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Projet de loi de réglementation des télécommunications Un court extrait des débats au Sénat
(compte-rendu analytique diffusé par le Sénat)
Un des principaux amendements voté par le Sénat lors du débat
sur le projet de loi de la réglementation des télécommunications
concerne les services en ligne.
Cet amendement, présenté par le Gouvernement et par la Commission
des affaires économiques du Sénat, est destiné à
clarifier les responsabilités en matière de services en ligne. Il
comporte trois volets :
- le premier impose aux fournisseurs d'accès des services en ligne
d'offrir à leurs clients des logiciels permettant de bloquer l'accès
à certains services ;
- le second charge le comité supérieur de la télématique,
placé auprès du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel),
de donner son avis sur la conformité des serveurs à la loi française,
comme c'est le cas pour le minitel ;
- le troisième a pour objet d'exonérer les "fournisseurs
d'accès" de la responsabilité pénale dès lors
qu'ils respectent ces dispositions.
M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n°200, présenté
par le Gouvernement.
Après l'article 11, insérer un article additionnel
ainsi rédigé
Dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication, sont insérés les articles
43-1, 43-2 et 43-3 ainsi rédigés :
Article 43-1. - Toute personne dont l'activité est
d'offrir un service de connexion à un ou plusieurs services de
communication audiovisuelle mentionnés au 1°) de l'article 43 de la
loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication est tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur
permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner.
Article 43-2. - Le comité supérieur de la télématique,
placé auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, est
chargé d'élaborer des recommandations propres à assurer le
respect, par les services de communication audiovisuelle mentionnés au l°)
de l'article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, des règles
déontologiques adaptées à la nature des services proposés.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel adopte, sur proposition du comité,
les recommandations qui sont publiées au Journal officiel
de la République française.
Le comité supérieur de la télématique
comporte en son sein une instance chargée d'émettre, à la
demande de tout utilisateur, de tout opérateur, de tout fournisseur de
services, ou de toute organisation professionnelle ou association d'usager, un
avis sur le respect des recommandations susvisées par un service mentionné
au 1°) de l'article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication pour lequel il a été
saisi. Cet avis est notifié aux intéressés. Lorsque le
comité estime que le service ne respecte pas ces recommandations, son
avis est publié au Journal
officiel de la République française.
Le comité peut également être saisi par les
mêmes personnes de toute réclamation concernant un service.
Lorsqu'il a connaissance, à la suite de réclamations ou de
demandes d'avis, de faits de nature à motiver des poursuites pénales,
le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur
proposition du comité, est tenu d'en informer sans délai le
procureur de la République.
Le comité supérieur de la télématique
mène toute étude et action d'information sur ces services. Il
coordonne son activité avec les organismes étrangers exerçant
des compétences analogues aux siennes et participe à l'élaboration
des règles déontologiques communes dans le cadre de la coopération
internationale. Il propose toute mesure de nature à favoriser le développement
et la diversité des, services.
Le comité comprend pour moitié des professionnels
représentant les fournisseurs d'accès aux services, les éditeurs
de services et les éditeurs de presse, et pour l'autre moitié des
représentants des utilisateurs et des personnalités qualifiées
nommés par les ministres chargés des télécommunications
et de la communication. Le président du comité est désigné
par le Conseil supérieur de l'audiovisuel parmi les personnalité
qualifiées.
Un décret, pris après avis du Conseil supérieur
de l'audiovisuel, précise la composition et les modalités de
fonctionnement de ce comité. Il précise notamment les attributions
exercées par le comité supérieur de la télématique
en matière de services offerts sur des accès télématiques
anonymes.
Article 43-3. - Les personnes mentionnées à
l'article 43-1 ne sont pas pénalement responsables des infractions résultant
du contenu des messages diffusés par un service de communication
audiovisuelle sauf si elles n'ont pas respecté les dispositions de
l'article 43-1, ou si elles ont donné accès à un service
ayant fait l'objet d'un avis défavorable publié au Journal
officiel en application de l'article 43-2, ou s'il est établi
qu'elles ont, en connaissance de cause, personnellement commis l'infraction ou
participé à sa commission.
