INTERVIEW de François FILLON
Ministre
délégué à la Poste,
aux Télécommunications
et à l'Espace
 |
" Internet est une
chance pour nos sociétés, il démultiplie l'accès au
savoir. Mais ce n'est pas pour autant que nous devons laisser se développer
un "far West numérique". Nous devons prendre le
temps de la réflexion avant d'en réglementer l'usage " |
QUESTION 1 :
Pensez-vous
que toute réglementation ne vas pas tuer INTERNET ?
François
FILLON :
Notre société est confrontée avec le développement
d'un réseau comme Internet au même défi qu'elle l'a été
en son temps face au développement de l'audiovisuel. Internet, comme
toutes ces nouvelles technologies liées au développement de la
société de l'information, est une chance pour nos sociétés,
il démultiplie l'accès au savoir. Nous devons apprendre à
vivre avec ces technologies et ne pas avoir peur du futur qu'elles incarnent.
Nous devons donc prendre le temps de la réflexion avant de réglementer
leur usage, en observant d'ailleurs que d'ores et déjà le juge
français est compétent pour pratiquement toutes les infractions
commises contre ou à l'aide d'Internet.
Une réglementation bien pensée n'est pas nécessairement
l'ennemi du développement d'une technologie - la réglementation
de l'audiovisuel est un bon exemple - mais doit permettre de limiter les abus.
En effet, s'il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté d'usage de
ces nouveaux réseaux, nous ne devons pas non plus laisser se développer
un "far west numérique" où nos lois n'auraient plus
cours.
QUESTION 2 :
Seul
le droit international peut-il résoudre le problème de
l'extra-territorialité ?
François
FILLON :
Effectivement, le développement de services extra-territoriaux
comme Internet pose des problèmes d'application de nos règles
nationales, pas seulement s'agissant des règles de protection des mineurs
d'ailleurs, mais aussi de celles de protection des droits d'auteur et bien
d'autres...
C'est pourquoi, j'ai proposé, tout comme pour le droit de la mer il y a
30 ans, que la France prenne une initiative pour une coordination européenne
et internationale : les services et réseaux dépassent les frontières
et la réponse apportée doit donc prendre en compte cette
dimension. A ma demande, ce sujet sera évoqué lors du Conseil des
Ministres européens de la Culture et des Télécommunications
qui aura lieu à Bologne au mois d'avril prochain.
Ceci étant, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir
au niveau national. C'est la mission du groupe de travail que j'ai décidé
de mettre en place.
QUESTION 3 :
Une
haute autorité sur les serveurs français est-elle souhaitable ?
François
FILLON :
Avant de parler d'institutions, je pense qu'il faudrait savoir ce qu'on
veut faire. Les régimes de contrôle administratifs a priori ont
une efficacité limitée. Ne faut-il pas plutôt développer
le régime de sanctions et le contrôle a posteriori du juge ?
J'observe par ailleurs que les fournisseurs de services français ont
acquis grâce à l'expérience unique au monde du minitel une
maturité et une responsabilité réelles dans ces domaines.
Le Conseil Supérieur de la Télématique qui réunit
tous les acteurs du secteur a développé un corps de règles
déontologiques bien accepté et respecté. L'initiative des
fournisseurs français d'accès à Internet qui vise à
définir un code de déontologie, et dont je me félicite,
entre dans cette tradition.
QUESTION 4 :
Comment concevez-vous le groupe de travail qui va réfléchir à
ces questions ?
François
FILLON :
Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre de la Culture, et moi-même avons décidé
de confier à Isabelle FALQUE-PIERROTIN, membre du Conseil d'Etat qui
connaît bien les affaires culturelles, l'animation d'un groupe de travail
interministériel qui fasse un état des lieux, c'est à dire
analyse les problèmes juridiques posés, fasse le point des réponses
possibles et examine les adaptations nécessaires et souhaitables au
niveau national et international.
Ce groupe de travail qui réunira les administrations concernées
prendra l'attache de l'ensemble des acteurs économiques concernés,
notamment les fournisseurs de services en ligne et d'accès à
Internet, mais aussi d'experts juridiques.
L'objectif sera de nous remettre un rapport d'ici trois mois pour alimenter les
réflexions nationales et internationales.