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Discours de Christian PIERRET, Secrétaire d'Etat à l'industrie
à l'Assemblée Générale de l'AFTEL
15 septembre 1997
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui dans le cadre
privilégié de l'Assemblée Générale de l'Association Française de
la Télématique Multimédia. Je ne saurais trop insister devant vous
sur l'importance que confère à mes yeux lentrée de la France
dans la société de linformation. Le Gouvernement la placé
au coeur de son action.
Pour vous, les professionnels de ce secteur, il s'agit
là d'une véritable opportunité sur le plan économique, qui doit
renforcer la compétitivité de nos entreprises et notamment des PME-PMI.
Concrètement, les initiatives du Gouvernement s'articulent, comme l'a
indiqué le Premier ministre, autour d'un nombre limité de priorités,
pour être pleinement efficaces et lisibles : l'école, la culture,
la réforme des service publics, la régulation, les entreprises
du secteur des technologies de l'information, le commerce électronique.
Concernant les trois premières priorités, je sais que
mes collègues au Gouvernement préparent des projets innovants
en la matière. Le moment venu, je veillerai à ce que vous, acteurs du
monde des technologies de l'information, vous puissiez participer à
ces trois grands chantiers indispensables pour l'avenir de notre pays.
Je développerai devant vous les trois dernières priorités,
qui m'incombent plus directement au sein du Gouvernement.
D'abord, la régulation :
Quelques mots sur la régulation des télécommunications de
façon générale : l'ouverture à la concurrence des services de
télécommunications, à partir de 1998, va stimuler les deux principaux
facteurs de compétitivité que sont la disponibilité, associée à la
qualité, et les prix. De ce point de vue, grâce à son opérateur public,
la France est habituée à un niveau d'excellence et ce, en tout point de
son territoire. Chacun de nos concitoyens et chacune de nos entreprises
devra tirer parti de toutes les potentialités qu'offrent le développement
des télécommunications et des innovations et des baisses de prix qui
résulteront du développement de la concurrence.
La loi de juillet 1996 a mis en place des responsabilités
conjointes entre le Gouvernement, le Parlement et l'Autorité de
régulation des télécommunications. Ce système a fait ses preuves
depuis le début de l'année. Il pourra toutefois être encore amélioré
en clarifiant les rôles respectifs du Parlement, du Gouvernement et
de l'Autorité indépendante.
Venons en à la régulation plus spécifique des services
en ligne : nous avons en France un acquis important en la matière:
les structures mises en place par le ministère pour veiller au respect
de règles déontologiques en matière télématique
(Conseil supérieur de la télématique et Comité de la télématique anonyme).
Je veux, ici, saluer leur remarquable travail, reconnu d'ailleurs de
façon unanime :
- le Conseil supérieur de la télématique, placé à mes côtés
formule les recommandations de nature déontologique visant notamment
la protection de la jeunesse, applicables aux services offerts par
des accès télématiques anonymes écrits ou vocaux et à leurs
conditions d'accès. Depuis avril 1993, le CST s'est réuni 29 fois,
a formulé nombre de recommandations déontologiques applicables aux
services télématiques et a rendu quelques vingt avis . Je rends ici
hommage à son Président, M. de Bresson et à tous ses membres.
Je sais que lAFTEL a joué dans cette enceinte un rôle éminent et
constructif.
- le Comité de la télématique anonyme, placé auprès du CST,
veille au respect par les parties des recommandations déontologiques
relatives aux services télématiques et des clauses contractuelles
non strictement commerciales. Depuis mai 1993, le CTA a rendu
1730 avis.
Le dispositif articulé autour du CST et du CTA
fonctionne à la satisfaction de toutes les parties : pouvoirs publics,
France Télécom, fournisseurs de services. Nous sommes toutefois conscients
que les décisions prises par France Télécom d'interrompre
certains services télématiques font l'objet de contestations
fréquentes devant les tribunaux. La jurisprudence nest pas encore
stabilisée sur ces points. Il conviendra, le moment venu, den tirer
les conséquences pour adapter si nécessaire, un dispositif qui a montré
son efficacité.
