III - L'ENSEIGNEMENT DES EXEMPLES ETRANGERS.

A - Les USA.

L'exemple américain est intéressant dans la mesure où diverses tentatives de régulation de l'Internet ont été entreprises sur un marché plus mûr que le marché français.

L'Internet est beaucoup plus développé aux USA qu'en France : on estime ainsi à environ 9,6 millions les foyers en ligne en 1995 en raison notamment de la croissance exceptionnelle d'America on line, principal service destiné aux particuliers ; le nombre des foyers américains connectés atteindra 35,2 millions en l'an 2000, soit un tiers de tous les foyers du pays, selon une étude publiée par le Cabinet Jupiter Communication.

Diverses tentatives de régulation ont été entreprises aux Etats-Unis : les dispositions législatives du Communications Decency Act, adoptées en février 1996 à l'occasion du vote de la loi sur les télécommunications ; il se dégage toutefois une réaction de rejet très forte à l'encontre de ce texte qui semble prématuré ; les essais d'autorégulation des acteurs eux-mêmes qui apparaissent plus prometteurs.

1 - les principales dispositions du decency Act.

a) Au-delà de la mise à jour des dispositions législatives rendues nécessaires par l'apparition de nouvelles technologies, le Communications Decency Act of 1996 tend à renforcer la protection des mineurs d'une part, par la mise en place de dispositifs techniques dans les programmes audiovisuels et d'autre part, par l'extension du champ de protection aux messages à caractère "indécent".

¨ En ce qui concerne les services audiovisuels, un système de contrôle et de classification des programmes a été mis en place.

En liaison avec les organisations concernées, les industriels de la télévision disposent d'une année à compter de la promulgation de la loi pour développer un système de classification des programmes prenant en compte leur caractère plus ou moins violent et sexuel. Ils devront également édicter des règles imposant aux diffuseurs d'intégrer à leurs programmes un signal tenant compte de cette classification (article 551 du Communications Decency Act).

En outre, les fabricants devront, dans un délai maximal de deux ans à compter de la promulgation de la loi équiper tout appareil dont la taille d'écran est supérieure à 13 pouces, d'une puce électronique (V-chip) destinée à reconnaître le signal de classification diffusé et à offrir aux utilisateurs la possibilité de bloquer la réception de certains programmes.

¨ En ce qui concerne les réseaux câblés.

Le Communications decency Act of 1996 prévoit également des mesures de nature à renforcer la protection des mineurs. Les câblo-opérateurs doivent désormais, à la demande d'un abonné, brouiller individuellement l'une quelconque des chaînes faisant partie de leur bouquet sans frais additionnels (article 640 du Communications Act). Les diffuseurs de bouquet comprenant des programmes à caractère pornographique doivent brouiller ces programmes afin de s'assurer que des personnes n'ayant pas souscrit d'abonnement ne sont pas en mesure de les recevoir. Tant que cette obligation n'est pas remplie, les diffuseurs devront s'abstenir de diffuser ces programmes durant la journée dans une plage horaire que la FCC doit définir (article 641 du Communication Act).

Tout en réaffirmant que les câblo-opérateurs n'ont pas à exercer de contrôle éditorial sur les chaînes qu'ils proposent, la loi leur permet de refuser de distribuer un programme ou une partie de programme comportant des obscénités, des propos indécents ou de la nudité.

¨ En ce qui concerne les services de télécommunications et les services en ligne.

Le Communications Decency Act étend les sanctions pénales préexistantes en matière d'obscénité et d'indécence à l'ensemble des communications initiées à partir d'un appareil de télécommunications et non plus uniquement à partir d'un téléphone (article 223 a1 du Communications Act). Le fait d'utiliser des services interactifs en vue de diffuser des obscénités ou des propos indécents de nature manifestement offensante à l'intention des mineurs est sanctionné d'une amende et d'une peine de prison (article 223 d du Communications Act).

Cependant, afin de ne pas voir opposer la liberté d'expression aux personnes qui limiteraient l'accès à des programmes qu'elles jugent à caractère pornographique ou indécent, la loi prévoit que les utilisateurs et les fournisseurs de services informatiques interactifs ne pourront être tenus responsables de violation du premier amendement de la Constitution au titre d'actions prises de bonne foi pour limiter la disponibilité de contenus jugés offensants ou obscènes (Good samaritan blocking, article 230 c du Communications Act).

b) Si les définitions de l'indécence ou de la nudité sont unanimement contestées car elles apparaissent trop vagues et trop larges, le régime de responsabilité mis en place par la loi semble relativement équilibré.

