PROJET DE LOI DE REGLEMENTATION DES TELECOMMUNICATIONS
Extraits des débats à l'Assemblée Nationale
(Ces extraits concernent la discussion des 7 et 9 mai 1996 jusqu'à 12 h
45. Rappelons que l'Assemblée Nationale a voté ce projet de loi en
première lecture à 12 h 15 le vendredi 10 mai.)
7 mai 1996 : La discussion, après déclaration
d'urgence, du projet de loi de réglementation des télécommunications
commence à 17 heures 50, le 7 mai 1996 sous la présidence de
Muguette Jacquaint, vice-président.
M. Fillon, ministre délégué à la poste, aux
télécommunications et à l'espace, - Le projet qui vous est
aujourd'hui soumis représente un tournant dans l'histoire des télécommunications
en France, puisqu'il marque la fin du monopole de l'Etat sur le téléphone.
Contrairement à une idée reçue, ce sont moins les règlements
européens que l'évolution des technologies qui rendent nécessaire
cette réforme. (...)
Loin d'être une contrainte imposée par l'Union européenne,
la libéralisation des télécommunications est donc une
chance que nous devons saisir. Pour y parvenir, j'ai toujours été
convaincu qu'il fallait, dans ce domaine comme dans d'autres, renvoyer dos à
dos l'ultralibéralisme, pour qui le marché est censé tout régler,
et le conservatisme, qui est une défense inadaptée du service
public.
Nous voulons une libéralisation maîtrisée pour garantir le
service public et équilibrée parce que nous entendons favoriser l'émergence
d'une concurrence stimulante au service des usagers.
Ce double objectif fonde l'originalité du projet que vous examinez. Il répond
à un choix politique précis et vise à un juste équilibre
entre le respect de la tradition républicaine et l'ouverture sur
l'avenir.
Je veux démontrer que, sous certaines conditions, la concurrence n'est
pas l'ennemie du service public, bien au contraire ! (...)
M. Gaillard, rapporteur de la commission de la production - Comme vous
l'avez rappelé, Monsieur le ministre, ce projet est l'aboutissement d'une
longue démarche, suivie par plusieurs gouvernements, pour répondre
aux mutations actuelles. Dans un monde qui évolue rapidement, seul
l'immobilisme est facteur de désordre.
Le projet poursuit trois objectifs : consolider le service public..., instaurer
une concurrence loyale et favorable aux utilisateurs ; enfin, permettre à
France Télécom de s'adapter et d'être performant dans ce
contexte de concurrence.
Nos débats en commission se sont articulés autour de cet équilibre
délicat à instaurer : responsabilités respectives du
Gouvernement et de l'ART ; financement du service public, qui comprend le
service universel, les services obligatoires et les missions d'intérêt
général. (...) Sur la définition du service public, la
commission a présenté plusieurs amendements. (...)
Nous avons également voulu garantir le service universel par une sorte de
mutualisation des risques entre opérateurs. (...)
Nous nous sommes également intéressés à la formation
: les différentes écoles restent un atout majeur ? A quel ministère
seront-elles rattachées ? Quel sera le statut du personnel ? (...)
En conclusion, ce projet nous paraît équilibré ; il prend
bien en compte l'évolution des besoins, des technologies et des
comportements et il devrait se traduire par une croissance du nombre d'emplois
dans ce secteur. (...)
Selon le Réglement, l'exception d'irrecevabilité a pour objet
de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à
une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.
EXCEPTION D'IRRECEVABILITE
M. Gayssot - Avec le projet de déréglementation des télécommunications
soumis aujourd'hui à l'Assemblée, le démantèlement,
la privatisation sont devenus réalité et justifient pleinement une
exception d'irrecevabilité. (...)
M. Martin-Lalande - l'exception d'irrecevabilité n'est
donc pas acceptable, puisque le projet respecte la Constitution et que
vous n'avez pas apporté un commencement de preuve du contraire. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.
QUESTION PREALABLE
Mme le Président - J'ai reçu de M. Sarre une question préalable
déposée en application de l'article 91.4 du Règlement.
M. Sarre - Conformément au Règlement
du groupe République et liberté, je défends cette question
préalable en mon nom propre, ainsi qu'en celui des députés
du Mouvement des citoyens.
