IV - les propositions et les pistes de réflexion.
Pour formuler des recommandations et, compte tenu des difficultés et des spécificités évoquées plus haut, il importe de préciser l'objectif de la France concernant Internet.
Ce réseau offre des possibilités exceptionnelles d'échange et d'information. Il ouvre de nouvelles pistes de croissance et de création d'emplois ; il faut le développer et combler notre retard. Dans le même temps, il ne constitue pas seulement le développement d'une nouvelle technologie ; son succès, son universalité en font un nouvel espace social justifiant l'élaboration de nouvelles règles de comportement, celles d'une "nouvelle civilité". La tradition française est celle des valeurs humanistes, respectueuses des droits et libertés de chacun ; il importe dès lors de favoriser la reprise de celles-ci par le réseau afin que celui-ci soit un outil de progrès et d'enrichissement plutôt qu'un synonyme de danger.
Quatre convictions méthodologiques tout d'abord :
§ une démarche purement nationale est illusoire.
§ une démarche trop hâtive peut être contre productive : l'arsenal juridique actuel permettant de garantir le respect, sur le territoire national, des principales libertés individuelles et de l'ordre public, il convient, à court terme, d'analyser, de comprendre l'évolution de ce nouveau marché et de faciliter l'application et l'adaptation du droit actuel.
§ aucune démarche univoque ne sera efficace : il n'existe pas un remède, une solution unique pour répondre à la question du contrôle des contenus d'Internet ; à l'encadrement législatif et réglementaire doivent s'adjoindre des approches contractuelles, consensuelles, pédagogiques ou informationnelles ; ces approches correspondent à la sociologie du réseau (libertarisme post soixante-huitard) et répondent, dans certains cas, de façon plus efficace, à l'exigence de déontologie.
§ enfin, toute politique devra être orientée de façon positive, de façon offensive pour le développement des services français sur Internet, plutôt que de se limiter à un arsenal défensif.
Compte tenu de ces principes méthodologiques, les propositions pourraient être les suivantes :
A - Préférer l'autocontrôle au contrôle a priori.
Par sa structure d'interconnexion de plus de 70.000 réseaux et son mode de fonctionnement actuel, Internet semble difficilement s'inscrire dans un schéma de contrôle administré de type contrôle a priori : aucune autorité unique ne gère les flux de données, chacun peut à tout moment et de sa propre initiative être émetteur et récepteur d'informations ; celles-ci enfin ne connaissent pas les frontières. On voit mal, dans ces conditions, une réglementation contraignante d'autorisations et d'obligations de contenus se mettre en place, comme il en existe, au nom de la rareté des fréquences, pour la télévision.
Dès lors, les formalités actuelles extrêmement simplifiées de prestations d'une offre de service en ligne sont suffisantes et doivent être demandées au fournisseur de service et à l'éditeur (simple déclaration de l'article 43 de la loi de 1986), une telle déclaration pouvant même être supprimée pour les simples pages d'accueil individuelles, offertes par la plupart des fournisseurs de services à leurs abonnés ; ces déclarations doivent permettre d'identifier l'offreur, les services qu'il héberge ou qu'il édite. La seule question éventuelle est celle de savoir auprès de quelle autorité elles doivent se faire : Procureur de la République ou Comité des services en ligne ?
Dès lors, l'objectif sera, outre celui de mettre en place un contrôle a posteriori de droit commun efficace, de favoriser l'autocontrôle des acteurs.
1 - un contrôle a posteriori efficace.
Le système qui doit être mis en place pour les services en ligne s'inspire de l'approche de la presse : "tout est autorisé sauf ce qui est interdit". C'est donc l'application du droit commun et la sanction a posteriori par le juge.
Une telle approche nécessite une justice plus rapide et plus avertie des questions spécifiques d'Internet qu'elle ne l'est aujourd'hui.
En effet, un moyen efficace de dissuader les contrevenants d'Internet sur le territoire national est de mettre en place une procédure judiciaire rapide et efficace.
Pour cela, il faut tout d'abord informer l'institution judiciaire sur le nature, les services qu'offrent le réseau et les nouveaux délits qu'il peut susciter afin de définir progressivement les orientations d'une politique pénale ; une circulaire d'information pourrait être envoyée aux parquets, rappelant le droit applicable, le souci de favoriser des procédures rapides et de centraliser informations et poursuites à la Chancellerie afin de constituer rapidement un noyau d'expérience et de compétence ; faut-il aller plus loin et créer des "cyberjuges". Outre les difficultés juridiques que cela poserait, il semble plus utile de disséminer la formation dans tout l'appareil judiciaire, conformément au caractère décentralisé du réseau, tout en créant un lieu de centralisation de l'expérience acquise.
En revanche, la création de forces d'enquête spécialisées (cybergendarmes) apparaît souhaitable pour garantir une intervention rapide et efficace contre toute forme de délinquance sur le réseau.
Au-delà de la formation des juges, les délits commis sur Internet, éminemment volatiles et fugaces appellent des procédures nouvelles : le droit pénal permet au Procureur de la République de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser ces infractions ; cette disposition a fondé la saisie des matériels informatiques dans l'affaire Worldnet/Francenet. Dans certains cas, un dispositif plus léger serait utile et plus respectueux de la liberté d'expression : que penser en effet d'un serveur d'hébergement sur lequel un tiers aurait, dans l'intention de lui nuire, téléchargé des contenus délictueux et qui serait immédiatement saisi ; une procédure d'injonction pourrait être imaginée et, en cas de refus de l'intéressé, être suivie d'une saisie.
2 - favoriser l'autocontrôle des acteurs.
L'autocontrôle peut être défini comme toute démarche volontaire sur les contenus des différents acteurs dans un souci de protection de la personne ; il permet un contrôle en amont de la réception du message, au niveau de l'utilisateur ou de l'éditeur de contenu.
