Institut d'Etudes Politiques de Strasbourg
DEA "Science Politique de l'Europe" 1997/98

Mémoire de DEA

La Communication Gouvernementale par Internet - enjeux stratégiques à l'aube du 21e siècle

(en particulier en Allemagne, en France et aux Etats-Unis)

 

Directeur de mémoire :

 

M. le Professeur Renaud DORANDEU
IEP de Strasbourg

 

Rédaction :

 

Bernhard LEHMANN von WEYHE

 

Adresse :
Heinrich Laur Str. 2
66386 St. Ingbert/Sarre
Allemagne
Tél/Fax : 0049 6894 87505
E-mail : bele@stud.uni-sb.de

Septembre 1998

 

 

Sommaire

 

 

"We are watching something historic happen, and it will effect the world seismically, rocking us the same way the discovery of the scientific method, the invention of printing, and the arrival of the Industrial Age did."

(Bill Gates, fondateur et PDG de Microsoft)

 

 

1. Introduction à la problématique

 

 

Internet - A quoi ça sert ? A fournir au monde entier un gadget futuriste, un espace de libertés, un lieu d'anarchie et de dérives ? Et le "cyberespace" - Qu'est-ce c'est ? Une idée de rêveurs anglo-saxons, déconnectés de la réalité ? Que faire d'une inondation de données, d'informations et d'images désorganisées sur un réseau sans limites ? Par conséquent, un gouvernement pourrait-il livrer des services de qualité ou interagir avec ses citoyens par un médium aussi flou et anarchique qu'Internet ? Néanmoins, peut-on complètement ignorer un tel développement international ? Voilà les questions que doivent se poser une bonne partie des citoyens, des scientifiques, des responsables politiques et des fonctionnaires dans les années 1990.

 

Effectivement, l'évolution foudroyante des technologies de communication d'Internet, et la silhouette d'une "société de l'information" se profilant à l'horizon annoncent une révolution économique, sociale et politique très profonde. La croissance vertigineuse du nombre d'ordinateurs en ligne et de réseaux informatiques a réduit le sentiment de distance. Une course mondiale sur Internet, le royaume des Nouvelles Technologies de l'Information et de Communication (NTIC), a été ouverte. En septembre 1998, les NTIC comme email, le World Wide Web (WWW) et online-chat font déjà partie de la vie quotidienne d'environ 147 millions de personnes dans une trentaine de pays ; Internet est entré dans les mœurs. D'après les estimations de l'Union Européenne, ce chiffre pourrait passer à 200 millions d'ici l'an 2000. L'explosion du nombre des internautes dans le monde de 2 à 140 millions en seulement 7 ans reste impressionnante (en 1992 : 3-5 millions ; en 1995 : 15 millions ; en juillet 1996 : 45 millions ; en janvier 1997 : 102 millions). Pour les NTIC, des taux de croissance des utilisateurs par an et par pays de 50 % à 100 % ne sont pas exceptionnels. Aucun médium de communication moderne, ni la radio, ni le téléphone, ni la télévision, n'a pu déclencher une telle dynamique de croissance à son époque.

 

Au delà de la société de l'information, se trouve le "produit de l'information" par lequel on espère créer à moyen terme un grand nombre de professions et d'emplois. Désormais, l'homme profite des milliards de données digitales qui traversent le monde à la vitesse de la lumière. "La pratique de la communication électronique, la capacité de créer et de rechercher de l'information, fondent l'autonomie du citoyen de demain et conditionnent son insertion sociale et professionnelle. La présence sur les réseaux et l'appropriation des nouvelles méthodes de travail ... sont un impératif d'existence au plan national et mondial." Cette mutation devient si profonde que les media et l'opinion publique n'hésitent pas à parler d'une "troisième révolution industrielle".

 

La théorie de "vagues de civilisation" des futurologues américains Alvin et Heidi Toffler va dans le même sens : après les vagues de la société agraire et de la société industrielle, celle de la "société de l'information" se manifeste. Dans le modèle des époux Toffler, cette dernière vague dans les pays hautement industrialisés est caractérisée par la dominance du savoir et des informations. En revanche, à l'âge de l'information, les facteurs classiques de production comme le travail, le capital et la terre perdent de leur importance. Alvin et Heidi Toffler prédisent une dynamique dans la création de valeur ajoutée par l'Homme-même, notamment par les processus d'information et de communication. Dans cette argumentation, les tendances majeures du 21e siècle seraient la disparition de la méthode traditionnelle de production industrielle qui ferait remonter la sphère domestique, la décentralisation des idées et des devoirs ainsi qu'une congruence croissante des secteurs privés et publics.

 

Les gouvernements nationaux s'investissent de plus en plus dans la communication par réseau informatique et, ainsi, se rapprochent d'une gouvernance sui generis de l'âge de l'information. Dans ce cadre, une révolution des relations classiques entre Etat et citoyen est prévisible car une nouvelle culture politique se développe sur Internet. Une culture qui passe à travers les frontières et reste souvent en dehors de la rhétorique politique officielle. Le concept de l'Etat national souverain qui interagit de manière exclusive avec le citoyen dans un domaine réservé de la politique intérieure est de plus en plus difficile à imaginer dans l'avenir des NTIC. La société des réseaux d'information promet de multiples interdépendances technologiques, culturelles, sociales et politiques à travers les frontières traditionnelles. Par un mouvement international de convergence les informations et les acteurs jusqu'ici séparés pourront se rencontrer, se superposer et s'opposer sur Internet.

 

Face à cela, le but de ce mémoire est de présenter, de classer et de critiquer la mise en œuvre de la "Communication Gouvernementale par Internet" (CGI), notamment en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Nous proposons la définition suivante de la CGI :

 

"La Communication Gouvernementale par Internet signifie l'ensemble de la communication officielle d’un Etat destinée à ses citoyens qui passe par les Nouvelles Technologies de l'Information et de Communication. Cette communication peut être unilatérale ou bilatérale et elle peut s'effectuer en permanence ou ponctuellement par WWW, email, FTP ou online-chat."

 

En présupposant la nécessité de toute CGI, ce mémoire tente de documenter de manière interdisciplinaire les enjeux humains, politiques et techniques, d'où le titre : "La Communication Gouvernementale par Internet - enjeux stratégiques à l'aube du 21e siècle." La gamme d'analyse s'étend d'une CGI très développée dans un cas à une situation d'initiation dans d'autres cas. En revanche, tous les cas relèvent en permanence le défi commun de l'évolution et de la rénovation des programmes de CGI. Par ailleurs, pour conserver un cadre d'analyse précis, nous souhaitons mettre l'accent sur les institutions les plus concernées du pouvoir exécutif (les services du chef de l'Etat ou du gouvernement, les ministères de l'information, des affaires étrangères, de l'économie, de la défense, etc.).

 

Le débat autour d'Internet est devenu un enjeu politique capital dans tous les pays industriels, et pas seulement dans ceux-là. Beaucoup de déclarations pompeuses sont faites, de rapports gouvernementaux rédigés et de débats publics menés. Quelques-uns restent pessimistes par peur de la globalisation et du monde anglo-saxon. Il y a 2-3 ans encore, de grands hommes politiques en France, de droite et de gauche, rejetaient publiquement Internet comme "réseau américain" qui ne pourrait pas s'adapter aux traditions et besoins de la France ... D'autres deviennent sarcastiques comme Yves Léon qui propose une satire sur "un procès politique" contre Internet : "L'Internet, c'est un énorme tuyau autour duquel s'agitent des souris, des mulots et quelques rats..." Encore d'autres font des déclarations ambitieuses au sujet des NTIC, comme le Premier Ministre Lionel Jospin à Hourtin en août 1997 : "Les bouleversements introduits par les technologies de l'information dépassent largement le seul enjeu économique : l'essor des nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses sociales, culturelles et, en définitive, politiques. La transformation du rapport à l'espace et au temps ... permet des espoirs démocratiques multiples, qu'il s'agisse de l'accès au savoir et à la culture, de l'aménagement du territoire ou de la participation des citoyens à la vie locale. De ces mutations, le Gouvernement a pris pleinement la mesure."

 

Bien évidemment, le président des Etats-Unis, Bill Clinton, défend tout ce qui a trait à Internet, né dans son pays : "The Information Age has given us a global economy that is based on, more than anything else, ideas. A torrent of new ideas is generating untold growth and opportunity, not only for individuals and firms, but for nations..." Avec l'optimisme caractéristique des américains, Phil Noble, un spécialiste international de la CGI, signe son site Internet de la manière suivante : "In the field of Internet and the new technology, this is only the beginning. For those that marvel at the advancements that have been made, we have but one message: You ain't seen nothing yet!" Après tout, qui pourrait prédire avec certitude l'avenir de ce moyen de communication pour les populations et aussi pour la politique des gouvernements ?

 

Dans cette discussion chaotique, les responsables politiques de la CGI cherchent des points d'attache concrets, des exemples et explications simples, courts et précis. Comment utiliser Internet pour le bien de la cité et pour l'efficacité de sa propre politique gouvernementale ? A ce sujet, un cas d'étude concret sur l'évolution réussie d'un grand site gouvernemental sera présenté après ce chapitre introductif. Le cas est d'autant plus intéressant qu'il englobe tous les enjeux de la CGI, des barrières bureaucratiques les plus importantes jusqu'aux grands succès des NTIC : il s'agit du lancement du site du Ministère de la défense de l’Allemagne, www.bundeswehr.de . De plus, ce site montre une certaine "normalité" pour ce qui concerne le poids politique, les effectifs investis et sa date de naissance. Grâce à un tel exemple isolé, le lecteur apprendra comment, même dans des conditions difficiles, un grand ministère "traditionaliste" se décide en faveur de la présentation sur Internet et en tire des avantages.