Votre texte, Monsieur le ministre, est habile et peut
paraître séduisant, mais si on en décortique les articles,
on s'aperçoit qu'il est dangereux. Il n'a qu'un seul objectif :
satisfaire l'idéologie libérale.
Ce texte, faussement intitulé "projet de loi
de réglementation", est en fait une vaste entreprise de déréglementation.(...)
M. Fillon - A vous entendre aujourd'hui, je crois
que votre République n'est pas la même que la mienne. La mienne est
vivante ; elle n'est pas enfermée dans le carcan d'un catéchisme
intégriste qui vous amène à ne pas voir les aspirations de
nos concitoyens, les enjeux des révolutions technologiques en cours, les
progrès dont notre pays doit pouvoir bénéficier. (...)
Je souhaite que l'Assemblée ne vote pas cette
question préalable. Il est temps, en effet, de donner à nos
concitoyens la concurrence qui leur apportera un meilleur service en matière
de télécommunications et de libérer notre industrie et
notre opérateur national pour leur permettre de partir comme les autres à
la conquête des marchés internationaux.
La question préalable, mise aux voix, n'est pas
adoptée.
La séance, suspendue à 20 heures 15, est
reprise à 20 heures 30.
M. Zuccarelli - (...) Le ton est donné
d'entrée, avec le choix de confier la régulation à une
autorité indépendante. Accepter que la suspicion éventuellement
portée par des opérateurs étrangers sur le gouvernement de
la République nous conduise à modifier l'organisation des pouvoirs
au sein de notre pays, c'est remettre en cause la place même de l'Etat.
L'exemple du CSA n'est pas transposable (...).
Quant au service universel, il se limitera, dès
1998, à la téléphonie vocale, aux cabines publiques, à
l'annuaire et aux renseignements. On ne saurait mieux illustrer la conception
d'un service public "croupion" : un peu comme si la Sécurité
sociale était limitée aux opérations les plus classiques,
comme l'appendicectomie, à l'exclusion des greffes d'organes. (...)
Vous nous proposez, il est vrai, une clause de révision
des contours du service public au bout de cinq ans, et je crois même que
vous êtes disposé à raccourcir ce délai. Je crains,
cependant compte-tenu des charges d'interconnexion et de la complexité
extrême, et inévitable, des mécanismes de compensation des
opérations de service public, qu'il soit plus que difficile de modifier
les frontières du service universel dans un paysage concurrentiel. Il eût
été plus sage de partir sur des bases plus ambitieuses.(...)
M. Coussain - Si les Etats membres de l'Union
européenne ont décidé à l'unanimité
l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du secteur des télécommunications,
c'est le résultat d'un long processus lié à l'évolution
des techniques. Ce n'est pas le fruit d'une idéologie du tout libéral.
En France, ce processus a été engagé
par la loi du 2 juillet 1990, qui a fait de France Télécom un
exploitant autonome de droit public, puis avec la loi de décembre 1990
qui a réduit le champ du monopole à la téléphonie
fixe.
Ce processus est d'ailleurs mondial : le Japon et les
Etats-Unis viennent également de dérèglementer et
d'introduire la concurrence sur des marchés jusqu'ici très segmentés
et protégés. (...)
M. Hage - Le projet de déréglementation
des télécommunications est, comme la volonté de privatiser
France Télécom sous-tendu par deux objectifs essentiels : réintroduire
les intérêts privés dans des activités de services
que les mutations technologiques ont profondément transformées, en
faisant, du même coup, émerger de nouvelles activités à
forte rentabilité financière ; réorganiser les systèmes
de tarifications pour, grâce à la concurrence, alléger les dépenses
de télécommunications des entreprises. Notre conviction est que le
service public y perdra sa place et sa qualité, que les usagers
domestiques seront mis à contribution, pour le plus grand profit des
entreprises et des marchés financiers, que les agents subiront des
pressions renforcées sur leurs emplois, leurs rémunérations,
leurs conditions de travail, leurs garanties statutaires. (...)
Le groupe communiste ne déposera aucun amendement à
ce texte irrecevable et votera contre.
M. Guyard - Ce projet ne nous paraît pas être
d'abord la conséquence de la révolution technologique, ni d'une
concurrence inéluctable. Il traduit avant tout la conviction du
Gouvernement qu'une concurrence aiguë et la mise sur le marché
boursier des entreprises publiques sont les seuls vrais facteurs de progrès.
