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Troisième synthèse du forum (interventions parvenues sur le site
entre le 29 janvier et le 4 février 1998)
28 jours après le lancement du forum, 63 interventions émanant
de 55 personnes avaient été enregistrées. Cette troisième synthèse
porte sur 10 interventions provenant de 10 auteurs différents.
Amorcer la pompe
La plupart des interventions de cette semaine se préoccupent
de la manière de faire décoller le commerce électronique dans notre pays.
Comme souvent, on rencontre des partisans de la logique l'offre et
d'autres du développement volontariste de la demande.
Libérer la demande...
Plusieurs intervenants demandent à l'Etat d'intervenir pour réduire
le coût des terminaux et celui des communications.
En ce qui concerne les terminaux, il est proposé de remplacer
les 6 millions de Minitel par autant de "téléphones Internet", et
de baisser, voire supprimer la TVA sur les terminaux communiquants.
Une intervention intéressante propose d'annuler le coût des
communications, le réseau de télécommunications étant assimilé
au réseau routier ou au réseau hertzien : une sorte de bien commun
dont le rôle serait d'acheminer vers les sources de valeur. La publicité
et les ventes paieraient le transport, pas le consommateur. "L'Internet
tient plus de la radio ou de la télévision que du téléphone ou du Minitel"
, conclut Michel Pontacq. Certains contesteront sans
doute vivement une telle affirmation.
En retour, nous nous interrogeons : ne demande-t-on pas trop à l'Etat
et ne surestime-t-on pas ses moyens d'action ? Il existe aux Etats-Unis
des fournisseurs d'accès gratuits (financés par la publicité), d'autres
payants. Certains opérateurs de télécommunications envisagent de
subventionner des téléphones Internet comme ils ont subventionné
les téléphones portables. Est-ce à l'Etat d'impulser ce mouvement ?
Et si oui, comment, sans distordre la concurrence – laquelle nous paraît
être, à moyen terme, un moyen plus efficace que n'importe quel plan
de réduire les coûts tout en améliorant le service rendu ?
... stimuler l'offre ?
La longue et riche intervention de Rémy Marchand met l'accent sur le fait
que l'administration dispose d'un levier d'action extrêmement puissant.
En s'engageant elle-même, pour ses propres besoins, à échanger de manière
électronique avec les entreprises (qu'il s'agisse des marchés publics ou
des téléprocédures) :
elle accélérera l'adoption des outils du commerce électronique
par les entreprises, qui s'en serviront également pour échanger
d'entreprise à entreprise;
elle engendrera des gains de productivité (donc de compétitivité)
dans les entreprises, qui perdront moins de temps dans leurs relations
avec l'administration;
elle contribuera à la prise de conscience des acteurs économiques,
vis à vis desquels – quoi qu'on en dise –, l'administration conserve
souvent un rôle de "référence comportementale".
M. Marchand propose à juste titre de se focaliser sur les actions
les plus simples et dont l'effet peut être maximal :
Plutôt que de dématérialiser les appels d'offres, se concentrer
sur l'exécution des commandes publiques et notamment les marchés
d'approvisionnements et de fournitures courantes;
Mobiliser en priorité quelques administrations pour leur
rôle économique global (ministère de l'économie), l'importance
(les ministères de la défense, dont un agent – que nous prendrions
volontiers au mot –, proposait le 13/1, sur ce forum, de faire un
ministère pilote de la dématérialisation, et de l'équipement) ou le nombre
des commandes publiques qu'ils passent (établissements d'éducation,
hôpitaux);
Définir un ensemble minimal de spécifications et de standards
de manière à permettre à toutes les administrations d'échanger de
la même manière avec toutes les entreprises, dans le respect
des standards mondiaux.
D'autres propositions plus volontaristes, émanant d'autres intervenants, suggèrent de donner la prééminence dans certains appels d'offres publics aux entreprises qui proposent des formes de relations dématérialisées, et d'obliger les sociétés publiques à proposer leurs produits et services via l'Internet (mais ne sont-elles pas en train de le faire ?).
