II - LE DROIT POSITIF ASSURE UNE PROTECTION SUFFISANTE QUI DOIT ETRE ADAPTEE AUX SPECIFICITES DE L'INTERNET.

L'analyse du droit positif français nous enseigne que la protection de la personne et du consommateur est assurée de façon satisfaisante par les règles du droit commun qui, pour la plupart s'appliquent à Internet ; le droit spécial, en revanche, de la diffusion ou de la télématique semble peu transposable à Internet qui procède d'une logique différente.

A - La spécificité de l'Internet repose sur l'imbrication des services et des acteurs qui rend difficile l'application a priori d'un régime juridique déterminé et global.

Le droit de la communication est aujourd'hui principalement régi par la distinction entre les services de correspondance privée et les services audiovisuels.

Les premiers sont soumis au code des postes et télécommunications et ne font l'objet d'aucun contrôle du contenu ; les seconds sont définis, par voie résiduelle, par la loi du 30 septembre 1986 et sont soumis à des obligations de contenu.

Les services sur Internet apparaissent comme hybrides.

1 - distinction communication audiovisuelle/correspondance privée.

La communication audiovisuelle est définie à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 comme "la mise à disposition du public par tout procédé de télécommunication de signes, signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée"

La loi du 10 juillet 1991 consacre le principe du secret des correspondances transmises par la voie des télécommunications, ce qui, au-delà des correspondances téléphoniques, englobe tous les réseaux et télécommunications, c'est-à-dire au sens de l'article L 32 du Code des Postes et Télécommunications "toute transmission, émission ou réception de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques".

Il n'existe pas de définition légale de la correspondance privée, elle doit cependant être distinguée de la notion de lettre postale (document actuel et personnel). La circulaire du 17 février 1988 relative aux services télématiques est venue préciser "il y a correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne physique ou morale, déterminée ou individualisée.

A l'inverse, il y a communication audiovisuelle lorsque :

§ le message est destiné indifféremment au public ou à des catégories de public, c'est à dire un ensemble d'individus indifférenciés, sans que son contenu soit fonction de considérations fondées sur la personne ;

§ le message transmis est à l'origine mis à la disposition de tous les usagers du service, à titre onéreux ou gratuit".

Cette circulaire énumère une série de services de communication audiovisuelle: services télématiques interactifs, services télématiques de presse, services de messageries par petites annonces, services téléphoniques mettant à disposition du public des messages préenregistrés, services d'informations téléphonées.

Elle prévoit également que le caractère mixte des informations circulant sur les réseaux n'empêche pas la détermination de leur régime juridique. Il suffit dans ce cas que le contenu du service relève en partie de la communication audiovisuelle pour que le service soit soumis au régime de celle-ci en matière de déclaration.

Il reste que la frontière entre communication publique et correspondance privée est parfois difficile à établir. Il s'avère parfois délicat de circonscrire la notion de public ou de catégorie de public. Au delà du caractère nominatif ou non du message, le critère semble être celui de l'aptitude du message à être adressé à tout intéressé ou capté par celui-ci et en particulier à des personnes qui n'avaient aucun lien préalable entre elles.

Le Conseil d'Etat (29 mai 1991, Fédération nationale des radio répondeurs) a jugé que "les services de téléconvivialité permettant l'échange d'informations ou de messages entre utilisateurs sur le réseau téléphonique ne constituent pas des services de communication audiovisuelle, au sens de la loi du 30 septembre 1986".

Selon la Cour d'appel de Metz (arrêt du 18 juillet 1980) "pour que la communication soit considérée comme privée, il faut non seulement que l'appel soit personnel, libre et privé, mais encore que l'ensemble de l'échange téléphonique le soit, c'est-à-dire ne présente aucune volonté positive et formelle de porter un acte de communication au public".

Cette définition inclut donc les opérations de téléconsultation bancaire ou les services de téléachat et de télétraitement (réservation de places, billets de transport...) qui impliquent des relations personnalisées entre les correspondants avec envoi d'informations nominatives et confidentielles (numéro de carte bancaire).

Il convient également de se référer aux dispositions prévues par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la publicité des délits.

La poursuite des délits prévus par la loi de 1881 requiert l'existence d'une certaine publicité. Il doit cependant au préalable être précisé que certaines publications, purement intérieures à un groupe, peuvent contenir des imputations qui ne sont pas réputées publiques mais elles peuvent néanmoins faire l'objet de poursuites prévues par les articles R 621-1 et 621-2 du code pénal (diffamations non publiques).

L'article 23 de la loi de 1881 prévoit que "seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout autre moyen de communication audiovisuelle, auront directement provoqué l'auteur à commettre ladite action".

L'ensemble des moyens envisagés visent un grand nombre de formes d'expression. De ce fait, avant que la loi du 13 décembre 1985 n'ajoute le terme de "tout moyen de communication audiovisuelle", les juges avaient appliqué la loi au cinéma, au téléphone ou à la radio.

Au-delà de la nature même des messages, l'article 23 exige que les paroles, cris ou menaces aient été proférés dans des lieux ou réunions publics. Il convient de distinguer les lieux publics par nature des lieux publics par destination : les uns sont ouverts à tous d'une manière permanente sans aucune condition particulière d'accès mais avec l'intention de se faire entendre par le public ; les seconds sont accessibles à tous ceux qui veulent y pénétrer sous certaines conditions (billet d'entrée...).

On remarquera ici l'intérêt de cette distinction pour les services d'Internet accessibles par le biais d'un mot de passe ou bien encore d'un abonnement, la condition d'entrée n'excluant pas la qualification publique du service.

Dans le cadre de la loi de 1881, la réunion publique relève d'une acception large dont la jurisprudence détermine les critères de façon assez aléatoire. La notion est tributaire du nombre de personnes qui y participent, des conditions d'admission et de tenue de la réunion ainsi que de la nature des relations existant entre les participants. Le critère du nombre de participants ne suffit pas à apprécier la nature publique ou non d'une réunion. Les conditions d'admission doivent permettre d'identifier les groupements privés dès lors qu'une personne étrangère n'a pu s'y infiltrer. Ainsi, un conseil d'administration ou un comité d'entreprise sont considérés comme des réunions privées en raison du nombre limité de ceux qui y sont invités et des conditions propres pour y assister.