Le Communications Decency Act prévoit que les fournisseurs et utilisateurs de services interactifs ne pourront être considérés comme étant les éditeurs d'informations obtenues auprès d'un fournisseur de contenus (article 230c du Communications Act).

Il précise le régime de responsabilité applicable aux opérateurs de réseaux de télécommunications en limitant cette responsabilité aux seuls cas où l'opérateur autorise l'utilisation de ses infrastructures en sachant qu'elles sont utilisées pour des activités prohibées par la loi (article 223a -2- et 223d -2- du Communications Act). La seule fourniture d'accès à un système ou un serveur à l'origine de telles activités ne peut être sanctionnée pénalement à condition que cette fourniture d'accès ne soit pas liée à la création de contenus et qu'elle ne fasse pas l'objet de publicité (article 223e).

La loi prévoit également qu'un employeur ne sera pas tenu responsable des actes commis par des employés hors du champ de leurs activités professionnelles (article 223e -4- du Communications Decency Act). De même, elle stipule également que lors d'une action pénale, des "mesures raisonnables et efficaces" visant à restreindre l'accès de mineurs à des serveurs (numéro d'identification, carte de crédit,...) suffiront à établir la bonne foi du défendeur (article 223e -6- du Communications Decency Act).

Conclusion.

Il convient de signaler que certaines des dispositions du Communications Decency Act font l'objet d'un recours en constitutionnalité pour violation du premier amendement de la Constitution des Etats-Unis qui garantit les libertés de parole, de culte, d'expression, de rassemblement et de manifestation contre l'autorité publique ; la Cour de Philadelphie a, dès à présent, conclu à l'inconstitutionnalité du Decency Act ; la question est désormais en appel devant la Cour Suprême. Par ailleurs, une Cour de première instance (District Court) de l'Etat du Delaware a enjoint provisoirement le Gouvernement des Etats-Unis, y compris la FCC, à ne pas appliquer les dispositions portant sur le brouillage de programmes à caractère sexuel. L'entrée en vigueur des dispositions les plus controversées du Communications Decency Act semble donc pour l'instant remise en question.

2 - les principaux enseignements de l'experience americaine relative à l'Internet.

a) Le Decency Act apparaît comme une initiative prématurée, conçue en appliquant un modèle audiovisuel clairement inadapté aux yeux des spécialistes de l'Internet.

Pour la plupart des interlocuteurs, le Decency Act a été adopté de manière prématurée car il ne repose pas sur une analyse de fond d'un concept nouveau et en pleine évolution.

¨ Un concept en pleine évolution.

Il s'agit pour beaucoup d'une industrie de transition qui est actuellement en perpétuelle évolution : certains estiment que les navigateurs vont croître car c'est le premier outil nécessaire sur Internet ; d'autres que les capacités du réseau vont exploser et qu'il est très probable que les compagnies de téléphone vont reprendre le leadership. Tous s'accordent pour dire que le marché va se restructurer. Beaucoup se demandent ce que signifie contrôle dans cette dynamique.

La plupart des industriels rencontrés estiment qu'il s'agit du premier acte politique vis-à-vis de l'Internet. Le Congrès aurait d'abord dû, selon eux, essayer de savoir ce qu'était l'Internet et quel était son fonctionnement avant de légiférer. Ils ont toutefois souligné qu'il existe maintenant un groupe de travail sur l'Internet en son sein. Certains vont plus loin et pensent que toute loi nationale visant l'Internet est insuffisante pour ce media à vocation internationale. Des lois de type législation maritime ou espace seraient selon eux plus appropriées.

¨ Un concept nouveau.

Les institutionnels (FCC, ministères) ont reconnu que la tentative dans le Decency Act de transposer d'anciens modèles à Internet n'était pas facile. Ils s'accordent à dire qu'il n'est pas nécessaire de prendre d'autres textes tant que la ou les techniques ne seraient pas stabilisées, sauf peut être en ce qui concerne les droits d'auteurs ; ils ne seraient pas mécontents que les tribunaux, à la suite du recours en constitutionnalité introduit, "gèlent" une partie des dispositions de la loi.

