I - PRESENTATION DU RESEAU INTERNET.

A - Historique du réseau : de la recherche militaire au réseau international.

L'origine de l'Internet se trouve dans une initiative de la défense américaine, prise au temps de la guerre froide, visant à réaliser un réseau de transmission de données grande distance entre différents centres, capable de résister à une destruction partielle.

Un tel réseau d'ordinateurs, Arpanet, fondé sur un maillage et la commutation de paquets de données, a été mis en oeuvre par des centres de recherche universitaire (UCLA, Stanford,...) grâce à des financements du ministère de la défense, puis étendu jusqu'à une quarantaine de sites au début des années 70. Pendant cette période, le réseau est présenté à d'autres pays occidentaux, et des travaux de normalisation (apparition puis diffusion des protocoles de communication TCP/IP, FTP...) et de déploiement sont entrepris, toujours sous l'égide de la défense américaine ; en 1979 l'Internet Configuration Control Board est ainsi créé.

En 1983, la Défense américaine isole la partie militaire du réseau (Milnet), ce qui permet à l'Arpanet de devenir l'épine dorsale du réseau Internet aux Etats-Unis. En 1990, l'Arpanet, désormais "civil", est intégré au réseau de la National Science Foundation, qui en financera le développement jusqu'en 1995.

En 1995, le réseau est remplacé par quelques grands réseaux interconnectés exploités par de grands opérateurs de télécommunication (MCI, Sprint, ...), ce qui ouvre la voie à une dynamique de développement résolument commerciale.

B - Structure physique et logique du réseau.

1 - ressources physiques de transport de l'information.

L'Internet aujourd'hui repose sur une juxtaposition de réseaux de niveau différent:

§ des réseaux continentaux servant de support à tous les autres réseaux (Ebone et Europanet pour l'Europe, MCInet, SPRINTlink, ANSnet-AOL et CERFnet aux Etats-Unis). L'interconnexion des différents réseaux supranationaux se fait, soit grâce à des organismes chargés de mettre en oeuvre l'échange de trafic entre grands réseaux (Global Internet Exchange - GIX), soit directement, par des accords d'échange direct entre opérateurs. Une telle démarche permet une croissance de "proche en proche", souple et décentralisée ;

§ des réseaux de desserte ayant leur propre dynamique de développement, pouvant eux-mêmes être organisés en plusieurs strates : par exemple Renater en France et sa vingtaine de réseaux régionaux, ou les réseaux de fournisseurs d'accès internationaux, tel Oléane, qui opère sa propre liaison transatlantique et raccorde lui-même ses différentes plateformes d'accès européennes par liaisons spécialisées ;

§ des fournisseurs d'accès régionaux qui desservent leurs abonnés au moyen de plateformes d'accès reliées aux réseaux téléphoniques locaux, interconnectées à l'Internet à travers des réseaux régionaux, voire leur propre réseau ;

§ des réseaux fermés, internes ou propriétaires, donnant l'accès à l'Internet à leurs abonnés (services en ligne du type America on Line ou Compuserve), ou fonctionnant sur la base des outils de compatibilité de l'Internet ("Intranet" d'une entreprise, accompagné éventuellement d'une passerelle sécurisée (firewall) vers l'Internet) ; ces réseaux ne font pas partie intégrante du réseau, dans la mesure où leur interconnexion ne conduit pas nécessairement à acheminer le trafic général du réseau.

En définitive, la structure du réseau Internet est décentralisée, très répartie, et l'on a pu ainsi le dénommer " le Réseau des réseaux" ; les différents acteurs interagissent en permanence pour gérer la croissance du trafic de façon optimum et utiliser au mieux les ressources du réseau.

2 - outils logiques de transport de l'information: protocoles, adresses et noms.

Le fondement de l'Internet est un langage de communication numérique (TCP/IP: Transmission Control Protocol over Internet Protocol) capable de faire passer sur tout type de réseau des données numériques, d'un envoyeur identifié vers un destinataire identifié.