Selon un raisonnement analogue, les forums de discussion qui invitent un groupe de personnes à échanger leurs opinions sur des sujets donnés conserverait un caractère public dans la mesure où les conditions d'admission sont assez libres et regroupent des personnes qui n'avaient pas de lien préalable entre elles. Ils ne pourraient être assimilés à des "réunions privées" sauf si un modérateur fait le tri préalable des messages et fixe la ligne éditoriale des discussions.

Il convient également de tenir compte du critère de la communauté d'intérêts sur lequel se fonde la jurisprudence pour affirmer qu'un groupe de personnes ne constitue pas un public au sens de l'article 23. La jurisprudence semble dominée par les critères de communion de pensée ou de convergence d'intérêts matériels. Ainsi, le personnel d'une entreprise ne constitue pas un public au sens de l'article 23 (Cass.Crim., 4 décembre 1973), alors que les membres de la police nationale ou les membres d'une association ( Cass.crim. 15 juillet 1981) représentent une communauté d'intérêts.

Toutefois, une réunion demeure privée dans la mesure où les propos tenus ne tombent pas dans l'oreille d'un public inconnu et imprévisible. Cependant, certaines réunions privées regroupent des personnes qui ne se connaissent guère (grandes associations par exemple) et les personnes n'ont entre elles pas davantage de relations que les membres d'une réunion publique.

En conséquence, le simple regroupement de plusieurs personnes sur un même serveur autour d'un thème donné ne devrait pas suffire à caractériser une "communauté d'intérêts".

Par ailleurs, l'élément de publicité résulte des personnes atteintes et non nécessairement du lieu où elles se trouvent. La publicité résulte de la mise en contact avec le public par vente, mise en vente ou distribution. Alors que la vente résulte d'un seul acte, la distribution exige que l'on ait touché un certain nombre d'individus autrement qu'à titre confidentiel en portant, envoyant ou donnant l'écrit ou l'image. La jurisprudence n'écarte la publicité résultant d'une distribution par envoi que si les destinataires sont déterminés et limités.

Ainsi, les messageries électroniques reliant des personnes d'une même entreprise ne constituerait pas un mode de publicité. On peut en revanche s'interroger sur la qualification d'acte de distribution dans le cas des listes de diffusion spécialisées sur Internet pour des messages concernant un sujet particulier.

En ce qui concerne le terme de "communication audiovisuelle" de l'article 23 de la loi de 1881, il convient de rappeler que la loi ne s'enferme pas dans une description des modalités techniques de la transmission des paroles ou des images. Destinées à être entendues de tous, les émissions de radio ou de télévision ont un caractère public, il en va a priori de même pour un ordinateur individuel. Même si la diffusion a lieu dans des endroits où le public n'a pas librement accès, l'infraction repose davantage sur la publicité des propos que sur celle des lieux. Le fait que la diffusion se fasse en domicile privé importe peu, le délit étant accompli dans tous les lieux où les émissions ou messages ont pu être reçus.

Il importe que les paroles aient été entendues par n'importe qui et qu'en les proférant, l'auteur sache qu'il pouvait être compris de tous.

Enfin, la jurisprudence analyse la condition de publicité sous l'angle de l'intention. L'auteur peut en effet transformer la nature privée d'un écrit en caractère public et inversement.

Les écrits et dessins privés, comme les autres formes d'expression de même nature, sont destinés à rester ignorés du plus grand nombre et possèdent de ce fait un caractère confidentiel qui les écartent a priori des effets de la loi de 1881. Il convient de distinguer les véritables modes d'expression confidentiels des moyens de diffusion semi-publics qui peuvent donner à l'expression un caractère répréhensif. Ainsi, dans le cas de lettres circulaires adressées à un nombre indéterminé de personnes bien que portant la mention "personnel", la CA de Paris a jugé que "pour déterminer le caractère public d'un écrit, il doit être tenu compte de la présentation et du contenu de cet écrit".

Conclusion.

Il ressort de cette analyse que les critères légaux, réglementaires et jurisprudentiels rendront difficiles une segmentation a priori des services offerts sur Internet en deux blocs : communication audiovisuelle et correspondance privée ; la plupart des services sont hybrides et l'on passe indifféremment de l'une à l'autre ; en outre un même service (e-mail par exemple) peut-être public ou privé selon les circonstances. Il appartiendra donc au juge, en tant que de besoin, de qualifier les services compte tenu des principes évoqués plus haut.

2 - la délicate application à l'internet.

La qualification des services est important puisqu'elle va déterminer le régime juridique applicable des services et partant des acteurs de l'Internet.

a) En tant que service audiovisuel utilisant un réseau de télécommunication.

Le régime juridique applicable aux services mis à la disposition du public varie en fonction des services et des supports. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle a mis en place deux régimes, un d'autorisation et un autre de déclaration.

Les articles 28, 29, 30 et 31 de la loi de 1986 prévoient que les services de radio et de télévision utilisant des fréquences hertziennes sont soumis à autorisation et conventionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Si ces mêmes services sont distribués sur le câble, ils sont soumis à conventionnement (article 34-1), le cablo-opérateur étant autorisé (article 34).

Si de tels services étaient distribués sur des réseaux autres que des réseaux câblés ou hertziens (réseaux de télécommunication), ils seraient soumis à l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986.

L'article 43 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les services de communication audiovisuelle autre que les services prévus aux chapitres I (télévision et radio utilisant la voie hertzienne et II (télévision et radio distribuées par câble) sont soumis à déclaration préalable. Une circulaire du 17 février 1988 est venue préciser quels étaient les services visés par l'article 43.

Les dispositions de cet article ont vocation à s'appliquer aux services en ligne de communication au public de type Internet.