L'Internet se différencie en effet aux yeux d'un grand nombre de professionnels de la télévision pour deux raisons :

Beaucoup préconisent donc d'adopter le modèle du kiosque à journaux ou de la librairie plutôt que celui de l'audiovisuel.

Un grand nombre de personnes pense que les notions d'éditeurs et de distributeurs prennent un tout autre sens compte tenu du fonctionnement de l'Internet qui repose sur des terminaux interactifs comme les ordinateurs.

Les organismes de l'Internet ont une approche similaire. Ils pensent que l'Internet est un vecteur de diffusion de l'information et donc de démocratie et que la caractéristique majeure de l'Internet repose dans un degré d'intervention très fort des utilisateurs : n'importe qui peut devenir un éditeur.

b) L'auto-régulation par les acteurs eux-mêmes est la voie préférée : nombreux sont les professionnels qui prennent conscience de la nécessité de réguler le réseau par la mise en place de solutions technologiques, de codes de bonne conduite, la sensibilisation du grand public au fonctionnement et aux risques de l'Internet.

Cette volonté d'autorégulation est illustrée par l'attitude de la Federal Communication Commission (FCC) : celle-ci, face à la plainte de l'America's Carriers Telecommunications Association (ACTA) pour la fourniture de service téléphonique via Internet, a volontairement choisi de ne pas intervenir sur les services à valeur ajoutée comme ceux qui existent où sont fournis par Internet, notamment parce qu'elle pense que la croissance sera d'autant plus forte que la régulation ne sera pas pesante ; La Federal Communication Commission estime que le Decency Act relève d'ailleurs plutôt du Department of Justice et que la mission première de la FCC porte plus sur la régulation des infrastructures.

Pour la majorité des industriels, l'Internet est un magnifique instrument de croissance. Dans de nombreux cas, la technique aura la ou les réponses aux problèmes juridiques posés.

Reprenant cette philosophie, l'Internet legal forum a établi un premier jeu de propositions et compte démontrer qu'un code de bonne conduite "volontaire" allié à des solutions technologiques habiles est plus efficace qu'une législation mal conçue.

De nombreuses tentatives d'autocontrôle semblent voir le jour avec la diffusion de logiciels de contrôle imaginés par l'Association PICS qui regroupe un grand nombre de professionnels de l'industrie de l'informatique ou des télécommunications.

Une grande action de sensibilisation des utilisateurs a été entreprise par exemple par l'Interactive services association et la National Consumers League. Ces associations ont édité des dépliants et des brochures intitulés Project OPEN -the Online Public Education Network, afin de sensibiliser les utilisateurs aux dangers que peut receler l'Internet, faire connaître les réflexes ou attitudes à avoir sur le réseau, etc.

Il est intéressant de souligner l'ouverture d'esprit des professionnels et même la volonté de voir s'auto-réguler le réseau au fur et à mesure qu'il évolue ; un certain nombre de propositions ont ainsi été tout à fait bien accueillies comme par exemple la mise en place d'une classification des centres serveurs accompagnée d'une offre de logiciels de contrôle parental "multi-critère", les parents pouvant choisir ensuite leur référentiel permettant le blocage et/ou la sélection de sites selon leurs choix.

Enfin, depuis le 14 mars dernier, le Congrès étudie une nouvelle loi qui assouplirait le Decency Act : le Online Parental Control Act ; cette initiative de la député démocrate Anna Estroo démontre qu'un contrôle parental, à partir des outils de la plateforme PICS, est possible sur Internet et préférable à un contrôle gouvernemental. Un label L18 (moins de 18 ans) devrait bientôt apparaître.

Conclusion.

Il semble que les acteurs de l'Internet (organismes de l'Internet et une grande partie des industriels) soient conscients de la nécessité de "réguler" le réseau et favorables à ce que des discussions supranationales soient ouvertes, non sur des questions de contenus mais sur des questions de méthodologie : partage des responsabilités, loi applicable,... Les institutionnels américains semblent plus hésitants par rapport à une initiative internationale portant sur le droit de l'Internet sauf en ce qui concerne la protection des droits d'auteurs et une éventuelle coopération judiciaire car ils estiment qu'il s'agit d'un marché nord-américain et non mondial. Néanmoins, une cellule de réflexion a récemment été constituée auprès du Président clinton sur les questions de déontologie afin de définir pour la fin du mois de juin un message présidentiel .