Profiter de la mise en réseau
Une autre façon d'amorcer la pompe consiste à profiter du développement
du réseau pour stimuler de nouveaux usages et répondre à des besoins
pratiques des entreprises et des professionnels. M. Marchand, encore,
nous propose deux exemples :
Sans même contraindre les administrations à refondre en profondeur
leur fonctionnement, l'Internet pourrait permettre aux entreprises
exportatrices d'effectuer en une fois, d'une manière partiellement
automatisée et dématérialisée, la totalité des multiples démarches
associées à l'exportation. Il y a une voie pratique à explorer;
L'informatisation et la "mise en réseau" des médecins pourraient
facilement être mises à profit pour développer d'autres échanges
électroniques avec les médecins que la feuille de soins.
Réduire les obstacles
Il subsiste des obstacles au développement du commerce électronique.
Eduquer, éduquer
La thématique de l'éducation, de la pédagogie, revient comme un leitmotiv
depuis le démarrage du forum. L'éducation concerne d'abord les responsables d'entreprises d'aujourd'hui. Ils ont besoin de recevoir une information claire, intelligible, pratique. Ils ont besoin de dédramatiser, mais aussi de démystifier le commerce électronique : des attentes excessives produisent des déceptions excessives.
L'enjeu concerne également les jeunes à l'approche d'une vie
active dans laquelle le commerce électronique prendra
une place croissante. Encore faut-il, nous dit un enseignant, pouvoir
enseigner et rapprocher cet enseignement des pratiques professionnelles.
Les formations dans le domaine du "multimédias" sont par essence
pluridisciplinaires et mal adaptés aux cadres classiques de l'enseignement.
Elles manquent de reconnaissance et de moyens. Elles manquent aussi
d'une plus grande proximité avec le tissu économique et de moyens simples
de convertir des travaux de recherche en activités économiques.
Sortir du flou fiscal
Une bonne fiscalité, du point de vue économique, est aussi neutre que
possible. Or, en prenant du retard sur l'évolution des marchés et
des techniques, notre fiscalité (TVA principalement) risque de pénaliser
le commerce électronique.
Plus globalement, les interventions parvenues depuis le lancement
du forum nous laissent penser que le rapport Lorentz doit veiller,
dans sa partie consacrée à la fiscalité, à être plus concret et mieux
intelligible par un responsable d'entreprise normalement constitué.
Il ne suffit pas de dire (même si c'est important) que la plupart
des principes fiscaux français s'appliquent sans difficulté au commerce
électronique et qu'il n'y a pas d'incertitude juridique dans ce domaine.
Encore faut-il que l'administration fiscale explique de manière claire
et pratique, en direction des chefs d'entreprise, des experts comptables
et des agents des impôts eux-mêmes, la façon dont les principes existants
doivent s'appliquer à ces activités nouvelles. Trop d'intervenants font,
en effet, état de leur grande confusion dès qu'il s'agit, par exemple,
d'exporter des logiciels livrés en ligne.
Les spécificités françaises sont-elles un obstacle au commerce
électronique ?
Un intervenant, qui souligne à juste titre le fait que l'Internet
permet à de toutes petites entreprises de trouver un espace de marché
plus facilement que sur les marchés traditionnels, s'estime cependant
limité dans ses possibilités par le fait que "les autres pays se posent
moins de questions que nous sur : le cryptage, les taxes, la véracité
de l'information, la protection du consommateur..."
Qu'on nous permette de rétorquer sans répondre, par deux questions :
est-il vrai que ces spécificités, si elles existent, nous pénalisent ?
Francis Lorentz déclare depuis deux mois qu'il n'a jamais entendu
une seule entreprise française lui démontrer de manière concrète
qu'elle a perdu une vente à cause de notre législation en matière
de cryptologie. Quelqu'un saura-t-il enfin, sur ce forum, fournir
un exemple non-théorique ?
est-il vrai que les autres pays se posent moins de questions
que nous ?
A ce titre, plusieurs intervenants suggèrent de manière très judicieuse
que nous tirions mieux parti de l'expérience d'autres pays. Les Etats-Unis
et plusieurs pays du nord de l'Europe sont très avancés dans
la dématérialisation des relations entre les entreprises et
l'administration. Singapour propose un "guichet unique" électronique à
ses exportateurs, etc. Une démarche systématique d'observation et
de "benchmarking" (évaluation comparative), tirant parti à la fois
du réseau des ambassades et d'une mise en réseau des expertises,
gagnerait à être mise en place rapidement.
MISSION LORENTZ
mél :
mission-lorentz@francenet.fr
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