L'Internet est constitué d'un ensemble de liaisons (réseau téléphonique, réseaux et liaisons spécialisés filaires, fibre optique ou satellite), de noeuds et de réseaux, qui constituent un maillage mondial par lequel transitent les communications entre les points terminaux.

Lorsqu'une communication est établie entre deux points, le message numérique à transférer est découpé en paquets avant d'être envoyé sur le réseau ; chaque paquet y transite de façon autonome, mais porte l'adresse au format IP du destinataire, et à chaque noeud, un routeur lit la destination et le retransmet sur les liaisons qui le rapprochent de la destination finale.

Ces routeurs se réfèrent aux tables de routage qu'ils mettent régulièrement à jour entre eux sur le réseau et à la connaissance instantanée qu'ils peuvent avoir de l'état du réseau et des liaisons qui le composent.

Ainsi, deux paquets successifs peuvent emprunter deux chemins différents selon les variations de l'état du traffic et des liaisons (rupture ou saturation d'une liaison, etc...) ; le message est reconstitué chez le destinataire à partir du réassemblage des paquets reçus.

C'est là la principale différence entre les communications sur l'Internet et les communications téléphoniques classiques : pour ces dernières, le réseau téléphonique établit, après que l'utilisateur ait tapé le numéro du destinataire, une liaison permanente qui restera active jusqu'au raccroché de l'une des deux extrémités ; ceci garantit une communication en temps réel, si l'on oublie les retards apportés par les éventuels tronçons satellitaires, mais la ressource n'est pas utilisée de manière optimale, puisque la consommation est la même quelle que soit la densité d'information véhiculée.

Sur l'Internet en revanche, la communication va emprunter une succession de liaisons dont aucune n'est réservée au début de la communication (à l'exception éventuellement de l'appel téléphonique entre l'abonné et le fournisseur d'accès). Chaque paquet est envoyé au noeud suivant en prenant place dans une file d'attente qui reçoit tous les paquets devant suivre la même direction. Ce mécanisme de fonctionnement assez simple est en revanche inadapté aux communications qui requièrent du temps réel (téléphone, vidéo en ligne) ; cependant, les évolutions futures des protocoles TCP/IP pourraient intégrer des mécanismes de réservation de capacité et de priorité pour ces nouveaux services (protocole IPV6).

De plus, si l'envoyeur et le destinataire connaissent a priori le point de départ et le point d'arrivée du message, et éventuellement le premier point d'accès au réseau, ils ne connaissent pas le chemin emprunté, car les paquets de données n'en gardent pas la mémoire. Certes, il existe des logiciels permettant de connaître la route suivie par des paquets, mais ils nécessitent une mise en oeuvre spécifique.

Inversement, les seuls points par lesquels transite nécessairement l'intégralité du contenu d'un message, en dehors des points terminaux, sont les points d'accès des usagers au réseau, la plateforme d'interconnexion de l'offreur d'accès.

Les machines qui se connectent au réseau Internet ont une adresse IP qui peut être permanente, ou bien une adresse IP attribuée "à la volée" par le fournisseur d'accès pour la durée de la session de raccordement. Dans ce dernier cas, la traçabilité de la connexion s'arrête chez le fournisseur d'accès, mais ce dernier sait qui il raccorde.

La distribution des adresses (adresse informatique des machines raccordées selon le protocole IP) se fait par blocs de numéros négociés par les opérateurs techniques auprès d'organismes ayant reçu délégation de l'Internet Assigned Numbers Authority, le RIPE-NCC en Europe. C'est la saturation prévisible de ces adresses, au maximum de 32 bits aujourd'hui, qui va imposer une évolution du protocole IP.

L'adressage IP des machines est nécessaire mais non suffisant pour permettre de communiquer sur Internet. Le système d'accès aux ressources de l'Internet fonctionne selon une organisation syntaxique URL (Universal Resource Identifier) basée sur le nommage des machines (adresse IP et noms logiques, localisation physique des ressources, ...) et sur les protocoles Internet (FTP, HTTP, ...).