B - Le Canada.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadien (CRTC) a entamé une réflexion sur l'Internet : il ne s'agit pas d'une réflexion strictement juridique car les canadiens privilégient l'autorégulation, sans exclure pour autant une certaine surveillance. Cette approche originale a déjà trouvé à s'appliquer en matière de violence à la télévision.

1 - l'approche canadienne de l'Internet : liberte et presence sur le réseau.

Pour les canadiens, Internet est une technologie et un marché encore jeune qu'il n'est pas question de censurer. L'attitude adoptée est donc celle d'une extrême prudence pour ne pas nuire à la liberté d'expression. Le régulateur n'a rien fait et ne compte rien faire dans l'immédiat.

De plus, il leur semble que la censure de l'Internet n'a pas beaucoup de sens : l'exemple de la Chine qui a essayé de restreindre l'accès au réseau en exigeant que l'accès à l'Internet se fasse uniquement grâce à quatre organisations étatiques n'est pas transposable à la France qui dispose de réseaux de télécommunications très performants ; l'exemple de Bavière est également un cas marginal, procédant plus d'un effet de surprise pour Compuserve qui ne se reproduira pas.

L'essentiel pour le Canada est aujourd'hui d'être présent sur l'Internet ; des mesures d'accompagnement peuvent le favoriser comme la baisse du coût d'accès (tarifs forfaitaires), l'instauration de dégrèvements fiscaux pour l'achat d'ordinateurs de particuliers ou d'entreprises ; il faut aussi offrir des services en anglais, au moins dans un premier temps, pour provoquer l'attrait et la curiosité envers la culture francophone (?).

2 - la methodologie canadienne : une demarche non juridique, modeste et ciblee.

La démarche retenue pour Internet veut s'inspirer de celle de l'audiovisuel à l'encontre de la violence. Quelle est celle-ci ?

La méthode est non juridique, modeste, ciblée et basée sur la preuve médicale :

Les chaînes de télévision ont créé un code de déontologie adapté leur thématique propre et agréé par l'industrie ; un code non agréé confère une publicité très négative à la chaîne. L'industrie, les parents et les professeurs ont reconnu l'existence de ce lien et reprise à leur compte la démarche.

Les producteurs ont classifié leur programme et une importante campagne de sensibilisation a été menée auprès des parents, écoles .... Enfin, le dispositif du "V-chip" sur les postes de télévision a été rendu obligatoire. Cependant, cette technologie n'est qu'une petite partie de la solution visant à combattre la violence à la télévision, 80 % de la solution résidant dans la sensibilisation, l'éducation populaire ou ce que l'on pourrait appeler "l'instruction médiatique".

Conclusion.

Le CRTC semble avoir retenu une approche modérée et réaliste de l'Internet. Cette approche ne signifie pas inaction puisque le CRTC estime que l'Internet appelle des solutions harmonisées au niveau international et que pourrait, par exemple, être imaginé la mise en place d'une structure commune de réflexion, et non de surveillance ; un groupe composé d'experts techniques de l'Internet au niveau du G7, qui aurait pour mission de conseiller les Etats ou les ministres, pourrait dans cette optique être utile.

C - La Communauté.

La Communauté européenne qui a initié depuis plusieurs années une réflexion sur la société de l'information ne pouvait pas se désintéresser du développement de l'Internet. Son interrogation sur ce réseau s'articule autour du bien-fondé de son intervention et de ses modalités. D'ores et déjà, force est de constater que certaines réglementations communautaires spécifiques assurent une protection d'objectifs d'intérêt général.

1 - compétence de la communauté.

La Communauté ne jouit que d'une compétence d'attribution, c'est-à-dire que ses activités peuvent et doivent se déployer dans un certain nombre de domaines limitativement déterminés par le traité ; le principe demeure la compétence nationale, la compétence communautaire étant l'exception.

Il est prévu, en outre, à l'article 235 du traité de la communauté européenne que si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun l'un des objectifs du traité, le conseil statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du Parlement, prend les dispositions appropriées.

L'article 235 précité a pour limite la règle de la subsidiarité, selon laquelle la communauté ne doit agir que lorsqu'un objectif peut être mieux réalisé au niveau communautaire qu'au niveau national.

La libre circulation des marchandises étant l'un des objectifs de la Communauté (article 59 de la CEE), une éventuelle intervention de la Communauté sur Internet peut se justifier au nom de la libre circulation de l'information. En effet, en l'absence d'un niveau de protection juridique équivalent entre Etats-membres, chaque pays tente d'élaborer sa propre législation, ce qui risque d'entraîner une fragmentation du marché intérieur ; rappelons que les mesures discriminatoires ne sont compatibles avec le traité que si elles peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.