Internet pose d'ailleurs de nombreuses questions pour les services en ligne : droit de la propriété intellectuelle, protection des mineurs, lutte contre la propagande raciste et révisionniste, respect de la vie privée, protection des données à caractère personnel.
Comme vous le savez, le Conseil d'Etat, et en particulier Monsieur
Guy BRAIBANT en ce qui concerne la protection des données à caractère
personnel, est chargé d'étudier ces questions afin d'éclairer
les choix futurs en matière législative et réglementaire.
Par ailleurs, en matière de déontologie concernant les nouveaux
services en ligne, il faut à chaque fois que c'est possible préférer
l'autorégulation par les professionnels du secteur plutôt que le contrôle
a priori par l'Etat, et, à ce titre, il convient de poursuivre
les travaux déjà engagés visant à la mise en place d'un dispositif
d'autorégulation. Compte tenu de l'expérience acquise par l'AFTEL
dans ce domaine - au travers de vos études déjà menées telles
"la télématique française en marche vers les autoroutes de l'information"
ou votre livre blanc sur Internet - je ne verrai qu'avantage à ce que
vous vous associez aux efforts des autres acteurs français, notamment
les fournisseurs daccès, pour élaborer des propositions en matière
de déontologie. Je sais que vous en avez l'expertise, en particulier
en la personne de M. Pierre HUET, un de vos vice-présidents, juriste
de renom.
J'attache également une grande importance à la nécessité
de faire progresser des objectifs de coopération internationale
en matière de déontologie sur Internet. Je pense aux travaux de
l'OCDE, auxquels la France participe activement et je pense également
aux travaux que L'union européenne doit développer dans ces domaines.
Ensuite, les entreprises du secteur des technologies de linformation :
Ceci concerne directement votre profession et son devenir. Jai fixé deux orientations dans ce domaine.
Jai décidé, en premier lieu, la poursuite du programme dexpérimentations «autoroutes de linformation» et dans ce cadre, le ministère apportera son appui financier aux projets labellisés innovants. A ce titre, je souhaite une participation active de la presse et des services dinformation.
En second lieu, le Gouvernement considère que lentrée des
Français dans la société de linformation passe prioritairement
par lécole et, dans limmédiat par le monde professionnel.
Sur ce plan, leffort doit porter sur les PME-PMI et vous,
les professionnels du secteur, avez un rôle crucial à jouer
pour favoriser cette prise de conscience.
Pour faciliter lappropriation de lutilisation des
services en lignes par les PME-PMI, jai déjà pris plusieurs décisions :
- des formations pour les PMI dans les écoles et établissements sous tutelle du Ministère,
- la formation des Assistants Techniques dIndustrie
dans les Chambres de Commerce et dIndustrie.
- des forums de sensibilisation et dinformation.
Mais cette action de sensibilisation ne saurait suffire.
Avec Dominique STRAUSS-KAHN, nous souhaitons prendre quelques
mesures efficaces pour accroître lutilisation des technologies
Internet dans les PMI et notamment :
- à des fins de veille technologique et concurrentielle,
- pour une présence commerciale plus forte en France et dans
le monde grâce à un serveur sur le réseau,
- et pour accroître les actions de dématérialisation des relations
administrations-entreprises, ainsi que des donneurs dordre
avec leurs sous-traitants.
Comme promis, parlons maintenant précisément de votre secteur,
la télématique.
Je veux ici vous faire part de mon admiration devant
la réussite de l'aventure télématique française qui a commencé
il y a près de 20 ans. Nous pouvons être fiers, professionnels
comme pouvoirs publics, de son résultat : plus de 6 milliards de
francs de chiffres d'affaires par an, près de 17 millions de Français
utilisateurs et 94% d'entre eux satisfaits des services qu'ils
consultent toujours plus rationnellement avec une meilleure maîtrise
du terminal et des services associés lesquels sont au nombre
de 25 000 environ.