Ainsi, tout service visé par cet article et utilisant les réseaux de télécommunication doit déposer une déclaration auprès du Procureur de la République. Il doit être porté à la connaissance des utilisateurs les éléments d'identification de l'exploitant du service (nom, prénoms ou siège social de l'exploitant, nom du directeur de publication, liste des publications).

La plupart des fournisseurs de services ou des éditeurs de contenu français ne connaissent pas cette obligation de formalités légales qui s'appliquent même aux pages d'accueil des utilisateurs (home page).

Outre cette obligation de déclaration préalable, les acteurs de l'Internet sont amenés à contracter avec les opérateurs de télécommunication pour utiliser les réseaux de télécommunications.

En effet, la réglementation prévoit des régimes distincts pour trois grandes catégories de service fournis au public :

§ la fourniture du service téléphonique, entre points fixes, est réservée à l'exploitant public;

§ la fourniture de services-supports(2), et notamment l'utilisation de liaisons louées, est autorisée de plein droit pour l'exploitant public dans des conditions fixées par son cahier des charges et autorisée pour les autres personnes ;

§ la fourniture de services à valeur ajoutée sur le réseau commuté est libre ; s'ils sont fournis à partir de liaisons louées, ils sont soumis soit à déclaration préalable, soit à autorisation, selon la capacité d'accès aux liaisons louées.

Les fournisseurs d'accès à Internet peuvent s'adresser à l'une des dix sociétés autorisées à fournir des liaisons louées : Transpac, Sprint International, Compagnie Générale de Vidéo-communication, Britisth Télécom France, SIRIS, SITA, Air France, Axone, Fax Link et La Poste.

Les services disponibles sur Internet correspondent à la fois à des services-supports (simple transfert de fichiers) et à des services à valeur ajoutée (messageries, news, etc...) ; étant fournis au public et utilisant des liaisons louées, ces services doivent être autorisés et/ou déclarés, conformément aux articles L 34-2 et L 34-5 du Code des P & T.

La future loi de réglementation des télécommunications va modifier ce schéma:

§ la fourniture du service téléphonique va être autorisée à compter du 1er janvier 1998 ; sous réserve de répondre à la définition du service téléphonique au public, tout fournisseur de service téléphonique via Internet devra être également autorisé ;

§ les services-supports et les services à valeur ajoutée seront libres, sous réserve du respect des exigences essentielles (sécurité des usagers et du personnel des exploitants de réseaux de télécommunications, protection des réseaux, interopérabilité des services et des équipements) et des prescriptions exigées par la défense et la sécurité publique. Ces services restent toutefois soumis à autorisation s'ils utilisent des fréquences hertziennes et à déclaration pour les réseaux câblés.

b) En tant que service dont la nature est de la correspondance privée.

Les correspondances privées sont secrètes et ce caractère protégé. Mais il est possible de renforcer la confidentialité en utilisant la cryptologie.

Le respect du secret est principalement garanti par des dispositions pénales.

La loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de télécommunications, qui s'inspire des prescriptions de la convention européenne des droits de l'homme, a pour but de protéger les libertés individuelles par la garantie du secret des correspondances émises par la voie des télécommunication et d'éviter que l'autorité publique porte atteinte à ce secret en dehors des seuls cas de nécessité prévus par la loi.

L'article 226-15 du code pénal réprime d'une peine délictuelle d'un an d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende "le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance".

La même peine est encourue pour le "fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser, ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions".

La notion de "correspondances émises par la voie des télécommunications" définit le champ d'application de la loi n· 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances. L'article 1 de ladite loi dispose en effet que le "secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi".

Or, il ressort clairement, aussi bien du rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale (rapport Massot pages 34 à 36), que des débats au Sénat (débats JO du 26 juin 1991, pages 2070 et 2071), que ce terme vise non seulement les seules communications téléphoniques mais aussi tous les modes de transmission de données (textes, d'images et de sons) dès lors que ceux-ci recourent aux procédés de télécommunications.

Le ministre de la justice a précisé lors de ces débats que le terme de "correspondance" devait être entendu au sens de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, à savoir comme une communication d'une personne à une autre.

Il convient de considérer que l'article 226-15 du code pénal s'applique aux utilisations à des fins de correspondance privée des réseaux et services de l'Internet.

Deux types d'interceptions sont légalement possibles :

Les dispositions relatives aux interceptions judiciaires incluses dans le titre premier de la loi du 10 juillet 1991, sont destinées à s'insérer dans le code de procédure pénale aux articles 100 à 100-7.

L'article 100 définit le cadre juridique dans lequel peuvent être ordonnées des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications. Il prévoit notamment que les écoutes judiciaires ne peuvent intervenir que dans le cadre d'une information judiciaire et ne doivent être autorisées qu'en cas d'infraction présentant "un certain degré de gravité", c'est-à-dire lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. La décision d'interception doit être écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.

Les dispositions du titre II de la loi visent à définir le cadre juridique dans lequel les pouvoirs publics peuvent, à titre exceptionnel, procéder à des écoutes administratives appelées "interceptions de sécurité". Cette catégorie d'écoutes doit se fonder sur des motifs légaux d'interception définis de façon limitative. Aux termes de l'article 3 de la loi, les écoutes administratives doivent en effet, avoir pour seul objet de :

"...rechercher les renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées".

La cryptologie vise à transformer, à l'aide de convention secrète, des informations ou des signaux clairs en informations ou signaux inintelligibles pour des tiers ou à réaliser l'opération inverse à l'aide de moyens logiciels ou matériels conçus à cet effet.

Le régime de cryptologie est défini par l'article 28 de la loi du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, modifiée prochainement par l'article 12 de la nouvelle loi de réglementation des télécommunications.

Cet article établit la liberté complète d'utilisation de moyens de prestations de cryptologie pour les fonctions d'authentification et d'intégrité, et la liberté pour les fonctions de confidentialité, à condition que ces dernières utilisent des conventions secrètes gérées par les organismes agréés par les pouvoirs publics (tiers de confiance).

Seule l'utilisation de moyens ou de prestations de cryptologie pour assurer des fonctions de confidentialité utilisant des conventions secrètes non gérées par ces tiers de confiance reste soumise à autorisation du premier Ministre.