- Au niveau de l'utilisateur : le contrôle technique.
- Au niveau de l'éditeur de contenu : les codes de déontologie.
- Entre les différents acteurs : les contrats.
a) Le contrôle par les utilisateurs.
Le contrôle par les utilisateurs existe depuis longtemps sur le réseau à travers la Net étiquette : cette civilité mondiale veut faciliter la bonne utilisation du réseau par des règles de comportements non écrites (pas de publicité, pas de questions redondantes dans les forums,..) mais aussi faire respecter quelques valeurs universelles. Il faut développer cette étiquette, peut être la formaliser.
Outre ces règles générales, des dizaines de dispositifs techniques existent déjà auprès des fournisseurs américains et consistent en des logiciels de filtrage (Cyberpatrol, Netnanny,...) à disposition des parents interdisant l'accès à des sites comportant des mots-clés prédéfinis ; ces systèmes sont utiles dans la mesure où, à l'initiative de l'utilisateur, ils restreignent l'accès à des sites intuitifs ; cependant, leur efficacité est limitée : ils écartent de la même manière tout message inscrit sous le même mot-clé, quelle que soit l'orientation, délictueuse ou non ; ils peuvent conduire, de façon extrême, à bannir du vocabulaire d'appel des enfants et des parents, tout mot pouvant susciter une interprétation suspecte ; enfin ils peuvent, dans certains cas, déresponsabiliser les parents, faisant confiance à la machine pour assurer la surveillance de leurs enfants.
Certains moteurs de recherche (Altavista, Webcrawler) ont d'ores et déjà pris la décision de filtrer leurs logiciels à partir de mots clés "interdits" ; Yahoo, quant à lui, intègre tout ou partie de la technologie de Surfwatch au sein d'un site dédié aux enfants.
Toutes ces initiatives sont intéressantes même si la prolifération des sites Internet justifie une mise à jour permanente des listes de diffusion autorisées ; elles responsabilisent les utilisateurs et permettent d'établir au sein d'une communauté les mêmes valeurs.
Une démarche plus complète est celle de l'association PICS, association regroupant de grands acteurs américains (Apple, AOL, AT&T, Compuserve, Netscape,...) et France Télécom et offrant un système de classification des sites selon quatre critères (violence, nudité, sexe et textes) et cinq niveaux d'acceptabilité. L'objectif ici n'est plus seulement restrictif mais aussi informationnel. La difficulté dans ce cas est celle de l'organisme de classification et de sa représentativité et également celle du respect, par des initiatives largement anglosaxonnes, de la sensibilité spécifique européenne.
Il conviendrait dès lors, soit d'inciter chacun des éditeurs à s'autoclassifier soit de faire en sorte que plusieurs institutions indépendantes, proposent leurs propres classification selon des critères variés : l'on aurait ainsi par exemple la sélection des sites Web par les associations familiales, ou celle d'un journal, ou celle de l'Education nationale, chacun de ces organismes, en fonction de leur public de chalandise, recommandant ou non certains sites.
b) Les codes de déontologie.
De tels codes existent aujourd'hui dans la télématique ; il faut les étendre et les adapter aux services en ligne.
Il est en effet prévu que les recommandations déontologiques du CST figurent en annexe aux contrats liant France Télécom aux fournisseurs de services ; ces recommandations fixent des objectifs généraux de respect de la personne, de loyauté du service... Elles font partie des obligations contractuelles sur la base desquelles se déroule la prestation.
Les professionnels de l'Internet, fournisseurs d'accès, éditeurs, commerçants électroniques, doivent progressivement définir les conditions d'un développement harmonieux de leurs activités, dans le respect des droits de la personne et du consommateur. L'exemple britannique pour les fournisseurs d'accès est particulièrement éclairant et aborde la plupart des questions de déontologie évoquées plus haut ; de tels codes pourraient ainsi rappeler l'application du cadre légal français, fixer un cadre déontologique minimum, fixer les règles de responsabilités, fournir des contrats-types à l'instar de ce qui est prévu dans le cadre de déontologie actuel proposé par l'AFTEL, favoriser enfin la reconnaissance de label de qualité des prestataires.....
Les professionnels ont intérêt à la mise en place de tels codes car l'absence de démarche volontaire risque de conduire le gouvernement à une démarche plus administrée ; les pouvoirs publics y ont intérêt car l'adoption de ces codes par les professionnels eux-mêmes garantit de façon assez efficace, et conformément avec l'approche traditionnelle du réseau, le respect des droits de la personne et du consommateur. Les seules questions seront celles de l'agrément ou non de tels codes par les pouvoirs publics ou le comité des services en ligne ainsi que la détermination de l'instance professionnelle représentative.
c) Les contrats.
Les contrats peuvent donner une base légale à un filtrage du contenu sans susciter de réactions négatives de type censure. Deux contrats sont intéressés à ce titre : le contrat abonné/fournisseur, le contrat éditeur/serveur d'hébergement.
Un fournisseur de services peut ainsi s'engager auprès de ses abonnés de type familial à ne pas donner accès à des serveurs délictueux ; il constitue ainsi autour de lui une communauté de sensibilités qui partage les mêmes valeurs et le délègue pour les faire respecter. Une telle solution risque cependant de modifier le métier du fournisseur d'accès qui de distributeur du contenu va devoir surveiller celui-ci ; cela ne semble pas souhaitable, le contrôle parental, à la réception du message semblant préférable et facile à mettre en oeuvre.
L'autre contrat permettant de faire peser, de façon volontaire, des obligations sur le contenu est celui liant l'éditeur au serveur d'hébergement ; ce contrat peut prévoir le respect d'obligations concernant les mineurs, les consommateurs,... Il faut développer de tels contrats et prévoir éventuellement des contrats types recommandés par le comité des services en ligne ou par les différentes associations des professionnels de l'Internet.
