(Last update : Tue, 7 Oct 1997)
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RAPPORT SUR L'ACTIVITÉ
DU CONSEIL GÉNÉRAL DES MINES
EN 1996

NOTE SUR L'ETAT DES CONNAISSANCES ET L'ORGANISATION DE L'ADMINISTRATION EN MATIERE D'IMPACT DE LA POLLUTION AUTOMOBILE SUR LA SANTE ET L'ENVIRONNEMENT

YM. Le 21.05.96
autoi.doc

A l'occasion de la rédaction du projet de rapport au Parlement sur les conséquences du développement du diesel, j'ai fait les constatations suivantes :

  1. Lors du lancement du programme de recherche sur les transports (PREDIT), en 1990, j'ai eu l'occasion de m'exprimer en tant que président du groupe interministériel sur l'effet de serre. Face à un programme de 500 M.F. d'aides publiques, essentiellement destinées aux constructeurs d'automobiles, dont près du quart destiné au "véhicule propre et économe", j'ai fait remarquer que ces aides publiques pesaient peu face aux milliards que les constructeurs consacrent chaque année en études et recherches mais que les constructeurs avaient grand besoin d'être éclairés sur ce qu'est un "véhicule propre". J'ai suggéré alors de façon pressante que le dixième du Prédit (soit 50 M.F./an) soit consacré à hiérarchiser les inconvénients des très nombreux polluants émis par les divers types de moteurs et de carburants. J'étais en particulier très frappé par l'absence de connaissances dans ces domaines et notamment en ce qui concerne les particules du diesel, dont on parlait déjà beaucoup.

    J'ai souligné que chacun devait faire son métier :

    Mes suggestions n'ont pas été suivies. Pendant la durée du PREDIT (1990-1994), il a été consacré 8 M.F. seulement de crédits publics à la métrologie des émissions et aux effets sur la santé !

    Avec le programme PRIMEQUAL qui, depuis 1995, regroupe les crédits de l'ADEME, du Ministère de l'environnement et du Ministère de la santé, un effort tardif et encore très insuffisant a été entrepris (10,5 M.F. en 1995).

  2. Connaissance de l'état de pollution de l'air

    Le dispositif actuel de surveillance de la pollution se caractérise par l'absence d'une stratégie claire. Pour connaître, à un coût raisonnable, les variations dans l'espace et dans le temps de la pollution d'un milieu comme l'air de nos agglomérations, il est indispensable d'optimiser la répartition des mesures (dans l'espace et dans le temps) : ceci ne peut être fait qu'en recourant à une analyse statistique fine des résultats obtenus et à des modèles de dispersion des polluants.

    Presque tout reste à faire dans ce domaine. On a développé des réseaux de surveillance en continu d'un nombre limité de paramètres, en des points choisis au départ pour surveiller des sources fixes de pollution. Ce n'est que très récemment 5 à 10 ans, qu'a émergé le souci de mesurer la pollution résultant du trafic automobile. On ne dispose pas au niveau national d'une caractérisation précise des conditions "implantation des diverses stations.

    Des campagnes de mesures par matériel mobile devraient sans doute compléter les observations continues des stations fixes. Pour apprécier l'exposition au risque de silicose chez les mineurs, on a développé des capteurs portatifs il y a plus de 20 ans ; rien de semblable n'existe dans le suivi de la pollution de l'air.

    Au total, les informations disponibles me paraissent loin de permettre d'apprécier l'exposition au risque des populations urbaines avec la précision nécessaire à des études épidémiologiques convainquantes.

    Beaucoup de mesures pourraient être allégées (par exemple sur le SO2) et en même temps les mesures sont absentes ou trop synthétiques sur des polluants dont l'impact sur la santé risque d'être important :

  3. Le cas des particules est exemplaire pour illustrer le manque de réflexion synthétique sur ce dossier pollution de l'air.

    J'ai eu les plus grandes difficultés à obtenir des informations qui restent imprécises sur ce que l'on mesure quand on surveille la pollution de l'air d'une part et quand on mesure les émissions des véhicules d'autre part.

    Depuis des décennies, on sait à propos de la silicose que l'effet des poussières dépend d'abord de leur granulométrie, ensuite de leur composition chimique et même de leur structure.

    Or on se contente de suivre, dans l'air, la masse globale des particules présentes en dessous d'un certain diamètre qui est tantôt 13 microns tantôt 5 microns. On sait mal quel est le pouvoir de capture des filtres utilisés pour les particules les plus fines : il semble que l'essentiel en nombre des particules de moins de 0,5 à 0,3 microns échappe aux filtres.

    Les travaux sur les pneumoconioses ont montré que seules les particules de moins de 2 à 3 microns atteignaient les alvéoles pulmonaires et que la surface des particules, c'est-à-dire en fait leur nombre, était plus importante à connaître que leur masse.

    J'ai par ailleurs constaté que les personnes qui connaissaient (à l'ADEME, au Ministère, et à l'école des Mines de Douai) les techniques de mesure des poussières dans l'atmosphère, ne connaissaient pas la répartition granulométrique des particules émises par les moteurs diesel. Ces particules ont moins d'un micron et la moitié d'entre elles en masse auraient moins de 0,3 microns : les capteurs qui surveillent les particules dans l'air de nos villes paraissent donc inaptes à mesurer les particules engendrées par le diesel, qui sont pourtant aujourd'hui au centre de toutes les préoccupations relatives à la pollution urbaine.

    Alors même que les compétences du CERCHAR en pneumoconiose (et en explosions) m'avaient poussé en 1987 à recommander son rattachement au Ministère de l'environnement, j'ai découvert que l'INERIS était très peu impliqué dans le présent problème et que sa collaboration avec l'ADEME était faible et plutôt difficile (comme s'il y avait concurrence et non complémentarité entre les deux institutions).

    Le résultat de cette situation est que personne ne peut affirmer avec certitude aujourd'hui que l'oxydation catalytique des effluents du diesel, imposée au 11-1997 va réellement réduire les inconvénients du diesel : on s'attend à une réduction en masse des particules de l'ordre de 40 % mais avec peut-être une augmentation de leur nombre.

  4. Connaissance des émissions

  5. J'ai noté à la D.S.C.R. un mépris inquiétant à l'égard de l'INRETS, centre de recherche qui devrait jouer un rôle important pour éclairer l'administration. Si les travaux de l'INRETS sont vraiment mauvais, il me paraît indispensable que la D.S.C.R. s'attache à obtenir la correction d'une situation dommageable : une administration chargée de réglementer dans un domaine aussi important que l'automobile doit tout faire pour être aussi bien éclairée que possible par des études et recherches de qualité et indépendantes.

  6. Ces problèmes de pollution par les transports sont traités trop exclusivement par des approches d'ingénieurs qui focalisent leur attention sur la technologie du véhicule et me paraissent négliger :

    Je n'ai pas trouvé de données fiables sur des sujets tels que :

    La dimension économique de l'action devrait être omniprésente : quel est le coût d'évitement de l'émission d'une unité de pollution supplémentaire, attaché à chaque décision envisagée ? J'ai dû renoncer à traiter ce sujet dans le rapport "diesel" faute de données.

  7. Enfin je soulignerais deux points :
J'avais accepté la mission "rapport diesel" persuadé que je n'aurais qu'à faire une synthèse facile de données déjà bien digérées, ce qui précède montre qu'il n'en a rien été.

Y. MARTIN