 4. - Sauf s'il s'agit d'une exploitation agricole qui n'est pas desservie par un réseau d'alimentation en eau courante, les installations d'eau doivent assurer une distribution permanente d'eau potable, avec une pression et un débit suffisants. Les robinets des éviers, lavabos et douches, dans la même hypothèse, doivent fournir de l'eau à température réglable. Les cabinets d'aisances ne doivent pas communiquer directement avec les pièces destinées au séjour et aux repas. Leurs portes doivent être pleines et munies d'un dispositif de fermeture intérieure décondamnable de l'extérieur. Ils doivent être équipés d'une chasse d'eau, sauf s'il s'agit d'une exploitation agricole qui n'est pas alimentée en eau courante.

Art. 5. - Les sols, murs et plafonds doivent être protégés contre les eaux de ruissellement, les infiltrations et les remontées d'eau. Les fenêtres doivent être étanches à l'eau et maintenues en bon état. Le logement doit être en bon état d'entretien. Paragraphe 2 Hébergement en logement individuel

Art. 6. - Le logement individuel mis à la disposition du travailleur et, le cas échéant, de sa famille comporte: a) Une cuisine ou un coin cuisine; b) Au moins une pièce destinée au séjour et au sommeil, dont la surface habitable, déterminée conformément aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, est de 9 mètres carrés lorsque la cuisine est séparée et de 12 mètres carrés lorsqu'un coin cuisine est aménagé dans la pièce. La surface habitable du logement ne peut être inférieure à 14 mètres carrés pour le premier occupant, majorée de 7 mètres carrés par occupant supplémentaire. Sont considérés comme occupants supplémentaires les enfants à charge du travailleur au sens de la législation sur les prestations familiales ainsi que son conjoint ou la personne vivant habituellement avec lui. Si la consommation d'eau, de gaz et d'électricité est à la charge du travailleur, elle doit être enregistrée par des compteurs propres au logement qu'il occupe. Le travailleur assure l'entretien courant de ce logement. Paragraphe 3 Hébergement collectif des travailleurs saisonniers

Art. 7. - Le présent paragraphe est applicable aux travailleurs hébergés collectivement qui sont recrutés en vue d'accomplir, en fonction des particularités du cycle de la production animale ou végétale, des travaux devant être menés à terme en un temps limité et nécessitant en conséquence le recrutement d'un surplus temporaire de main-d'oeuvre.

Art. 8. - Toute pièce destinée au sommeil peut recevoir au maximum six travailleurs. Sa superficie minimale est de 9 mètres carrés pour le premier occupant et de 7 mètres carrés par occupant supplémentaire. Les lits ne peuvent être superposés.

Art. 9. - Les pièces destinées au sommeil des hommes sont séparées de celles destinées au sommeil des femmes.

Art. 10. - Les locaux destinés aux repas comportent une pièce à usage de cuisine, et une pièce à usage de réfectoire dont la superficie minimale est de 7 mètres carrés pour un travailleur saisonnier, majorée de 2 mètres carrés par personne supplémentaire. Toutefois: a) Si la structure des lieux s'oppose à l'aménagement de la cuisine et du réfectoire dans des pièces séparées, ces deux fonctions peuvent être regroupées en une seule pièce dont la superficie minimale est de 10 mètres carrés pour un travailleur, majorée de 2 mètres carrés par travailleur supplémentaire; b) La pièce à usage de cuisine n'est pas obligatoire lorsque l'employeur prend en charge la préparation des repas. Dans ce cas, un espace est aménagé et équipé pour que les travailleurs puissent préparer et prendre leurs repas en dehors des jours ouvrés.

Art. 11. - Sous réserve des dispositions de l'article 9, lorsque le nombre de travailleurs saisonniers est au plus égal à trois, une pièce unique peut servir à la fois au sommeil et aux repas des intéressés. Sa superficie doit alors être de 12 mètres carrés pour un travailleur, majorée de 7 mètres carrés par travailleur supplémentaire.

Art. 12. - La salle d'eau comporte des lavabos aménagés à raison d'un lavabo pour trois personnes. Elle comporte également des douches à raison d'une cabine pour six personnes. Les cabinets d'aisances sont aménagés à raison d'un pour six personnes. Les douches, les lavabos et les cabinets d'aisances sont séparés pour les hommes et les femmes.

Art. 13. - Les locaux mentionnés au présent paragraphe doivent comporter des issues et des dégagements conformes aux dispositions des articles R. 232-12 (alinéa 3) et R. 232-12-2 à R. 232-12-7 du code du travail. Pour lutter contre l'incendie, il devra être satisfait aux prescriptions de l'article R. 232-12-17 de ce code.