Un cas particulier intermédiaire entre ces 2 contrats est celui de la page d'accueil de l'utilisateur : dans celle-ci, l'utilisateur/abonné devient éditeur et peut être soumis aux mêmes types d'obligations contractuelles que les autres éditeurs hébergés par le serveur.
B - Clarifier les responsabilités des acteurs.
La question de la responsabilité est une question juridique majeure concernant Internet ; elle ne concerne évidemment que les services en ligne de type "audiovisuels". Qui est responsable et donc éventuellement coupable d'un message délictueux au regard de droit français ? Que répondre dans le cas d'un serveur "miroir" installé sur notre territoire qui ne fait que réémettre de l'information venue d'ailleurs ? Dans le cas d'un serveur hébergeant quelques milliers de "home page" modifiables à tout moment par les intéressés ? dans le cas, plus connu maintenant après le référé UEJF, des news groups ? Dans le cas enfin, de "pointeurs" Web, partant d'un serveur "sain" vers un délictueux ? Les questions sont d'autant plus délicates que chacun, à tout moment, peut devenir éditeur. Le schéma de responsabilité doit donc être clarifié, compte tenu des principes généraux de mise en jeu de la responsabilité pénale.
1 - les principes de mise en jeu de la responsabilité pénale.
Dans le droit commun, une personne physique engage sa responsabilité quand il est prouvé qu'elle a matériellement exécuté l'acte prohibé par la loi. Elle est considérée comme l'auteur matériel des actes constitutifs de l'infraction qu'elle a accompli personnellement. Le ministère public doit, dans ce cas, faire la preuve non seulement de la réalité du fait délictueux mais aussi de l'élément intentionnel de son auteur.
A titre exceptionnel, la loi considère comme auteur, quelqu'un qui n'a pas accompli lui-même l'acte matériel constitutif du délit, mais qui a été simplement la cause intellectuelle de la commission de celui-ci. Il est alors prévu une présomption de faute. La faute qui consistera alors en une négligence résultant du seul fait de la violation ou du non-respect des prescriptions légales ou réglementaires n'a pas à être démontrée par le ministère public ; elle est présumée, et ne tombe que devant la preuve de l'absence de faute. Si cette preuve ne peut exonérer l'auteur, il y a présomption de responsabilité.
¨ Le régime de responsabilité de la presse et de l'audiovisuel se distingue du droit commun par un certain nombre de caractères spécifiques.
La responsabilité éditoriale a été instaurée pour la presse écrite par la loi du 29 juillet 1881, étendue aux services de communication audiovisuelle par la loi du 29 juillet 1982, et maintenue en vigueur par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Le législateur a souhaité instaurer un principe de responsabilité particulier, dérogatoire au droit commun, afin de simplifier son éventuelle mise en jeu. Le système réside dans le principe de la responsabilité de plein droit en cascade, c'est-à-dire la détermination a priori et automatique d'un responsable : le directeur de la publication, à défaut, l'auteur, et à défaut l'imprimeur, puis les vendeurs, les distributeurs et les afficheurs (article 42 de la loi du 29 juillet 1881).
Toutefois, le régime général de responsabilité subsiste parallèlement à ce régime spécifique et la responsabilité éditoriale ne s'applique qu'aux infractions de presse prédéterminées par la loi (chapitre IV de la loi de 1881).
Ces infractions sont les suivantes :
- provocation aux crimes et délits ;
- provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale (loi du 1er juillet 1972 modifiée par la loi du 13 juillet 1990) ;
- délit contre la chose publique ;
- délit contre les personnes (diffamation, injure) ;
- délit contre les chefs d'Etat ;
- diffusion de publications interdites (actes d'accusation de procédures criminelles avant leur lecture publique, etc).
Pour assumer cette responsabilité, le directeur de la publication doit être à même de contrôler les messages diffusés, c'est pourquoi l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, introduit par la loi du 13 décembre 1985 précise que le régime de la responsabilité en cascade ne s'applique que "lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public", c'est-à-dire lorsqu'il y a eu enregistrement. De ce fait, en cas d'émissions en direct, seule la responsabilité personnelle de celui qui a commis l'infraction peut être engagée.
De plus, les dispositions de la loi de 1881 et de celle de 1982 prévoient que les auteurs peuvent être poursuivis comme complices.
Plusieurs dispositions du code pénal ont rendu applicables le jeu de la responsabilité éditoriale à des infractions de droit commun commises par voie de presse écrite ou audiovisuelle.
C'est notamment le cas de l'infraction de l'article 227-24 du code pénal qui punit le fait, soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quels que moyens que ce soient et quelqu'en soit le support, un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message.
Aux termes de l'article 227-28 du code pénal, l'application de la responsabilité éditoriale est étendue aux infractions des articles 227-18 à 227-23 du code pénal :
- provocation de mineurs à l'usage de stupéfiants ;
- provocation de mineurs à la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ;
- provocation de mineurs à la mendicité ;
- fixation, enregistrement ou transmission de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique.
¨ La télématique a emprunté le régime de responsabilité du droit de la presse et de l'audiovisuel.
A l'exception des services qui relèvent exclusivement de la correspondance privée, tous les autres services télématiques constituent des services audiovisuels au sens de la loi du 30 septembre 1986 modifiée auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée par la loi du 13 décembre 1985.
En matière de responsabilité pénale, la jurisprudence a estimé que les délits télématiques ne sont pas commis par voie de presse lorsque les services ne constituent pas des publications de presse au sens de la loi du 1er août 1986 (message écrit, périodicité). Seuls les services proposant la consultation d'une base de données dont le contenu est préenregistré sont susceptibles d'engager la responsabilité pénale du directeur de publication pour les délits prévus au chapitre IV de la loi de 1881.