On est donc passé du principe de déclaration prévu par la loi de 1990 au principe de liberté d'utilisation, le régime d'autorisation restant l'exception.

L'exportation reste, quant à elle, soumise à autorisation dès lors qu'il s'agit de moyens ou de prestations de cryptologie utilisés pour assurer des fonctions de confidentialité. Les tiers de confiance nationaux qui se mettront en place se rapprocheront sans doute pour proposer des prestations de confidentialité sur des communications transfrontalières.

B - Le dispositif législatif est suffisant pour sanctionner sur le territoire la plupart des infractions concernant la protection des personnes, des consommateurs et des données.

1 - les dispositions sanctionnant les atteintes a la vie privée.

La protection civile repose sur la combinaison des articles 9 et 1382 et 1383 du code civil.

Ces dispositions permettent à la fois au juge civil de prononcer toutes mesures propres à faire cesser l'atteinte à l'intimité de la vie privée (article 9 alinéa 2) et de décider, le cas échéant, d'une réparation du préjudice occasionné par l'auteur de l'atteinte (articles 1382 et 1383).

Il convient d'insister sur le caractère très souple et très complet de ce dispositif eu égard aux applications qu'en fait la jurisprudence :

§ en l'absence d'une définition légale de la vie privée, délimitation de celle-ci à partir des éléments retenus par les tribunaux comme en faisant partie ;

§ possibilité de sanctionner, quel que soit le support technique ayant servi à l'atteinte, des formes très diverses d'immixtion dans la vie privée ou de divulgation des éléments de celle-ci ;

§ rapidité et diversité des mesures pouvant être prises pour prévenir ou faire cesser l'atteinte, celles-ci devant toutefois être proportionnées à la gravité du trouble ;

§ flexibilité de la notion de faute (faute intentionnelle ou imprudente, fait positif ou abstention) ;

§ pouvoir souverain des juges du fond quant à la nature et au montant de la réparation.

Il ne fait aucun doute que la jurisprudence développée sur le fondement de l'article 9 du code civil puisse permettre, sur la base du maintien des textes actuels, d'appréhender les atteintes à la vie privée résultant de l'emploi des techniques de transmission et de stockage de l'information propres aux réseaux multimédias.

L'article 226-1 du code pénal réprime "le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter atteinte volontairement à l'intimité de la vie privée d'autrui" en captant, fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de la personne ses paroles ou son image.

Par ailleurs, l'article 226-2 réprime la conservation ou la diffusion de ces documents ou enregistrements.

Il apparaît que ces dispositions réprimant la captation et la divulgation illicite de l'image ou des paroles d'une personne sont, sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, susceptibles de s'appliquer à ceux des réseaux et services d'information et à celles des applications d'Internet qui gèrent des documents multimédias.

Il en va de même de l'article 226-8 du code pénal, lequel réprime la publication non autorisée, par quelle que voie que ce soit, de montages réalisés avec les paroles ou l'image d'une personne.

Il convient cependant d'observer que ces dispositions ont été jusqu'à présent peu appliquées, les victimes préférant agir sur le fondement de l'article 9 du code civil.

L'article 226-13 du code pénal, réprimant les atteintes au secret professionnel, permet d'incriminer la "révélation d'une information à caractère secret", quels que soient le support et les moyens utilisés pour celle-ci.

Ne peuvent cependant commettre une telle infraction en qualité d'auteurs principaux que des personnes qui sont dépositaires d'une information à caractère secret soit par état ou par profession soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire.

Il y a lieu, en revanche, de noter que la protection assurée par l'article 226-13 du code pénal est susceptible, sous certaines conditions, d'être étendue au delà des personnes concernées par l'obligation de secret professionnel.

Il peut en aller ainsi dans l'hypothèse du recel (art. 321-1 du code pénal), celui-ci pouvant porter sur des documents ou des données frauduleusement communiqués à un tiers par l'auteur de l'infraction.

Il en irait de même dans une hypothèse de complicité (art. 121-7 du code pénal) qui serait ainsi réalisée en cas de fourniture des moyens servant à la divulgation d'une information couverte par le secret professionnel, si toutefois cette assistance résulte d'actes antérieurs ou concomitants au fait principal.

Compte tenu de ces rappels, il apparaît que le tenancier du cybercafé de Besançon, dans l'affaire MITTERAND/PLON et GUBLER, aurait pu être poursuivi pour complicité et recel de violation de secret professionnel et atteinte à la vie privée.

2 - les dispositions protégeant les mineurs.

a) Il existe des dispositions non pénales protégeant les mineurs.

La responsabilité de l'éducation des enfants appartient en premier lieu aux parents. Cette mission emporte celle de contrôler les sites qu'ils visitent sur l'Internet.

En effet, l'article 371-2 du code civil dispose que l'autorité parentale appartient aux pères et mères pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Cet article ajoute qu'ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation.

L'autorité parentale permet aux parents de prendre toutes mesures pour assurer la protection de leurs enfants.

En cas de défaillance des parents, le juge des enfants peut prendre les mesures d'assistance éducative prévues aux articles 375 et suivants du code civil.

Par ailleurs, il existe des réglementations spécifiques à chaque media pour protéger les mineurs:

¨ Réglementations spécifiques à chaque média.

ù Pour la presse écrite la source de la protection se trouve dans la loi.

La loi du 16 juillet 1949 dans son article 14 prévoit un contrôle particulier des publications principalement destinées aux enfants et adolescents et un contrôle des publications en général susceptibles de présenter un danger pour la jeunesse.

L'article 2 prévoit que les publications destinées à la jeunesse ne doivent comporter "aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes et délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques".

La loi du 4 janvier 1967 a modifié l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 et habilité le ministre de l'intérieur à prendre des mesures d'interdiction des publications de toute nature qui recèlent un danger pour la jeunesse, en raison du caractère licencieux ou pornographique, de la place faite au crime et à la violence et, depuis la loi du 31 décembre 1987, à la discrimination et à la haine raciale, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants.