M. FILLON, ministre délégué.
Il s'agit d'adapter notre législation à l'arrivée de
nouvelles techniques.
Actuellement, notre pays est désarmé lorsque des
documents contraires à la loi française sont diffusés sur
Internet. Je pense en particulier aux thèses révisionnistes et aux
réseaux pédophiles.
Deux chefs d'entreprise ont été mis en examen il y
a peu de temps, au motif que des documents condamnables transitaient par la
porte d'accès qu'ils offrent à Internet, ce qui est un contresens,
puisqu'ils n'étaient pas responsables des thèses diffusées.
Les vrais responsables sont les éditeurs de services.
Pour permettre l'extension de l'accès à Internet,
le Gouvernement propose un dispositif de clarification comportant trois volets.
Le premier impose aux fournisseurs d'accès des services
en ligne d'offrir à leurs clients des logiciels permettant de bloquer
l'accès à certains services. Ceci permettra un contrôle par
les parents des mineurs.
Le deuxième charge le comité supérieur de
la télématique, placé auprès du C.S.A., de donner
son avis sur la conformité des serveurs à la loi française,
comme cela se passe déjà pour le minitel. Le troisième a
pour objet d'exonérer les " fournisseurs d'accès " de la
responsabilité pénale, dès lors qu'ils respectent ces
dispositions.
Comme vous pouvez le constater, le dispositif conforte la
situation des entreprises offrant un accès à Internet tout en
respectant les directives du comité supérieur. Il s'agit d'un
dispositif simple, qui ne crée pas d'organisme nouveau et n'instaure
aucune censure. La loi française reste inchangée. Je rappelle
qu'elle interdit l'incitation à la haine raciale, l'atteinte à
l'intégrité de la personne humaine, et la diffusion des thèses
négationnistes ou révisionnistes.
M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 201, présenté
par M. Gérard Larcher au nom de la commission des Affaires économiques.
Après l'article 11, insérer un article additionnel
ainsi rédigé Dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication, sont insérés,
après l'article 43, trois articles additionnels nouveaux ainsi rédigés
:
Article 43-1. - Toute personne dont l'activité est
d'offrir un service de connexion à un ou plusieurs services de
communication audiovisuelle mentionnés au 1°) de l'article 43 est
tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur
permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner.
Article 43-2. - Le comité supérieur de la télématique,
placé auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, est
chargé d'élaborer des recommandations propres à assurer le
respect, par les services de communication audiovisuelle mentionnés au 1°)
de l'article 43 des règles déontologiques adaptées à
la nature des services proposés. Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel adopte, sur proposition du comité, les recommandations qui
sont publiés au Journal officiel
de la République française.
Le comité supérieur de la télématique
comporte en son sein une instance chargée d'émettre, à la
demande de tout utilisateur, de tout opérateur, de tout fournisseur de
services, ou de toute organisation professionnelle ou association d'usagers, un
avis sur le respect des recommandations susvisées par un service mentionné
au 1°) de l'article 43 pour lequel il a été saisi. Cet avis
est notifié aux intéressés. Lorsque le comité estime
que le service ne respecte pas ces recommandations, son avis est publié
au Journal officiel de la République française.
Le comité peut également être saisi par les
mêmes personnes de toute réclamation concernant des services
mentionnés à l'alinéa précédent. Lorsqu'il a
connaissance, à la suite de réclamations ou de demandes d'avis, de
faits de nature à motiver des poursuites pénales, le président
du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur proposition du comité,
est tenu d'en informer sans délai le procureur de la République.
Le comité supérieur de la télématique
mène toute étude et action d'information sur ces services. Il
coordonne son activité avec les organismes étrangers exerçant
des compétences analogues aux siennes et participe à l'élaboration
de règles déontologiques communes dans le cadre de la coopération
internationale. Il propose toute mesure de nature à favoriser le développement
et la diversité des services.
Le comité comprend pour moitié des professionnels
représentant les fournisseurs d'accès aux services, les éditeurs
de services et les éditeurs de presse et, pour l'autre moitié, des
représentants des utilisateurs et des personnalités qualifiées
nommés par les ministres chargés des télécommunications
et de la communication. Le président du comité est désigné
par le Conseil supérieur de l'audiovisuel parmi les personnalités
qualifiées.