En outre, les fournisseurs de services doivent signer une convention avec France Télécom et s'engagent ainsi à respecter les lois et règlements en vigueur et l'image de marque de l'exploitant. Une annexe des conditions générales prévoit le respect d'un certain nombre de règles d'ordre déontologique (rappel des dispositions pénales applicables à la télématique, engagements de déontologie professionnelle et de surveillance des informations mises à disposition du public et des modalités de promotion publicitaire des services). France Télécom a le pouvoir de suspendre ou de résilier le contrat. Cette sanction doit observer un certain nombre de formalités (mise en demeure, respect des délais, consultation du comité de la télématique anonyme).
Il convient de rappeler que les juridictions ont toujours admis la non-responsabilité du centre serveur, par fourniture de moyens ou complicité. Le serveur est responsable du bon fonctionnement du service informatique mais s'exonère de toute responsabilité lorsque le dommage est dû à une faute de l'utilisateur. Seul le fournisseur de service a la maîtrise de la forme et du contenu du service.
Le juge a consacré le principe de la neutralité du transporteur (France Télécom) de messages. Cette exonération de responsabilité est toutefois subordonnée à l'absence de connaissance du délit ou de la violation de l'engagement contractuel avant ou au moment de la commission des infractions. (arrêt Midratel du 17 novembre 1992) ; dans cet arrêt, la Cour de cassation a consacré l'imputation du délit de l'article 284 alinéa 2 du code pénal au fournisseur de service, à titre principal pour avoir fait en sorte que "publiquement, l'attention soit attirée sur des occasions de débauche".
Cette position jurisprudentielle est à rapprocher des dispositions contractuelles aux termes desquelles le fournisseur de service s'engage à "effectuer une surveillance constante des informations mises à la disposition du public de manière à éliminer au maximum avant affichage les messages publics mêmes reçus en direct et susceptibles d'être contraires aux lois et règlements en vigueur (..) La mise en oeuvre de ces obligations fera l'objet de la part du fournisseur de service de contrôles aléatoires effectués manuellement". Le fournisseur peut ainsi voir sa responsabilité engagée à raison du contenu du service transmis.
La preuve de la faute, ayant pour objet une information transmise électroniquement, soulève de nombreuses difficultés dues au caractère instantané et fugace des messages diffusés. En vertu du décret du 6 avril 1987, le directeur de la messagerie se voit cependant imposer une obligation de conservation des messages. La plupart des messages des services télématiques font l'objet d'une mémorisation avant leur mise à disposition du public mais tel n'est pas toujours le cas, le stockage des informations dépend de la nature du message (boîtes aux lettres, pseudonymes, annonces...).
En outre, les messageries de correspondance privée ne peuvent être concernées.
2 - les options possibles.
Compte tenu de ces rappels, où trouver une logique pour guider le raisonnement alors qu'Internet apparaît comme un nouveau monde de communication ?
Une première règle doit être énoncée : l'éditeur, créateur de l'information mise en ligne, personne ou société, est responsable en premier chef de cette information. Il faut donc pouvoir l'identifier ; Internet n'étant pas un monde anonyme cela semble envisageable et les différents acteurs (serveurs d'hébergement, IAP, transporteur) doivent s'engager à fournir le l'identité de l'auteur en cas de procédure judiciaire ; en revanche, toute personne qui consulte des informations doit pouvoir rester anonyme à condition éventuellement qu'elle soit habilitée à les consulter (par login et mot de passe sans relation avec l'identité).
Une deuxième règle doit suivre : on ne peut être responsable que de ce que l'on est capable de contrôler ; de ceci découle une exonération de responsabilité pénale de la fonction de fourniture d'accès dès lors que celle-ci est purement technique, sans intervention éditoriale. Ces postulats étant posés, quel schéma de responsabilité envisager ?
¨ Transposition du droit spécifique de la presse et de l'audiovisuel.
Dans la logique de l'évolution du droit de la communication, la solution la plus immédiate consiste à transposer en l'adaptant le régime de la responsabilité éditoriale ; celui-ci s'applique, dès à présent, aux services de l'article 43 de la loi de 1986 sur la liberté de communication.
Sur la base du régime de la presse, l'implication des acteurs s'ordonnerait de la façon suivante :
- le directeur de la publication au sein de l'éditeur de contenu ;
- l'auteur du message incriminé ;
- l'imprimeur : entité chargée de la médiation informatique, le serveur d'hébergement ;
- le diffuseur ou l'afficheur : centre d'hébergement, fournisseur d'accès ou transporteur.
Sur la base du régime de l'audiovisuel : directeur de la publication ; auteur ; producteur : le serveur d'hébergement.
Compte tenu de ces éléments, le régime de responsabilité en cascade qui s'appliquerait aux services en ligne serait le suivant : le premier maillon juridique de la chaîne serait l'éditeur de contenu ; en second lieu, l'auteur, ces deux entités pouvant être confondues dans le cas d'un éditeur individuel ; en troisième lieu, la plate-forme d'intermédiation technique du serveur d'hébergement.
En revanche ne serait pas compris dans la cascade le fournisseur d'accès qui se borne à mettre en contact l'utilisateur avec le réseau, sans choix des services consultés et sans contrôle éditorial de ceux-ci ; serait exclu également le transporteur du fait du principe de neutralité en matière de télécommunications. Une responsabilité de droit commun, en revanche, serait toujours applicable à ceux-ci.
¨ Avantages du système.
§ Les victimes de l'infraction sont toujours assurées de trouver un responsable ce qui, dans le cas d'un réseau où les éditeurs de contenus sont à 80 % hors du territoire national, garantit le respect d'un certain état de droit.