 

En effet, la présence et l'information gouvernementale sur Internet semblent se transformer en un atout majeur de l'infrastructure d'un Etat. "Ni l'opinion publique, ni les fonctionnaires, ni les hommes politiques, dans leurs plus grand nombre ne se sont encore rendus compte du fait que la société mondiale de l'information, que résume le phénomène Internet, s'apprête à bouleverser les conditions de l'exercice des missions des administrations, dans l'ensemble du monde." Les gouvernements nationaux se trouvent donc sous une énorme pression pour adapter leurs moyens de gouverner et pour montrer l'exemple à une société et à un secteur économique progressivement interconnectés.

 

Actuellement, les gouvernements nationaux de la France, de l'Allemagne et des Etats-Unis poursuivent de grandes campagnes politiques afin de promouvoir les NTIC liées à Internet. Sous les auspices d'Al Gore, vice-président des Etats-Unis depuis 1993, les programmes américains débutent déjà en 1991 (National Information Infrastructure NII). Désormais ont été abordés la mise en ligne des écoles (K-12 Students) et des universités, le commerce électronique, la digitalisation de l'administration fédérale (National Performance Review, Reinventing Government), la "démocratisation de l'accès", des initiatives globales pour Internet (G 7), etc.

 

En Allemagne de 1995 à 1998, les ministères de l'économie et de la technologie sous Günther Rexrodt et Jürgen Rüdgers lancent plusieurs programmes au sujet de la société de l'information ("Info 2000"), en particulier pour les universités, les écoles, les media, le secteur commercial et les administrations. Avec 2 ou 3 ans de retard, le Gouvernement français manifeste aussi sa préférence pour les NTIC et pas seulement pour le Minitel national. Entre 1996 et 1998, un bouquet de rapports comme Martin-Lalande, Lorentz, Trégouët, Attali, Baquiast, etc., livrés aux Premiers Ministres respectifs, a officiellement relevé le défi de l'Internet international. Le Programme d'Action Gouvernemental actuel sous Lionel Jospin s'appelle "Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information" (PAGSI). Avec plus d'accent de l'Etat sur les enjeux culturels et sociaux, les atouts de la société de l'information en France sont également prônées.

 

En 1998, il est certain que les politiques nationales de CGI et de NTIC soient toutes conduites de façon massive pour que les "autoroutes de l'information" puissent porter les premiers fruits. Désormais, ces trois pays, leaders dans le monde occidental, possèdent, chacun à sa façon, des réseaux médiatiques et informatiques très avancés au futur prometteur. C’est bien pour cela que ce mémoire tente de documenter et de critiquer la mise en œuvre de la CGI en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. L'aspect de comparaison trinationale, utilisé également par les acteurs officiels, promet d'apporter un bon nombre d'amorces de solution et de voies alternatives de CGI.

 

Les politiques publiques et les grandes stratégies de lancement de la CGI font l'objet de l'étude, aussi bien que l'interactivité des sites, leur accessibilité et la qualité du travail de publication. À ce sujet, nous avons réalisé une série d'environ 40 entretiens avec des professionnels publics et privés de la CGI en Allemagne, en France et aux Etats-Unis. Ces entretiens se sont passés en direct, mais aussi dans des conditions satisfaisantes par email. Le phénomène et les défis de la CGI étant assez divers, ces personnes sont également d'origines très variées :

 

 

 

"L'Internet" tout comme "la Société de Communication" étant devenus des termes flous à la mode, ce travail tente de résumer les origines des grands discours sur la communication, leurs acquisitions réelles mais aussi leurs mythes et leurs débordements fantaisistes. Du secteur commercial au monde politique, tous les responsables "communiquent" pour se donner l'air "moderne". Les mots autour de l'idée de "la communication" sont des vocables utilisés de manière inflationniste. Ici, "la communication" de CGI comprend avant tout la communication dite "externe" des pouvoirs exécutifs nationaux avec leurs citoyens. Pour un classement réaliste du développement de la CGI quatre niveaux de communication et d'interaction peuvent être distingués :

 

    1. Le niveau de "vitrine" passive
    2. Le niveau de communication riche et unilatérale
    3. Le niveau de communication et interaction régulière
    4. Les débuts du "Interactive Government"

 

L'efficacité technique et la qualité des interactions de la CGI seront essentielles à l'analyse. Notons ici que certains responsables gonflent les effets et l'esprit d'ouverture promis par la CGI. Dans ce cadre-là, des réflexions sur le caractère démocratique ou la moralité de la CGI devraient aussi être abordées. Suivant les idées des responsables politiques des trois pays d'étude, la CGI ne devrait pas se limiter à la communication "top-down" ou à de fausses promesses de démocratie directe faites au citoyen moyen. Ainsi, les concepts de "l'accès total" et de la modernisation "parfaite" qui circulent dans le monde politique seront révisées sous une lumière critique. La "propagande technologique" ou "techno-discours" risque de cacher un certain nombre d'inégalités sociales autour des NTIC. Le niveau d'éducation et les ressources financières des internautes, partenaires de la CGI, ont toujours été au-dessus de la moyenne... Bien sûr, il sera question des évolutions à succès mais aussi des limites des outils de communication du 21e siècle.

 

De plus, la pénétration de la cité par la CGI a déjà, et aura encore plus, de conséquences sur la notion de "service public". La modernisation des services administratifs est notamment censée donner le bon exemple à la société entière. Dans son rapport, J.-P. Baquiast exige des réformes profondes : "L'administration doit utiliser systématiquement Internet pour faire évoluer ses comportements internes... Elle doit le faire aussi pour humaniser et rendre plus performantes ses relations avec les citoyens et les entreprises." La diffusion instantanée et l'accès accéléré aux informations dans les banques de données sont des atouts évidents des technologies d'Internet. Suivant la logique interactive "du réseau des réseaux", les nouveaux rapports informatisés entre gouvernants et gouvernés seront regardés de près. Ceci inclut les principaux modes d'interaction digitalisée et des enrichissements statistiques sur des sites-clés de CGI. Les données sont fournies par des programmes de recherches et de sondage spécialisés (Arizona University, Georgia Tech, Ministère de la Défense en Allemagne, Internet Society, Net Wizards, etc.). Par ailleurs, face à cela, la notion classique de "l'espace publique" de Jürgen Habermas s'élargit énormément dans ses dimensions géographiques, temporelles et qualitatives.

 

Tout au long de cette étude, les questions suivantes d’analyse de la CGI sont posées :

 

 

Dans la structure globale, ce mémoire est donc divisé en deux grandes parties. La première partie tente la préparation scientifique du terrain par des définitions d'outils de travail, par la révision de la littérature existante et par l'analyse empirique de l'état des lieux. Cela inclut le recueil, le classement et la comparaison de la masse des informations existantes. Dans la deuxième partie, l'analyse sera complétée par les outils "classiques" de sciences sociales. Il sera question de démanteler des mythes et des illogismes, d'évaluer des visions, ou de retravailler des concepts de CGI.

 

Suivant la problématique annoncée, ce travail de mémoire intégrera des informations, analyses et pensées conceptuelles de trois grands domaines de recherche scientifique :

 

1. Les nécessités techniques et les risques de la communication politique

 

2. L'évolution de l'Internet et de sa technologie de réseaux

 

3. L'interaction entre gouvernants et gouvernés dans un système démocratique

 

Notons enfin que de nombreux spécialistes ont apporté à ce travail leurs expériences, des données, leurs opinions ainsi que leurs conseils dans un esprit honnête, optimiste, souvent altruiste et globalement très encourageant. Nous espérons que ce mémoire sera utile comme modeste contribution aux réflexions futures de ces agents professionnels de la CGI.

 

 

2. Enjeux méthodologiques

 

 

Ici, il nous semble utile de préciser quelques enjeux méthodologiques : les réseaux de communication informatisés sont un terrain de recherche très jeune. Le marché existant souffre d'un grand nombre de documents populistes avec un fondement empirique limité. Souvent, ils rediffusent simplement les multiples préjugés et mythes de la vie quotidienne sur ce qui se passerait ou ce qui ne se passerait pas sur Internet. La recherche en sciences de la communication, en science politique ou encore en sciences de gestion ne se solidifie que lentement, en particulier pour les questions de CGI. Dans les pays anglo-saxons, quelques centres de recherches se sont établis. L'Allemagne et la France se sont réveillées mais traînent encore derrière.

 

Certes, des difficultés épistémologiques et méthodologiques se cachent derrière cette lenteur apparente : A quelle science appartiennent des recherches sur les facettes multiples de ce "réseau des réseaux" ? Que faire d'un objet international, supranational, ultra-décentralisé, ultra-rapide, ultra-expansif, anarchique et polydirectionnel, bref, assez flou ? Les sciences de la communication, de l'informatique et de la télécommunication y trouvent des créneaux aussi bien que la science politique, la sociologie, le commerce, le droit et bien d'autres. Au moment où une science s'engage dans un domaine comme la CGI, réapparaît le défi de trouver des critères d'analyse précis et utilisables. Dans ce cadre, les traditions linguistiques différentes des trois pays visés sont également remuées. Comme une bonne partie de la terminologie anglo-saxonne d'origine n'a pas d'équivalent en Français ou en Allemand, le lecteur devra excuser d'avance l'utilisation régulière de mots anglais dont une traduction répétitive gênerait la lecture et serait, peut-être, déjà dépassée par les usages actuels. En cas de difficultés de compréhension, un grand annexe terminologique devrait effacer tout doute.