Les décisions du ministre de l'intérieur consistent en :

Ces dispositions sont cependant inapplicables à Internet en l'état, la loi de 1949 ayant limité son champ d'application à l'écrit ; est également inapplicable à Internet le contrôle administratif préalable pouvant déboucher sur une interdiction de circulation, de distribution et de mise en vente d'une publication étrangère prévu par l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 ; seule pourrait trouver application en théorie la "reproduction" sur Internet d'un journal ou écrit déjà interdit par arrêts du ministre de l'Intérieur ; en pratique, il y a lieu de penser qu'une telle infraction serait commise hors des frontières, ce qui rendrait les poursuites difficiles.

ù Pour ce qui concerne le domaine spécifique de l'audiovisuel, le mécanisme de protection repose sur la directive Télévision sans Frontières (TSF), la loi et les recommandations du CSA.

L'article 22 de la directive TSF oblige les Etats membres à s'assurer que les émissions de télévision ne comportent pas de "programme susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental, ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographiques". La Commission européenne s'est contentée de renvoyer aux autorités nationales le soin de définir les programmes pornographiques ou de violence gratuite et les autres c'est-à-dire les programmes susceptibles de nuire gravement aux mineurs et ceux simplement susceptibles de leur nuire. Elle laisse aux autorités nationales le soin de définir, pour le second type de programmes, l'horaire adéquat de diffusion et les moyens techniques nécessaires.

L'autorisation délivrée aux chaînes de télévision par le CSA, s'accompagne d'un engagement à respecter diverses règles définies par la loi, concernant notamment la protection de la jeunesse dans la programmation des émissions.

Le CSA se voit confier par la loi du 30 septembre 1986 la mission de veiller au "respect de la personne humaine et de sa dignité, à la protection de l'enfance et de l'adolescence", règles édictées dans le décret du 27 mars 1992 relatif à la publicité ainsi que dans les cahiers des charges des différentes sociétés de programmes, publiques ou privées.

Sur la base de cet article, le CSA a adopté une directive en date du 5 mai 1989 par laquelle il recommande aux chaînes de veiller à ce que les programmes diffusés avant 22H30 ne comportent pas de scènes susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public et de s'abstenir de diffuser des émissions, notamment des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, à caractère érotique ou d'incitation à la violence, entre 6 heures et 22H30.

En outre, l'article 26 du décret du 1er septembre 1992 en matière de câble prévoit en ce qui concerne les services émis depuis un pays membre de la CEE "la possibilité pour le CSA, de suspendre pour une durée n'excédant pas un mois, la retransmission de chacun des services lorsqu'une émission comporte des séquences susceptibles de nuire de façon manifeste, sérieuse et grave à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, comprenant notamment des scènes de pornographie ou de violence gratuite, alors qu'il n'est pas assuré par le choix de l'heure de l'émission ou par toute mesure technique que les mineurs se trouvant dans le champ de diffusion ne voient pas ou n'écoutent pas normalement cette émission, ou lorsqu'une émission comporte une incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité."

Le CSA est doté d'un pouvoir de décision et de recommandation mais également d'un pouvoir de sanction et de saisine d'autres instances. Il a la possibilité, sauf pour les émissions en direct, de visionner les émissions préalablement à leur diffusion.

Le respect de la déontologie fait ainsi l'objet d'avis épisodiques de l'autorité de régulation qui a déjà eu l'occasion d'infliger des sanctions pécuniaires à certaines chaînes pour diffusion de téléfilms trop violents et de scènes à caractère sadique et violent dans des dessins animés.

Le CSA tolère la diffusion de films érotiques après 22H sur les chaînes hertziennes ainsi que pour les chaînes cryptées comme Canal plus.

ù La protection est assurée en matière de télématique anonyme grâce aux recommandations du CST( Conseil supérieur de la télématique).

Le fournisseur de service télématique se doit de respecter les recommandations déontologiques figurant dans le contrat qui le lie à France Télécom.

Le conseil supérieur de la télématique (CST) et le comité de la télématique anonyme (CTA), créés par le décret du 25 février 1993, sont chargés de veiller au respect par les parties des engagements souscrits par le fournisseurs de service. Le CTA peut être saisi par l'une ou l'autre des parties au contrat en cas de différend relatif au respect des recommandations de nature déontologique applicable aux services télématiques anonymes, écrits ou vocaux (Télétel ou Audiotel) et à leurs conditions d'accès. Il est en particulier consulté par France Télécom avant toute décision de résiliation ou de suspension d'une convention.

Selon la convention "Télétel", le fournisseur de services s'engage tout particulièrement à respecter les engagements déontologiques parmi lesquels figurent le rappel des dispositions de l'article 283 et 284 du Code pénal ; dans le cadre de ces stipulations, doit être écarté, notamment, du système du kiosque télématique, tout service mettant à la disposition du public des écrits ou images susceptibles, par leur nature, de porter atteinte au respect de la personne humaine et de sa dignité, et de la protection des enfants et des adolescents et, de ce fait, de porter atteinte à l'image du service public, signataire de telles conventions kiosques".

En outre, le fournisseur de service s'engage auprès de France Télécom, en vertu de l'article 3 de la convention Télétel sur la promotion des services, "à être tout particulièrement attentif à la protection des mineurs et à ne pas employer dans sa communication publicitaire d'images dégradantes du corps de l'homme et de la femme".

Si le service ne respecte pas les obligations précitées à la suite d'une mise en demeure de France Télécom, l'exploitant public demande la résiliation ou la suspension du service et saisit pour avis le CTA. Ce motif est à l'origine de la majorité des avis prononcés par le comité.

Enfin, il convient de signaler que la loi n· 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et des services de l'information prévoit à son article 2 in fine que le titulaire d'autorisation est tenu de subordonner l'accès au réseau des fournisseurs de services déclarés, au titre de l'article 43 de la loi n· 86-1067 du 30 septembre 1986, à l'observation par ces derniers de "règles assurant le respect de la personne et la protection de la jeunesse et du consommateur".

b) Le code pénal comporte plusieurs infractions relatives à la mise en péril des mineurs.

