
Interview de François Fillon - Les
Echos
20 février 1997
- Extraits -
Principaux thèmes abordés :
[...] La France et l'Europe sont déjà
engagées dans la libéralisation totale du marché des télécommunications
pour le 1er janvier 1998. L'accord signé le week-end dernier à
l'Organisation mondiale du commerce ne changera donc rien. A quoi servira-t-il ?
Cet accord est très important. Tout en ayant réussi à
maintenir l'exception culturelle pour les programmes audiovisuels, ce texte va
permettre aux entreprises françaises de se lancer à l'assaut des
marchés des télécommunications d'Asie et d'Amérique
latine. Cela va créer de grandes opportunités de développement,
[...].
En France, la SNCF vient de s'allier à la Générale
des Eaux pour exploiter son réseau de télécoms. Ce choix,
effectué au détriment de "l'outsider" Bouygues, ne
risque-t-il pas de donner naissance à un duopole France Télécom
- Générale des Eaux sur le marché des télécommunications
?
Nous ne voulons pas d'un duopole des télécommunications en
France. Le gouvernement a déjà affirmé sa volonté
que le marché se structure autour de plus de deux opérateurs.
[...].
[...]
Tous les acteurs français attendent avec impatience la
publication du décret sur les coûts d'interconnexion au réseau
de France Télécom. Quand sera-t-il prêt ?
Le décret lui-même sera publié dans une dizaine de
jours, puis le catalogue des tarifs d'interconnexion au réseau de France
Télécom suivra quinze jours après. [...].
[...]
Le calendrier d'ouverture du capital de France Télécom
sera-t-il respecté ?
Le calendrier est maintenant arrêté. Début mai, le
gouvernement communiquera une fourchette de prix et ouvrira les réservations
tant aux particuliers qu'aux investisseurs institutionnels. Dans les derniers
jours de mai, après l'avis de la Commission de privatisation, le
gouvernement fixera le prix des actions et procédera à l'offre
publique de vente. Je souhaite que l'ouverture du capital de France Télécom
conduise à un grand succès d'actionnariat populaire entre les Français
et une entreprise nationale qu'ils connaissent bien.
On fustige beaucoup en ce moment le retard de la
France dans le domaine du multimédia. Avez-vous l'impression que les
choses sont en train de bouger ?
Je crois que l'on est en train de se rendre enfin compte de la dimension
stratégique du multimédia. Les industriels se réveillent et
plus personne, y compris au sein du gouvernement, ne considère que le développement
d'Internet est marginal. Le Premier ministre et le président de la République
en sont également convaincus. C'est pour cela que Jacques Chirac a
longuement reçu Billes Gates, le PDG de Microsoft, au début du
mois.
Ce dernier évoque justement le retard de la France...
Cela fait plus de dix-huit mois que je l'évoque moi-même, mais
il faut néanmoins relativiser. Tout d'abord en matière de
recherche, la France est plutôt bien placée par rapport aux autres
pays européens. Ainsi, l'Institut national de recherche en informatique
et automatique (Inria) pilote pour l'Europe le Word Wide Web Consortium, et
c'est un chercheur de l'Ecole des mines de Paris qui a conçu le nouveau
moteur de recherche sur Internet d'Alta Vista. Chez les industriels, nous
assistons à une floraison d'initiatives, que ce soit du côté
des grands groupes comme France Télécom, Alcatel, Bull, Matra ou
des PME très performantes, comme Net Gem. qui va commercialiser un
terminal Internet pour la télévision à moins de 2 000
francs, ou Ilog, une émanation de l'Inria, qui vient de s'introduire au
Nasdaq américain avec une valorisation supérieure à 100
millions de dollars. Reste le problème des usagers, qui est réel.
Que peut faire le gouvernement dans ce domaine en dehors des incitations
fiscales ?
Nous réfléchissons à la fiscalité, bien sûr,
mais ce n'est pas là que se trouve la différence avec les autres
pays européens : les micro-ordinateurs sont aussi chers en Allemagne
qu'en France. Notre plan comporte trois phases.
Tout d'abord, la libéralisation des télécommunications.
Celle-ci est maintenant en route. Elle est très importante, car la
bataille entre les opérateurs ne portera pas uniquement sur le prix, mais
aussi sur l'offre de services qui pousse au développement du multimédia.
Deuxième phase : aider les entreprises à expérimenter
en vrai grandeur. Sur les 500 millions de francs prévus dans ce cadre
pour 1995, 1996, 1997, plus de la moitié ont déjà été
engagés pour favoriser ces expérimentations.
Troisième étape : le projet éducatif. C'est la
principale solution à notre problème. L'année 1997 sera
celle de l'engagement prioritaire de l'Etat dans le domaine éducatif.
Nous avons un vaste plan d'équipement des écoles en informatique.
Déjà, plus de 500 établissements scolaires (lycées,
collèges, écoles), dans 13 académies, sont reliés à
Internet. En outre, avant l'été, nous allons proposer un plan de
raccordement de tous les établissements de France en collaboration avec
les collectivités locales et les industriels. Notre objectif est de
passer d'un micro-ordinateur pour 45 élèves à un pour 20
dans les collèges.
Comment financer tout cela ?
Les collectivités locales et les industriels devront être des
partenaires. Les entreprises ne font pas encore en France l'effort qu'elles
fournissent dans d'autres pays.
Propos recueillis par Philippe Escande