 

A cela s'ajoute que ce travail contient de nombreuses références à des ressources disponibles en ligne. L'exactitude des adresses a été vérifiée et des efforts ont été faits pour donner des références stables. Néanmoins, il est impossible de garantir que certaines adresses ne soient pas modifiées et transférées ou fermées. En cas de difficultés, le lecteur aura toujours l'option de consulter un moteur de recherche pour retrouver des documents "perdus". Donc, vue la problématique de ce mémoire, l'avertissement méthodologique est double car, d'une part, le choix des critères est limité et souvent nouveau et, d'autre part, notre perspective de la CGI ne peut être exhaustive.

 

 

 

 

 

 

3. Le cas d’étude de la Bundeswehr

 

 

Pour aborder l'analyse des multiples facettes de la CGI de manière précise, nous proposons un exemple concret : l'évolution de 1995 à 1998 du site du Ministère de la Défense de l’Allemagne, www.bundeswehr.de . Ce site Internet est un exemple excellent car il reste, jusqu’à présent, un phénomène original au sein de l’administration du gouvernement fédéral allemand. Pourtant, le site montre une certaine "normalité" concernant son poids politique, son cadre financier et sa date de naissance.

 

Comme pour tout changement important dans une organisation, le démarrage a été lent et difficile. Les quelques responsables du service de l’information du Ministère de la Défense à Bonn qui sont à l’origine du programme Internet se sont battus avec un double défi : tout d'abord, les multiples règlements et procédures administratifs doivent être respectés par tous les membres d’une administration, y compris ceux chargés des relations publiques. A cela s’ajoutent les mesures de protection anti-espionnage ou anti-sabotage, évidemment cruciales pour tout ministère de la défense.

 

Toutefois, par rapport à celui d’autres collègues militaires des pays voisins, l’environnement fut quand même moins hostile. En effet, en raison des traumatismes de l’histoire récente de l’Allemagne, la Bundeswehr et son ministère cultivent une image très "démocratique" de la défense du pays, reflétée aussi par une communication intense avec le citoyen. Le "Bürger in Uniform", "l’appelé-citoyen", qui fait son service militaire est le contact direct entre la population et "ses" forces armées, un concept cher aux responsables. Cela fut précisé juridiquement par les implications d’une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe de 1977 : le Gouvernement fédéral est tenu d’informer les citoyens de sa politique, ce qui inclut l’information publique par la Bundeswehr sur des questions de défense et de sécurité. Une stratégie de communication très développée avec des moyens financiers, techniques et personnels considérables se trouve à la base des relations publiques (RP) de la Bundeswehr. Dans ce cadre, les services de l’information ont quatre points d’accès majeurs : les media de masse comme "multiplicateurs" (T.V., radio, presse écrite), le citoyen moyen (publicité générale, souvent communication directe), le recrutement de jeunes pour les forces armées et enfin la communication interne pour les soldats de la Bundeswehr.

 

Seule l’introduction des nouveaux media posa quelques difficultés. Le fonctionnement classique de l’administration n’était pas préparé à ces technologies ; il n’y avait pas de services naturellement compétents pour ce défi interdisciplinaire. De plus, comme les investissements dans la production de publicités et de brochures au goût du jour étaient déjà assez difficiles à réaliser avec la lenteur des procédures administratives, le lancement d’Internet évoquait encore plus de points d’interrogation : Comment investir massivement dans des media dont ni les utilisateurs ni les risques extérieurs peuvent être clairement prédits ? Où seraient les apports concrets aux relations publiques classiques ? Comment introduire et maîtriser une technologie de communication dans les services où peu de responsables sont vraiment formés ? Comment assurer le contrôle centralisé de l’Etat fédéral sur les affaires de défense et de sécurité face à la nature décentralisée, anarchique et "do-it-yourself" d’Internet ?

 

Telles étaient les questions que quelques "visionnaires" de la section RP du ministère se sont posés au cours de l’année 1995. A cette époque, le site des collègues allemands des Affaires étrangères et le grand Defenselink américain leur servaient d’exemple. Bien évidemment, ces collaborateurs devaient relever le défi de convaincre les chefs de direction et le cabinet du ministre, donc le niveau "politique" du ministère, du rôle-clé des NTIC dans l’avenir proche. Comme nous verrons également dans une multitude d’autres cas de CGI, ce n’est que grâce à des initiatives et des "visions" personnelles que les NTIC ont vu le jour dans les couloirs et, surtout, dans les têtes des administrations.

 

Pour le cas du site www.bundeswehr.de, c'est un seul officier, le Colonel L., qui osa parler à haute voix des possibilités des NTIC à partir de 1995. Malgré le grand scepticisme de nombre de collègues et de supérieurs, le Colonel a pu obtenir une mission officieuse vers la fin de 1995. Après avoir surmonté les difficultés "classiques" pour trouver un équipement informatique valable et officiellement reconnu, une ébauche du projet a été réalisée. Par ailleurs, un provider a été trouvé qui correspondait au cadre financier, à la qualité ainsi qu’aux besoins de sécurité particuliers du ministère. De cette manière-là, une première version du site de www.bundeswehr.de fut mise en ligne comme projet pilote le 31 janvier 1996. Par ailleurs, seulement deux personnes, le Colonel L. et un autre jeune officier spécialisé en systèmes de l’information, bénéficièrent d’un statut officiel pour s’occuper du site et, également, de la promotion des NTIC dans le ministère.

 

Une énorme montagne de défis et de travail attendait les deux internautes militaires : Le Ministère de la Défense à Bonn, noyau dur de l’organisation des forces armées allemandes, héberge déjà à lui seul environ 5000 personnes. D’après les estimations prudentes du Colonel L., entre 600 et 2000 de ces administrateurs militaires auraient besoin d’un quelconque accès aux réseaux de l’information. Par conséquent, avec un soutien officiel toujours "modéré", cet appareil bureaucratique énorme devrait être équipé, formé et, surtout, convaincu de l’utilité des NTIC.

 

Au début de l’année 1996, les deux internautes militaires reçurent le renfort d'un jeune appelé qui s’occuperait de certaines questions de programmation et de mise à jour du site. L’ironie de l’évolution dynamique d’Internet veut que ce jeune appelé et ses successeurs respectifs apportèrent à l’équipe des informations précieuses de l’extérieur (design, style, programmation, animations). Bientôt, le projet pilote d’Internet fut mentionné dans la communication traditionnelle de la Bundeswehr et une première petite campagne de "promotion" fut lancée en introduisant le site dans les moteurs de recherches (search engines) du Web. Les chiffres d’accès au site semblent donner raison aux visions du Colonel L. : Tandis que le mois de janvier 1996 ne reflète que l’accès des collaborateurs-mêmes avec 647 hits, le mois de février 1996 en enregistre 17.681, mai 36.000 et juin 47.000. Suite à une action publicitaire conventionnelle en août 1996, le nombre de consultations s’élève déjà à 167.000 par mois. Déjà la seule référence de l'URL de la Bundeswehr dans des spots télévisés et dans des brochures avait des effets importants. Comme premier moyen de communication bidirectionnelle, un livre d’hôte (guestbook) a été installé en février 1996 qui permet aux visiteurs de laisser un commentaire personnel - malheureusement, sans qu’on puisse attendre beaucoup de réponses des trois internautes. Au moins, une première possibilité de réception de "feedback" qualitatif fut ouverte aux administrateurs du site. Les statistiques montrent que cet outil de communication est également bien accueilli par le public.

 

Dans l’espoir d’un soutien suprême, le projet Internet et son évolution ont été présentés au Ministre de la Défense. Une fois de plus, un décalage important entre la philosophie politico-juridique d'un cabinet ministériel et les visions des "internautes de l’an 2000" se manifesta. Cependant, des jeux de pouvoir se poursuivirent entre les différents services du ministère avec la seule conséquence de ralentir mais non pas d’empêcher l’introduction des NTIC.

 

Malgré tout, la possibilité de présentation du projet à la tête du ministère et le développement explosif des chiffres d’accès, rassurèrent le Colonel L. et sa mini-équipe. De leur perspective, les investissements personnels et techniques étaient justifiés et continuaient sur la bonne voie. Un certain nombre de barrières réglementaires et technologiques freinaient encore la professionnalisation du service :

 

 

Le fameux "système D", une philosophie d’action chère au monde français mais également au monde d'Internet, s’est présentée comme voie de secours. A plusieurs reprises, ce ne fut que grâce aux initiatives courageuses de l'équipe Internet, lancées sur de nouveaux terrains techniques, organisationnels et juridiques que le site a pu progresser sans pannes majeures.

 

En parallèle à l’intérêt public croissant depuis Mai 1996, le niveau politique du ministère commença à prendre conscience de l'intérêt du site pour la communication classique. Plusieurs directives courtes, acceptées par le niveau politique, ont été mises en circulation et les possibilités de l’équipe Internet ont été élargies. En dépit d’un changement des priorités politiques en faveur des NTIC, le programme du service Internet sembla rester loin d’une approche stratégique et compréhensive. Fin 1996, 12 mois après la mise en ligne du site, "le" premier papier conceptuel de deux pages fut rédigé. Sa valeur rétroactive est importante, mais il ne montre qu’un début des enjeux à venir. Le papier définit vaguement le cadre d’action générale de l’équipe du Colonel L. qui commande toujours deux personnes, un jeune officier et un appelé choisi.