Une section du Livre II du code pénal est consacrée aux infractions de mise en péril des mineurs ; péril physique ou moral.

Parmi ces infractions celle prévue à l'article 227-24 du code pénal est la plus générale. L'article 227-24 reprend pour partie l'incrimination de l'outrage aux bonnes moeurs actuellement prévue par les articles 283 et suivants. Son champ d'application est limité au cas où le message présentant un caractère immoral serait "susceptible d'être vu ou perçu par un mineur".

Mais, à d'autres égards, l'incrimination est plus étendue que celle de l'actuel article 283 réprimant, plus largement, les messages présentant un "caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine". La formulation retenue évoque en réalité les faits visés par l'article 2 de la loi n· 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

L'extension donnée à la notion d'atteinte à la moralité publique par l'article 227-24 semble d'ores et déjà poser certaines difficultés dans la pratique judiciaire.

Les parquets se montrant réservés pour poursuivre aussi largement que le texte le permettrait.

Les critères de l'article 227-24 sont considérés par la majorité des praticiens comme beaucoup trop vagues.

3 - les principales dispositions encadrant le droit de la consommation s'appliquent quel que soit le support.

Ces dispositions visent à assurer l'information des consommateurs, à encadrer certaines pratiques commerciales, notamment la publicité et la vente à distance, interdire un certain nombre de pratiques tendant à tromper le consommateur (abus de faiblesse, vente sans commande préalable, ventes liées) et à réglementer les conditions générales des contrats par l'interdiction des clauses abusives et le respect d'un certain formalisme sont applicables aux biens et services accessibles par des services en ligne de type Internet.

Il importe de préciser que les dispositions spécifiques à la vente à distance prévue à l'article 121-16 et suivants trouvent application. Elles garantissent aux consommateurs un droit de rétractation dans un délai de 7 jours à compter de la livraison du produit.

La loi du 21 mai 1836 et la loi du 12 juillet 1983 modifiée, réglementant les loteries, répriment la vente de marchandises effectuées par la voie du sort et, plus généralement, toute opération offerte au public pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort. Il ne semble pas, au regard des textes existants, que les sanctions pénales prévues par ces textes seraient applicables à Internet sauf à considérer que le lieu où est consulté Internet est la dépendance privée d'un lieu public. La législation fiscale sur le produit des jeux se trouve enfin, elle aussi totalement contournée par l'existence des casinos virtuels.

4 - deux lois garantissent la protection des données.

a) La protection des données à caractère personnel : loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les informations à caractère personnel ne sont librement disponibles ni dans leur accès ni dans leur traitement ; elles ne peuvent être librement publiées ou stockées dans une base de données ou un autre corpus qu'après autorisation et selon certaines modalités.

La loi de 1978 apparaît comme le texte fondateur de la charte des libertés et droits de la personne informatisée. L'article 1er de la loi constitue une déclaration d'intention qui dictent à cette loi son esprit : l'informatique doit être au service de chaque citoyen et doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles et publiques.

Les fichiers comportant des mentions nominatives doivent faire l'objet soit d'une autorisation, soit d'une déclaration préalable auprès de la CNIL. Cette loi impose aux détenteurs de fichiers des obligations relatives à la collecte des données et à leur conservation.

Le respect de ce texte s'impose aux acteurs de l'Internet et assure ainsi une garantie à ses utilisateurs.

En application de ce texte, les fichiers implicites ("cookies") retraçant les consultations de l'abonné devraient faire l'objet d'une déclaration à la CNIL ainsi que toutes autres collectes d'informations à caractère personnel.

b) Protection contre la fraude informatique.

La loi du 5 janvier 1988 dite "loi Godfrain" a introduit un certain nombre de dispositions pénales dans le but de protéger les informations véhiculées par l'informatique.

Les articles L 323-1 et suivants du code pénal portant sur les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données sanctionnent :

§ le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données ;

§ le fait d'entraver ou de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données ;

§ le fait d'introduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé ou de supprimer ou de modifier frauduleusement les données qu'il contient.

Manifestement, cette loi est un élément de sécurisation de l'Internet, puisqu'elle sanctionne toutes les atteintes susceptibles que pourraient subir les systèmes informatiques des utilisateurs.

C - Les dispositifs législatifs de protection doivent cependant être dans certains cas adaptés à certaines caractéristiques de l'Internet.

L'inadaptation de certains dispositifs législatifs de protection est due à trois caractéristiques de l'Internet : la transnationalité du réseau, la fugacité et la volatilité des contenus, l'évolution très rapide des techniques et des stratégies des acteurs.

1 - la transnationalité de l'internet.

80 % des serveurs étant aujourd'hui d'origine nord-américaine, la plupart des échanges sur l'Internet, marchands ou non marchands, dépassent les frontières françaises. Cette transnationalité est une source de difficulté d'application du droit pénal et du droit commercial.

a) Le droit pénal

Les règles générales de compétence du droit français permettent en théorie d'appréhender la plupart des comportements délictueux.

La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République (art. 113-1 du code pénal). L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ces faits constitutifs a eu lieu sur le territoire (art. 113-2 du code pénal). Pour un acte de complicité commis en France, bien que le crime ou le délit ait été commis à l'étranger, le complice pourra être poursuivi en France si l'infraction de base est poursuivable dans les deux Etats concernés (art. 113-5 du code pénal).

La loi pénale française est applicable aux infractions commises hors du territoire de la République dans les situations suivantes :

En outre la jurisprudence considère que la juridiction française est compétente pour connaître des faits commis à l'étranger par un étranger dès lors que ces faits apparaissent comme formant un tout indivisible avec les infractions imputées en France à cet étranger et dont elle est également saisie.

Toutefois, dans le cas d'Internet ces règles de compétence peuvent se heurter à des difficultés pratiques de localisation et de poursuite des contrevenants et de mise en oeuvre de la coopération pénale internationale.

En effet, le maillage du réseau, la multiplicité des opérateurs facilitent l'évasion d'autant que certaines pratiques, comme les sites miroirs, simples relais d'information, compliquent la recherche de la source du délit.