Les noms de "domaines" - du type "telecom.gouv.fr" - sont attribués par zones géographiques et nécessitent une gestion fine, condition d'une croissance harmonieuse du réseau.

Chaque utilisateur a donc une adresse électronique de type Dupont @ compuserve.fr ; le signe @ signifiant "chez" et compuserve étant un exemple de fournisseur d'accès.

Le nommage des domaines est assuré par l'INTERNIC au niveau international qui peut déléguer sa compétence au réseau des NIC nationaux. Le NIC-France est géré par l'INRIA et attribue les noms de domaine indexés par ".fr" aux fournisseurs d'accès qui les sollicitent pour eux-mêmes ou pour le compte de leurs clients.

C - Services offerts par le réseau.

Le réseau Internet offre aujourd'hui un grand nombre de services, qui ont en général été développés par des groupes d'utilisateurs (universités, etc..), lorsqu'ils en avaient besoin, puis repris et diffusés dans l'ensemble du réseau. Certains services sont déjà tombés en désuétude, d'autres apparaissent et connaissent une progression fulgurante.

1 - les services les plus répandus.

Les principaux services qui touchent le grand public aujourd'hui sont :

§ la messagerie électronique qui permet d'envoyer un message dans la boîte aux lettres (BAL) électronique d'un destinataire connecté à Internet ; il existe toute une gamme de possibilités : correspondance de personnes à personnes, correspondance de personnes à plusieurs personnes choisies par l'émetteur, correspondance vers une liste de personnes (list serv, majordomo);

§ les forums de discussions ou news groups avec une BAL par groupe : il s'agit de groupes de discussions informels interconnectés sous formes de contributions personnelles accessibles en lecture pour tous. Trois modalités existent :

ž modéré : sorte de courrier des lecteurs placé sur la surveillance d'une personne, le modérateur qui organise la discussion ;

ž semi-modéré : sorte de tableau d'affichage ;

ž libre : aucun contrôle, proche du dazibbao chinois.

§ le transfert de fichier : il s'agit d'échange de données à distance ;

§ le World Wide Web (W3) "la Toile", service permettant d'accéder à des serveurs multimédia interactifs, généralement limités pour l'instant à du texte, des images fixes, des liens directement accessibles avec d'autres pages et d'autres serveurs -liens dits hypertextes-, et des formulaires permettant de répondre au serveur. Ces attributs sont décrits grace à la norme HTML, hypertext markup language.

Le World Wide Web a été inventé au CERN en Suisse en 1989, puis intégré dans une université américaine dans le logiciel Mosaic et racheté par la société Netscape, qui en diffuse depuis 1993 une version commerciale qui, de par sa convivialité sans précédent, est à l'origine de la croissance exponentielle du nombre de connections sur le réseau.

L'accès aux différents sites de l'Internet est possible soit en indiquant leur adresse, soit en envoyant des mots-clés à un "moteur de recherche" (lui-même sous forme d'un serveur W3: Altavista, Lycos, Netscape...) qui renverra la liste des serveurs qu'il a pu identifier comme correspondant à la requête. Ce processus connaîtra sans doute d'importantes évolutions, d'une part en en affinant la recherche pour limiter le nombre de réponses, d'autre part en donnant au moteur une valeur ajoutée éditoriale.

2 - les nouveaux services.

Accessibles directement à partir des serveurs W3, de nouveaux services se développent rapidement :

§ du son : les flashes de France Info sur le serveur de Radio France par exemple, mais ce service est déjà utilisé pour faire de la promotion d'oeuvres musicales, en général par extraits ;

§ des images animées virtuelles (norme VRML: Virtual Reality Modelling Language permettant des images animées en 3 dimensions), qui sont à la base des "rencontres virtuelles", notamment chez Alphaworld : les parties participant à la rencontre commandent chacune un personnage qui les représente dans un décor virtuel où évoluent également les autres parties ;