Dès lors, l'objectif est d'élaborer une réglementation communautaire assurant un niveau équivalent de protection des objectifs d'intérêt général concernés afin de supprimer les barrières juridiques éventuelles créées par la disparité des réglementations nationales.

2 - approche generale d'internet.

La première étape de la réflexion de la Communauté sur la société de l'information se trouve dans la recommandation au Conseil européen intitulée "L'Europe et la société de l'information planétaire", plus connue sous le nom de rapport Bangemann. L'approche de ce rapport repose sur la distinction des infrastructures et des contenus. L'action réglementaire envisagée consiste à accélérer le processus de libéralisation sans appréhender les contenus ; elle vise à établir un cadre commun pour la protection des droits de propriété intellectuelle, de la vie privée et de la sécurité de l'information.

S'il existe toujours un consensus pour distinguer la prestation de service du contenu, la Commission a pris conscience de la complémentarité des secteurs "culture" et "télécommunications" qui doit permettre d'intégrer les valeurs culturelles dans le développement des nouvelles technologies.

La Commission essaie actuellement de déterminer les enjeux et les questions posés par l'Internet avant de s'engager dans une éventuelle intervention.

L'idée d'étendre le champ de la directive "Télévision sans frontière" aux nouveaux services, comme le souhaitaient certains Etats et le Parlement européen, a été abandonné ; le conseil des ministres du 11 juin 1996 a en effet estimé que le cadre actuel de ce texte relatif à la diffusion ne s'y prêtait pas. ; en effet, la diffusion est la transmission d'un point vers des points multiples alors que les nouveaux services fonctionnent par transmission d'un point à un autre.

Dans le contexte de la préparation d'un Livre Vert sur le développement des nouveaux services audiovisuels, la commission a lancé une consultation des Etats membres visant à approfondir la question de la protection des intérêts généraux : liberté d'expression, protection des mineurs, ordre public, respect de la vie privée.

Toutefois, les réponses des Etats se fondent sur le droit positif, alors que l'analyse juridique de l'Internet ne fait que commencer chez la plupart d'entre eux.

Pour prendre en considération les législations futures, la direction générale DG XV avait envisagé un mécanisme de transparence obligeant les Etats membres à lui adresser tout projet de texte ou de réglementation concernant les services en ligne ; devant l'hostilité des Etats et l'absence de base juridique de ce système, le projet a été abandonné.

Enfin, dans son Livre Vert relatif aux communications commerciales dans le marché intérieur, achevé en mai 1996, la commission souligne les conséquences du développement de l'Internet notamment au regard de la communication commerciale transfrontière ; selon la Commission, la nature même des nouveaux réseaux rend encore plus indispensable la mise en place d'un cadre réglementaire basé sur les principes fondamentaux du marché intérieur et, plus précisément, sur le principe du contrôle par le pays d'origine chaque fois que cela sera possible et approprié ; en effet, une fois qu'un message a été envoyé sur l'Internet, il peut être reçu instantanément en n'importe quel point du globe ; avec une réglementation confiant le contrôle du service au pays d'origine, il sera plus facile de retrouver les contrevenants.

3 - des textes specifiques protegeant les objectifs d'interet general.

Plusieurs directives horizontales ont été adoptées ou sont en voie d'adoption afin d'accompagner le développement de la société de l'information et de protéger le consommateur.

a) La protection du consommateur.

Il ressort clairement de l'article 129 A du Traité que la Communauté doit agir dans tous les domaines relevant de la protection des consommateurs et pas seulement dans les domaines ayant trait au marché intérieur.

La protection du consommateur est assurée notamment par la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de publicité trompeuse et le projet de directive concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance.

Ce dernier texte organise l'information précontractuelle, fixe le principe d'un délai de rétractation et celui d'une confirmation écrite des informations ; pour prendre en considération les nouveaux services, il est prévu dans la dernière version de la directive que l'écrit s'entendra de tout "support durable" à la disposition du consommateur ; dès lors la confirmation écrite des informations pourra prendre la forme d'un courrier électronique ; en revanche les dispositions relatives au délai de rétractation semblent difficilement adaptées à l'achat de biens immatériels.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l'article 13 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 donne la possibilité aux consommateurs de saisir le tribunal de leur domicile pour tout litige en matière de droit de consommation.

b) Protection de la propriété intellectuelle.