C'est cette conviction qui a conduit les gouvernements de MM. Balladur et Juppé
à accepter, voire anticiper les décisions européennes.
Nous assistons là au triomphe de la pensée
unique. (...)
En réalité, deux projets de loi sont en
discussion aujourd'hui : celui qui est à l'ordre du jour et celui que
nous examinerons en juin et qui prévoit de privatiser 49 % du capital de
France Télécom. Il aurait été plus correct de les
discuter ensemble. (...)
La rédaction de ce texte complexe a connu
plusieurs étapes. Nous en examinerons les dispositions avec attention,
avec la volonté de défendre l'emploi, de conforter la qualité
du service public et d'assurer l'avenir des entreprises, en particulier de
France Télécom qui est notre seule chance de prendre une place de
leader mondial parmi les opérateurs. Cela nous conduira à nous préoccuper
particulièrement du financement du service universel et du service
obligatoire, en particulier des tarifs d'interconnexion, dont nous souhaitons
vivement qu'ils soient fixés par le Gouvernement et non par l'autorité
de régulation, car celle-ci risque d'oublier le coût de
renouvellement du réseau.
Vous avez souhaité, Monsieur le ministre, un
consensus à l'allemande en ce domaine. Nous le souhaiterions aussi, mais
cela suppose une conception claire du service public et une forte stratégie
industrielle. Nous ne trouvons ni l'un ni l'autre dans ce projet, il n'y a donc
pas place pour ce concensus.
La suite de la discussion est renvoyée à la
prochaine séance, qui aura lieu jeudi 9 mai, à 9 heures.
La séance est levée à 21 heures 30.
9 mai 1996 : La séance
est ouverte à neuf heures, sous la présidence de M. Didier
Bariani, vice-président
M. Cabal - Notre responsabilité de
parlementaires est de rendre service à la nation, au-delà de tout
engagement partisan, aussi noble soit-il. Il nous faut en particulier éviter
de nous tromper d'époque en nous contentant, comme trop souvent dans le
passé, d'une politique nombriliste et frileuse. Les erreurs sont irréversibles
: la compétition mondiale ne les permet plus, sauf à accepter le déclin
de notre pays, ce que nous, gaullistes, ne saurions accepter - je le dis à
l'attention de M. Sarre.
Particulièrement dans le domaine de l'information
et de la communication, il ne nous est pas possible de faire de la France une
bastille isolée du reste de la planète : les satellites nous
survolent en permanence, les moyens techniques permettraient d'envahir notre
marché intérieur. Evitons aux télécommunications ce
qui s'est passé dans l'industrie automobile : nous avions empêché
l'implantation de fabricants étrangers, sur le territoire national ; ils
se sont installés à nos frontières et de là
envahissent notre marché... Notre esprit d'entreprise, nos compétences
exceptionnelles dans ces domaines sont des atouts essentiels dans une stratégie
de conquête à l'échelle de la planète. Comme nous le
disions il y a près de vingt-cinq ans, en France nous n'avons pas de pétrole,
mais nous avons des idées...
Il faut savoir s'adapter aux nouvelles régles
internationales. Nous devons à la fois favoriser le développement
de notre opérateur historique et encourager l'émergence de
nouveaux opérateurs ; à travers des alliances et des liens
internationaux, ils pourront, sans préjudices réciproques, conquérir
de nouvelles parts de marché.
Ces possibilités sont ouvertes par ce projet de
loi. (...)
Je suis heureux de constater la volonté partagée
par tous les acteurs d'aboutir à l'évolution équilibrée
du secteur et à un service public de mieux en mieux adapté. Entre
des options fondamentalement différentes, vous avez choisi la voie d'une évolution
maîtrisée. Mais des risques d'interprétations divergentes
subsistent. Ainsi, je ne dirai pas avec le rapporteur que ce projet achève
la libéralisation du marché des télécommunications
en France, mais plutôt qu'il ouvre une nouvelle étape.
Quelques mots d'abord sur le service public. (...)
Il nous faut définir exactement ce que doit être
le service universel, tel qu'il apparaîtra dans le cahier des charges de
France Télécom. (...)