§ des images animées réelles (en temps différé sur le serveur de Sony, en temps réel sur le serveur de Vtcom), qui diffuse les nouvelles régionales de France 3 par une communication temps réel ;

§ de la téléphonie vocale aujourd'hui en duplex (Netscape V3.0, Vocaltec...), service qui peut induire des changements fondamentaux dans l'économie des réseaux et la stratégie des opérateurs et ceci, indépendamment de l'ouverture des monopoles ;

§ du téléchargement en ligne d'applications intégrées aux pages W3, grâce aux langages Java et Javascript, proches du langage C, mis gratuitement à disposition par Sun ; le champ des possibilités ouvertes est ici probablement extraordinaire, puisque l'on déporte une partie de l'application chez l'utilisateur, ce qui permet de conjuguer interactivité locale et distante ; les premières applications sont des jeux.

Enfin des services de commerce électronique sont disponibles sur le réseau, sous forme de supermarchés virtuels, de plateformes de téléchargement de logiciels et d'images ; l'Internet peut donc générer du commerce à l'extérieur et à l'intérieur du réseau.

En ce qui concerne les nouvelles applications, l'Intranet mérite une mention particulière : il s'agit de réutiliser la technologie et les produits du monde Internet pour restructurer les réseaux internes des entreprises à moindre frais. En effet, les grandes sociétés ont développé au cours des années sur leurs différents sites des réseaux internes, qu'il s'agit aujourd'hui d'interconnecter ; ces réseaux étant souvent incompatibles, la solution la moins onéreuse est d'y implémenter les normes de l'Internet, ce qui les rend compatibles sans avoir à développer des passerelles spécifiques et coûteuses.Ceci permet également à l'entreprise de bénéficier en interne de tous les services standardisés sur l'Internet. On peut imaginer que cette évolution conduira à l'apparition de services très évolués dans l'entreprise (vidéoconférence, travail en groupe à distance), mettant à profit des liaisons internes dont la qualité sera facile à maîtriser et à faire évoluer.

D - Le mode d'évolution des normes de l'Internet.

Fait de l'interconnexion de multiples réseaux, dépassant le territoire d'un Etat ou d'une entreprise, l'Internet s'est doté d'un organisme sui generi, capable de gérer son développement, accompagner son évolution et définir les grandes options techniques : l'Internet Society (ISOC) ; celui-ci se définit lui-même comme "une organisation globale et internationale destinée à promouvoir l'interconnection ouverte des systèmes et l'Internet" ; tout utilisateur peut adhérer à l'ISOC, qui délègue à l'Internet Architecture Board (IAB) l'élaboration des normes techniques nécessaires à l'évolution du réseau.

Par ailleurs, l'ISOC fédère plusieurs comités spécialisés, dont les plus importants sont l'Internet Assigned Number Authority pour la gestion des numéros et des codes, responsables de l'attribution des adresses IP, l'Internet Engineering Task Force qui élabore des spécifications pour la mise en oeuvre des protocoles de la famille TCP/IP, et l'Internet Law and Policy Task Force, créée en 1996 pour examiner les questions juridiques et politiques posées par le réseau.

Le mode de normalisation et d'apparition des protocoles et des services sur l'Internet répond à une logique de simplicité et d'efficacité : les projets de nouveaux services sont soumis aux utilisateurs de manière totalement ouverte par leurs promoteurs, avec de préférence une première implémentation logicielle en libre-service ; l'évaluation se fait ainsi "sur pièces", et les concepteurs bénéficient d'un retour d'expérience large et rapide permettant d'améliorer le service ; si ce dernier répond à un besoin, une normalisation "de fait" s'effectue par prolifération naturelle et utilisation du logiciel, qui, s'il a suffisamment de succès, se retrouve intégré aux logiciels de navigation.

