Les débats IDEE Télécoms
La négociation et les conséquences de l'accord "télécommunications
de base"
à l'Organisation Mondiale du Commerce(*)
- 12 décembre 1997 -
Introduction
par Jean-Pierre Dardayrol
Chef du service Télécommunications de la Direction des
Postes et des Télécommunications
M. Dardayrol introduit cet atelier de travail devant une soixantaine de
personnes du secteur des télécommunications : cette conférence
est la réponse a un besoin de débat dans des conditions neutres et
conviviales. Elle est le début d'un cycle de conférences-débats
concernant les télécommunications et des sujets d'intérêt
général et prospectif s'y rattachant.
Ce travail associe la Direction des Postes et Télécommunications,
initiatrice du projet, l'IDATE, l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications
et l'Ecole Nationale Supérieure des PTT.
Présentation du sujet : l'accord "Télécommunications
de base" à l'OMC
par Gérard Pogorel
Directeur du département "Economie et Management" de
l'ENST
Si le sujet est d'actualité, il reste néanmoins, de par sa
technicité, quelque peu méconnu par les professionnels. Pourtant,
l'Accord de février 1997 marque une étape très importante
de la libéralisation des télécommunicatiosn à l'échelle
internationale. Au delà de cet accord, il s'agit de prévoir l'évolutionà
moyen terme, par exemple cinq ans, de la propagation du "big bang"
de la concurrence dans les télécommunications.
Christophe RAVIER, Frédéric MADURAUD et Pierre PROFIZI ont été
les protagonistes des négociations qui ont abouti à l'accord.
1. Origines de la négociation sur les télécommunications
de base
par Christophe Ravier
Direction des Relations Economiques Extérieures
Signé en 1947, le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade)
constitue le premier accord commercial multilatéral. Le GATT n'avait été
conclu qu'à titre provisoire mais est resté en vigueur
pratiquement cinquante ans. Le GATT, qui ne portait que sur le commerce des
marchandises, n'était pas une organisation internationale ni même,
au sens strict, un accord de libre-échange. Il se contentait de définir
ce qu'on appelle des disciplines, c'est à dire des règles
de bonnes gestion du commerce international. Les deux principales disciplines étaient
la clause de la nation la plus favorisée et le traitement
national.
Par ailleurs, le libre-échange que l'on attribue au GATT tient plus à
la dynamique des négociations conduites sous son égide qu'au texte
de l'accord lui-même.
Ces négociations ont permis, en particulier, une forte réduction
des droits de douanes. Elles ont pris la forme de cycles de négociations
commerciales multilatérales, pendant lesquels les participants échangeaient
des concessions sur un grand nombre de secteurs simultanément. Cette
approche présentait l'avantage de permettre des concessions croisées
entre secteurs et d'aboutir à des jeux de concessions réciproques
qui bénéficient à chacun des signataires.
Le dernier en date de ces cycles est le cycle d'Uruguay. Prévu pour
quatre ans, il en a duré près de sept (et, en fait, plus de dix si
l'on tient compte de la phase préparatoire). Il a débouché
sur les accords de Marrakech, signés le 15 avril 1994. Ces accords ont
permis notamment :
- la création de l'OMC qui contrairement au GATT est une véritable
organisation internationale ;
- l'extension des règles commerciales internationales à de
nouveaux domaines : les services et la propriété intellectuelle.
- le renforcement du mécanisme de règlement des litiges : à
l'issue du cycle d'Uruguay, l'OMC est dotée d'un mécanisme de réglement
des différends réellement contraignant pour les parties.
Dans le domaine des services, les accords de Marrakech incluent :
- d'une part, l'accord général sur le commerce des services ou
GATS (General Agreement on Trade in Services), qui définit les
disciplines applicables au commerce des services. Celles-ci sont très
largement inspirées de celles qui figuraient déjà dans le
GATT (clause de la nation la plus favorisée, traitement national).
Le GATS comporte une annexe spécifique sur les télécommunications
qui définit des disciplines en matière de réglementation du
secteur mais est surtout adaptée à un contexte de libéralisation
des seuls services à valeur ajoutée.