§ L'automatisme de la cascade en fait un mécanisme simple et connu à mettre en oeuvre par le juge évitant les procédures judiciaires longues.
§ Le fait d'être exclus de la cascade, comme pour les fournisseurs d'accès ou les transporteurs, les exonère de toute responsabilité éditoriale sauf pour le juge à démontrer le contraire.
§ Un même message se verra identiquement contrôlé quel que soit le support d'accès par le consommateur : presse, audiovisuel et "on line".
§ Une telle présomption n'est pas irréfragable : les mis en cause pouvant toujours démontrer leur innocence.
¨ Inconvénients du système.
§ Rendre le serveur d'hébergement responsable, même par défaut, d'un message délictueux risque de porter atteinte au développement du réseau Internet en France dans la mesure où beaucoup de ces serveurs n'ont aucune responsabilité éditoriale réelle sur les informations stockées chez eux . Les news groups ou les serveurs miroirs par exemple, ne font que reprendre de l'information produite hors de France les home pages ne sont pas sous le contrôle du serveur ; le risque est dès lors grand de voir une partie non négligeable de l'activité en ligne quitter le territoire national vers un pays à législation moins restrictive.
§ Le système de la cascade, par la fixation préalable des responsables potentiels, implique la connaissance exhaustive de ceux-ci et l'invariabilité de leurs fonctions ce qui, dans le cas d'Internet, ne sera pas toujours vérifié.
§ La cascade nécessite la fixation préalable du message, formalisme qui devra éventuellement s'adapter aux réseaux ouverts.
¨ Application aux services en ligne des règles de droit commun.
L'autre solution est d'appliquer aux réseaux ouverts au public comme l'Internet un système de responsabilité de droit commun : en effet ces réseaux, en raison de leur spécificité (immatérialité du contenu, extraterritorialité et diversité des législations nationales, étendue des secteurs d'activité concernés, opacité juridique des liens entre acteurs, structure non centralisée du réseau et variabilité du rôle des acteurs...) constituent un nouvel espace de communication, sans rapport avec celui de la presse et de l'audiovisuel pour lequel il faut peut être inventer des règles particulières ; ils ne mettent pas en jeu la seule responsabilité de professionnels mais celle de tout utilisateur.
Dans ce cas et compte tenu des deux postulats énoncés plus haut, tous les acteurs (auteur, hébergeur, fournisseur d'accès, transporteur) pourraient être poursuivis comme auteurs principaux, coauteurs ou complices si ils ont sciemment mis à disposition du public des services contraires à l'ordre public dès lors que le ministère public aura prononcé leur participation à l'infraction et à charge pour celui-ci d'analyser les circonstances atténuantes éventuelles de chacun. Une telle solution est souple, permet de faire du cas par cas en fonction des responsabilités réelles de chacun ; elle part du principe de liberté et d'absence de responsabilité sauf à démontrer l'intention coupable ; elle correspond tout à fait aux principes de fonctionnement d'Internet, pragmatique et concret.
Une telle responsabilité ne doit pas conduire les fournisseurs d'accès ou les transporteurs à surveiller a priori les messages transitant chez eux ; en revanche, si il apparaît qu'après un avis négatif sur un service donné par le comité des services en ligne ils ont maintenu l'accès au dit service, l'intention coupable pourra être démontrée.
Sa principale faiblesse tient à l'incertitude juridique qu'elle peut créer auprès des acteurs, aucun d'entre eux, même les transporteurs, n'étant a priori exonéré de toute responsabilité. Elle peut donc également, quoique de façon moins automatique, favoriser le départ d'opérateurs du territoire national.
Conclusion.
Compte tenu des éléments ci-dessus mentionnés, il apparaît que le choix entre chacune des deux solutions est moins d'ordre technique que politique ; la mission pense qu'il est préférable d'adopter la deuxième solution.
C - Développer la coopération internationale.
1 - dans le cadre de la coopération judiciaire.
Comme nous l'avons souligné le droit international privé et le droit pénal international apportent de nombreuses solutions. En effet déjà les mécanismes généraux de l'extradition et de l'entraide répressive internationale peuvent, si les conditions de forme et de fond sont réunies, trouver à s'appliquer en cas d'infraction de droit commun commis sur Internet.
En outre, certaines conventions règlent les problèmes de conflit de loi par exemple la convention de Bruxelles de 1968, telle qu'interprétée par la Cour de Justice des Communautés européennes, en accordant à la victime d'une diffamation un large choix quant à la juridiction civile devant laquelle elle entend faire réparer son dommage.
Enfin, l'International users recquierements, adopté par le conseil des ministres de l'Union européenne en janvier 1995, prévoit l'obligation pour les opérateurs de réseaux de télécommunications de permettre l'interception des télécommunications aux autorités légalement autorisées.
De même, l'exequatur des décisions judiciaires est quasiment automatique pour les décisions prononcées par les juridictions des pays partis à la convention de Bruxelles de 1968.
Cependant des difficultés demeurent ; pour pallier celles-ci et favoriser l'entraide des Etats pour la répression des crimes et délits les plus graves commis sur Internet, il serait opportun de mettre ces questions à l'ordre du jour des réunions des Etats membres du Conseil de l'Europe signataires de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et solliciter des experts leur point de vue sur le sujet ; d'ores et déjà, la recommandation 95 R 13 du Conseil de l'Europe relative aux problèmes de procédures pénales liées à la technologie de l'information pourrait fournir les bases d'une entraide judiciaire ; il convient de mettre certaines de ces propositions en application dans chacun des pays ; par ailleurs, d'éventuelles modifications ou assouplissements pourraient être utilement apportés à ces textes internationaux.