A qui, et à quelles conditions, est attribué
le service universel du téléphone ? Combien de lignes au tarif "abordable"
peuvent être demandées par un même abonné ? Autrement
dit, qu'appellerons-nous demande raisonnable ? Qui a droit aux tarifs spécifiques
? (...)
Le prix du service universel est-il bien un prix plafond,
ne privant en rien le consommateur d'offres plus compétitives ? Si tout
citoyen peut avoir accès partout au service de base à ce prix, un
autre opérateur doit pouvoir offrir le même service au prix qu'il
veut. (...)
J'en viens à l'organisation de la concurrence - "à
la française" puisqu'il s'agit de respecter notre culture
institutionnelle. Vous proposez la création d'une ART sans remettre en
cause les pouvoirs régaliens du Gouvernement et mon groupe approuve cet équilibre.
L'indépendance du régulateur a été
demandée de toutes parts, mais des questions se posent sur son pouvoir réel
en matière de politique tarifaire. Vous avez choisi d'en garder la maîtrise
dans des secteurs essentiels, comme l'interconnexion et le service universel, ce
que mon groupe ne conteste pas. Néanmoins, si l'ART émet un avis
public sur les tarifs, elle aura, par ce biais, un rôle important,
d'autant que la procédure d'homologation ne vous donne que le pouvoir de
dire oui ou non à une proposition. Il convient de rassurer les opérateurs
qui s'inquiètent des charges qu'ils auront à assumer.
En matière d'autorisations, vous avez à
juste titre distingué entre opérateurs investissant dans les réseaux
et opérateurs qui ne sont que fournisseurs de services, mais vous avez
aussi tenu à distinguer des opérateurs qui ne sont que
fournisseurs de services, mais vous avez aussi tenu à distinguer des opérateurs
dominants. Il s'agit, là encore, d'un élément essentiel au
développement équilibré du secteur. Vous favoriserez ainsi
l'émergence de nouveaux opérateurs sans pour autant freiner le développement
de notre exploitant public qui a besoin de toutes ses capacités, - et de
celles que nous lui accorderons bientôt - pour affronter la compétition
mondiale.
Je retiendrai enfin une dernière innovation : la
création d'une agence des fréquences. Elle était en effet,
nécessaire à une meilleure allocation du spectre. Souhaitons donc
que la composition de son conseil d'administration soit un élément
de pondération et de dynamisme.
Vous avez préparé cette loi de façon
exemplaire. L'équilibre qu'elle tend à instaurer en facilitera la
mise en oeuvre : la libéralisation des télécommunications
deviendra ainsi un facteur de croissance, faisant la preuve qu'il peut y avoir,
dans l'intérêt du consommateur, développement simultané
du service public et d'un marché concurrentiel. Confiant dans votre méthode
et partageant votre objectif, le groupe RPR votera ce projet !
M. Carassus - Ce projet recèle trois
dangers : il évacue toute politique volontaire de la Communauté
européenne ; il démantèle les meilleurs acquis du service
public et il ne peut qu'accentuer l'hégémonie américaine
sur le secteur des télécommunications. (...)
M. Proriol - Révolu, malgré un
humour intemporel, le temps du célèbre "télégramme"
de Montand ! Dépassés, le "22 à Asnières"
et "Odéon 27-45" ! Quelle révolution en trente ans, quel
bing bang ! Aujourd'hui, le téléphone compte en France plus de 30
millions d'abonnés, France Télécom est le quatrième
opérateur mondial et cette technologie donne lieu à une multitude
d'applications.
Mais le monde autour de nous a changé aussi et il
nous faut donc adapter les régles en vigueur. Tel est l'objet de ce
projet qui, au terme d'un exercice difficile mais réussi, nous propose un
"compromis équilibré", pour reprendre les termes de
notre collègue Jean Besson. (...) Il faut donner à France Télécom
les moyens d'affronter ses concurrents, notamment américains, et éviter
qu'ils n'écrèment les lignes les plus rentables, qu'ils n'"extraient
la moelle de l'os", selon l'expression du président de Deutsche
Telekom lui-même... (...)