En outre, certains fournisseurs d'accès étrangers, notamment finlandais, permettent à des utilisateurs de rester anonymes lors de leur présence dans le réseau ; une des méthodes consiste dans l'attribution d'adresses à la volée qui autorise l'utilisateur à se faire adresser des messages à une adresse attribuée pour l'occasion tout en prescrivant son anonymat.

En fait, dans l'hypothèse où les contrevenants sont à l'étranger, l'efficacité de la procédure, de l'enquête à l'exécution de la décision judiciaire, dépend de la bonne volonté de l'Etat ou les Etats de résidence.

Le principe de territorialité de la compétence des agents de la force publique a conduit les Etats à développer une entraide répressive internationale qui peut être définie comme l'ensemble des moyens par lesquels un Etat prête le concours de sa force publique ou de ses institutions judiciaires à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par un autre Etat.

L'extradition est le moyen juridique d'obtenir d'un Etat (dit requis) la livraison d'une personne mise en examen ou condamnée qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (dit requérant) compétent pour punir et qui le réclame aux fins de mise en jugement ou d'exécution de sa peine.

Le droit extraditionnel est formé des lois nationales et des conventions internationales à défaut des pratiques internes ou des usages internationaux.

La France est liée par plus de cinquante conventions bilatérales dont chacune à son économie propre.

La France a ratifié la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

En l'absence de texte international le droit extraditionnel français est réglementé par la loi du 10 mars 1927.

Cependant, l'extradition ainsi que la plupart des autres formes d'entraide répressive ne sont possibles que pour les infractions répondant à une qualification pénale dans les deux Etats ainsi qu'à un minimum de gravité et n'ayant pas un caractère politique. Ces conditions limitent le recours à l'extradition dans le cas d'Internet.

Certes, des extraditions et des enquêtes ont déjà été opérées sur ces bases pour des faits commis à l'étranger.

A titre d'exemple les Etats Unis ont obtenu l'extradition d'Américains exploitant un serveur sadomasochiste au Mexique.

Cependant, la règle de la double incrimination sera souvent un obstacle aux actes d'enquête et de poursuite ; les Etats-Unis n'incriminent pas ainsi les propos racistes ou révisionnistes. Dès lors, aucune coopération n'est envisageable avec ce pays pour faire condamner des serveurs racistes qui y seraient installés ; de plus, dans la plupart des pays, les délits de presse et notamment l'incitation à la haine raciale, sont considérées comme des infractions politiques.

Au delà, il existe des Etats avec lesquels l'entraide judiciaire est quasiment inexistante. Ces Etats risquent de devenir vite des "paradis Internet".

Enfin, les mécanismes de l'entraide judiciaire induisent une lenteur, due notamment à la transmission diplomatique des actes, qui sera une source d'impunité, les preuves de l'infraction risquent de disparaître rapidement compte tenu de la fugacité des contenus.

b) Droit commercial.

Le commerce de biens immatériels est redevable des droits fiscaux. En revanche, l'absence de flux matériels se prête à l'évasion fiscale.

Il convient de constater que ce type de transaction est difficile à appréhender, non seulement par les services fiscaux mais aussi par les services douaniers. En l'absence de franchissement physiques d'une frontière on peut s'interroger sur le bien fondé juridique de la perception de droits de douanes.

En outre, le principe de l'autonomie de volonté des parties qui prévaut en matière contractuelle peut paraître un facteur supplémentaire d'insécurité juridique. En effet, ce principe signifie que les parties choisissent la loi applicable à leur contrat. Ce choix peut être implicite ou explicite.

En cas d'absence de choix de la loi du contrat, le juge est censé retrouver la volonté des parties telle qu'elle se manifeste dans la localisation de leur opération. Les indices retenus habituellement sont :

L'ensemble de ces règles s'applique sous réserve de textes spécifiques notamment les conventions internationales par exemple la convention de Vienne pour la vente, et le droit dérivé communautaire comme le projet de directive concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance.

Pour ce qui concerne les relations contractuelles internationales, en l'absence de stipulations définissant la loi applicable, les tribunaux auront de grandes difficultés à déterminer la volonté des parties dans la mesure où il s'agit de contrat à distance, sans écrit, et dont la langue utilisée est l'anglais non par volonté explicite mais par simple commodité.

c) Protection des données de caractère personnel.

L'article 24 de la loi du 6 janvier 1978 avait prévu un contrôle des flux transfrontaliers des données à caractère personnel. Cet article prévoyait que son application serait déterminée par un décret. Or, les pouvoirs publics n'ont jamais pris ce texte. Face à cette carence, la CNIL a dû inventer un cadre juridique pour ces flux par deux avis s'inspirant des techniques du droit civil : le transfert des données dans le respect des principes fondamentaux de la loi de 1978 peut être ainsi mis en eouvre soit par stipulations contractuelles, soit par engagement unilatéral du pays de destination. Ce mécanisme ponctuel devra être élargi aux flux de données sur l'Internet.

2 - fugacité et volatilité des contenus.

La fugacité et la volatilité des contenus est une cause de difficulté pour l'enquête pénale et pour l'application de certains textes.

a) Difficulté de l'enquête.

L'enquête pénale a pour but d'identifier l'auteur de l'infraction et d'établir l'existence des éléments constitutifs de celle-ci.

La preuve en matière pénale est libre.

Les infractions commises sur l'Internet seront souvent difficiles à établir.

Le message litigieux risque fort de disparaître. En plus, son auteur pourra se défendre en expliquant qu'il a été modifié par un tiers.

Le simple témoignage d'une personne ayant vu le message ou son enregistrement par un utilisateur de l'Internet n'aura pas la même force probante qu'un procès verbal constatant l'infraction.

Or, les personnes chargées de constater les infractions interviendront souvent tardivement.

b) Difficulté d'application de certains textes.

Quelques exemples :

¨ L'article 6 de la loi n· 82-652 du 29 juillet 1982 prévoit que toute personne dispose d'un droit de réponse dans le cas où des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle.

Ce texte s'applique évidemment aux réseaux en ligne.

