J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       droit.org       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


LOI d'orientation quinquennale no 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques (1)


NOR : BUDX9300095L


Art. 1er. - La maîtrise des finances publiques a pour objectif, selon une programmation pluriannuelle, de ramener le déficit du budget de l'Etat à 2,5 p. 100 du produit intérieur brut total dans la loi de finances pour 1997.

Art. 2. - Aux fins définies à l'article 1er, la progression des charges du budget général et de la charge nette des comptes spéciaux du Trésor ne devra pas excéder l'évolution prévisionnelle des prix associée au projet de loi de finances de chaque année.

Art. 3. - Le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'un rapport présentant une projection quinquennale du budget de l'Etat pour l'année du projet de loi de finances et les années suivantes.

Art. 4. - Est approuvé le rapport sur les orientations budgétaires à moyen terme annexé à la présente loi.

A N N E X E Rapport sur les orientations budgétaires à moyen terme La France est aujourd'hui confrontée à une grave crise budgétaire: le déficit du budget de l'Etat, qui avait atteint 93 milliards de francs en 1990, soit 1,4 p. 100 du P.I.B., s'est aggravé, pour s'établir à 226 milliards de francs en 1992 (3,2 p. 100 du P.I.B.). Il aurait atteint 333 milliards de francs en 1993 (4,6 p. 100 du P.I.B.) si aucune mesure n'avait été prise. Cette forte et rapide détérioration de la situation budgétaire entraîne un fort accroissement de l'encours de la dette, qui est passé de 27,5 p. 100 du P.I.B. en 1990 à 30 p. 100 du P.I.B. en 1992. Les marges de manoeuvre budgétaires s'en trouvent progressivement réduites car les intérêts de la dette absorbent une part croissante des recettes fiscales: 12 p. 100 en 1990; 16 p. 100 en 1992.

I. - La nécessité du redressement budgétaire La stabilisation, puis la réduction de l'endettement, est l'objectif prioritaire de la politique budgétaire. A moyen terme, seule la stabilisation de l'endettement permettra à l'Etat de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires. Le retour de la croissance ne suffirait pas, à lui seul, à compenser l'effet << boule de neige >> de la dette. Ainsi, si la croissance repart dès 1994 et retrouve en 1995 son rythme tendanciel, la charge des intérêts absorberait encore en 1996 plus de 40 p. 100 de l'accroissement des recettes par rapport à l'année précédente. Faute d'un assainissement rapide de sa situation budgétaire, l'Etat ne pourrait donc pas tirer profit de la reprise économique pour mettre en oeuvre ses priorités. La persistance d'un endettement public élevé pourrait, de plus, être un obstacle à la reprise de l'investissement. En effet, au moment où les investissements des entreprises privées reprendront, il importe que les emprunts publics sur les marchés financiers n'exercent pas un effet d'éviction. La stabilisation de l'endettement est également la condition de la poursuite de la baisse des taux d'intérêt, déjà largement amorcée. Elle permettra d'effacer le différentiel de taux avec l'Allemagne. A cet égard, la programmation sur plusieurs années du redressement des finances de l'Etat donnera à notre politique budgétaire une crédibilité supplémentaire en montrant aux acteurs économiques et financiers, français et étrangers, que la maîtrise budgétaire s'inscrit dans la durée et que les budgets annuels font partie d'une programmation réaliste et cohérente à moyen terme. Il s'agit là d'un facteur clé pour la tenue de notre monnaie et pour la poursuite de la baisse des taux d'intérêt. La stabilisation puis la réduction de l'endettement de l'Etat se justifie plus encore par des considérations de long terme. La France, comme la plupart des pays développés, devra affronter à partir de 2005 les conséquences sur le système des retraites du vieillissement de la population. Si cette échéance difficile était abordée sans avoir assaini les comptes publics, les actifs d'alors devraient supporter simultanément la charge des intérêts d'une dette non maîtrisée et la hausse des prélèvements nécessaires au financement des retraites. Il en résulterait une hausse des prélèvements obligatoires insupportable pour l'économie nationale. Il n'est pas acceptable de reporter sur les générations futures l'apurement des déficits du présent. C'est dès maintenant que le redressement doit s'engager. En outre, en application du traité sur l'Union européenne, le passage à la monnaie unique pourra s'opérer à partir de 1997 pour les pays qui respecteront les critères de convergence relatifs notamment aux comptes publics. Pour ces pays, le déficit public global ne doit pas dépasser 3 p. 100 du P.I.B. et l'endettement public doit être inférieur à 60 p. 100 du P.I.B.