 

D’après le papier, la mission générale serait donc de participer à l’ensemble du travail du service de l’information du ministère par la simple "communication de données" sur la voie électronique. Cela devrait être assuré par "un équipement informatique moderne". Par la suite, la "communication de données" et son organisation rudimentaire étaient précisées comme si l’auteur parlait d'un moyen de transmission d’information unilatérale ordinaire : livre, brochure, photo, radio ... et ensuite Internet ? Quelques options de communication bidirectionnelles étaient évoquées (livre d’hôte, email) sans tenir compte des moyens indispensables pour leur mise en œuvre réelle (stratégie, budget, personnel, équipement, formation, etc.). Au moins, le souci général fut exprimé "d’éviter un décalage d’informations de l’Internet entre les groupes ciblés [les jeunes] et les responsables de l’information du Ministère..."

 

L’accent et l’esprit du document ne dépassent guère l’idée de la communication unilatérale ou de la présentation "passive" en ligne de documents déjà imprimés. Les capacités d’interaction polydirectionnelle et rapide, atout majeur du "réseau des réseaux", sont négligées. Le "live-chat", des formulaires interactifs, des banques de données ou des animations sont introuvables dans le papier. En outre, des barrières organisationnelles loin de l’esprit Internet empêchent le contact personnel d’un visiteur avec des responsables de la Bundeswehr. Le "webmaster@bundeswehr.de" resta la seule adresse électronique autorisée sur une trentaine de pages www. Ainsi, dès le départ, les multiples demandes électroniques furent difficiles à gérer.

 

Malgré le cadre stratégique et organisationnel modeste qui a régné de fin 1996 à mi-1998, la popularité du site de la Bundeswehr ne cesse de monter. Une deuxième action de promotion fut lancée en septembre 1997 qui provoqua une augmentation des hits de 950.000/mois à plus de 1,2 millions en novembre 1997. Les nouveaux chiffres de mars 1998 annoncèrent 2,2 millions de hits de 78 pays différents, dont aussi la Bosnie-Herzégovine ... Cependant, les entrées dans le livre d’hôte ne furent plus maîtrisables par les trois internautes du ministère : 1257 messages, souvent de bonne qualité, sont arrivés au mois d’octobre. Il s’agit d’encouragements, de conseils, de critiques techniques, de réflexions politiques et de commandes de documentation. Après un démarrage modeste mi-1996, les commandes en ligne montent à 860 en octobre 1997 et dépassent le cap des 3000 en mars 1998. Pendant ce temps, la petite équipe du Colonel L. poursuit l’amélioration du contenu et de la forme ainsi que les mises à jour du site.

 

Suite à quelques mois de "file d’attente" dans les couloirs du Ministère, mi-1998, le deuxième papier conceptuel est sorti. Sa longueur dépasse déjà les trois pages, mais plus important, son contenu est devenu plus concret : par rapport au papier de fin 1996 (12 mois après la mise en ligne du site), on tient compte des capacités interactives et des options décentralisées des NTIC. "Pour une communication externe et interne de la Bundeswehr, les NTIC au goût du jour sont à utiliser... Pour atteindre les groupes ciblés, l’introduction de ces outils de communication doit être une obligation." En outre, le papier prévoit des sources financières et des options d’organisation flexibles pour des organisations subordonnées en dehors du Ministère central. En revanche, les présentations de caractère politique sur la défense et la sécurité internationale resteraient sous les auspices du Ministère. Pour la première fois, il est question de la disponibilité mondiale des pages Internet de la Bundeswehr ce qui pourrait avoir des effets sur la politique étrangère du pays. A la fin, un soutien logistique et organisationnel pour les animations et le corporate design est proposé aux sites militaires décentralisés... Dès 1998, le monde des internautes de la Bundeswehr s’est réveillé, officieusement et officiellement.

 

Un autre signe d’encouragement pour les trois internautes militaires s’annonce mi-1998. Un jeune officier-étudiant de l’Université de la Bundeswehr à Munich a rédigé un mémoire de recherche confidentiel sur le sujet Bundeswehr et Internet. Le Colonel L. reprend l’étude avec le plus grand intérêt car celle-ci constitue la première évaluation "indépendante" et scientifique de son domaine de travail. En effet, l’auteur incarne à la fois l’objectivité en tant qu’observateur extérieur aux services du Ministère de Bonn, la bonne connaissance des enjeux de sécurité en tant que soldat et la fiabilité en tant qu’officier-étudiant. La critique qu’il présente est sévère. Mais quoi qu’elle dise, son étude s’avèrera être un argument majeur en faveur de la promotion des NTIC dans le monde de la Bundeswehr. Nul n'est prophète en son pays !

 

L’étude de 1997/98 de l’officier-étudiant W. rassemble les vastes utilisations possibles des NTIC pour la communication, l’organisation interne mais également pour la gestion des crises de l’avenir de la défense fédérale allemande. Bien évidemment, l’officier-étudiant analyse l’état actuel du site www.bundeswehr.de et d’autres sites militaires indépendamment établis, faute de directives générales de Bonn. Contrairement aux E-U, un retard important des forces armées dans la préparation des conflits potentiels du 21e siècle est constaté. Ces conflits seraient de plus en plus influencés par les NTIC, des points de vues politique, stratégique et même tactique. La facilité de l’accès aux informations militaires par les réseaux et leur transmission instantanée seraient largement sous-évaluées. Par ailleurs, l’attitude trop traditionaliste et bureaucratique des leaders militaires (et politiques) vis-à-vis des NTIC est fortement critiquée. "Beaucoup d’officiers et de sous-officiers ont gagné leur image de la guerre, des films et des livres sur la 2ème Guerre mondiale. De plus, beaucoup de soldats voient les ordres de service de manière dogmatique et ignorent le changement fondamental de leur contexte [par les NTIC] ..."

 

De manière similaire, la stratégie de communication conventionnelle de la Bundeswehr serait passée à côté d’une bonne partie des jeunes allemands recrutables qui se servent régulièrement d’Internet. En encourageant vivement la modernisation des technologies de l’information de la Bundeswehr, l’officier-étudiant W. conclut son étude. Il propose un grand nombre de mesures concrètes de communication publique, d’organisation interne ainsi que de "information warfare" (défense passive et active) qui seraient indispensables pour la Bundeswehr du 21ème siècle.

 

Après avoir surmonté le scepticisme habituel dans son ministère (qui s'ajoute à la pression des élections générales en Allemagne pour le mois de septembre 1998), le Colonel L. est autorisé à faire distribuer l’étude dans tous les services administratifs de la Bundeswehr qui pourraient avoir à faire à Internet au sens le plus large du terme : l’administration centrale et les services de l’information du Ministère, les centres de formation, les services de recrutement, les services de presse des grandes unités, etc.

 

La conséquence est une vague de réponses foudroyante. Comme dans beaucoup d’autres cas de CGI, les connaissances et les besoins de NTIC des organisations subordonnées ont été largement sous-évaluées. Un tellement grand nombre de demandes et d’encouragements est retombé sur le Colonel L. qu’à l’automne 1998, un seuil crucial semble franchi : après des années de scepticisme, de critiques et de rumeurs, le feu d’Internet est massivement déclenché au sein de la Bundeswehr. Du simple soldat qui entretenait déjà une homepage privée sur "ses hobbies et la Bundeswehr" jusqu’au niveau politique du Ministère qui était resté sceptique pendant longtemps, tous les acteurs se sont réveillés.

 

En outre, les chiffres du site www.bundeswehr.de de l’été 1998 confirment les visions du Colonel L. de l’année 1995. En juin, juillet et août 1998, les hits se sont stabilisés à 1,3 millions par mois. D'après les évaluations détaillées du provider de la Bundeswehr, les internautes d'une 100aine de pays ont accédé au site, et parmi eux 56 % du "domain" Allemagne (.de), 13 % d'une "IP" directe, 10 % du ".com" et 21 % de domaines techniques et nationaux très variés. Derrière ces 21 % de consultations diverses se cachent toujours des milliers de visiteurs étrangers qui montrent l'aspect internationalisant des NTIC et les interdépendances de www.bundeswehr.de avec la politique étrangère du pays : on peut en déduire un intérêt majeur pour la politique de sécurité de l'Allemagne via Internet aux E-U, en Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas, en Suède, au Japon, en Europe de l'Est et en Amérique latine.

 

Vu les conditions de départ et la qualité de l'évolution de www.bundeswehr.de, il semble justifié de qualifier ce cas de première étape d’une des nombreuses petites "success stories" que l'on trouve dans le monde d'Internet. Bien évidemment, le programme de CGI du Ministère de la Défense à Bonn est loin d'être complet, mais il représente un très bon exemple du processus inévitable de transition d'une communication ministérielle à l'ancienne au monde des NTIC. Les problèmes, les succès principaux et l'évolution de ce cas particulier se rapprocheront d'ailleurs d'un grand nombre d'autres cas de réforme à la CGI étudiés par la suite, que ce soit en Allemagne, en France ou aux Etats-Unis.