Pour des évolutions affectant l'ensemble des maillons du réseau (par exemple la migration prochaine vers une nouvelle version IPV6 capable de soutenir la croissance du réseau à long terme; le changement de format des adresses nécessite une mise à jour profonde des routeurs et de leurs protocoles), la diffusion "naturelle" ne suffit pas ; dans ce cas, l'approche suivie est d'arriver au consensus sans recourir au vote, de manière à ne pas laisser se développer de rapports de force, dont le jeu affecterait la qualité du résultat obtenu en forçant des compromis politiques et non des optima techniques. La centralisation que requiert cette méthode relève plus de l'intermédiation de la part de l'Internet Architecture Board que de la conduite autoritaire.

E - Les acteurs en présence.

Le monde de l'Internet est celui d'un fourmillement d'acteurs divers orchestré autour d'un acteur principal : l'utilisateur. Il n'existe toutefois pas de barrières entre ces différents acteurs.

¨ Les opérateurs Internet.

Il convient en premier lieu d'identifier les opérateurs directement reliés à Internet aux Etats-Unis et qui offrent une connexion à des clients ou à des fournisseurs de services. Ces opérateurs sont au nombre de quatre en France. Il s'agit :

§ du groupement d'intérêt public RENATER (réseau national de télécommunications pour la technologie, l'enseignement et la recherche), créé en 1992 à l'initiative du ministère de l'enseignement supérieur, du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), du Centre national d'études spatiales (CNES), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d'Electricité de France et de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Le rôle de RENATER est d'interconnecter les établissements d'enseignement supérieur et les centres publics ou privés de recherche français ; le réseau s'est donc constitué en fédérant les réseaux universitaires au niveau local, puis les réseaux locaux à des réseaux régionaux connectés eux-mêmes au réseau national d'interconnexion qui permet, via Ebone, de se connecter avec les réseaux Internet européens et avec les Etats-Unis ;

§ de Transpac, filiale de France Télécom ;

§ d'Oléane et Eunet : il s'agit de sociétés privées qui se sont créées parallèlement et qui offrent des solutions de connexions permanentes à Internet soit directement au client, soit à des fournisseurs de services. Ces solutions sont relativement coûteuses et répondent à un usage intensif d'Internet. Ces opérateurs jouent le rôle de grossiste pour les fournisseurs de services qui y sont connectés.

Il convient en second lieu de mentionner les fournisseurs de services qui sont connectés à Transpac, Oléane ou RENATER. Leur activité consiste à louer de la bande passante à ces opérateurs reliés à Internet et à la sous-louer ensuite à leurs clients afin de les faire accéder de manière ponctuelle à Internet ; ces fournisseurs de services proposent à l'utilisateur final des solutions de connexion modestes convenant à un usage modéré du réseau sur des postes isolés. Au nombre de ces fournisseurs de services, on peut citer FranceNet, Calvacom, Worldnet... Ces fournisseurs de services peuvent également être des serveurs d'hébergement, voire même des éditeurs.

Si l'on considère la connexion d'un usager à un éditeur de contenu distant, celle-ci suppose la mise en place d'une chaîne d'opérateurs dont seuls ceux qui sont aux extrémités sont identifiés et ont une véritable relation contractuelle : l'utilisateur avec le fournisseur de service, l'éditeur de contenu avec le serveur distant ; seuls ces deux opérateurs peuvent donc jouer un rôle dans le contrôle du contenu ; les opérateurs intermédiaires, quant à eux, n'entretiennent pas de relation avec les parties qu'ils contribuent à relier et n'ont, ni la vocation ni les moyens, de maîtriser les informations qui circulent entre eux.

¨ Les éditeurs de contenu.

L'Internet ne peut se développer et devenir un véritable marché que si le réseau est capable de fournir du contenu, des services à valeur ajoutée ou services d'information, et s'il existe des instruments ou des navigateurs capable de "piloter" l'utilisateur dans le dédale des informations qu'Internet met à sa disposition.

Le réseau n'est pas seulement un espace de communication mondiale, c'est également un lieu ou des services sont offerts. Les éditeurs de contenus constituent donc une des richesses du réseau dans la mesure où ce sont eux qui créent, apportent l'information.

¨ Le serveur d'hébergement : la machine où est stockée l'information qu'elle soit ou non éditée par le serveur lui-même (host).