Cette protection est assurée par cinq directives :

§ la directive 91/250/CEE sur la protection juridique des programmes d'ordinateurs ;

§ la directeur 92/100/CEE relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle ;

§ la directive 93/83/CEE relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble ;

§ la directive 93/98/CEE relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins ;

§ la directive relative à la protection juridique des bases de données du 11 mars 1996.

c) Protection de la vie privée.

La directive 95/46/CEE du 24 juillet 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données institue un niveau de protection comparable à celui de la loi "informatique et liberté". Le champ d'application de la directive est plus large que la loi française, puisqu'elle appréhende le traitement du son et de l'image.

Le texte communautaire constitue un instrument pour les Etats membres leur permettant de contrôler les fichiers implicites existant sur l'Internet.

Conclusion.

A la lumière des travaux de la Commission, il apparaît que celle-ci, hormis des textes ponctuels, n'a pas encore défini sa position sur les services en ligne de type Internet ; elle attend les contributions des Etats membres aux différents Livres Verts tout en redoutant la multiplication de réponses nationales divergeantes.

D - Deux exemples européens : l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

1 - en allemagne.

L'Internet est un enjeu politique important entre les Länder et le Bund, ce dernier favorisant une approche libérale, fondée sur l'auto-limitation.

¨ Le débat constitutionnel.

Bund et Länder s'estiment tout deux compétents concernant l'Internet à l'instar du débat qui les a opposé depuis 1989, en matière de radiodiffusion, à la suite du recours du gouvernement bavarois.

L'objet du recours visait la décision du gouvernement fédéral du 8 mars 1989 d'approuver le projet de directive Télévision sans Frontières et la manière dont le gouvernement fédéral avait oeuvré à son élaboration jusqu'à son approbation par le Conseil des Ministres de la Communauté européenne le 3 octobre 1989 ; par une décision de 1995, la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a confirmé la constitutionnalité de la décision du 8 mars 1989 ; en revanche elle a considéré que la manière dont le Bund, à la suite de cette décision, avait représenté les intérêts de la République Fédérale lors de l'élaboration de la réglementation sur les quotas constituait une violation des droits de l'Etat libre de Bavière, et des Länder associés à sa démarche, au regard de l'article 70 de la loi fondamentale qui donne une compétence législative du droit commun comme aux Länder, le Bund n'ayant qu'une compétence d'attribution et au regard de l'article 24 qui autorise le Bund à consentir des transferts de souveraineté à des autorités interétatiques.

Il convient de préciser que l'arrêt de la Cour est intervenu avant l'insertion dans la loi fondamentale allemande d'un nouvel article ménageant aux Länder, via le Bundesrat, un droit de regard étendu sur les affaires audiovisuelles. En principe, ces nouvelles dispositions constitutionnelles devraient éviter ce type de conflit. En outre, la "loi de participation" prise en application de ces dispositions impose au Bund de tenir compte de l'avis du Bundesrat dans les domaines de compétence exclusive des Länder que sont, essentiellement, l'éducation et la culture. Il est clair que la décision de la Cour Constitutionnelle incite le Gouvernement à interpréter ces dispositions dans un sens favorable aux Länder qui ne peuvent toutefois s'exprimer que d'une seule voix, celle du Bundesrat.

L'Internet aujourd'hui fait donc l'objet d'un débat de compétence entre le Bund et les Länder, ceux-ci voulant voir appliquer le même raisonnement que celui ayant motivé la décision constitutionnelle de 1995 ; l'enjeu est de taille car l'approche et la compréhension des réseaux en ligne par chacune des parties sont fort différentes.

L'Internet aujourd'hui fait l'objet d'un débat de compétence entre le Bund et les Länder, ceux-ci voulant appliquer le même raisonnement que celui ayant motivé la décision constitutionnelle de 1995 ; l'enjeu est de taille car l'approche et la compréhension des réseaux en ligne par chacune des parties sont fort différentes.

¨ L'approche de l'Internet.

ù Lorsqu'il a présenté les grandes lignes directrices de la "loi multimédia", le ministre fédéral Jürgen ruttgers a "tenu à se faire l'avocat d'une analyse commune" entre l'Etat fédéral et les Länder en ce qui concerne tant les possibilités que le multimédia offre et les dangers qu'il recèle.