- d'autre part, des listes d'engagements spécifiques des pays membres
de l'OMC.
Ces listes, qui sont spécifiques à chaque pays, indiquent les
secteurs que ces pays s'engagent à ouvrir aux entreprises étrangères
ainsi que les barrières à l'activité des entreprises étrangères
qu'éventuellement ils conservent (par exexmple, l'existence de monopoles
publics).
Dans ce domaine, le cycle d'Uruguay a débouché sur des résultats
mitigés puisqu'il n'a pas réellement fait avancer la libéralisation
du commerce des services. La plupart des signataires ont repris dans leurs
engagements spécifiques les secteurs qui étaient déjà
ouverts aux entreprises étrangères (statu quo).
Cela s'est révélé particulièrement vrai dans le
secteur des télécommunications : les participants ont limité
leurs engagements aux services qui étaient déjà ouverts à
la concurrence au début des années 1990, c'est à dire les
services à valeur ajoutée. Dans ce contexte, la négociation
sur les télécommunications de base a été lancée
afin de compléter les listes d'engagements des pays membres de l'OMC par
des engagements sur les services de base et de parvenir à terme à
une libéralisation accrue du secteur.
2. La négociation et les conséquences de l'Accord "Télécommunications"
à l'OMC
par Frédéric Maduraud
Commission européenne DG XIII - Télécommunications
2.1 La négociation de l'Accord
L'enjeu économique de la négociation en 1995:
Les revenus annuels mondiaux des télécommunications représentent
788 milliards de dollars US, dont 600 milliards de dollars pour les services
(10% représentés par les services internationaux).
C'est l'un des secteurs d'activité à plus forte croissance au
niveau mondial (+7% pour les services en 1995).
Objectifs de négociation pour l'Union Européenne (UE):
- Obtenir un niveau d'accès au marché comparable à
celui octroyé aux opérateurs des pays tiers dans l'UE (OCDE)
- Obtenir des engagements qui soient significatifs, couvrant l'ensemble du
secteur des services de télécommunications de base, excluant les
exemptions NPF et couvrant un ensemble suffisant de pays.
L'absence de leviers stratégiques de négociation, induit par
la décision unilatérale de libéraliser les télécommunications
à l'interieur de l'Union à compter de 1998, imposait à la
Communauté Européenne et ses Etats Membres de capitaliser cette
libéralisation annoncée comme un avantage tactique.
Une première phase avait été un semi-échec,
menant au rendez-vous manqué du 15 février 1996: opposition du
concept "d'élan" de l'UE au concept de "masse critique"
des américains en terme d'engagements et de participation. D'où un
gel des offres au niveau le plus élevé (15 janvier 1997) et la
prolongation des négociations jusqu'au 15 février 1997
Les différents niveaux de négociations : une représentation
unique sans préjudice de compétence des états membres.
Un problème juridique s'est posé quant à la légitimité
et à la compétence de la Commission pour négocier, sur les
services, avec l'OMC. Par analogie avec les négociations menées
sur le secteur des marchandises dans le cadre du GATT, la Cour européenne
de justice a estimé que seules les fournitures transfrontalières
de services entrent dans le champ d'application de l'article 113 et que la compétence
pour conclure les accords GATS est partagée entre la CE et ses Etats
membres.
Cette question s'était posée en particulier face aux
Etats-Unis, qui présentaient des dossiers solidement étayés
par des chiffres fournis par ses industriels et opérateurs. A l'inverse,
la Commission n'avait aucun chiffre concret à opposer malgré les
demandes de la Commission aux opérateurs et industriels européens
du secteur. A l'avenir un meilleur partenariat entre ceux-ci et la Commission
devrait permettre une position plus forte.
D'une façon plus générale, le suivi statistique passe
par une refonte des nomenclatures statistiques de l'Union Européenne.
Cependant le meilleur indicateur sera constitué des remontées en
provenance des entreprises désireuses de s'implanter dans un pays et y
rencontrant des difficultés. La commission entamera donc des actions au
vu de ces difficultés.