Il nous faut capitaliser ce succès et, comme l'a récemment
indiqué le Premier ministre, favoriser le développement
de l'offre du très vaste patrimoine de services du Minitel
sur Internet.
Pour ce faire, à court terme, l'opérateur public est
un acteur incontournable et il l'a bien compris, ce dont je me félicite :
il proposera à la fin-98 un terminal nommé pour l'instant
"Minitel-Internet" - cela a le mérite de la simplicité et de la
clarté pour le client - afin de permettre à tout un chacun,
de façon ergonomique, daccéder notamment aux services Minitel,
comme actuellement, mais aussi à ceux présents sur Internet et sur
le "Kiosque Micro". Un quart de la population française pourrait être
intéressée par ce terminal. C'est assurément un facteur important
de démocratisation.
Pour conserver les atouts conférés par le Minitel,
le réseau "Kiosque Micro" vise, à la différence d'Internet,
à assurer une qualité de service satisfaisante en terme notamment
de vitesse et de sécurité en matière de paiement.
Je sais qu'il y a et qu'il y aura d'autres initiatives que
celle de France Télécom.
L'évolution graduelle des services Minitel vers le monde
Internet permettra en effet aux fournisseurs de services concernés
de disposer d'une zone de chalandise mondiale et non plus nationale,
ce qui constitue une formidable opportunité pour eux mais
également un défi sur le plan de la compétitivité.
Cette transition des services Minitel vers "des services
télématiques en technologies Internet" doit nous aider à
adapter la politique de tarification des services en ligne
en France.
Même si la gratuité de nombre de services actuellement
disponibles sur Internet devait s'estomper - ceci restant d'ailleurs
à vérifier au regard de la montée en puissance de la publicité -
du fait de la création de valeur ajoutée croissante disponible
sur le réseau, il n'en reste pas moins que les prix de
ces services en ligne seront bien en-deçà de ceux actuellement
disponibles sur le réseau Télétel. Le développement inéluctable
des services sur Internet conduira nécessairement les acteurs de
la télématique à consentir des baisses de tarifs.
Aussi, je souhaite que cette transition soit mise à profit
pour adapter le niveau des tarifs des services disponibles sur Télétel
à la nouvelle donne multimédia. Il en va de la capacité de notre
modèle télématique à sadapter dans ce nouveau contexte.
Je sais que beaucoup jugent souhaitable une adaptation des
tarifs de consultation dont on sait bien, sagissant de certaines
catégories de services, quune baisse est inéluctable. Cette baisse,
accompagnée de nouvelles formules tarifaires adaptées selon le type
de consultation, sera induite à la fois par l'opérateur public de
télécommunications - demain, ce sera les opérateurs - et par les
fournisseurs de services. Il y a là une marge de manoeuvre importante :
ce qui sera perdu en valeur sera gagné en volume du fait de
l'ouverture des services en ligne français sur le marché mondial
grâce à Internet.
Pour favoriser cette dynamique, je souhaite que France
Télécom prenne rapidement l'initiative :
- d'une part de proposer des offres tarifaires adaptées
au grand public pour accéder à Internet à un coût qui ne soit
pas discriminant en fonction de lutilisation, du lieu de résidence
des utilisateurs ou de leurs revenus. Sur ce plan je souhaite que les
petits consommateurs du Web puissent y accéder sans abonnement à un
coût inférieur à 1 F la minute.
- d'autre part d'engager une concertation avec les
professionnels de la télématique (fournisseurs de contenus comme éditeurs)
sur des adaptations de la grille tarifaire Télétel des services
en ligne disponibles actuellement afin de favoriser leur présence
sur le Kiosque Micro adapté aux normes Internet. La réflexion sur
la tarification d'accès aux services en ligne en France, quels
qu'ils soient, doit être faite globalement. J'ajouterai que
ce travail constituera une base intéressante pour le dossier de
la téléphonie sur Internet quil faudra nécessairement traiter
à moyen terme.