¨ L'utilisateur : c'est l'intervenant le plus important. L'Internet est un réseau d'utilisateurs, ceux-ci apportant le contenu, développant de nouveaux services et déterminant l'évolution du réseau par leurs nouvelles demandes ; les utilisateurs constituent l'essentiel de l'intelligence et de la dynamique du réseau, contrairement aux réseaux classiques de télécommunications et de diffusion dans lesquels les services sont centralisés et délivrés par le réseau lui-même ; ils ont même développé un langage propre de communication électronique utilisant les signes alphanumériques pour préciser la tonalité d'un message (smileys) ; les utilisateurs peuvent être éditeurs, ouvrir leur propre service Web grâce à la page d'accueil (home page) fournie par la plupart des fournisseurs de services.

F - Internet et la télématique anonyme.

Si l'on veut comparer le fonctionnement d'Internet avec celui de la télématique du type Minitel, certaines différences apparaissent comme fondamentales :

§ la télématique est anonyme, le réseau Internet ne l'est pas par construction. En effet, un serveur Minitel ignore, dans la majorité des cas, l'identité des utilisateurs qui le consultent, France Télécom servant de filtre. A l'inverse, un serveur Internet connaît par définition l'adresse IP de l'utilisateur et son nom de domaine, sauf à procéder par artifices (serveur anonyme) ;

§ la télématique est centralisée, nationale et fondée sur une norme et un réseau propriétaire; le réseau Internet est décentralisé, international, repose sur un protocole non propriétaire et des technologies extrêmement évolutives ; d'où les discussions et les alliances autour du "network computer", un hypothétique microordinateur (PC) à bas coût dédié à l'Internet ;

§ alors que le terminal télématique est passif, l'Internet permet d'exploiter au mieux l'intelligence et la polyvalence multimédia croissante des terminaux PC, en particulier avec l'arrivée de Java qui permettra d'activer l'intelligence locale du terminal.

En revanche, l'Internet n'offre ni la simplicité d'utilisation ni un outil commercial équivalent au kiosque du Minitel ; en effet, s'il est possible de passer une commande sur Internet et de déclencher un paiement en ligne par carte bancaire, un tel mode de paiement n'est pas adapté à des petites sommes. Néanmoins, si une solution simple était trouvée, le commerce électronique sur Internet devrait corriger l'un des défauts majeurs du Minitel, à savoir une rémunération à la durée et non au contenu, logique qui a pu engendrer des effets pervers, notamment dans l'Audiotel.

Le kiosque micro proposé par France Télécom peut constituer une solution pour les services français, à condition toutefois que son fonctionnement se fasse dans la continuité de la connection Internet pour l'utilisateur et qu'il ne limite pas l'intervention d'autres opérateurs (Oléane, opérateurs étrangers...).

G - L'état de l'Internet en France et les recommandations pour son développement

La pénétration de l'Internet en France présente de l'avis général un retard certain.

Si le monde universitaire est desservi de manière satisfaisante par Renater, le raccordement des entreprises, des administrations et des particuliers est encore peu développé.

Les chiffres(1)actuels, difficiles à établir, permettent d'estimer le nombre d'accédants à Internet à environ 400.000 à 500.000 pour le courrier électronique et à 100.000 à 150.000 pour le World Wide Web parmi lesquels 95.000 abonnés à titre individuel (foyers). Ce constat est cohérent avec la part de la France dans le parc total des serveurs : 1,4% soit 150.000 "hosts" sur 7,5 millions dans le monde.

Ce constat n'est ni précis, ni définitif mais il constitue un ordre de grandeur permettant de situer la France dans le monde et en Europe ; en nombre de connexions elle se situe ainsi à la queue du peloton européen, derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède et même encore derrière la Norvège, la Suisse, le Danemark, l'Autriche et la Belgique en connexion par habitant. Plus inquiétant encore : alors que l'Internet a un taux de croissance de 95 % en 1995 et l'Europe de plus de 101 %, la France n'a connu qu'une hausse de 47 % du réseau.