Les résultats de l'Accord "télécom" du 15 février
1997:
- ils couvrent 90% des revenus mondiaux des services de télécommunications
(1995),
- ils concernent 69 pays (55 offres),
- ils entrent en vigueur le premier janvier 1998.
Les bénéfices pour les opérateurs sont multiples
- un accroissement de la sécurité juridique,
- une transparence accrue "des règles du jeu" au plan
mondial,
- une intégration dans un système de disciplines multilatérales,
- un droit opposable aux Etats au travers du système de règlement
des différends de l'OMC garantissant une mise en oeuvre effective des
engagements,
- une réelle ouverture des marchés mondiaux.
Les négociations constituent pour l'industrie européenne
un succès unanimement reconnu au sein de l'Union.
2.2 Intégration des télécommunications dans les
disciplines multilatérales GATS/OMC
Le GATS est un texte-cadre de vingt-huit articles qui s'appliquent à
tous les secteurs des services. Il comporte de surcroît :
- 7 annexes sectorielles précisant la portée du cadre général
(mouvement des personnes, services financiers, transport aérien, etc.),
parmi lesquelles l'Annexe sur les télécommunications.
- 7 décisions ministérielles et mémorandums,
- et des listes d'engagements spécifiques.
Le GATS vise l'établissement de règles commerciales libérales
(et non des règles de libre échange). Dans cette perspective,
plusieurs points conflictuels restent à régler :
- le système de taxes de répartition,
- le détournement de trafic unilatéral dans un environnement
asymétrique,
- les services par satellites,
- la délimitation des services de télécommunications et
des services audiovisuels.
Les principales disciplines générales et spécifiques
de l'AGCS relatives à la clause NPF(art II), la transparence(art III), la
réglementation intérieure(art VI), l'accès au marché(art
XVI), le traitement national(art XVII), les engagements additionnels(art
XVIII),ainsi que les principales dispositions de l'annexe télécom
ont été présenté. L'application de ces règles
générales au secteur des télécommunications a en
outre été exposée.
3. Les engagements en matière d'accès aux marchés
par Pierre PROFIZI
Direction des Postes et Télécommunications
a) L'importance de l'accès au marché
Les disciplines du GATS fournissent des garanties (en matière
de transparence de la réglementation ou de non-discrimination par
exemple) aux entreprises des pays membres de l'OMC qui offrent des services sur
les marchés d'autres pays membres de l'OMC. Pour que ces garanties
prennent tout leur sens encore convient-il que les fournisseurs de services d'un
pays membre donné puissent préalablement avoir eu accès aux
marchés des autres membres.
Les engagements pris plus particulièrement en matière d'accès
au marché par les différents pays ayant participé aux négociations
revêtent donc une importance capitale dans l'accord du 15 février
1997.
Contrairement aux négociations de l'Uruguay round qui étaient
multisectorielles, et aux cours desquelles les concessions faites par un pays
membre dans un secteur donné pouvaient donner lieu à des
concessions dans un autre secteur des services par un autre pays membre, les négociations
qui ont abouti à l'accord du 15 février ont porté sur le
seul secteur des télécommunications.
Les dispositions de l'Accord général sur le commerce des
services relatives à l'accès au marché sont contenues dans
l'article XVI du GATS.
Si un pays a pris des engagements en matière d'accès au marché
sur la téléphonie mobile, par exemple, cela signifie qu'il doit
ouvrir son marché de la téléphonie mobile aux opérateurs
de tous les pays membres de l'OMC.
Le résultat concret de l'Accord "Télécom" de
l'OMC est donc constitué par l'agrégat de l'ensemble des listes
d'engagements des membres de l'OMC ayant conclu l'accord sur les télécommunications
de base.
b) L'offre de l'Union Européenne et de ses Etats membres.
L'offre de la communauté européenne est en quelque sorte la "somme"
de celle de tous ses Etats membres, avec quelques spécificités
selon les Etats. Cette offre est importante et couvre l'ensemble du secteur des
télécommunications.