 

 

 

 

Les statistiques du site fournies par le Service de l'Information du Ministère de la défense. Des explications détaillées se trouvent sur le site-même. Les chiffres d'accès du lancement en janvier 1996 jusqu'au mois de mars 1998 :

 

 

L'évolution de l'interactivité à l'exemple des commandes de documentation en ligne de mars 1996 à mars 1998 (brochures, livres, posters, formulaires, etc.) :

 

 

4. Définitions et concepts théoriques

 

 

"Réseau des réseaux", "cyberespace", "toile d'araignée électronique", "espace virtuel", les termes pour désigner le phénomène d'Internet ne manquent pas. Pour que le lecteur de ce document puisse se familiariser, en cas de besoin, avec le dialecte particulier des "internautes" (les utilisateurs d'Internet) suit une énumération des principaux termes. Comme cette terminologie "à la mode" est relativement floue et que le nombre de mots liés à Internet ne cesse d’augmenter, il semble utile de préciser et de résumer leur sens pour la CGI. Les expressions liées directement à la CGI sont énumérée dans ce chapitre ; les termes techniques généraux d'Internet se trouvent dans l'annexe du mémoire.

 

 

4.1. Définitions

 

La Société de l'Information

Au cœur de cette notion très populaire se trouve le "perfectionnement" de l'information grâce aux Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC). Dans ce sens, les NTIC résument notamment le "phénomène Internet". L'obtention rapide, au niveau mondial, d'informations et l'accès à de grandes banques de données permettent d'obtenir de nouvelles connaissances. Elles sont un atout dans la recherche de l'information et représentent une "nouvelle valeur". Ainsi pourront être créées de nouvelles professions et gagnés de nouveaux marchés. Dans une telle société de l'information, c'est l'information-même qui représente le produit principal.

 

La communication

Du latin, communicare = se réunir. Le terme de communication apparaît dans un grand nombre de définitions, souvent mélangé avec ou mis égal à d'autres mots comme réaction, interaction ou comportement.

Ici, la définition la plus appropriée semble être celle de la communication interpersonnelle :

Ce sont les relations entre au moins deux acteurs qui se transmettent ou échangent des informations par des gestes, des signes, des "informations" et par l'interprétation de ces derniers.

 

Dans le sens technique, la communication s'effectue comme un acte d'au moins trois étapes :

1. émetteur = "codage",

2. message = "transmission",

3. récepteur = "décodage" et "interprétation"

Pour le succès de la communication, le stock de signes de l'émetteur doit être à-peu-près égal au stock de signes du récepteur.

 

 

 

 

La communication par ordinateur

Ici, la communication informatisée se comprend dans le sens anglo-saxon de Computer Mediated Communication, c'est-à-dire comme "toute communication interpersonnelle et interaction, travaillée et transmise par un ordinateur ou un réseau informatique."

 

La communication politique

Elle est un phénomène flou, souvent considéré illégitime et trivial. Pourtant, la communication politique provoque aujourd'hui une grande curiosité dans la société, même si cet intérêt est souvent lié aux vicissitudes du monde politique. De nos jours, certains n'hésitent pas à faire de la Société de l'information une "Société de communication", où la communication politique aurait, soudainement, un grand rôle à jouer.

Pourtant, elle est connue et étudiée depuis l'antiquité. La fascination technologique a fait perdre de vue ce que le mouvement intellectuel grec du Ve siècle avant J.-C. avait déjà constaté : la communication et la politique sont consubstantielles, dans le sens du mot latin communicare. Ainsi, communiquer est mettre en commun et la cité grecque est le lieu par excellence de la réunion des hommes. "La cité comme unité politique est rendue possible par l'usage de la parole et son pouvoir de pacification de la relation sociale." C'est bien dans ce sens-là que le lecteur doit interpréter la "communication gouvernementale" ou "institutionnelle" évoquées dans ce document. Une telle communication "externe" découle donc de la nécessité d'un gouvernement (national) d'informer les citoyens de sa politique, de ses convictions et des grands sujets d'actualité ainsi que de mener un débat public là-dessus.

 

Internet

Dans son sens technique le plus large, un réseau internet est un grand réseau informatique composé d'un certain nombre de réseaux plus petits. C'est un "net" entre des "nets". Internet avec un "I" majuscule fait référence au réseau physique constitué d'environ 60.000 petits réseaux qui forment le Web et qui ont permis d'étendre le courrier électronique à l'échelle mondiale.

Internet, dans le sens des NTIC, représente le moyen inégalable de convergence (the converging powers) des moyens de communication classiques. Dans un avenir proche, Internet réalisera la fusion entre le journal, le téléphone, la radio, la télévision et le PC.

Dans l'approche des science sociales, une autre définition d'Internet peut s'appliquer : L'Internet, comme "le cyberespace", serait défini par des pratiques sociales soudainement surgies de visions guerrières et, plus tard, de rêves communautaristes d'élites scientifiques et politiques. Par la suite, ce cyberespace offre également des éléments d'une détermination normative de la coexistence sociale, de l'activisme "internettique" qui, lui, peut contribuer à la mise en œuvre de certaines politiques publiques.

 

Cyberspace

Il est l'univers virtuel des informations transmises par des ordinateurs, des programmes, des supports audio et vidéo, le téléphone et la télévision, par câble ou par satellite. Le terme de Cyberspace a été créé par le romancier de science-fiction William Gibson qui le définissait ainsi : "représentation graphique de données issues des banques de tous les ordinateurs du système humain." En Français également "cyberespace".

 

Interactivité

C'est un mode de communication dans lequel les notions d'émetteur et de récepteur tendent à se diluer, grâce à un échange de messages à grande vitesse et à un dialogue individualisé qui personalise la relation au média. Ainsi l'utilisateur décide du déroulement du programme et peut même le modifier. Traditionnellement, l'interactivité se passe entre les humains ; le contexte de la CGI évoque aussi la relation homme - machine (cf. communication par ordinateur). L'interactivité s'annonce pour les relations entre citoyens et fonctionnaires le jour où la majorité d'entre eux auront accès à Internet.

 

Hypertexte

Principe de base du Web. Organisation de serveurs en réseaux multiples permettant de passer facilement d'un site à l'autre. Hypertexte se dit aussi des liens internes d'un site ou d'un CD-Rom permettant de naviguer entre des pages superposées. De là découlent les termes de HTTP (Hypertexte Transfer Protocole) et de HTML (Hypertext Mark-up Language) que l'on retrouve dans la vie quotidienne de tout internaute.

 

Cybernétique

Du grec, kubernân, "diriger", et kubernetes, "gouvernail" (également racine du mot gouverner), la science des processus de commande et d'interaction des organismes vivants, des machines et des systèmes socioéconomiques.

 

Multimédia

Terme désignant tout contenu et toute application informatique qui combinent du texte, des graphiques, des fichiers son et/ou vidéo. Le Multimédia est souvent utilisé dans le discours technologique et "moderniste".

 

Netiquette

Combinaison de net et d'étiquette qui représente des règles de savoir-vivre et d'optimisation sur Internet. La communication par courrier électronique, par talk/chat-rooms et par des surfaces WWW est concernée, aussi bien que les pouvoirs des administrateurs des installations utilisées. Cette Netiquette présente un ensemble minimum de règles que les institutions et les personnes devraient utiliser et, éventuellement, adapter pour leur propre usage.

 

 

4.2. Les concepts théoriques

 

Les phénomènes de CGI en France, aux E-U et en Allemagne se distinguent dans un certain nombre de facteurs, ce qui est dû à un passé administratif, politique et idéologique différent. Néanmoins, les concepts théoriques suivants devraient permettre de rassembler les similarités dans les structures, les changements et les défis à la réforme de l'administration. Ensuite, à l'aide de l'abstraction qui accompagne la théorie scientifique et la philosophie, les points communs dans les enjeux de la CGI devraient primer sur les différences nationales. Les apports théoriques et philosophiques des trois pays peuvent également servir à légitimer et à cadrer ce travail.

 

La pensée libérale du 17ème siècle a développé les premières explications théoriques "modernes" sur les enjeux politiques de la communication comme accès à l'expression dans l'espace public. "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme..." dit l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Aux E-U, la liberté d'expression acquiert une place centrale depuis la fondation en 1776 : "S'il m'était laissé de choisir si nous devons avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n'hésiterai pas un instant à préférer le dernier choix" écrit Thomas Jefferson. Pour les révolutionnaires idéalistes des années 1770, la liberté d'expression du peuple était cruciale et naturelle. Le futur président américain James Madison est cité : "A people who mean to be their own governors must arm themselves with the power knowledge gives. A popular government without popular information or means of acquiring it, is but a prologue to a farce or tragedy or both."

 

Au 20ème siècle, ces idées libérales ont été reprises et adaptées par le sociologue Jürgen Habermas, membre de l'Ecole de Francfort. Avec sa thèse de 1960 sur "L'espace public" (der öffentliche Platz), Habermas a livré une œuvre fondatrice sur la problématique de la communication gouvernementale en rapport avec l'opinion publique : Le sociologue allemand a montré comment l'Etat moderne, à travers sa publicité officielle, peut fonder un ordre politique sophistiqué, basé sur des rapports de communication. Habermas parle d'une nouvelle "corruption gouvernementale" reposant sur le pouvoir de parole qui domine le débat dans l'espace public (l'opinion publique) à travers la presse, les débats et les élections. Dans une ambiance nostalgique pour 18ème siècle, Habermas décrit la dégénérescence de l'espace public au 20ème siècle par l'action concertée d'une culture de consommation de masse acritique, d'une politique saisie par les relations publiques et les stratégies d'image, tout cela encore dépassé par le déclin des fonctions critiques des média. Dans l'entourage de la Société de communication, Eric Neveu voit la thèse critique d'Habermas de manière ambiguë : "Il est parfois proche d'un discours d'apocalypse pour décrire une corruption moderne de l'espace public... Stimulante et contestable, l'analyse d'Habermas retient l'attention par son statut pionnier."