Après avoir rappeler la spécificité du multimédia, qui recouvre des formes élaborées de communication individuelle interactive et de communication de masse, le ministre a exposé les principales lignes directrices de la future loi multimédia ; celle-ci devrait :

§ assurer le libre exercice de l'activité grâce notamment à la libéralisation du marché des télécommunications ;

§ assurer la protection du citoyen car celle-ci est indispensable au développement des nouveaux médias ; la protection du consommateur ce qui implique que l'offre de nouveaux services doit être transparente ; la protection des données ce qui nécessite le respect du principe de la non collecte de données personnelles, préservant dans la mesure du possible l'anonymat ;

§ mettre en place un cadre réglementaire favorisant le développement de nouveaux services : il s'agit d'adapter la loi relative au droit d'auteur, réfléchir au cadre juridique permettant de reconnaître la validité d'une signature digitale.

Les allemands ont une conception très proche de la notre en ce qui concerne les actions à mener relatives à Internet ; tout comme l'Etat français, l'Etat fédéral ne tolérera pas que le multimédia permette la diffusion de programmes illégaux tels que la pornographie enfantine ou l'expression d'opinions extrémistes ; outre une adaptation du code pénal, le ministre allemand estime nécessaire de se mettre d'accord au niveau international sur ce qui possible et souhaitable dans la lutte contre l'utilisation abusive d'Internet. Par ailleurs, il estime que la loi doit définir clairement qui est responsable des contenus sur Internet. Pour lui, les responsables sont les personnes qui produisent et qui offrent ces contenus. L'autocontrôle des offreurs revêt donc une importance capitale. Ce n'est que lorsque l'autocontrôle, exercé par les utilisateurs, échoue que l'Etat doit intervenir.

ù Les Länder, en revanche, ont une approche beaucoup plus traditionnelle et veulent appliquer à l'Internet un modèle plus contraignant, comparable à celui de la radiodiffusion.

L'initiative assez rapide du ministre fédéral pour dévoiler les grandes lignes d'une loi multimedia vise à fixer un cadre dans lequel devront s'insérer les initiatives des Länder et limiter, par là, les tentations trop restrictives de ceux-ci, avant toute décision relative aux compétences respectives du Bund et des Länder.

2 - en grande-bretagne.

L'exemple anglais est intéressant car il favorise une auto-régulation des contenus dans une approche de droit commun à orientation libérale.

Le ministre des sciences et des technologies, Ian taylor a eu récemment l'occasion de résumer l'approche britannique de l'Internet : selon lui, le cadre législatif actuel est suffisamment solide pour s'adapter aux nouveaux supports électroniques et les lois actuelles permettent de sanctionner les contenus illégaux ; cependant il est certain que le développement du réseau risque d'aggraver le risque d'occurrence de tels contenus notamment ceux de pornographie enfantine, même si les informations manifestement illégales sont aujourd'hui marginales ; les industriels doivent donc coopérer afin de limiter les poursuites judiciaires. Pour les contenus non pas illégaux mais offensants, le Gouvernement, en dépit de fortes pressions de la part de l'opinion publique, préfère l'auto-régulation des acteurs. Face à un marché en pleine expansion, il importe de favoriser l'innovation et les initiatives plutôt que de risquer de brider celles-ci par une règlementation trop "efficace" ; les industriels doivent donc adopter des codes de bonne conduite à l'image de celui élaboré dernièrement par l'Internet Service Providers Association (ISPA).

Ce code, qui a vocation à s'appliquer aux membres de l'Internet Service Providers Association, se divise en trois parties traitant des exigences générales, des règles de promotion des services et des procédures et sanctions.

Les exigences générales portent sur :

§ la légalité : obligation de ne pas offrir des services contraires à la loi,

§ la décence : obligation de faire son possible pour s'assurer que les services offerts ne comportent pas de contenu à caractère violent, sadique, ou racial ou que ces services ne permettent pas ou ne facilitent la prostitution ;

§ l'honnêteté : obligation de s'assurer que les services ou contenus n'induisent pas en erreur par exagération, omission ou ambiguïté ;

§ la protection des données : obligation lorsque les données sont enregistrées de les communiquer en vue de permettre une régulation des contenus ; l'ISPA pouvant être un potentiel utilisateur de ses données, obligation d'informer l'utilisateur sur l'usage qu'il est fait de données à caractère personnel le concernant (comme le nom et l'adresse) ; obligation de donner la possibilité à l'utilisateur d'empêcher cet usage.