Très peu de limitations subsistent. Deux pays seulement ont gardé
une limitation aux investissements étrangers : le Portugal qui limite à
25 % la part de capital qui peut être détenue par des non-européens
dans un opérateur de télécommunications; et la France, qui
conserve une limitation de 20 % du capital, pour les pays hors espace économique
européen, dans le seul domaine des radiocommunications. De surcroît
la France ayant levé la limitation à l'investissement indirect au
cours de la négociation (tout comme les Etats-Unis) la limitation qui
apparaît n'en est donc pas vraiment une (il suffit de créer une
première filiale, possédant 100% d'une seconde pour pouvoir entrer
sur le marché).
c) L'offre des Etats-Unis et du Japon
Ces deux offres sont également très larges et couvrent
l'ensemble du secteur des télécommunications. Les Etats-Unis et le
Japon ont en effet fait des concessions très importantes au cours de la négociation.
Les Etats-Unis, tout comme la France, conservent une limitation à
l'investissement étranger direct dans le seul secteur des
radiocommunications mais pas à l'investissement indirect. Concernant les
câbles sous-marins, les limitations de droit d'accès aux Etats-Unis
ont été levées à la fin de la négociation.
Le Japon avait pour sa part une limitation de 33% à l'investissement étranger
direct et indirect, qui couvrait l'ensemble des réseaux de télécommunications
(filaires et hertziens). Ce pays a finalement renoncé à cette
restriction au cours de la négociation.
d) L'offre canadienne
L'offre canadienne est moins ouverte. Pour un certain nombre de services, un
délai a été obtenu, dans la mesure où le Canada
craint d'une part le rachat de ses opérateurs par les opérateurs
US, et d'autre part le by-pass de ses propres télécommunications
nationales par les Etats-Unis.
e) L'offre des pays émergents
Il existe des listes d'engagements de niveaux très différents
selon les pays. Celles-ci dépendent généralement du niveau
de développement du pays et vont d'une ouverture du secteur minimale à
des ouvertures tout à fait acceptables.
On estime toutefois que la plupart des pays ont joué le jeu. En
effet, les négociations ne se déroulant qu'au sein du secteur des
télécommunications, l'avantage tiré de l'ouverture pouvait être
faible pour certains pays émergents dont les intérêts "offensifs"
se situaient dans d'autres secteurs tels que l'agriculture. Par exemple un opérateur
d'un pays émergent n'a souvent ni la volonté, ni les moyens
d'aller concurrencer les opérateurs américains sur leur propre
marché intérieur.
Cet accord multilatéral sectoriel OMC était en revanche vital
pour l'Union Européenne, dans la mesure où sa propre décision
était prise d'ouvrir le marché au 01/01/98, avec le risque
d'absence de réciprocité de la part des autres pays.
4. Les résultats en matière de réglementation
par Christophe Ravier
Direction des Relations Economiques Extérieures
Les questions réglementaires ont constitué un volet important
de la négociation. En effet, en l'absence de disciplines sur le cadre réglementaire,
les engagements en matière d'accès au marché pris par
certains pays risquaient de rester lettre morte.
Pour prévenir ce risque, les participants ont inscrit dans leur liste
d'engagements des "engagements additionnels" sur le cadre réglementaire,
fondés sur un "papier de référence" ("reference
paper") rédigé par les négociateurs. Cette
approche offre une grande souplesse, chaque participant rédigeant
librement ses engagements additionnels, tout en assurant que les engagements
pris sont réellement contraignants et relativement homogènes.
Le "papier de référence", très court, présente
trois caractéristiques principales :
- il n'a aucun statut juridique au regard de l'OMC et n'est pas
contraignant. Il constituait simplement une référence pour que
chaque participant rédige ses engagements additionnels sur le cadre réglementaire.
Les engagements additionnels, en revanche, font partie des intégrantes
des listes d'engagements spécifiques des Membres et sont contraignants.
Il peuvent donner lieu à action au titre du mécanisme de réglement
des différends de l'OMC.
- il est général : il contient des principes de base en matière
de réglementation du secteur mais pas des règles détaillées.
- il décrit les résultats à obtenir mais pas les moyens
pour y parvenir. Cela donne une certaine souplesse dans sa mise en oeuvre et
permet d'accommoder des cadres juridiques et institutionnels extrêmement
variables.