Plusieurs types d'explications sont avancées pour expliquer ces chiffres :

§ la place occupée par le Minitel qui offre de nombreux services d'information et de commande. Les opérateurs de serveurs Minitel montrent un intérêt assez faible pour la migration vers un système qui n'a pas encore organisé de véritable remontée de ressources vers les éditeurs de services.

§ le faible équipement en micro-ordinateurs et en modems, équipements aujourd'hui indispensables pour accéder à l'Internet ; moins d'un foyer sur dix serait équipé, contre un foyer sur trois en Allemagne. Cependant, le rythme d'équipement semble en nette progression. Cette dynamique pourrait se révéler positive à terme, une grande part du parc étant alors composée d'équipements récents. De plus, on commence à voir apparaître sur le marché des terminaux dédiés à l'Internet à quelques milliers de francs (Oracle, Bandai...), qui pourraient stimuler le marché français au bon moment.

§ l'offre de France Télécom est très récente (mai 1996 avec le lancement de Wanadoo et la possibilité d'accès au coût d'une communication locale sur toute la France) et de surcroît restreinte ; France Télécom n'a pas organisé de vrai lancement commercial grand public de ce produit, comparable par exemple au lancement du service "T on Line" par Deutsche Telekom il y a un an déjà. Certaines agences France Télécom ne semblent pas toutes connaître l'existence du produit. Les autres offreurs d'accès sont de taille plus modeste et ne disposent pas d'une infrastructure de distribution et d'une capacité d'investissement comparables.

§ la trop faible présence de services à contenus français et francophones qui inciteraient le public français à se raccorder à l'Internet pour y accéder. Les administrations commencent à développer leur présence sur Internet - le Ministère de la Culture a été un précurseur, et l'ensemble des ministères doivent être connectés fin 1997. En revanche, de nombreuses sociétés françaises, dont certaines opérent pourtant dans le domaine des télécommunications et de l'électronique, n'offrent pas de serveur sur le Web ou ouvrent des serveurs de bas niveau et peu réactualisés.

§ le coût des transmissions relativement plus élevé en France qu'à l'étranger : une liaison spécialisée Internet de 64 Kbits en France coûte ainsi le prix de 1,5 Mbits au USA et 128 Kbits en Angleterre.

Conclusion.

Internet n'est donc pas un réel réseau physique mais plutôt une communauté d'ordinateurs qui communiquent entre eux, à travers les réseaux existants, grâce à un langage commun ; hérité à la fois de la guerre froide et du libertarisme post soixante huitard il se distingue du monde de la télématique mais aussi de celui de la diffusion audiovisuelle dès lors qu'il est fondé sur une logique de la demande de l'utilisateur final, sans préoccupation de rareté justifiant une réglementation des contenus ; il est en évolution constante et il passe ainsi aujourd'hui d'un monde non marchand et clos de spécialistes et d'initiés à un espace grand public de nature commerciale.

Ce changement de nature d'Internet, sa "socialisation" croissante ne manqueront pas de faire évoluer les règles de fonctionnement du réseau, à l'initiative des utilisateurs eux-mêmes ou des gouvernements.

La plupart d'entre eux, en effet, craignent le développement de ce nouvel espace de communication qui semble défier leur souveraineté nationale en véhiculant sans exclusive, toute information. La France a ainsi vu un premier recours se constituer par l'UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) contre un groupe de fournisseurs d'accès au motif que ceux-ci avaient rendu accessibles des forums révisionnistes, condamnables en droit français ; de tels contenus litigieux sont cependant très minoritaires dans le réseau, peut être 3 % des services ; il est probable cependant que le développement du réseau rendra leur occurence plus fréquente et que d'autres recours vont apparaître. Il importe donc, à ce stade, d'apprécier la validité et l'efficacité des outils juridiques français par rapport à l'Internet avec deux préoccupations principales, le respect des droits de la personne, le respect des droits du consommateur.