Les grands absents de ces conventions sont les Etats-Unis avec lesquels la France est liée pour l'extradition par un accord du 6 janvier 1929 ; cet accord a la particularité de lister les infractions permettant la mise en oeuvre de la procédure d'extradition. En revanche, il n'y a aucun accord avec les USA en matière d'entraide répressive internationale ; ne serait-il pas opportun de mettre en place un accord ad hoc qui compléterait utilement la nouvelle convention d'extradition récemment signée et non encore ratifiée ? A court terme, il pourrait être envisagée la création de magistrats de liaison entre la France et les USA à l'instar de ce qui existe déjà avec l'Italie et les Pays-Bas.
Enfin, un mécanisme de coopération "informationnelle" du type Interpol pourrait être imaginé pour Internet.
2 - dans le cadre de la coopération politique.
¨ Au sein de la communauté européenne.
L'Union européenne est, par sa cohérence économique et culturelle l'instance internationale privilégiée pour élaborer, à l'instar de la directive Télévision Sans Frontière, des règles communes tant sur le respect d'une déontologie des contenus que sur des problèmes de méthodologie (responsabilité, loi applicable, coopération judiciaire).
Ces règles communes pourraient s'inscrire dans un projet de directive sur les services en ligne ; elles prévoieraient, ainsi, concernant la loi applicable, d'adopter le principe du droit du pays d'émission, ce qui serait cohérent avec les dispositions de la directive TSF et avec la reconnaissance de la responsabilité première de l'éditeur de contenus; pour les pays non membres, l'on adopterait en revanche le droit du pays de réception; des règles de transparence pourraient également être partagées notamment pour les services commerciaux.
Une telle harmonisation permettrait au marché européen de ne pas se fragmenter par des réponses nationales divergeantes et garantirait à l'utilisateur européen, citoyen ou consommateur, une certaine protection. En outre, il constituerait une forte incitation pour les étrangers et notamment pour les USA, de s'accorder avec l'Europe sur les conditions de l'édition sauf à se voir appliquer, en cas de conflit, le droit européen.
Concernant la coopération judiciaire, la recherche de règles communes, l'échange d'informations... seraient dans la logique du troisième pilier de l'Union européenne qui a pour vocation de lutter notamment contre les conséquences internationales indésirées de la libre circulation des biens et des personnes ; bien que cette coopération intergouvernementale repose sur l'unanimité, elle permet de prendre une position commune cohérente et favorise une action concertée efficace.
Partageant cette volonté de développer la coopération européenne relativement à l'Internet, François fillon a, lors du Conseil informel des ministres de la culture et des télécommunications d'avril 1996, indiqué que la France "était favorable à une initiative internationale sur la déontologie et la protection du consommateur".
¨ En dehors de la communauté européenne.
Les déclarations sur la société de l'information se succèdent dans des instances variées, le Conseil de l'Europe, l'OCDE, l'UIT...
Les problématiques évoquées vont de l'impact sur l'emploi et les conséquences sur l'équilibre Nord-Sud à la nécessité de faire tomber plus rapidement les monopoles sur les télécommunications et la réglementation sur la cryptographie.
Les réflexions qui ont démarré au sein du Conseil d'Europe permettront sans doute de préparer une doctrine juridique commune sur différents aspects de la société de l'information, avec notamment l'extension du concept de service universel au contenu et la protection de l'individu ; cependant, ces efforts de fond visent le long terme et une certaine universalité.
L'OCDE sert aujourd'hui de forum à d'importantes négociations concernant l'avènement de la société de l'information et les éventuelles barrières commerciales entre états qui pourraient le retarder ; sont notamment examinées les modalités d'utilisation des moyens de cryptologie et la place que doivent ou peuvent se réserver les pouvoirs publics dans le domaine.
L'Union Internationale des Télécommunications (UIT), organisation spécialisée de l'ONU, chargée de favoriser le développement des infrastructures de télécommunication dans tous les pays, s'efforce de trouver un moyen de faire accéder tous les pays à l'Internet dans les meilleures conditions, notamment en sensibilisant les pays qui ont la capacité de déployer des infrastructures.
Ces nombreuses déclarations et recommandations sur la société de l'information illustrent la prise de conscience progressive qui se fait jour concernant Internet et la nécessité d'une harmonisation juridique minimale permettant de résoudre certains problèmes concrets et de réprimer efficacement et rapidement les abus les plus graves ; elles soulignent également la nécessité d'une approche empirique face à un phénomène dont personne ne maîtrise les implications réelles dans la société de demain en termes éthiques, culturels, économiques ou sociaux.
Dans cette perspective, la réunion du G7 de juin 1996 pourrait être l'occasion d'une déclaration solennelle commune des Etats qui inviterait à une réflexion conduisant à ce que les pays s'accordent sur un minimum de principes communs, notamment pour la détermination de la loi applicable (pays d'émission ou de réception), la définition de responsabilités communes et le principe d'une coopération judiciaire accrue. Les membres du G7 pourraient également décider la création d'une cellule de conseil et d'expertise auprès d'eux afin d'éclairer leurs choix nationaux.
3 - dans les instances de l'internet.
D'après les contacts que la mission a pu avoir avec celles-ci, les différentes instances de l'Internet sont conscientes des questions qui agitent aujourd'hui le réseau et qui se font jour dans la plupart des pays.