 

La notion de l'espace public d'Habermas est également reprise et liée directement à Internet par le sociologue allemand Rainer Rilling dans son discours "Auf dem Weg zur Cyberdémokratie ?". Ce dernier voit une revitalisation du concept par la socialisation de l'espace virtuel sur Internet. L'espace public revit par la convergence des débats domestique, public ou professionnel dans un débat sui generis, intégré en ligne. Ainsi, il facilite une nouvelle façon de souveraineté populaire...

 

Le linguiste américain Noam Chomsky est un autre auteur critique des effets de la communication politique liée aux média de masse. Ses avertissements de 1988 gardent toute leur importance pour la CGI ; ils pourraient même renforcer l'argumentation. De plus, les exemples de propagande cités de la Guerre froide rappellent l'Arpanet, l'ancêtre militaire de l'Internet. Dans "Manufacturing Consent", son étude sévèrement critique sur les média et la communication politique, Chomsky souligne les abus du système américain. Il doute de la performance démocratique des média de masse américains en lançant son "propaganda model" provocateur. Il se plaint des hautes valeurs démocratiques avancées par la presse américaine qui seraient en forte contradiction avec la manipulation régulière par des groupes d'intérêts puissants. Le gouvernement et l'élite politico-économique des E-U sont la cible principale de Chomsky. Le linguiste voit de la désinformation stratégique dans les média pour camoufler des contraintes politiques, économiques, militaires ou privées de l'élite, en particulier du gouvernement. Chomsky rejete l'idée du "libre marché des média" et avance, au contraire, la notion de "Free-Market Disinformation".

 

Dans son ensemble, Internet est loin d'être un phénomène vu de façon négative par les théoriciens. Le professeur de communication canadien Marshall MacLuhan est le plus grand soutien philosophique et théorique pour l'essor de l'Internet. Le "patron" MacLuhan gravite autour du grand discours communicationnel. "Le réseau des réseaux" a permis de concrétiser les visions du "global village" de MacLuhan. L'Internet évacue les notions de distances, de temps de transmission de messages et il simplifie ainsi la communication internationale. Des pratiques sociales de la "Netiquette et le "dialecte des internautes", apparues avec le développement du réseau, sont prises très au sérieux par les utilisateurs d'Internet et des forums publics : le respect mutuel, la serviabilité, le désintérêt à l'argent, etc. Tout le monde se connaît sur Internet (ou pourrait se connaître) et communique avec d'autres pays ou organisations via le réseau comme si le monde n'était qu'un "village global".

 

Néanmoins, la pensée futuriste de MacLuhan a provoqué de multiples critiques et rectifications. La comparaison du monde à un "village global" grâce aux réseaux de communication semble précipitée, car, où restent la culture distincte, les particularités géographiques, les règles collectives et la conscience collective d'un tel village global ? Eric Neveu traite MacLuhan de "génial producteur de vulgate" qui "... mêle une authentique érudition humaniste, les formules journalistiques, des simplismes assenés comme des jugements derniers". En plus de "la prétention théorique" de l'universitaire canadien, Neveu souligne des formules simplistes comme "the message is the medium". De cela découle aussi le commentaire de "buvard culturel" avec lequel M. Ferguson traite MacLuhan dans "Marshall MacLuhan revisited" de 1991.

 

Le dernier auteur et théoricien cité dans ce chapitre est le sociologue français Michel Crozier, spécialiste des études des organisations et du phénomène de la bureaucratie. Les travaux d'inspiration libérale anglo-saxonne de Crozier donnent des approches théoriques valables sur les évolutions de la communication envers des ensembles humains (cf. Human Engineering). L'introduction de la CGI dans les services administratifs évoque un grand nombre des sujets traités par Crozier : l'analyse stratégique, l'interactionisme, les zones d'incertitudes et l'information, les mécanismes de stabilisation ou de modernisation, etc.

 

 

5. Les agents de la CGI sur le chemin de la reconnaissance

 

 

Si on peut faire confiance aux messages angéliques du magazine en ligne le plus populaire, "Hotwired", la nouvelle culture des internautes a des conséquences extraordinaires sur le monde politique : "les amateurs du Web sont dotés d'un grand sens civique. Et du désir de changement." Pour cerner les agents de la CGI, il faut commencer par cet esprit de communauté particulier de l'Internet qui les entoure. Le Français Antoine Lefébure, un des promoteurs des radios libres à la fin des années 1970, rappelle cet esprit. Il y aurait sur Internet "la même solidarité entre les pionniers pour faire triompher une nouvelle communication qui remette en cause les circuits et pouvoirs traditionnels, et un enthousiasme partagé entre ceux qui ont compris que le monde change plus vite que la représentation que l'on s'en fait." Les cybernautes, chacun à sa manière et dans son domaine, se battent pour une chose commune : l'expansion de l'Internet dans toutes les facettes de la vie pour une société plus civile et plus libre. L'espace public, l'administration et la politique sont bien évidemment inclus.

 

Grâce aux possibilités d'échange d'information et d'arguments, Internet a créé un vaste monde politique virtuel sui generis qui a nécessairement une influence sur la politique "réelle", c'est-à-dire classique. Comme les impressions de la couverture médiatique et le "cyberactivisme" nous montrent, l'internaute des années 1990 est loin d'être stupide, solitaire ou politiquement déconnecté. Une enquête commune de Hotwired et Merill Lynch a trouvé des confirmations statistiques : Au sein de la population américaine, les internautes donnent l'impression de "cybercitoyens" par excellence. Ils sont mieux informés sur la politique et ses acteurs. Ils participent aux élections et suivent de près l'actualité politique. Les internautes sont souvent engagés dans des associations ; ils lisent régulièrement des livres et regardent moins de spectacles télévisés que la moyenne américaine. Leur attitude face à l'avenir est très positive. Dans Hotwired, Jon Katz a esquissé une nouvelle communauté "postpolitique" qui mêle "l'humanisme de la gauche à la vitalité économique de la droite. Les 'citoyens numériques' aiment le rationalisme, vénèrent les droits du citoyen et l'économie, et gravitent vers une forme modérée de libéralisme."

 

Le conflit international de Greenpeace (et des écologistes) avec le groupe pétrolier Shell sur la plate-forme Brent Spar, les tests nucléaires de la France ("de Jacques Chirac") dans le Pacifique ou l'affaire de Bill Clinton avec la stagiaire Monica Lewinski ont tous déclenché des torrents électroniques sur le réseau, qu'on le souhaitait ou pas. Internet était un facteur crucial pour l'expansion internationale de ces événements. Par ailleurs, les rumeurs disent que le Time Magazine américain aurait d'abord retenu ses informations sensibles sur la "Monicagate". Mais par la suite, des fuites ciblées sur Internet l'aurait quand même forcé à la publication. Pour rajouter un bonbon de l'actualité du 11 Septembre 1998 : après de vifs débats, le rapport spectaculaire du procureur fédéral Kenneth Starr est mis en ligne et environ 147 millions d'internautes pourront se jeter dessus ! Des détails choquants de l'affaire mettent une énorme pression sur le président américain - grâce ou à cause de l'Internet ?

Il est évident que les NTIC facilitent la diffusion instantanée et multiple de nouvelles, en particulier, de celles de nature "pétillante". De plus, pour en revenir au caractère de l'internaute "cybercitoyen", ceux qui lisent et transmettent ces messages font déjà partie d'une élite intellectuelle internationale. Qu'il s'agisse de journalistes "multiplicateurs", d'étudiants, de cadres, d'enseignants ou des hommes politiques eux-mêmes, ils ont tous un mot à dire sur les grandes affaires politiques.

 

Le Professeur Bruce Bimber de l'Université de Californie à Santa Barbara a entrepris une série d'études à ce sujet. Son but fut de dégager la relation entre les acteurs politiques en ligne et les acteurs politiques classiques pour voir si les NTIC pouvaient vraiment "démocratiser" l'accès au pouvoir politique. Par ses recherches Bimber a réussi à mettre en question le mythe d'une nouvelle "cyberocratie" à laquelle tous les "cybercitoyens" pourraient participer par ordinateur. Les propos restent positifs, mais loin de l'optimisme pionnier et gigantesque des adhérents de Hotwired : L'élite politique traditionnelle est en voie de modification face aux NTIC, mais elle ne changera pas en son fond. "Je ne pense pas que le populisme puisse gagner beaucoup de terrain. L'élite ne va pas disparaître du paysage politique. En revanche, elle sera plus fluide." indique Bruce Bimber. Toutefois, il constate une communication bien intensifiée entre les élus nationaux et leurs associations politiques locales, des signes d'une autre façon d'élargir le cercle des participants.

 

Pour resserrer le cadre aux agents de la Communication Gouvernementale, deux facteurs semblent converger. D'un côté, la grande majorité des engagés ressent l'esprit de la communauté Internet mondiale. L'idéalisme international, le libéralisme et réformisme font partie de leurs programmes de réforme de l'Etat et du service public rendu au citoyen. De l'autre côté proviennent ceux qui poussent la CGI avant tout pour le profit de la communication de leur couleur politique. C'est donc un mélange très varié qui compose la petite communauté de spécialistes de la CGI. Originaires du monde Internet et/ou du monde politique, ces acteurs travaillent à tous les niveaux des cabinets politiques, de la fonction publique, des media, de l'économie et des universités. En fonction de leur proximité du centre du pouvoir politique, de leurs missions et de leurs compétences techniques, une partie "supérieure" des agents de CGI s'occupe du planning stratégique et du management des ressources. Une partie "inférieure" fait l'exécution technique (dans l'esprit de la stratégie) en lançant des sites et en communiquant partiellement avec les citoyens.