Un décret, pris après avis du Conseil supérieur
de l'audiovisuel, précise la composition et les modalités de
fonctionnement de ce comité. Il précise notamment les attributions
exercées par le comité supérieur de la télématique
en matière de services offerts sur des accès télématiques
anonymes.
Article 43-3. - Les personnes mentionnées à
l'article 43-1 ne sont pas pénalement responsables des infractions résultant
du contenu des messages diffusés par un service de communication
audiovisuelle sauf si elles n'ont pas respecté les dispositions de
l'article 43-1, ou si elles ont donné accès à un service
ayant fait l'objet d'un avis défavorable publié au Journal
officiel en application de l'article 43-2, ou s'il est établi
qu'elles ont, en connaissance de cause, personnellement commis ou participé
à sa commission.
M. Gérard LARCHER, rapporteur.
- Je regrette que la séparation des pouvoirs
ne nous ait pas permis de déposer avec le Gouvernement un amendement qui
résulte de la réflexion conduite en commun durant les travaux préparatoires.
Nous obligeons le fournisseur d'accès à un réseau à
permettre à un abonné d'exclure certains services (ainsi, les
parents pour les enfants) ; nous créons par la loi ce qui n'existait pour
le kiosque que par le décret, aux côtés du C.S.A., d'un
comité supérieur de la télématique ; nous définissons
les conditions d'exonération de la responsabilité du prestataire
d'accès à un réseau en cas d'atteinte à la dignité
de la personne humaine.
Le rapide développement de ces réseaux exigeait
que, sans imposer une brutale censure, nous nous penchions sur le contenu du
contenant dont nous parlions et que nous évitions les questions que
suscitait le Minitel. Nous pouvons retirer notre amendement au profit de celui
du Gouvernement.
L'amendement n° 201 est retiré.
M. TRÉGOUËT. - Je
voterai l'amendement du Gouvernement mais puisqu'il va bientôt circuler
sur Internet et que l'expression " télématique " a pris
un coup de vieux, je vous suggère de parler plutôt de comité
supérieur des réseaux informatiques.
M. LE PRÉSIDENT. - La commission mixte paritaire
pourra régler ce problème sémantique.
M. FILLON, ministre délégué.
Les deux expressions ne sont pas identiques et celle que je propose a été
adoptée à l'unanimité par les professionnels.
Mme POURTAUD. - L'article 43-1
nous surprend mais nous ne sommes pas favorables à l'utilisation de "
puces antiviolence " ou de logiciels de contrôle, fut-il parental.
Cela aboutit à nous donner bonne conscience et à déresponsabiliser
les éditeurs, les fabriquants de programme et les programmateurs de télévision.
Ce n'est absolument pas la bonne méthode, d'autant que rien ne garantit
l'efficacité de ces dispositifs.
Il est vrai qu'on a vu se développer sur Internet des
forums dont certains portent atteinte à des secteurs que nous avions
souhaité exclure de la liberté de communication en France. Doit-on
pour autant traiter par un amendement élaboré à la va-vite
un sujet dont le ministre délégué soulignait naguère
la complexité ?
M. Douste-Blazy, qui a prévu un projet de loi, a parlé
de négociations internationales qui seraient autrement efficaces. La
commission des Lois envisage une mission sur les questions juridiques soulevées
par les autorités de l'information. Pourquoi alors légiférer
ainsi et multiplier les problèmes de frontières entre l'A.R.T. et
le C.S.A. ? On n'a déjà que trop touché il y a deux mois à
la loi de 1986 qu'il faudrait balayer de nouveau. L'intéressante
intervention de M. Cluzel méritait mieux que votre article 43-2 !
M. BILLARD. - Ces dernières semaines la mise en
examen de deux fournisseurs d'accès français au réseau
Internet a soulevé une grande émotion parmi les utilisateurs de ce
réseau. La couverture médiatique de cette affaire, trop souvent
sur le mode du sensationnel, n'est pas davantage de nature à établir
la sérénité nécessaire à un tel débat.
Le réseau Internet véhicule de très
nombreuses informations, dont certaines ne sont pas conformes à notre législation.