La régulation du service public des télécommunications
incombera, à partir du 1er janvier prochain, à l'ART. M. Sarre
a dessiné avant-hier une vision apocalyptique de cette instance, dont la
création précipite, selon lui, "la fin de la démocratie"
! Pour ma part, je considère que l'irrévocabilité de ses
membres n'est pas un gage d'indépendance suffisant, et je soutiens donc
l'amendement du rapporteur, qui porte son effectif de trois à cinq par
l'adjonction d'un représentant de chacune des deux assemblées du
Parlement. Certains souhaitent que l'ART reçoive également le
pouvoir de délivrer les licences individuelles, afin d'éviter tout
conflit d'intérêt ; mieux vaut attendre, à mon avis, que
cette autorité ait fait ses preuves. C'est bien au Gouvernement, en
revanche, qu'il doit revenir de fixer les tarifs d'interconnexion. Je regrette,
par ailleurs, que les collectivités locales ne soient mentionnées
qu'à l'article 14, relatif aux pouvoirs de voirie : comment feront-elles
face à la puissance et à la diversité des opérateurs
?
En conclusion, ce texte nous permettra, n'en déplaise
aux plus pessimistes de nos collègues, de conserver, voire d'enrichir les
atouts considérables dont nous disposons.
M. Besson - Je ne reviendrai ni sur la nécessité
ni sur l'urgence du texte que nous examinons enfin aujourd'hui.
Chaque fois qu'il a été ici question de télécommunications,
j'ai, au nom du groupe RPR et en tant que président de la commission supérieure
du service public des télécommunications, rappelé la poussée
des nouvelles technologies, l'évolution des régles communautaires,
les incertitudes comme les ouvertures du nouveau contexte économique
mondial, nos engagements à l'égard de l'Union européenne.
Je souhaite insister ici sur les principes qui
sous-tendent cette loi à l'issue de nombreux mois de préparation
et de concertation et obtenir de votre part, Monsieur le ministre, les éclaircissements
nécessaires.
Premier principe : cette loi cherche à assurer une
efficacité économique et un intérêt maximal pour
l'utilisateur final, et non à faire de la concurrence une fin en soi.
(...)
Cette loi vise aussi à développer une économie
française des télécommunications forte.
L'équilibre a été trouvé
entre un cadre réglementaire insuffisant, qui aurait été
incapable d'entraîner de nouveaux opérateurs sur le marché,
et une pression trop forte qui aurait conduit à des distorsions. (...)
Deuxième principe - pour la première fois
affirmé aussi nettement : l'Etat est le garant de l'offre d'un service
public de qualité dans un environnement concurrentiel.
Troisième grand principe : s'en tenir au droit
commun en élaborant un texte qui ne soit ni pesant, ni compliqué.
(...)
Je voudrais souligner combien ce texte rend au Parlement
la pleine disposition de ses pouvoirs dans un domaine aussi important, aussi
exemplaire, aussi innovant.
Ainsi est-il prévu, à chaque étape
importante, un retour devant le Parlement, si besoin est. (...)
M. Cousin - Je concentrerai mon propos sur les
instances de régulation. Tout d'abord, il serait bon que l'ART
n'apparaisse pas, du fait de la nomination de ses membres par décret,
comme un simple pédoncule administratif ; je propose de renforcer son indépendance
en confiant au Gouvernement le soin de choisir trois personnes sur une liste de
six personnalités établie par le Président de l'Assemblée
nationale et le Président du Sénat.
Ensuite, il paraîtrait opportun et cohérent
que l'ART se voit confier l'ensemble des compétences d'attribution des fréquences
et des liaisons, non seulement pour les télécommunications, mais
aussi pour la communication audiovisuelle - laquelle relève aujourd'hui
du CSA. (...)
Il devra y avoir articulation entre l'autorisation éditoriale
par le CSA et l'autorisation technique par l'ART. (...)
M. Duboc - Réformer pour ne pas subir :
tel est l'enjeu. Il s'agit, en effet, d'adapter notre système à la
concurrence internationale, de préserver notre savoir-faire et ce qui est
l'un des fleurons de nos entreprises. Rien n'aurait été pire que
d'adopter la politique de l'autruche et de laisser croire que le statu quo
pourrait survivre à la concurrence totale qui sera de régle à
partir du 1er janvier 1998. Nos partenaires européens ne s'y sont pas
trompés : tous ont déjà renoncé au monopole.