 

Sous l'angle de la comparaison E-U, France, Allemagne, la tendance suivante semble se confirmer pour la distinction nationale des acteurs : plus on descend dans les hiérarchies politiques et administratives, plus diminuent les différences visibles entre des agents de CGI américains, allemands ou français. En d'autres mots, au moment où on se rapproche des questions organisationnelles et techniques de "Qui est censé planifier, organiser et entretenir un service de CGI avec quels moyens ?" les différences nationales deviennent superficielles. Cela n'empêche pas quelques excellents stratèges de CGI de se faire des soucis sur les niveaux de qualification très variés des grands et des petits agents de la CGI. Bien que les réflexions soient d'origine australienne, le sujet des NTIC autorise des références globales à tout moment, d'autant plus que la France et l'Allemagne devraient se sentir concernées. Au sujet de la gestion des ressources humaines en NTIC/CGI, les stratèges australiens déplorent : "There has been no ongoing overall public sector reform process for information management aimed at senior executives, managers and staff. Agencies generally are providing inadequate access for staff to online information sources... Agencies generally do not have overall knowledge development strategies for their staff..."

 

 

5.1. Les cadres gouvernementaux et leurs conseillers

 

Les chefs d'Etat, les chefs de gouvernement et les grands ministres aux E-U, en Allemagne et en France sont rarement eux-mêmes spécialistes d'Internet ou de CGI. Pour cela, après la découverte de la portée politique du phénomène, un certain nombre de conseillers politiques et techniques se retrouve dans les cabinets respectifs. L'origine professionnelle de ces conseillers montés dans les sphères politiques peut être très variée : hauts fonctionnaires classiques (droit, économie, science po, ENA), ingénieurs en télécommunication ou en informatique avec expériences en management, grands stratèges de la communication politique, etc. Vu le caractère décentralisateur d'Internet et le système des démocraties occidentales, les cadres du gouvernement se trouvent bien sûr en concurrence avec ou en accompagnement réguliers de leurs parlements (cf. initiatives importantes du Congrès, du Bundestag, de l'A.N., etc.). L'influence des leaders politiques et de leurs conseillers sur les NTIC et sur l'évolution d'une CGI se concentre habituellement dans les quatre domaines suivants :

 

  1. l'offre de services avancés de CGI (montrer le bon exemple !)
  2. la fonction de l'impulsion, de mobilisation et de coordination
  3. la subvention de projets de recherches et d'applications pilotes
  4. l'organisation d'un cadre réglementaire et d'une infrastructure technique

 

Aux E-U, le sujet commence à prendre des formes en 1991 avec le High-Performance Computing Act, initié par un certain sénateur Al Gore. Ainsi, Internet est introduit très haut dans la hiérarchie politique américaine, car Al Gore sera nommé vice-président de Bill Clinton en 1993. Comme internaute convaincu et relativement qualifié, Gore a familiarisé Clinton avec les NTIC bien avant la fin de leur campagne présidentielle. Après l'élection de Bill Clinton, Gore transforme ses visions de 1991 dans le fameux programme de National Information Structure (NII). En résumé, la NII tente de préparer les écoles, les universités, les entreprises, les administrations et le citoyen particulier à l'entrée dans l'âge de l'information. Par ailleurs, Al Gore devient connu pour ses multiples tours de visite pour encourager les acteurs sur place. Désormais, le Vice-président américain gagne un grand respect dans le cyberespace comme le promoteur politique No 1 des NTIC au niveau national et international. Avec le soutien inconditionnel de son président et la bonne coopération du Congrès (à majorité républicaine), Al Gore initie une série d'autres projets : le NPR (National Performance Review I et II), le "Reinventing Government Summit", "The Blair House Papers,", "America@OurBest", etc.

 

Pour la mise en œuvre des détails de ces programmes et pour le planning de nouveaux, la Maison blanche et le Bureau du Vice-président ont rassemblé une équipe de conseillers personnels de haut niveau, spécialistes du management public, des technologies de réseaux et de la communication politique. Parmi eux se trouvent : Elaine Kamarck, conseiller politique de Gore, Bob Stone, Billy Hamilton, Carolyn Lukensmeyer (dynamiques internes du personnel, communication), et d'autres.

 

Egalement collaborent David Osborne, coauteur du bestseller Reinventing Government, Phil Lader, vice-directeur du Office of Management and Budget (OMB, rattaché à la Maison blanche) et Ira Magaziner (conseiller particulier NTIC de Clinton). Les services administratifs engagés sont entre autres le Bureau du Vice-président, le Bureau de Communication, le OSTP (Office of Science and Technology Policy), le GPO (Government Printing Office), le Office of Information Technology, le NTIS (National Technical Information Service), etc. Une partie de la CGI s'est développé à partir de ces sphères-là, l'autre partie est produite "do-it-your-self" dans différentes branches subordonnées du gouvernement fédéral. La Maison blanche, le Pentagon, le Départment de l'Etat ou encore le Départment du Commerce avec des sites Internet de qualité et d'interactivité extraordinaires en sont les preuves. En 1997/98, le nombre de cadres gouvernementaux et de conseillers professionnellement engagés dans la CGI doit aller dans les centaines. En ce point de notre étude, le lecteur ne devrait pas oublier que la dynamique majeure de CGI (et de NTIC) aux Etats-Unis est venue d'en bas, par de nombreuses initiatives décentralisées, du travail de "grass-root" de toute sorte !

 

En Allemagne, le programme d'action de "Info 2000" du gouvernement de Helmut Kohl est lancé début 1996. Des débats très médiatisés de 1994 à 1995 entre la politique (Gouvernement, Parlement), l'économie (Mannesmann, Deutsche Telekom, RWE) et les scientifiques furent à son origine. Sans être un expert lui-même, le chancelier Helmut Kohl a cerné la portée politique des NTIC et s'entoura de conseillers spécialisés (par ex. le juriste visionnaire Michael Mertes). Le rapport gouvernemental "Info 2000 - Deutschlands Weg in die Informationsgesellschaft " de 1996 fixe les directives. Dès le début, les sujets de NTIC et de CGI (ici : NTIC et administration) sont promus par deux ministres du gouvernement fédéral : Jürgen Rüttgers (sciences et technologie) et Günter Rexrodt (économie). En septembre 1996, les deux ministres internautes fondent le "Forum Info 2000", un grand lieu de débat en ligne sur les NTIC dont le nombre des participants monte jusqu'à 800 experts. D'après la déclaration de presse des deux ministres, un but du forum serait d'accompagner les nouveautés culturelles des NTIC par "une discussion sur la vie et le travail dans la société de l'information".

 

Dans chacun des deux ministères-clés, un service lié aux NTIC est établi qui travaille avec le guidage occasionnel de la chancellerie. Surtout le ministère des sciences et de la technologie avec son service spécial "multimedia " sous la direction d'Andreas Goerdeler s'occupe de la mise en œuvre des directives politiques relative à la CGI. Cela nécessite également une coordination entre le service "multimedia"/NTIC et la communication politique du ministère, dirigée par l'adjoint de Rüttgers, Thomas Sondermann. Un des problèmes classiques de la CGI se reproduit, l'interdisciplinarité des NTIC et la difficulté de leur assigner un service particulier : Dans le même ministère, le service de communication presse pour la rapidité et l'efficacité de la CGI tandis que le service "multimedia" doit se concentrer sur la stratégie externe et les grandes questions de gestion nationale ; de cette manière-là, des inefficacités, des malentendus et des jeux de pouvoir sont préprogrammés.

 

Après l'intérêt croissant de la Chancellerie, du MAE et d'autres offices fédéraux, une commission de travail interministérielle est fondée pour travailler sur les différents aspects politiques, organisationnels et juridiques, dont la CGI. Au regret de certains collègues, la commission interministérielle est placée sous les auspices du ministre de l'intérieur, Manfred Kanther. Ce ministre, connu pour ses avis de juriste conservateur, provoque de multiples disputes dans la commission, notamment par ses propos sur la restriction étatique du cryptage. Jürgen Rüttgers et le ministre de la justice, Schmidt-Jortzig, s'opposent au ministre de l'intérieur et divisent ainsi publiquement le gouvernement Kohl sur la question des NTIC et de la CGI. La conséquence est un ralentissement du travail de la commission par la bureaucratie politico-administrativo-juridictionnelle, y compris des rumeurs nuisibles dans les couloirs ministériels concernés.

 

En 1997/98, les sujets des NTIC et de CGI se transforment en champs de débats publics très compétitifs. Rien n'est plus intéressant que de se profiler dans l'espace public allemand par le discours "politico-technologique" sur l'avenir des NTIC dans le pays. Au niveau fédéral, des ministres, des sous-ministres et des porte-paroles se battent pour vendre leur morceau du nouveau "gâteau technologique". Bien évidemment, l'opposition de gauche du Bundestag et la presse reprennent le sujet "techno" et démantèlent les moindres incohérences dans la communication gouvernementale. Un expert associé de la Commission du Bundestag sur les NTIC, le Professeur Doeblin de l'Université de Nuremberg, a critiqué la mauvaise coordination politique à plusieurs reprises : "La compétition entre les régions et l'Etat fédéral se passe au détriment des services de NTIC proposés au citoyen. De plus, avec le soutien tacite du gouvernement, la Deutsche Telekom privatisée abuse toujours de ses quasi-monopoles de réseaux pour la tarification..." En effet, au niveau constitutionnel, la Chancellerie fédérale doit s'arranger avec les compétences des Länders (régions fédérales, majorité de la gauche) en matière de formation et d'infrastructure médiatique afin de pouvoir promouvoir les NTIC dans l'ensemble.