II. - La stratégie de redressement des finances publiques L'apurement des déficits n'aurait pas de sens s'il reposait uniquement sur l'augmentation des prélèvements obligatoires. Nécessaire pendant la phase d'assainissement, une telle politique ne serait pas soutenable à long terme. Le premier objectif du Gouvernement est donc d'engager la réduction de la ponction opérée sur l'économie par les prélèvements obligatoires et le déficit, ce qui implique une maîtrise de l'ensemble des dépenses publiques. Cette stratégie de redressement repose sur trois principes: 1. Le redressement des finances publiques doit être appréhendé de façon globale, ce qui suppose un effort conjoint de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales. Il est en effet impossible de concevoir un redressement du budget de l'Etat sans tenir compte de la remise en ordre qui doit être opérée dans les comptes des autres administrations publiques. Compte tenu de la situation budgétaire très dégradée, la programmation quinquennale impose que le redressement de la sécurité sociale soit réalisé sans contribution de l'Etat. Cette orientation stratégique est justifiée par les raisons suivantes: La progression récente des dépenses de la sécurité sociale a été beaucoup plus rapide que celle du budget de l'Etat qui, par ailleurs, a supporté tout le poids de l'allégement des prélèvements obligatoires. La dérive de la sécurité sociale pèse d'ailleurs d'un poids déjà très lourd sur le budget de l'Etat du fait notamment de dispositifs en faveur de l'emploi qui, peu ou prou, visent tous à compenser un coût de la protection sociale pesant trop lourdement sur les bas salaires ou les emplois d'insertion. Dans la situation budgétaire présente, de nouveaux concours de l'Etat à la sécurité sociale équivaudraient enfin à financer des dépenses courantes par le déficit supplémentaire, ce qui n'est pas acceptable. La sécurité sociale doit donc retrouver un rythme de croissance des dépenses compatible avec la restauration de son équilibre financier, sans recourir aux solutions de facilité que seraient la hausse répétée des prélèvements sociaux ou les concours de l'Etat. S'agissant des collectivités locales, il leur appartiendra de réaliser elles aussi un effort important de maîtrise de leurs dépenses, parallèle à celui consenti par l'Etat, leur permettant de ne pas accroître leur besoin de financement, sans pour autant accroître leur pression fiscale. 2. Concernant l'Etat, le redressement amorcé en 1993 doit se poursuivre en 1994, mais la stabilisation de l'endettement nécessitera plusieurs années d'efforts. Compte tenu de la situation économique et budgétaire, les projections pluriannuelles montrent qu'il n'est pas possible de passer du déficit actuel proche de 4,5 p. 100 du P.I.B. à l'objectif de 2,5 p. 100 du P.I.B. avant 1997, ce qui nécessite de réduire le déficit d'un demi-point de P.I.B. chaque année dès 1994. 3. L'objectif de réduction du déficit impose de stabiliser les dépenses en francs constants dès 1994. La programmation pluriannuelle repose sur l'hypothèse que les recettes fiscales progresseraient parallèlement à la richesse nationale à partir de 1995. Cette hypothèse de stabilisation de la pression fiscale de l'Etat est relativement optimiste en ce sens qu'elle suppose que le décrochement constaté depuis 1991 du rythme de progression des recettes par rapport à celui du P.I.B. se résorberait dès 1995. Compte tenu de cette hypothèse, le respect de l'objectif de déficit à moyen terme impose que l'ensemble des dépenses, y compris les intérêts de la dette, ne progresse pas plus vite que les prix prévisionnels, de 1994 à 1997. A titre conventionnel, les taux à court terme ont été estimés à 6,5 p. 100 et les taux à long terme à 7 p. 100 à partir de 1994. Cette forte réduction de la progression des dépenses publiques par rapport à leur évolution tendancielle impose que des économies soient opérées dans tous les domaines de l'action de l'Etat. D'importantes réformes des structures administratives permettant d'améliorer leur efficacité et leur productivité devront être mises en oeuvre dès 1994 et poursuivies les années suivantes. Elles impliqueront de profondes réorganisations de certains services administratifs et, le cas échéant, la redéfinition de leurs missions. Ces réformes permettront notamment aux administrations de l'Etat de tirer parti des investissements informatiques considérables réalisés dans l'administration. La réalisation de ces réformes sera facilitée par la mise en place de nouveaux instruments de réallocation des emplois entre les différents ministères permettant d'améliorer la mobilité des fonctionnaires. Il sera également procédé, dans le cadre de la procédure budgétaire, à un examen critique des principaux régimes d'intervention publique, afin d'en améliorer l'efficacité et d'en maîtriser le coût dans l'avenir, conformément aux objectifs de la programmation à moyen terme. C'est donc une révision en profondeur des services votés qui s'impose afin de redéployer les marges de manoeuvre budgétaires ainsi dégagées vers la réduction du déficit budgétaire, vers le financement des priorités et vers l'allégement de la pression fiscale.