Cependant, il est prévu que la réponse acceptée ou imposée doit être diffusée de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle du message (L. 1982, précité, art. 6 alinéa 4). Cette règle de diffusion équivalente, qui n'est que la reprise en matière audiovisuelle des principes régissant le droit de réponse que connaît la presse écrite, est quasiment inapplicable à Internet, dès lors que l'appel du document se faisant sur demande, il paraît difficile d'être assuré que la réponse ait une audience équivalente.

En outre, l'article 6 alinéa 11 de la loi de 1982 prévoit, afin de garantir la réalité du droit de réponse, la conservation des "documents audiovisuels nécessaires à l'administration de la preuve". Il s'agit, à l'évidence, de lutter contre ce qu'on peut appeler la fugacité de l'audiovisuel. Le délai de droit commun est de quinze jours, mais s'agissant de la télématique, il est ramené à huit jours :

"Les messages et tous autres documents nécessaires à l'administration de la preuve des imputations de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la réputation du demandeur doivent être conservés sous la responsabilité du directeur ou du codirecteur de la publication pendant huit jours à compter de la date à laquelle ils ont cessé". (D. 6 avril 1987, art. 8, al. 2).

Ce n'est pas toutefois le délai qui constitue le point qui mérite le plus d'attention. C'est davantage le fait que si les messages et documents nécessaires à l'administration de la preuve doivent être conservés, cela signifie, ou peut signifier a priori, que tout ce qui transite par le service doit être conservé en mémoire. On peut se demander si c'est là une chose parfaitement réaliste. Faut-il dans cette logique aller jusqu'à penser que les forums soient concernés par la mise en mémoire ?

¨ La protection des consommateurs est assurée par l'édiction de règles tendant à garantir le caractère éclairé de leur consentement. Pour ce faire la loi a prévu un délai de réflexion pour certains contrats et organisé un formalisme de protection. Ce formalisme étant d'ordre public, les parties ne peuvent y renoncer.

Ces dispositions semblent difficilement transposables lorsque la transaction porte sur un bien immatériel, tel le téléchargement d'un logiciel ; dans ce cas il y a instantanéité totale entre acte d'achat et de consommation.

Comment dès lors faire la preuve du point de départ du délai de rétroaction ?

En matière civile, la loi fixe les moyens de preuve qui peuvent être produits en cas de litige et en détermine le cas échéant, les conditions d'admissibilité et la force probante. La preuve est dite "légale".

Les règles de preuve de certains actes juridiques sont expressément imposées par le droit. Il en est ainsi par exemple, dès que l'acte exige, outre le consentement des parties, l'exécution d'une formalité spéciale.

Ainsi, pour les contrats "solennels", la formalité exigée est tantôt la rédaction d'un acte notarié (exemples : la donation, le contrat de mariage, le contrat d'hypothèque, la vente d'immeuble à construire), tantôt la rédaction d'un écrit quelconque (exemples : le gage, le bail rural, le contrat d'édition, la cession de brevet d'invention...).

L'article 1341 du code civil institue non seulement l'obligation de pré constituer un écrit dès lors que l'objet du contrat a une valeur supérieure à 5.000 francs, mais impose sa prééminence sur d'autres modes de preuve comme le témoignage.

Ainsi, même dans le cas où un écrit a été passé pour une somme égale ou inférieure à 5.000 francs, l'article 1341 exclut toute preuve par témoignage contre cet acte.

Il paraît difficilement envisageable de passer un contrat solennel sur Internet, l'officier ministériel devant être physiquement présent pour s'assurer du consentement des parties. Pour la preuve des autres actes, les parties peuvent toujours renoncer aux règles de preuve prévues dans le code civil, puisqu'elles ne sont pas considérées comme d'ordre public. La Cour de cassation a admis dans le cadre de contrat de carte bancaire la validité de la signature informatique.

Si, comme on vient de le rappeler, l'exigence d'une preuve écrite en matière civile sera difficilement adaptée au réseau Internet par nature instantané, le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale à l'instar du droit pénal, aboutit à la même difficulté que celle décrite pour une enquête judiciaire sur ce réseau. Il sera malaisé pour l'utilisateur d'apporter une preuve matérielle.

En conséquence, l'absence de formalité du droit commercial et le trop grand formalisme du droit civil semblent inadaptés au réseau d'Internet et risquent de favoriser pour le consommateur l'impression de vide juridique dans la mesure où il ne pourra pas faire la preuve de son bon droit.

3 - évolution très rapide des techniques et des stratégies.

Internet est un monde en rapide mutation où le statut et le rôle des acteurs sont éminemment variables : ceci rend difficile l'appréhension de la matière mais aussi la définition de catégories sur lesquelles est fondée toute approche juridique. Deux exemples :

§ les "cookies", tout d'abord, fichiers implicites tenu par le fournisseur d'accès retraçant les consultations d'un abonné ; ces fichiers peuvent se révéler utiles puisqu'ils permettent au fournisseur de connaître les sites préférés de son client et de les rapatrier sur ses machines diminuant ainsi le temps d'accès ; cependant, de tels "cookies" ne sont pas toujours connus des utilisateurs alors qu'ils constituent un risque pour la vie privée de ceux-ci; d'autres techniques peuvent apparaître et le droit doit apprendre à les connaître ;

§ autre exemple l'utilisateur : celui-ci peut à la foi être éditeur, serveur, consommateur... et cette confusion des rôles rend parfois difficile de trouver la règle de droit applicable.

Conclusion.

Même si l'Internet bouleverse les définitions classiques du droit de la communication fondées sur la distribution entre correspondance privée et communication audiovisuelle et contrairement à ce qui a pu être dit ici où là, il n'y a pas de vide juridique sur Internet mais au contraire pléthore de textes applicables ; certaines adaptations doivent cependant être mises en oeuvre par chaque branche du droit afin de faciliter le respect, par les services en ligne d'un genre nouveau, des règles protectrices de la personne et du consommateur. A plus long terme, une réflexion sur le droit de la communication à partir de quelques concepts communs à tous les supports pourrait s'engager.