Ces questions, dans la mesure où elles risquent de susciter l'insécurité des utilisateurs et, par là, freiner le développement du réseau, leur semblent inquiétantes ; nos interlocuteurs ont également reconnu que certains problèmes techniques ne peuvent être traités qu'au plan international (nommage, droit applicable,...). Dans ces conditions, une réflexion commune avec l'Internet Law and Policy Task Force pourrait être envisagée, à l'initiative française ou au niveau européen. Quelques exemples de champs de coopération non gouvernementaux :
§ attribution des noms de domaines permettant à chaque utilisateur d'avoir une adresse mondiale perenne lorsqu'il change de prestataire ou de région ;
§ définir un lexique descriptif commun à l'ensemble des pays pour les services Web semble utile ; l'utilisateur serait par là assuré du type de contenu auquel il souhaite avoir accès ;
§ chacun des NIC locaux pourrait enfin conditionner l'octroi d'un nom de domaine en respect de principes déontologiques. L'INRIA en France envisage cette possibilité ; de façon générale, la transparence des acteurs (identification, description des contenus, conditions des prestations...) doit être recherchée.
D - Le commerce électronique.
Le caractère transnational, non centralisé et multiforme de l'Internet laisse une place restreinte à l'intervention des pouvoirs publics ; les questions de localisation du contrat, de loi applicable et de droit de la preuve ne feront sans doute pas l'objet à très court terme de réponses cohérentes et universelles. Par ailleurs, le droit positif semble difficilement s'accorder, de part son formalisme avec l'instantaneïté des transactions commerciales qui interviennent dans le réseau. Dans ces conditions, la protection du consommateur s'organisera moins de façon centralisée et uniforme qu'à travers le contrat et grâce à des dispositifs techniques adaptés.
Le contrat permet en effet de fixer entre deux parties toutes les conditions nécessaires au bon déroulement de la prestation et notamment son lieu d'exécution et le droit applicable ; sa réalité et notamment l'authentification des parties sera assurée par différents procédés de type "signature électronique" que les experts doivent au plus vite valider aussi sûrement qu'une signature manuelle ; la jurisprudence a reconnu la validité des clauses contractuelles permettant de susbstituer à la signature manuscrite la signature électronique ; il faut poursuivre cette dématérialisation dès lors que la sûreté technique des procédés sera démontrée.
Néanmoins, l'intervention d'un tiers restera nécessaire, autant pour sécuriser la transaction, et éventuellement en garder la trace, que pour garantir la solvabilité de l'acheteur et la respectabilité commerciale du vendeur, assurer la prestation de confidentialité définie dans la nouvelle loi sur la réglementation des télécommunications, déclencher la transaction bancaire, garantir la qualité des prestations... Le commerce électronique sera vraisemblablement, à l'avenir, un "commerce à trois" et une nouvelle profession peut se constituer ; quelle sera la stratégie des différents acteurs du réseau (fournisseurs d'accès, serveurs de logiciels -Netscape)? Voudront-ils se positionner ou laisseront-ils ces acteurs plus traditionnels comme les banques devenir des "cyber-notaires" ?
Une autre question doit être résolue, celle de la fiscalité des transactions commerciales sur Internet portant sur des biens immatériels ; celles-ci, aujourd'hui, échappent à toute forme d'imposition alors que de la valeur ajoutée transite sur le réseau ; la solution est peut-être celle d'une convention internationale fixant le principe d'une "salestax" levée par le pays de destination ; un tel schéma est cohérent avec le commerce des produits manufacturés ou des prestations de services et légitime, compte tenu des services publics du pays de destination dont bénéficie le consommateur ; la difficulté sera évidemment de déterminer les modalités de recouvrement de cette taxe et notamment les acteurs qui en seront chargés ; les tiers de confiance pourraient, à ce stade, jouer un rôle important, soit en offrant à la demande du client un service de validation fiscale de la transaction, soit en percevant automatiquement, à la demande des Etats, les taxes intéressant la transaction qu'ils auraient par ailleurs validé.
Ces adaptations et ces initiatives doivent permettent d'élaborer un cadre de confiance pour le consommateur final, condition nécessaire au développement du commerce électronique. Les acteurs eux-mêmes doivent se mobiliser pour définir une charte commerciale claire des droits et obligations des "commerçants" vis-à-vis du consommateur ; l'Association Française pour le Commerce et les Echanges Electroniques (AFCEE) pourrait y travailler et envisager même la création d'un label garantissant la qualité de la prestation de service et "l'honorabilité" du commerçant ; il importe de se mobiliser rapidement dès lors que les grands distributeurs américains, soucieux de satisfaire des consommateurs habitués à un haut niveau de service, ne manqueront pas d'adapter leurs pratiques à ce nouvel espace de distribution "virtuel".
E - Créer un organisme de veille : le comité des services en ligne.
Face à l'extrême incertitude sur l'évolution d'Internet, ses techniques, ses usages et la stratégie des acteurs, il est utile de mettre en place un organisme de veille et d'analyse qui constituera progre ssivement un lieu d'expertise et d' "intelligence". Cet organisme conseillera le Gouvernement et formulera recommandations ou avis en matière déontologique ou pour d'autres objets.
En outre, recevant les plaintes des usagers, le Comité pourra, sur demande de ceux-ci ou du Gouvernement, mener des enquêtes très rapides sur des sites jugés litigieux, ses conclusions étant de nature à être versées dans une procédure pénale ; cependant avant l'enclenchement de celle-ci, le comité pourra avoir un rôle de médiation entre les parties. L'objectif est par la conciliation de résoudre les principales difficultés sans entrer dans une procédure officielle qui par sa publicité risquerait plus de faire connaître les sites litigieux que de les empêcher.
Enfin, le comité développera ses liens avec les instances internationales, publiques et privées, compétentes sur Internet afin de favoriser la mise en place d'une coopération sur ces questions. La composition du comité sera équilibrée entre les différentes catégories d'acteurs de l'Internet ; son fonctionnement devra s'appuyer sur le réseau des associations, des groupes de réflexion ou d'experts déjà existants, afin que, léger et réactif, il puisse répondre en temps réel aux questions posées par le réseau.