III. - La programmation du redressement Le tableau ci-après fait apparaître le cheminement permettant d'atteindre l'objectif d'un déficit budgétaire limité à 2,5 p. 100 du P.I.B. en 1997. En stabilisant la totalité des charges budgétaires en volume dès 1994, le déficit serait réduit d'un demi-point de P.I.B. par an, à condition que la pression fiscale de l'Etat soit également stabilisée. Cette progression repose sur l'hypothèse qu'après le ralentissement puis l'absence de croissance entre 1990 et 1993, l'économie française devrait retrouver progressivement une croissance de l'ordre de 2,8 p. 100 par an à partir de 1995, dans un contexte d'inflation maîtrisée. Ce cheminement permettrait par ailleurs de stopper la croissance exponentielle de la part de la dette dans la richesse nationale et donc d'éviter que la charge d'intérêt n'absorbe une proportion croissante du surcroît de recettes généré par la croissance. Après avoir augmenté de 5 p. 100 en une seule année, passant de 30 p. 100 en 1992 à 35 p. 100 en 1993, le ratio de l'encours de la dette rapporté au P.I.B. se stabiliserait à environ 42 p. 100. (En milliards de francs) ...................................................... Vous pouvez consulter le tableau dans le JO no 0020 du 25/01/94 Page 1280 a 1282 ...................................................... En se fixant par ailleurs l'objectif de rééquilibrer rapidement les comptes de la sécurité sociale et de stabiliser le besoin de financement des collectivités locales, la France serait, en outre, en mesure de revenir à un déficit des administrations publiques de 3 p. 100 du P.I.B. conformément aux engagements souscrits dans le cadre du traité d'Union économique et monétaire. Il convient de souligner que la programmation qui vient d'être présentée ne prétend pas décrire ce que sera l'évolution du budget de l'Etat d'ici à 1997. Des aléas peuvent fortement modifier l'environnement économique et donc les recettes budgétaires, comme la période récente en témoigne. Mais le cheminement présenté montre que le seul moyen de revenir à un déficit budgétaire acceptable est de maîtriser la croissance de la dépense, dont la stabilisation en francs constants doit être la pierre angulaire de notre politique budgétaire tant que notre situation budgétaire ne sera pas assainie. Cela implique notamment de ne pas renouveler les erreurs du passé si la croissance et donc les recettes sont plus importantes que prévu. Il conviendra alors d'utiliser le supplément de ressources pour stabiliser plus rapidement l'endettement et reprendre l'effort nécessaire d'allégement des prélèvements obligatoires. La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 24 janvier 1994.


FRANCOIS MITTERRAND Par le Président de la République: Le Premier ministre, EDOUARD BALLADUR Le ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, NICOLAS SARKOZY
(1) Loi d'orientation quinquennale no 94-66: - Conseil économique et social: Avis du 15 juin 1993, publié au Journal officiel (Avis et rapports du Conseil économique et social) du 17 juin 1993. - Travaux préparatoires: Assemblée nationale: Projet de loi no 407; Rapport de M. Philippe Auberger, rapporteur général, au nom de la commission des finances, no 775; Discussion et adoption le 7 décembre 1993. Sénat: Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, no 152 (1993-1994); Rapport de M. Jean Arthuis, au nom de la commission des finances, no 192 (1993-1994); Discussion et adoption le 12 janvier 1994.