Troisième chantier, le commerce électronique :
la maîtrise des transactions électroniques représente un immense enjeu
et la France dispose d'atouts forts dans ce domaine, notamment
en matière d'expertise technique et doffre de service. Pour l'Etat,
lobjectif prioritaire est de permettre le développement dune offre
et dune demande en créant un environnement clair et stable à la fois
pour les consommateurs français (privés ou entreprises) et pour
les prestataires. Pour ce faire, le gouvernement se doit de mettre
en oeuvre une politique permettant de créer la confiance en ce
nouveau moyen :
- ainsi, la libéralisation décidée par le Premier ministre
des moyens de cryptologie faible (clé de moins de quarante bits) sera
mise en oeuvre rapidement. Dans ce cadre, la commercialisation de
ces algorithmes sera prochainement soumise à une procédure simplifiée.
En ce qui concerne le chiffrement de plus haut niveau, les décrets
définissant le régime d'autorisation et les responsabilités des tierces
parties de confiance sont actuellement soumis à la Commission
Européenne et devraient être promulgués avant la fin de l'année.
Cette libéralisation doit permettre aux entreprises françaises
d'entrer pleinement sur ce marché, encore trop largement dominé par
l'industrie américaine.
- on cite souvent le problème du paiement électronique
comme un frein majeur au développement du commerce électronique.
Dans ce domaine, La France dispose d'atouts importants pour se
positionner favorablement : la première industrie mondiale de la
carte à puce, mais également des acteurs des services performants,
des éditeurs de logiciels spécialisés et un tissu bancaire utilisant
ces moyens depuis de nombreuses années. Ces différents acteurs français
doivent devenir des partenaires essentiels du commerce électronique en
France et dans le monde. De nombreuses initiatives ont vu le jour. Je
n'en citerai que trois: celle de Kleline, qui a créé
des porte-monnaie virtuels, et celles du GIE carte bancaire,
avec C-SET, et du consortium e-Comm, basés tous deux sur la carte à puce.
Je souhaiterais, compte tenu des enjeux, que ces acteurs se rapprochent
pour, dans le respect de la concurrence, proposer des solutions
interopérables. Ce rapprochement contribuerait, j'en suis sûr, à assurer
une plus grande clarté des solutions vis à vis des offreurs de services
et des consommateurs.
Plus largement, le groupe de travail sur le commerce électronique
mis en place par le Ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie
sous la présidence de M. LORENTZ devrait orienter ses travaux sur
sept axes : les systèmes de paiement (standards, micro-paiement,
risque de création monétaire), la cryptologie, la fiscalité
(TVA sur les produits dématérialisés et sur les produits physiques...),
la protection du consommateur, la transition des services Minitel vers
Internet, lEchange de Données Informatisées pour le commerce
inter-entreprises et les relations administrations-entreprises,
et enfin les actions internationales.
LAFTEL est invitée à apporter son concours actif
aux travaux de ce groupe.
La France a tous les atouts pour réussir le pari
de la compétitivité et de l'intelligence, que constitue
l'avènement de la société de l'information : des technologies maîtrisées
et reconnues au plan mondial, des entreprises performantes disposant
d'un savoir-faire unique en matière de services en ligne, une capacité
de recherche enviée et surtout, un capital intellectuel de grande
valeur.
Pour réussir ce pari - je suis conscient que nous sommes
à la croisée des chemins sur ce dossier - il revient certes à
l'Etat de se mobiliser et, vis à vis de vous, professionnels
des technologies de l'information, d'encourager les initiatives
dans la création de services et de contenus multimédia, de créer
les conditions de consolidation des acteurs en place et d'émergence
de nouveaux acteurs, sur un terreau rendu favorable.
Mais, c'est également le devoir de chacun d'entre nous que
d'aider à réduire cette fracture digitale pour ne pas créer, demain,
une nouvelle forme dexclusion. Et là, il ne s'agit pas seulement
d'une action à caractère uniquement économique mais d'une conviction
personnelle pour relancer notre pacte républicain qui, je lai déjà dit,
conjugue concrètement emploi et égalité des chances.
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