Inauguration de « Commerce électronique 96 »
Discours de M. François Fillon
Ministre délégué
à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace
22/10/96
Sommaire
Introduction
Un retard Français...
Réponses aux propositions du GII
Conclusion
Mesdames et Messieurs,
il y a quelques mois à peine, j'assistai à la naissance de
l'Association Française pour le Commerce et les Echanges Electroniques.
Elle ambitionnait alors de fédérer l'ensemble des pionniers de ce
secteur prometteur pour donner naissance à un véritable pôle
de réflexion et d'innovation, capable du même dynamisme que ses
homologues étrangers.
Je suis heureux de constater aujourd'hui, en inaugurant cette manifestation,
que l'AFCEE a su faire de cette ambition une réalité : comptant désormais
180 membres, elle est devenue un des lieux où se retrouvent les acteurs
de l'innovation et où s'invente le commerce de demain. Le succès
de cette manifestation en témoigne : le commerce électronique
n'est plus l'affaire de quelques pionniers ; il est au cur des préoccupations
de tous ceux - et ils sont de plus en plus nombreux - qui mesurent l'impact
qu'aura sur le commerce et les échanges la révolution
technologique que nous vivons actuellement.
Il suffit de rappeler que le chiffre d'affaire du commerce électronique
sur Internet s'élevait déjà à 500 millions de
dollars en 1995 pour faire saisir l'immense enjeu que représentera à
l'horizon 2000 la maîtrise des transactions électroniques : un
chiffre d'affaires qui devrait s'élever au début du siècle
prochain, selon diverses estimations, à près d'un milliard de
francs en France, et de 15 à 20 milliards de francs dans le monde.
Votre mobilisation, votre souci de vous positionner efficacement sur ce
marché émergent sont donc pleinement justifiés ; et
particulièrement précieux à l'heure où notre pays
semble parfois douter de sa capacité à prendre rendez-vous avec
l'avenir.
La France serait-elle en effet sur le point de rester à l'écart
d'une révolution technologique d'envergure mondiale, d'une révolution
qui, demain, sera déterminante pour la compétitivité de
notre économie, pour notre capacité à créer des
emplois et des richesses ou à assurer rayonnement de notre culture et de
notre langue ? La question mérite aujourd'hui d'être posée
en écho aux discours alarmistes et aux constats pessimistes dont certains
ont fait leur antienne.
Certes, nous ne saurions faire abstraction de certains chiffres et nier le
retard relatif avec lequel notre pays aborde la révolution technologique
majeure de cette fin de siècle.
C'est vrai :
- les Français ne téléphonent en moyenne que 8 minutes
par jour contre plus de 20 minutes pour les Américains ;
- la croissance du trafic n'est en France que de 3,5 % l'an alors qu'elle
progresse à un rythme de 7 à 10% aux Etats-Unis ;
- le taux d'équipement des ménages français en
micro-ordinateurs multimédias reste très en retard par rapport à
celui de nombre de pays industrialisés (à peine 15 % contre 35%
aux Etats-Unis et 20% en moyenne en Europe) ;
- le nombre d'abonnés à Internet en France reste limité
à ce jour ( autour de 300 000 abonnés) ; 80% des sites sont situés
aux Etats-Unis, 90% des échanges se font dans la langue anglaise...
... qu'une nouvelle dynamique de l'innovation va permettre de rattraper
Mais s'arrêter à ces chiffres, c'est aussi faire fi de l'évolution
qui est train de se dessiner au lendemain de l'appel à propositions sur
les autoroutes de l'information et à la veille de l'ouverture à la
concurrence du secteur français des télécommunications.
Car, tout l'indique, c'est désormais avec une forte mobilisation de
tous les acteurs concernés et une puissante dynamique d'innovation qu'il
faut compter.
Tirons les leçons de l'appel à propositions : 635 projets présentés
par tous les acteurs français de l'innovation, 244 projets labellisés
d'intérêt public qui donneront lieu à autant d'expérimentations
sur tout notre territoire et qui concernent toutes les applications des
nouvelles technologies de « l'infocommunication ». Cette mobilisation,
cet engagement massif de tous les acteurs économiques est-elle de nature à
nourrir le pessimisme ambiant ?
Et cette mobilisation est aussi, vous le savez, celle du Gouvernement :
qu'il s'agisse de soutenir financièrement les projets innovants, de
dynamiser le développement d'Internet et du commerce électronique,
de permettre à nos enfants de se familiariser avec les technologies de
demain,... nombre de mesures sont d'ores et déjà venues témoigner
de l'engagement du Gouvernement dans ce grand chantier collectif des autoroutes
de l'information.
N'oublions pas aussi d'intégrer dans notre analyse prospective du
marché français les effets à court terme d'une ouverture à
la concurrence à laquelle il revient, j'en suis persuadé de faire
entrer la société de l'information dans le quotidien des français.
Rappelons-nous ce qu'était le marché de la téléphonie
mobile dans notre pays il y a seulement quelques mois et regardons ce qu'il est
aujourd'hui devenu... Ne doutons donc pas que la concurrence, et la baisse des
coûts des télécommunications qu'elle ne manquera pas
d'induire, vont considérablement modifier les comportements des français
à l'égard des nouvelles technologies.
Notons enfin que le succès du Minitel dans notre pays démontre
que les Français, loins d'être systématiquement réfractaires
à l'innovation, n'hésitent pas à consommer massivement des
services nouveaux, dès lors que l'intérêt pratique de ces
derniers est indéniable et qu'ils répondent à une réelle
demande...
C'est pourquoi je suis persuadé que la démarche ambitieuse
mais pragmatique qui a été la nôtre reste la bonne : il faut
continuer à expérimenter en grandeur réelle les nouvelles
technologies et les nouveaux services pour que, demain, nous fassions les choix
technologiques et commerciaux qui répondent aux attentes des français.