Le "papier de référence" comporte quelques définitions
et des principes relatifs à six domaines clé de la réglementation
des télécommunications :
- les sauvegardes de la concurrence : c'est à dire les dispositions
destinées à prévenir les abus de position dominante ;
- l'interconnexion ;
- le service universel ;
- l'attribution des licences ;
- l'indépendance du régulateur ;
- la gestion des ressources essentielles (fréquences, numéros,
droits de passage).
Quelques exemples permettent d'illustrer le contenu et les limites du "papier
de référence".
Les sauvegardes de la concurrence restent très générales.
On indique que des mesures doivent être prises pour prévenir ou remédier
à des abus de position dominante, comme les subventions croisées,
mais on ne spécifie pas exactement quelles mesures. De ce fait, les
signataires de l'accord disposent d'une grande souplesse dans la mise en oeuvre
de ces sauvegardes. Ils peuvent notamment s'appuyer sur le droit général
de la concurrence ou sur des règles spécifiques au secteur des télécommunications.
En contrepartie, on risque d'aboutir à des systèmes relativement
différents d'un pays à l'autre et donc à des niveaux
d'efficacité très variables.
L'interconnexion est le seul domaine qui fasse l'objet de prescriptions
assez détaillées : plus d'un tiers du "papier de référence"
lui est consacrée. Dans ce domaine, des principes forts ont été
entérinés : droit à l'interconnexion avec les opérateurs
dominants, tarifs orientés vers les coûts, transparence des accords
d'interconnexion, existence d'un mécanisme de règlement des
litiges.
Néanmoins, cette partie n'est applicable qu'aux services pour
lesquels des engagements en matière d'accès au marché ont été
pris.
Le "papier de référence" a été très
largement adopté par les signataires de l'accord : plus de 60 des 69
signataires de l'accord ont pris des engagements additionnels sur le cadre réglementaires.
55 ont repris le "papier de référence" dans sa totalité.
Quelques uns, dont l'Union européenne et les Etats-Unis, ont fait figurer
dans leurs engagements additionnels des notes de bas de page qui précisent
l'interprétation qu'ils font de certains points du "papier de référence"
mais n'en modifient pas l'équilibre.
On est donc parvenu à définir quelques principes de base pour
la réglementation du secteur des télécommunications et à
leur donner une acceptation quasi-universelle dans un cadre juridiquement
contraignant, ce qui constitue un succès majeur.
5. Mise en oeuvre de l'accord "Télécommunications
de base"
par Pierre PROFIZI
Direction des Postes et Télécommunications
L'Accord du 15 février 1997 a valeur de traité international
de commerce, sa ratification en France a donc nécessité une loi
d'autorisation votée par le Parlement fin novembre 1997. La réglementation
française étant par ailleurs compatible avec l'Accord de l'OMC, il
ne sera donc pas nécessaire de modifier la loi de réglementation
des télécommunications.
Dans l'Union Européenne, 12 pays ont d'ores et déjà
procédé à la ratification, et l'Espagne et le Luxembourg
devraient bientôt suivre, pour une entrée en vigueur prévue
au 01/01/98.
A ce jour, sur 69 pays, environ 50 pays ont déjà ratifié
le texte. C'est le cas des principaux pays développés. Une réunion
définitive de validation doit se tenir le 17 décembre afin de
faire le point. On peut penser que l'Accord sera être entériné
au 01/01/98.
Aux Etats-Unis, la Federal Communication Commission (FCC) a annoncé
fin novembre la suppression de la procédure de l'ECOTest (Equivalent
Competitive Opportunity Test) qui limitait arbitrairement l'entrée de
nouveaux opérateurs. Cependant la régulation de l'entrée
sur le marché n'apparaît pas claire, ainsi dans des cas, certes
annoncés comme exceptionnels, la FCC envisage de pouvoir refuser l'octroi
d'une licence pour des raisons de politique étrangère ou de
politique commerciale américaine. La France et l'Union européenne
ont prévenu qu'elle feraient alors appel au mécanisme d'arbitrage
de l'OMC.
