AVIS DU CONSEIL GENERAL DES MINES
SUR LA POLITIQUE PUBLIQUE DE MAITRISE DE L"ENERGIE

 

 

 

Séance plénière du 30 septembre 1997

 

Le rapport de l'Instance d'évaluation de la politique publique de maîtrise de l'énergie devait établir le bilan de l'action de l'Etat sur vingt années, de 1974 à 1994,et évaluer l'efficacité des diverses actions lancées dans le cadre de cette politique.

 

Il n'a pas été possible à l'Instance d'évaluation d'établir, sur la période examinée, un véritable bilan national des actions entreprises, en termes de revenus comparés aux investissements. En effet, les dépenses publiques effectivement destinées à économiser l'énergie, n'ont pas pu être toujours distinguées à l'intérieur d'enveloppes budgétaires à finalités multiples et la part n'a pu être faite entre les économies d'énergies qui ont été réalisées sous l'effet du signal prix (pendant les chocs pétroliers) et sous l'effet de la politique de maîtrise de l'énergie elle-même, dont l'ampleur a été synchronisée avec le prix du pétrole.

 

Par contre le travail de l'Instance est très précieux pour choisir les bons instruments en cas de relance de la politique de maîtrise de l'énergie.

 

L'Instance a notamment constaté que les interventions de l'Etat pour la maîtrise de l'énergie ont cherché à s'exercer directement à travers -des procédures finalisées, suivant un catalogue de mesures qui, souvent, se sont vues diluées au sein de grandes politiques sectorielles - logement, urbanisme, transports - indifférentes à l'efficacité énergétique, voire antagonistes.

 

En outre, il ressort des travaux que deux politiques se sont superposées :

 

- une politique structurelle de caractère technico-économique, dont l'objectif était d'améliorer à long terme l'optimisation de la demande d'énergie,

 

- une politique conjoncturelle financière et fiscale destinée à faire face aux

déséquilibres temporaires de notre balance commerciale provoqués par les chocs pétroliers.

 

Seule, la seconde politique a su mobiliser des crédits importants. Si la première politique subsiste encore aujourd'hui, la seconde a pris fin dès 1986, déstabilisant la politique structurelle à long terme et laissant pratiquement toute la place au jeu de marchés plus ou moins influencés par des fiscalités sans relation raisonnée avec les problèmes posés.

 

Les comparaisons internationales qui ont pu être faites sur l'efficacité énergétique des principaux pays montrent -que la France était en tête (avec le Japon) en 1973 (grâce notamment à l'ancienneté de sa politique de taxation des carburants), mais qu'elle a plutôt moins progressé que les autres dans la période 1973-1992, ou tout au moins qu'elle doit une part de ses progrès aux gains d'efficacité inhérents à la substitution d'électricité d'origine nucléaire à des combustibles fossiles dans les consommations d'énergie finale.

 

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d'avis que plusieurs raisons fortes plaident pour l'adoption d'une politique structurelle de maîtrise de l'énergie, ambitieuse et stable dans la grande durée :

 

- les prix de l'énergie ne reflètent pas le coût des externalités environnementales liées à leur mise en oeuvre, ni la nécessité d'économiser par précaution celles des ressources énergétiques dont le caractère fini est le plus évident;

 

- les choix à faire dans les domaines des transports, de l'urbanisme, de l'aménagement du territoire et de la construction de bâtiments sont sensibles aux anticipations que l'on peut faire sur les prix de l'énergie. Ces choix, ont une grande influence sur la demande en énergie et la structurent avec une forte rigidité qui rendra difficiles et coûteuses les adaptations ultérieures, qui seront rendues nécessaires par les augmentations du prix de l'énergie (augmentations conjoncturelles possibles à moyen terme en cas de crise au Moyen Orient, augmentations inévitables à long terme avec l'épuisement des ressources). Il convient de souligner que la vulnérabilité du secteur transport a une éventuelle instabilité de nos approvisionnements en pétrole s'est fortement accentuée depuis 20 ans;

 

- une politique de maîtrise de l'énergie est un complément nécessaire de notre politique nucléaire. Si le nucléaire présente en effet des avantages incontestables (accès à une ressource énergétique nouvelle très abondante, pas de pollution de l'air locale ni d'effet de serre) , les problèmes posés par la fin du cycle ne font pas encore l'objet d'une solution acceptée par tous. Une politique forte de maîtrise de l'énergie réduira, nos besoins en énergie nucléaire; cette énergie ne doit pas être une facilité, qui nous dispense d'économiser l'énergie. Par ailleurs, nos émissions de gaz carbonique (CO.), gaz à effet de serre, augmenteraient fortement si nous devions demain renoncer à l'électricité nucléaire, ou en réduire la part..

 

- enfin la contrainte environnementale liée à l'effet de serre va conduire à des obligations internationales qui coûteront cher à ceux qui n'auront pas mis en oeuvre une politique forte de maîtrise de l'énergie.

 

Sur la méthode à utiliser pour conduire une telle politique, le Conseil estime que

 

- il y a lieu de chercher à corriger les prix de l'énergie par la fiscalité dans un cadre harmonisé, au niveau européen d'abord, de l'OCDE ensuite.

 

- la recherche et le développement de technologies efficaces doivent porter autant sur l'utilisation de l'énergie que sur l'offre d'énergie. Une action persévérante sera facilitée si l'on sait traduire en termes de marché et de prix les contraintes futures et les externalités aujourd'hui non prises en compte.

 

- il faut faciliter la réalisation de toutes les économies d'énergie déjà rentables grâce à une large diffusion d'information sur les technologies disponibles (aides à la décision, affichage des consommations, réglementations); une action exemplaire de l'Etat et des collectivités locales dans la gestion de leurs propres consommations devrait être relancée.

 

- une attention particulière doit être portée à la tarification de l'électricité et à la politique d'électrification rurale qui font aujourd'hui obstacle au développement des énergies renouvelables dans les territoires insulaires où à faible densité de population.

 

- il n'y a pas de réelle politique de maîtrise de l'énergie si elle est ignorée des politiques sectorielles des transports, du logement, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. La dimension de la maîtrise de l'énergie, tout comme celle de la protection de l'environnement doit être systématiquement intégrée dans les politiques sectorielles.

 

Le Conseil recommande que cette politique soit pilotée par une structure administrative forte, dotée d'une réelle capacité pour infléchir les politiques sectorielles concernées. Elle devrait s'appuyer sur une ADEME où la maîtrise de l'énergie retrouverait la place queue a perdue depuis 10 ans sous la pression des réductions successives des crédits d'intervention.