La séance, suspendue à 11 heures 5, est
reprise à 11 heures 20.
MOTION DE RENVOI EN COMMISSION
M. le Président - J'ai reçu de M.
Laurent Fabius et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en
commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6
du Règlement.
Mme Royal - Le double langage est frappant dans
ce projet. Son exposé des motifs glorifie le service public, mais France
Télécom ne sera pas seul chargé de l'assurer. En fait,
cette autorité de régulation permettra de tout justifier, l'Etat
se défaussant sur elle de ses responsabilités. A terme, les
concurrents privés profiteront du réseau de France Télécom
sans en avoir payé le prix. Ce sera la fin de la péréquation
tarifaire.
Nous nous opposons à ce projet dont nous demandons
le renvoi en commission. Il est dangereux de vouloir casser une entreprise
publique plus performante. Face aux évolutions en cours, il aurait fallu
défendre un service public large, fondé sur le principe de péréquation
sociale et tarifaire. (...)
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est
pas adoptée.
M. Fillon - Je vous remercie tous de vos
interventions, qui ont enrichi ce débat et permis de préciser
plusieurs points. A l'évidence cependant, nous avons assisté à
un affrontement entre trois conceptions bien différentes. La première
est celle du président Hage, de MM. Gayssot, Sarre et Carassus,
radicalement opposés au principe même de la concurrence. C'est une
philosophie que nous connaissons et que nous respectons, mais que nous ne
partageons bien sûr pas. (...)
La deuxième conception, plus ambiguë, est
celle du parti socialiste. Il est de celui-ci comme de la Samaritaine : on y
trouve de tout. (...)
La troisième conception, celle que défend
la majorité et qui a inspiré ce projet, concilie service public et
concurrence. Elle prend en compte la situation technologique, économique
et industrielle sans renoncer au meilleur de notre tradition républicaine.
(...)
Avant de répondre aux questions que vous m'avez
posées, je tiens à saluer le travail effectué par la
commission supérieure du service public des télécommunications,
travail qui justifie que le rôle et les missions de cette commission
soient précisés et renforcés dans la loi. (...)
Nous avons retenu le principe de la péréquation
pour assurer un service égal sur tout le territoire. Ne nous y trompons
pas cependant : c'est la concurrence surtout qui servira l'aménagement du
territoire, en faisant baisser les prix. (...)
Contrairement aux idées reçues, la
concurrence sera avantageuse pour l'usager, qu'il habite à Paris ou à
Clermont-Ferrand. Je le répète, si l'on applique à la
facture d'un ménage français les tarifs aujourd'hui en vigueur en
Grande-Bretagne et en Suède, le gain serait de 30 % en moyenne.
Certains mettent en doute notre attachement au service
public (...) : or, il est maintenu, il est même garanti, et sa définition,
qui n'est nullement minimale, est susceptible d'évoluer, si le Parlement
en décide ainsi, au gré de la technologie et des aspirations des
usagers.
L'enseignement supérieur est la responsabilité
de l'Etat, et les financements nécessaires seront inscrits au budget
1997. S'agissant de son organisation, une mission a été confiée
à l'inspection générale des finances et à
l'inscription générale des télécommunications. Quant
au statut des personnels des écoles, il devra concilier souplesse de
statut et respect des droits des salariés. (...)
J'en viens à la concurrence. Nous ne nous avançons
pas masqués : nous souhaitons bel et bien qu'elle se développe.
(...)
Le développement du marché des télécommunications
sera largement fonction des caractéristiques de l'autorité de régulation.
Si l'Etat assure lui-même la régulation, il ne peut conserver la
majorité du capital de l'opérateur en charge du service public, et
c'est pourquoi nous avons choisi de créer une autorité indépendante,
sur la composition de laquelle le gouvernement est ouvert à la
discussion. Les pouvoirs de cette autorité seront moins étendus
qu'ils ne le sont chez nos partenaires européens : ils ne s'étendront
pas à l'organisation du service public, dont l'Etat demeurera le garant ;
quant aux tarifs d'interconnexion, ils seront fixés par elle, mais leur
mode de calcul fera l'objet d'un décret en Conseil d'Etat. Aller au-delà
serait, je le crois, remettre en cause l'ouverture à la concurrence.
La séance est levée à 12 heures 45