La position française s'oriente, en accord avec les règles de
l'OMC, vers une régulation où les licences ne seraient pas refusées
a priori et pour des motifs vagues et extérieur aux télécommunications
telles que la politique étrangère. Les abus de positions
dominantes constatés, notamment dans les relations internationales,
seraient en revanche sanctionnés a posteriori.
6. Débat
6.1. Lien entre libéralisation des flux financiers et libéralisation
des télécommunications
D'une part, dans l'Accord signé les télécommunications
sont entendues comme étant "les tuyaux" Cet accord laisse en
suspend l'aspect audiovisuel. D'autre part, bien que se déroulant toutes
deux dans le cadre de l'OMC, il n'existe aucun lien entre les négociations
sur l'ouverture des services financiers et celles sur les services téléphoniques.
Il ne peut donc y avoir de "sanction croisée" entre ces
deux secteurs. Enfin, aussi bien la Communauté Européenne que la
France rejettent le principe même de lois ayant une portée
extraterritoriale, telles les lois Helms-Burton ou Damato, qui ont été
votées aux Etats Unis.
6.2. L'OMC disposera-t-elle d'outils statistiques pour mesurer l'accès
aux marchés ?
Il n'y a pas de mécanisme de suivi d'où l'intérêt
des remontées d'informations des opérateurs sur les obstacles
rencontrés, d'où la nécessité de refondre les
nomenclatures statistiques, travail à faire tant sur le plan mondial que
sur le plan communautaire.
Le rôle de l'UE est d'ouvrir les marchés et ce sont aux opérateurs
et aux industriels d'apporter des informations sur les discriminations réelles
dont ils sont l'objet.
Conclusion
par Yves GASSOT
Directeur de l'IDATE
Ces négociations menées à l'OMC représentent un
grand succès politique pour la communauté Européenne, dans
la mesure où l'Accord conclu correspond à une généralisation
des positions européennes à l'échelle internationale. L'élément
le plus symbolique réside dans la convergence des dates de l'ouverture du
marché européen et de l'entrée en vigueur de l'Accord de
l'OMC.
La démarche européenne, bien que complexe, a ainsi été
perçue comme positive et exemplaire.
Néanmoins, les grands changements sont devant nous. Partout les
capitaux nationaux sont encore très largement majoritaires. Parmi les dix
premiers opérateurs mondiaux, il n'y en a pas un seul qui réalise
10 % de son chiffre d'affaires à l'international. Cela devrait évoluer
assez rapidement.
Les télécommunications sont également tributaires
d'autres négociations. Internet devra notamment être intégré
dans cette problématique.
Une certaine rigidité risque de demeurer encore de fait sur certains
marchés. Par exemple, aux Etats-Unis les marchés locaux, quoique
ouverts depuis le Telecommunication Act de 1996, sont toujours sous
l'emprise de monopoles locaux des sept Baby Bell issues du démantèlement
d'ATT en 1984.
Le problème se pose pour l'interconnexion d'un opérateur européen.
L'Etat fédéral est manifestement limité pour faire
respecter ses engagements. Les décisions ont été attaquées
devant les tribunaux, et aujourd'hui la cour suprême est saisie. Tant
qu'elle ne se sera pas prononcée, des différences de traitements
subsisteront suivant les Etats.
Quant au problème des taxes de répartition pour la téléphonie
vocale internationale, les Etats Unis, ayant un solde négatif en la matière,
voudraient imposer un système de prix plafond. Ce prix s'appuierait sur
la notion de coût. Cependant il est extrêmement difficile de déterminer
ce coût. Outre le débat entre coût historique et coût
incrémental, les méthodes de détermination des coûts
incrémentaux sont très peu transparentes. Enfin des pays ayant
engagé un effort d'équipement, telle l'Amérique Latine,
voudraient être protégés.
Ce problème récurrent devrait trouver une solution dans la
mise en place d'une dynamique économique sur le marché des télécommunications,
induite par l'ouverture des marchés nationaux et par la libéralisation
accrue du secteur.