Les expérimentations concernant le commerce électronique
S'agissant du commerce électronique, je me félicite donc que
nombre des expérimentations en cours permettent de tester les diverses
solutions en présence. Je voudrais notamment citer :
- le projet Echangeur, plate-forme pour le commerce et la distribution,
- la technologie Globe-ID, qui met en uvre un système innovant
pour les paiements de petit montant,
- la plate-forme «Grenoble Network Initiative» pour l'expérimentation
d'échanges entre PME et grands groupes en particulier,
- le projet CEDIVIN dans le domaine de l'EDI pour le secteur viticole,
- le projet INFOROUTE DE CAP GEMINI pour la mise en place d'intermédiaire
sur Internet,
- ou encore le projet Bourse d'Affaire Electronique de BULL, CITIUS et
DERBI, véritable plate-forme ouverte pour les appels d'offres électroniques.
La richesse et la qualité de ces projets démontrent que les
acteurs français ont toutes les compétences requises pour réussir
leur entrée dans l'ère du commerce électronique. C'est
parce que je partage cette conviction que j'ai souhaité que plusieurs
mesures soient prises pour accompagner et libérer vos initiatives. Elles
viennent compléter celles, plus globales, que vous connaissez déjà
et qui visent à soutenir l'innovation et le développement du
support privilégié du commerce électronique qu'est devenu
l'Internet.
Les mesures visant à soutenir le développement du commerce
électronique
La libéralisation de l'usage des moyens de cryptologie
C'est dans ce but que j'ai souhaité, vous le savez, que la loi de réglementation
des télécommunications adoptée le 26 juillet dernier soit
l'occasion de procéder à une importante libéralisation de
l'utilisation de des moyens de cryptologie - y compris les plus puissants - sous
réserve de l'utilisation d'un tiers de confiance. Je voudrais aujourd'hui
vous assurer que je serai particulièrement vigilant quant à la
traduction qui sera faite de la loi dans ses textes d'application.
Les projets de décret concernant les tiers de confiance et les
conditions d'agrément de moyens et de prestations de cryptologie sont en
cours d'examen par mes services et par les autres administrations concernées.
J'aurai à cur, je tenais à vous le dire, que ces décrets,
tout en préservant les intérêts de sécurité de
l'Etat, assurent toute la transparence, la sécurité et la
simplicité nécessaires aux acteurs français du commerce électronique.
Les mesures prises pour améliorer l'équipement des
entreprises et des ménages
S'agissant de l'équipement des entreprises, en particulier des PME,
en micro-ordinateurs, une mesure fiscale fortement incitative a été
décidée : il s'agit de ramener la durée d'amortissement des
micro-ordinateurs à deux ans.
Une réflexion est par ailleurs engagée pour déterminer
quelles mesures fiscales pourraient être prises pour amener les ménages
à franchir le pas de l'équipement en matériel multimédia,
condition nécessaire pour qu'émerge un véritable marché
de masse autour des services en ligne à vocation commerciale.
J'ai par ailleurs pris connaissance des conclusions des travaux du Groupe
Inter-Industrie, s'agissant de l'accès des PME-PMI au commerce électronique.
Le Groupe Inter-Industrie estime que, pour assurer la visibilité des
entreprises françaises sur les réseaux, en particulier des
PME-PMI, deux types d'actions devraient être encouragées : le développement
d'annuaires des entreprises françaises présentes sur Internet et
un référencement précis des entreprises, afin de valider la
véracité des informations consultées en ligne.
Compte tenu de leur intérêt, il serait opportun que des projets
concrets concernant ces actions soient présentés au « guichet
unique » récemment mis en place au sein de mon ministère.
Ces projets, auxquels l'AFCEE pourrait naturellement apporter sa
contribution, pourraient utilement regrouper les acteurs concernés autour
des chambres de commerce et d'industrie, ou être développés
en collaboration avec le CNRS, s'agissant notamment des annuaires.
L'émergence d'un nouveau de mode de communication, d'une nouvelle façon
de consommer et de travailler nous oblige à faire preuve d'audace et
d'imagination pour penser la société de demain, et pour proposer à
nos concitoyens les solutions technologiques et commerciales qui sauront les séduire.
Cela est tout spécialement vrai s'agissant du commerce électronique,
qui suppose une évolution profonde de pratiques économiques séculaires.
Pour que le commerce électronique décolle vraiment dans notre
pays, il faudra que vous soyez capables de répondre à cette
interpellation des « Deschiens » qui, au delà de son caractère
purement iconoclaste, pose une vraie question : « pourquoi acheter sur
Internet quand il y a une supérette au coin de ma rue ? ».
Je ne doute pas de votre capacité à formuler les bonnes réponses
à cette question ; et je me réjouis de pouvoir compter sur des
acteurs qui partage ma conviction que cette révolution technologique est
le gage d'un plus grand dynamisme pour notre économie et d'une plus
grande liberté pour l'individu.
En même temps, nous savons qu'il faut veiller à ce que ces
nouvelles technologies, et en particulier Internet, ne soient pas mises au
service, comme cela a parfois été le cas, de moins nobles usages.
Je souhaite donc que soit poursuivie l'élaboration de règles déontologiques
qui prennent en compte les problèmes spécifiques que pose le développement
d'un réseau global de communication et d'échange.
Il ne me reste, en conclusion, qu'à souhaiter tout le succès
qu'elle mérite à cette manifestation, en espérant qu'elle
sera pour vous l'occasion d'échanges fructueux et un moyen de faire
partager votre enthousiasme pour le commerce électronique au grand nombre
de professionnels de tous horizons qui y assisteront.