§ loyauté du service : obligation d'agir décemment, honnêtement et raisonnablement, notamment dans les relations avec les consommateurs.

Les obligations relatives à la promotion des services portent sur :

§ le champ d'application : obligation de se conformer aux règles du code de bonne conduite dans les annonces faites par voie de presse, de radiodiffusion, de téléphone ou de fax ;

§ l'information sur les prix : obligation de s'assurer que le prix du service est clairement spécifié dans les annonces promotionnelles, incluant la TVA le cas échéant ; toute charge additionnelle doit être précisée ;

§ la présentation du prix : obligation de présenter de manière lisible, horizontale afin de ne pas nécessiter un examen minutieux.

Les procédures et sanctions sont les suivantes :

§ l'introduction de la plainte : la procédure exacte d'introduction de la plainte n'est pas encore définie faute de statistiques fiables sur le nombre de plaintes qui seront déposées.

Deux procédures sont possibles :

§ la plainte peut être effectuée directement par un particulier auprès d'un membre de l'association ; celui-ci doit prendre les mesures nécessaires pour y répondre ; si le membre de l'association n'apporte pas de réponse satisfaisante au particulier, celui-ci peut saisir le secrétariat de l'ISPA ;

§ la plainte peut être déposée directement par un particulier au secrétariat de l'ISPA ; une fois le secrétariat saisi, la procédure suivie dépendra de la nature de la plainte. Le secrétariat a la charge de l'instruction de la plainte, il est autorisé à effectuer des consultations (par exemple auprès de l'Office of Faire Trading).

Le secrétariat s'engage à contacter, dans un premier temps de manière informelle, le membre de l'association mis en cause ; si celui-ci est en mesure de se conformer aux décisions du secrétariat mais refuse de le faire, ou si le membre viole de façon répétée le code de bonne de conduite, le secrétariat sera en droit d'enregistrer la plainte de manière formelle et de la notifier au membre concerné. Les membres s'engagent à respecter les décisions du secrétariat, y compris les décisions de sanctions. Dans le cas où un membre viole de manière répétée le code, le secrétariat peut l'exclure de l'ISPA.

ù Une autre illustration de l'approche de régulation des britanniques est celle mise en place pour les services audiotex.

Ceux-ci sont sous le contrôle de l'ICSTIS, Independant Commutter for the Supervision of the Standards of Telephon Information Service, organisme de droit privé, reconnu par le directeur général des Télécommunications.

Les missions de l'ICSTIS sont les suivantes :

§ édicter des normes en relation avec le contenu et la promotion des services audiotex à tarifs majorés (kiosque) ;

§ surveiller ces services audiotex et s'assurer que les normes susvisées sont appliquées grâce à des contrôles aléatoires ; les services qui ne sont pas pré-enregistrés, doivent être enregistrés en direct, l'ICSTIS pouvant visiter les locaux sans avertissements afin de les vérifier et d'interroger les animateurs sur leur connaissance des règles déontologiques ;

§ instruire les plaintes du public en relation avec le contenu et la promotion de ces services;

§ publier des rapports sur le nombre et la catégorie des plaintes reçues et les actions prises pour y remédier.

Le président et les membres de l'ICSTIS sont nommés par les autres membres, sous réserve de l'approbation de l'OFTEL.

Il existe deux comités consultatifs : le premier gère les relations ICSTIS -opérateurs de télécommunications, le second gère les relations ICSTIS- fournisseurs de services. Ces comités sont présidés par le président de l'ICSTIS.

Le budget de l'ICSTIS de 13,6 MF est prélevé sur les revenus de l'industrie de l'audiotex selon un pourcentage variable et selon des budgets annuels agréés par les opérateurs de réseaux.

Aux termes de contrats les liant aux opérateurs de télécommunications, les fournisseurs de services sont obligés d'appliquer les règles édictées pr l'ICSTIS et contenues dans un code de déontologie. Si un fournisseur de services ne respecte pas les dispositions ci-dessus, l'ICSTIS recommande alors à l'opérateur de télécommunications de couper ledit service.

Le schéma est donc celui d'une régulation stricte par les industriels eux-mêmes avec des moyens conséquents donnés à l'organisme de contrôle.