Art. 14. - Le chef d'établissement assure ou fait assurer à ses frais: a) Le maintien en bon état des locaux, du matériel et du mobilier dont ils sont équipés; b) Le nettoyage quotidien des locaux mentionnés aux articles 8, 10, 11 et 12; c) Le blanchissage des draps au moins une fois tous les quinze jours, et le nettoyage de l'ensemble de la literie lors de chaque changement d'occupant; d) L'enlèvement, deux fois par semaine, des ordures ménagères. Paragraphe 4 Mesures d'application

Art. 15. - Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture fixe: 1o Pour les logements mentionnés aux paragraphes 2 et 3 de la présente section, le niveau maximal de pression du bruit perçu à l'intérieur de chaque logement par suite du fonctionnement d'un équipement quelconque utilisé par l'entreprise; 2o Pour les logements mentionnés aux paragraphes 3 de la présente section: a) La température minimale qui doit être maintenue, par temps froid, dans les locaux, compte tenu des moyens de chauffage mis à la disposition des travailleurs par le chef d'établissement; b) Les dispositions relatives au mobilier et à la literie mis à la disposition des travailleurs ainsi qu'aux meubles et au matériel nécessaires à la préparation et à la prise de leurs repas; c) Les dispositions relatives à l'aménagement de la salle d'eau et des cabinets d'aisances; d) La quantité d'eau potable qui sera mise quotidiennement à la disposition des travailleurs si les locaux mentionnés aux articles 10, 11 et 12 ne sont pas alimentés en eau courante. Section 2 Dérogations

Art. 16. - Par dérogation aux dispositions des paragraphes 2 et 3 de la section 1, les conditions de confort, d'hygiène et de sécurité des locaux mis à la disposition des travailleurs installés à proximité des chantiers ainsi que celles des locaux dans lesquels sont hébergés les vachers et les bergers d'estive sont fixées par un arrêté ministériel. Celui-ci prendra en considération les contraintes inhérentes à ces formes d'habitat tenant en particulier à l'absence d'une infrastructure suffisante pour assurer l'alimentation en eau et en électricité.

Art. 17. - I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 2, dans les départements ou parties de départements désignés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et dans lesquels l'habitat disponible est quantitativement insuffisant eu égard à l'importance de la main-d'oeuvre accueillie lors des travaux saisonniers, l'inspecteur du travail peut autoriser le chef d'établissement à héberger ces travailleurs sous des tentes, installées sur un terrain qu'il met à leur disposition, lorsqu'ils sont recrutés pour une durée inférieure à un mois. L'équipement du terrain doit satisfaire aux conditions fixées par l'arrêté ministériel susmentionné, qui précise, en outre, les périodes de l'année pendant lesquelles l'autorisation peut être accordée. II. - L'inspecteur du travail peut accorder une dérogation à tout ou partie des dispositions de l'article 8 et de l'article 12 lorsque le chef d'établissement recrute et loge des travailleurs pour une durée maximale de douze jours sur une période de douze mois consécutifs. III. - Le recours hiérarchique formé contre les décisions de l'inspecteur du travail prises au titre des I et II ci-dessus est adressé au chef du service régional de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles. Ce recours doit, à peine de forclusion, être présenté dans les quinze jours suivant la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la décision de l'inspecteur du travail. Section 3 Pénalités

Art. 18. - Toute infraction aux dispositions des articles 2, 3 (I, 1er alinéa, et II) et 13 sera punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. En cas de récidive, l'amende sera celle prévue pour la récidive des contraventions de la 5e classe. Toute infraction aux dispositions des articles 3 (I, second alinéa, et III), 4, 5, 6, à l'exception du dernier alinéa, 8, 9, 10, 11, 12 et 14, et à celles des arrêtés ministériels pris en application des articles 15, 16 et 17 (I) sera punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe. L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par les infractions prévues aux deux alinéas ci-dessus. La procédure de mise en demeure prévue à l'article L. 231-4 du code du travail est applicable en cas d'infraction aux dispositions des trois premiers alinéas de l'article 3 (III), des articles 4, 6, à l'exception du dernier alinéa, 10, des deux premiers alinéas de l'article 12 et à celles prévues par l'arrêté ministériel pris en application de l'article 16.

Art. 19. - Sont abrogés: - le décret du 16 novembre 1932 portant règlement pour l'application de la loi du 31 juillet 1929 concernant l'amélioration du logement des travailleurs agricoles; - le décret du 11 mai 1938 portant règlement d'administration publique pour l'amélioration du logement des travailleurs agricoles concernant les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Aisne, de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne et, en partie, le département de l'Oise.

Art. 20. - Les dispositions du présent décret sont applicables à compter du 1er janvier 1996.

Art. 21. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre du travail, du dialogue social et de la participation et le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 24 août 1995.


ALAIN JUPPE Par le Premier ministre: Le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, PHILIPPE VASSEUR Le garde des sceaux, ministre de la justice, JACQUES TOUBON Le ministre du travail, du dialogue social et de la participation, JACQUES BARROT