Si les réseaux pédophiles ont été évoqués,
avec sensationnel, il a été beaucoup moins question des
discussions sur les thèmes révisionnistes ou racistes. (M. le
rapporteur : " M. Fillon en a parlé ! ".) Les fournisseurs
d'accès demandent un cadre juridique précis, l'amendement du
Gouvernement tente de les satisfaire.
L'article Il de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen précise que : " la libre communication des pensées
et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout
citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre
de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la
loi ".
Cet article devrait à lui seul fournir un cadre juridique
permettant poursuivre les auteurs d'abus
commis sur Internet car il satisfait aux exigences de la démocratie
et garantit la liberté propice au développement des réseaux.
Un comité chargé d'élaborer des recommandations déontologiques
garantira-t-il la liberté de communication ?
Aujourd'hui la prostitution enfantine, la pédophilie, le
racisme, le révisionnisme doivent être combattus avec détermination,
l'arsenal juridique existe. Demain, les discussions politiques, ou sur le thème
de la grève ne risquent-elles pas de faire l'objet d'un traitement
semblable ? On voit les possibilités de dérapages qui pourraient découler
de l'existence d'un tel comité.
Nous condamnons fermement les responsables de délits sur
Internet. Pour autant, Internet et le réseau télématique
sont bien différents. La relative gratuité des informations échangées
sur Internet, l'utilisateur n'étant plus seulement consommateur mais également
distributeur d'information, souligne cette différence.
Justifiant un traitement juridique adapté, la volonté
de communiquer librement en dehors d'un cadre marchand mérite d'être
encouragée.
Le comité que vous prévoyez ne pratiquera pas la
liberté de communiquer. Le minitel fait fleurir un peu partout dans notre
pays des affiches où hommes et femmes sont présentés comme
des biens de consommation ordinaires : voilà qui prouve que la déontologie
que vous évoquez sait se concilier les intérêts du commerce
; Internet fait appel à la liberté, mais également à
la responsabilité de ses utilisateurs. La pédophilie, le racisme,
le révisionnisme, sont punis par la loi et l'on peut retrouver sur le réseau
et à la source les auteurs de tels délits.
Dès lors que la responsabilité du fournisseur ne
peut être incriminée, leur récente mise en examen dans deux
affaires n'est pas de nature à concilier liberté fondamentale et
respect de notre législation.
Pour les risques de censure arbitraire et à cause de
votre précipitation, nous nous abstiendrons.
M. FILLON, ministre délégué.
Je ne peux pas laisser dire que le dispositif a pour objectif de réduire
la liberté d'expression sur Internet. Le comité n'interdira rien,
il se contentera de donner des avis. La législation actuelle continuera à
s'appliquer et le juge pénal se prononcera quand il aura été
saisi.
Le comité sera chargé d'élaborer des
recommandations déontologiques et de donner un avis sur les services qui
lui seraient signalés. Il permet d'exonérer les fournisseurs d'accès
de la responsabilité pénale, s'ils se conforment à ses
avis. Il n'y a là aucune modification des dispositions pénales, ni
aucune atteinte à la liberté d'expression.
M. Gérard LARCHER, rapporteur. - Mme
Pourtaud a parlé d'amendement préparé à la va-vite
et évoqué la contribution de M. Cluzel : nous en avons tenu compte
dans nos travaux préparatoires.
Ce n'est pas déresponsabiliser que de demander aux
fournisseurs d'accès d'offrir à leurs clients des logiciels leur
permettant de bloquer l'accès à certains services. Ce faisant, on
aide les familles à exercer des choix, et les parents à jouer leur
rôle. C'est donc de responsabilisation qu'il s'agit. (MM. Hamel et
Schosteck approuvent.)
Mme LUC. - M. Billard a posé,
de vraies questions auxquelles, à l'heure actuelle, personne ne peut
apporter de réponses. D'où l'inconvénient de discuter d'un
tel texte en urgence. Il aurait mérité deux lectures et des
auditions supplémentaires. C'est pourquoi je confirme que le groupe
C.R.C. s'abstiendra.
L'amendement n° 200 est adopté et devient
article additionnel.
© Secrétariat d'Etat à l'industrie - France
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