L'articulation de ce nouveau comité avec les organismes de régulation existants devra être précisée : il se substitue au Conseil supérieur de la télématique dont il reprend les compétences, tout en procédant d'une logique et d'une approche différente ; Il devra s'articuler avec le CSA en matière déontologique afin qu'une cohérence s'établisse sur les contenus, quel que soit le support de communication.
F - Favoriser l'information, la formation et la mobilisation des acteurs publics et privés.
Internet est une nouvelle forme de relation mondiale, "d'intimité" mondiale. Tout en s'efforçant de promouvoir la mise en place d'une déontologie sur le réseau et le respect d'un certain nombre de principes protecteurs des individus en tant que personnes ou en tant que consommateurs, il est nécessaire d'éduquer et de former les utilisateurs à ce nouveau monde. La "pensée critique" de ceux-ci, leur vigilance, est la meilleure garantie contre les excès du réseau et la meilleure protection de la jeunesse ; comme l'on apprend à ses enfants à vivre, à se comporter au sein d'une ville, il faut que les parents et l'école apprennent aux enfants les avantages et les dangers d'Internet, ce qu'ils peuvent faire et doivent respecter ; en un mot une sorte de nouvelle "civilité".
Pour cela, des campagnes d'information et de sensibilisation pourraient être lancées par les associations familiales et les administrations intéressées. Cette campagne comprendrait notamment l'adoption d'un Memento des droits et obligations sur Internet, rappelant la réglementation applicable ; l'éducation nationale, quant à elle, pourrait inclure dans les programmes scolaires des enseignements sur ces réseaux, l'Edunet, non pas tant dans leur appréhension technique mais plutôt dans les questions intellectuelles, éthiques ou civiques qu'ils peuvent susciter. Enfin, les municipalités devraient ouvrir des espaces gratuits de libre accès au Net, des "Resothèques", pour familiariser les utilisateurs et leur donner accès à des informations institutionnelles ou de service public ; ainsi se limiterait le risque que dénoncent certains d'exclusion de certaines catégories défavorisées du monde de l'Internet du fait du coût élevé de l'équipement ; pourquoi enfin, ne pas imaginer un numéro vert sur Internet ?
Outre cette pédagogie tournée vers le "grand public", il faut mobiliser les administrations, celles-ci vont être amenées à statuer sur de nombreuses questions : propriété intellectuelle et droit des marques, fiscalité, politique pénale, etc ; dans bien des cas, ses représentants ne peuvent trouver de réponses aux problèmes que posent les réseaux dans la méconnaissance qu'ils ont de leur fonctionnement technique et précis et donc de ce qu'il est possible de faire ; en outre, ils ne savent pas toujours comment exploiter à leur profit, les immenses potentialités qu'offre Internet. Il faut donc les informer et les mobiliser sur les adaptations à mettre en oeuvre dans leurs départements ministériels et les secteurs dont ils ont la charge. Un outil interministériel de coordination et d'impulsion semble nécessaire ; une telle délégation devra évidemment coordonner son action avec le comité des services en ligne, l'un animant la politique gouvernementale, l'autre "plus déontologique" se faisant le médiateur de la profession. Outre ce nouvel outil, un séminaire de formation des fonctionnaires ainsi que des séances systématiques de formation permanente doivent dès aujourd'hui être mis en place.
Il est nécessaire enfin, d'informer et de motiver les professionnels par la mobilisation des ordres professionnels, des chambres de commerce, ... afin que chacun des secteurs d'activité prennent conscience des enjeux liés au développement des réseaux ouverts au public : deux exemples parmi d'autres ? Quel avenir pour les professions réglementées ? Quelles conséquences sur le secteur de la distribution, le réseau pouvant assurer la fonction d'intermédiation, voire être lui-même la marchandise (téléchargement de logiciels) ? Comment assurer une meilleure promotion des produits français sur le réseau ?
G - Favoriser la présence française et francophone sur le réseau.
Internet aujourd'hui appartient au monde anglo-saxon. Outre sa traduction en termes économiques, un tel constat implique des choix de normalisation et de régulation ne correspondant pas nécessairement à l'approche française ou européenne et à ses valeurs. Nous l'avons vu, par exemple, pour les logiciels de contrôle. Il est donc vital d'être présent sur le réseau, dans les instances non gouvernementales qui existent déjà et dans les discussions qui s'engagent. La meilleure manière de se défendre contre Internet, si danger il y a, est d'y être ! Pour cela, la France a un potentiel exceptionnel d'expérience et de compétence du fait du Minitel ; toute cette industrie doit au plus vite valoriser ses atouts sur le Net et développer de nouveaux services. Pour les utilisateurs français, un serveur français de qualité sera toujours plus attractif qu'un serveur étranger ; il faut donc que notre industrie de mobilise sur les contenus et aussi sur les logiciels de réseaux. Il faut en outre renforcer notre représentaiton dan sles lieux où se dessine l'avenir du réseau : il n'y a que cent français sur les cinq mille membres de l'Internet International Foundation, très peu dans des instances techniques (Internet Architecture Board et Internet Engeneering Task Force) ou à l'Internet Society. Comment espérer dans ces conditions faire prévaloir un modèle "humaniste" à la française ?
Enfin, il faut poursuivre la mise en place d'"espaces francophones" car ceux-ci sont le moyen de favoriser le respect des droits et libertés de la personne auxquelles nous sommes attachés ; renforcer également le rôle du français comme langue véhiculaire, de communication entre les internautes afin de dépasser le taux de 2 % des échanges en français actuellement enregistrés.
(1) Chiffres Médiangles Mai 1996.
(2) Il s'agit de services dont l'objet est d'acheminer des signaux entre les points de terminaison d'un réseau sans faire subir à ces signaux des traitements autres que ceux nécessaires à leur transmission, leur acheminement et au contrôle de ces fonctions.