 

La campagne électorale de 1998, avec l'enjeu majeur de "Qui dirige l'entrée de l'Allemagne au 21e sciècle ?", fait remonter l'importance des NTIC et notamment de la CGI. Tous les cadres du gouvernement Kohl, ministres, sous-ministres et porte-paroles utilisent massivement les moyens de la CGI. Avec la pression d'une éventuelle perte de pouvoir de la droite, les capacités et la qualité des NTIC dans la communication gouvernementale font un saut énorme : Les mises à jour se multiplient, le design se perfectionne (tickers d'actualité en Java, graphiques, photos) et des ministres jusque-là assez traditionalistes invitent les citoyens au cyber-chat. En outre, toutes les déclarations de presse ministérielles et les statistiques avec un contenu décisif pour la campagne se retrouvent sur les sites Internet.

 

En France, l'introduction des NTIC dans les mœurs des cadres du gouvernement s'est passée dans des conditions plus difficiles. Le monopole du Minitel, fameux réseau grand public de vidéotexte national, a empêché l'infiltration de technologies "américaines" dans les couloirs et les têtes du gouvernement parisien. De plus, toute la France a tiré en dérision les compétences informatiques de son président Jacques Chirac lors du jour où ce dernier a (aurait ?) traité une souris d'ordinateur de "mulot"... Par conséquent, les conditions de promotion des NTIC ou d'une CGI par la "clef de voûte" de l'Etat sont restées pauvres. Sous les gouvernements Balladur et Juppé un certain nombre d'initiatives limitées sont prises. Une circulaire de mai 1996 mentionne pour la première fois officiellement le terme "Internet" et propose une multitude d'options de CGI tout en rajoutant des barrières bureaucratiques. "L'espoir" du gouvernement Juppé d'avancer est le message principal qui se lit à travers les lignes... "Une telle évolution 'permet en outre d'espérer' une plus large diffusion des informations qui sont nécessaires au travail ... des agents publics... [et] aux rapports entre service public et usagers." Sous Juppé sortent de même des rapports sur l'état des lieux et sur, on pourrait le supposer, "Comment éviter le caractère "américain" et comment adapter l'Internet de la mondialisation au monde francophone, de préférence via le Minitel ?".

 

Les hésitations visibles des gouvernements Balladur et Juppé provoquent de réactions amères dans la population intéressée et dans les media. Face à l'immobilité du gouvernement dans ses "espoirs", Le Monde commente l'atmosphère du printemps 1996 de façon cynique : "Le premier ministre aura bientôt son site sur Internet. A Matignon, le sujet est jugé hautement confidentiel, et chacun s'attache à bloquer toute diffusion de l'information. Une tâche délicate dans la mesure où deux appels d'offres ont été lancés et dépouillés, et qu'une soixantaine d'entreprises - non des moindres - y ont répondu !" Lorsqu'on compare cela à l'optimisme et à la grande publicité avec laquelle les américains ont lancé leurs programmes et à l’attitude d’Helmut Kohl qui, loin d'être "techno", a soutenu les NTIC, il semble que deux mondes s’opposent.

 

La traîne à Matigon et à l'Elysée en 1995-1997 cause de grandes déceptions et de l'incompréhension dans la population "internetophile", en particulier chez les jeunes internautes. A ce propos, Annie Kahn du Monde reprend en accusant l'attentisme de l'Etat : "Cette atmosphère de secret d'Etat... laisse perplexe. Il est révélateur de l'importance déstabilisatrice attribuée au réseau des réseaux, une technologie taillée sur mesure pour les Etats-Unis, mais aux antipodes des pratiques et des mœurs gouvernementales françaises. Désireux, pour de multiples raisons, d'être présents dans le cyberespace, les services du premier ministre s'avancent tardivement et avec un 'luxe de prudence' dans cet univers."

 

En outre, la haute fonction publique proche des décideurs politiques n'est pas non plus à l'aise avec les facteurs décentralisateurs, anarchiques et internationalisants d'Internet. Des craintes d'une perte de traditions centralistes et de contrôle sur les collaborateurs respectifs surgissent. Entre temps, la seule conséquence sûre est l'incapacité des grands acteurs de l'Etat français de réagir au défi des NTIC et de proposer des programmes concrets de modernisation.

 

Ce n'est qu'après des mois et des mois de débats agités entre le monde politique, les grandes entreprises, les media, les scientifiques, les jeunes cadres et "l'élite à l'ancienne" qu'une voie de sortie a pu être trouvée. Mais c’est l’arrivée du gouvernement Lionel Jospin, durant l’été 1997, qui déclencha le dynamisme espéré. Dans ce cadre, il faut éviter un jugement précipité sur la faute globale de "la droite" traditionaliste de Juppé qui aurait été incompétente par rapport à "la gauche" moderne de Jospin... De gauche comme de droite, la majorité des acteurs politiques et la haute fonction publique n'étaient pas mentalement prêts à l'âge d'Internet. Sans doute, le début d'un certain procès de maturation de l'élite politique a été atteint. Cette impression se confirme par les explications de Pierre Lemoine ancien DG d'AFP et observateur compétent de la CGI française.

 

Il semble qu'avec l'élection du Premier Ministre Lionel Jospin en juin 1997, une vague de réformes en matière de NTIC et de CGI est déclenchée. L'élite politique de la France, de gauche comme de droite, commence à ressentir la conviction et la passion personnelle d'un Premier Ministre pour le sujet. Non seulement Jospin a pu profiter de premières expériences personnelles sur Internet dans son parti, mais il a aussi cerné avec optimisme la portée politique des NTIC et de la CGI. Par ailleurs, l'attitude positive de Jospin pourrait être comparée au comportement de Helmut Kohl envers les NTIC en 1995/96. Le Premier Ministre français a convaincu une bonne partie de la population et ses ministres... si ces derniers n'étaient pas déjà passionnés par Internet comme Jack Lang.

 

Désormais, un nombre de conseillers politiques travaille sur les NTIC auprès des têtes du gouvernement les plus concernées, notamment dans les services du Premier Ministre. Il y a peu de temps encore, ces noms auraient été traités de "secret d'Etat" ; aujourd'hui, la communauté des spécialistes se cristallise : à Matignon se trouvent Jean-Noël Tronc (conseiller particulier de Lionel Jospin) ; au sein du service-clé SIG (Service de l'Information du Gouvernement) Bernard Candiard (directeur du SIG), Jean Menu (conseiller au multimédia) et Laurence de Suzanne, conceptrice de l'excellent site du ministère des télécom et responsable de l'atelier de coordination interministérielle pour les sites WWW. A ceux-là se rajouterait, par exemple, Jean-Paul Baquiast du Ministère de l'Industrie avec son rapport sensationnel sur "L'Administration 1998-2001". D'ailleurs, ce brillant rapport, traitant à fond tous les aspects de la question, commandé par Lionel Jospin, est cité à plusieurs reprises dans ce mémoire. Pour d'autres ministres-clés travaillent Alain Gifart (conseiller de Catherine Trautmann), Marc Couraud (conseiller de Claude Allègre), etc. Désormais, les choses avancent pour le gouvernement français. Les premiers indicateurs pour une véritable application des NTIC peuvent être discernés.

 

Dans son fameux discours à l'Université d'Eté de la Communication à Hourtin (Gironde) en août 1997, Lionel Jospin esquisse sa politique : "Le gouvernement a décidé de mettre en place un programme d'action ambitieux. Celui-ci s'appuiera sur une coordination assurée par un comité interministériel. Les modalités exactes en seront arrêtées avant la fin de l'automne [1997] ... Ce programme d'action aura vocation à constituer une référence pour les administrations, mais aussi et surtout pour les autres acteurs de la société, qui réclament une intervention volontaire, lisible et durable de l'Etat." Par la suite, Jospin semble passionner les auditeurs pour ses programmes de NTIC relatifs à l'enseignement, à la culture, au commerce et à l'administration. Dans sa conclusion, Jospin invite tous les acteurs potentiels de CGI du pays, de la politique, de l'administration et du secteur privé à participer à son programme : "La France a tous les atouts pour jouer un rôle majeur dans l'émergence d'une société de l'information. Au tournant de ce siècle, les années qui viennent seront décisives pour que nous sachions, collectivement, et de manière solidaire, en tirer parti." D'après les réactions très positives du public entier (média, politique, économie, citoyens, internautes) ce message central du Premier Ministre est bien passé.

 

Le sujet des NTIC est servi pour la première fois au niveau des énarques en novembre 1997 : Une journée d'étude et de discussion pour les futures générations de l'élite politico-administrative du pays accueille alors tous les grands spécialistes français de la CGI. Tant pour la formation des énarques que pour l'échange d'arguments nouveaux, le forum a du succès. Au sujet des NTIC et de la CGI, le conseiller Jean-Noël Tronc montre le bon exemple du nouvel esprit Internet "transfrontalier" à Matignon : "[Nous avons vu] combien un certain nombre de Gouvernements étrangers abordent cet enjeu avec ambition. Certaines expériences médiatisées sont familières : je pense à ce que le chancelier Kohl avait mis en place avec sa réforme, je pense aussi bien sûr [au président Clinton et]... à son projet de mise en réseau des administrations fédérales. Je crois qu'il est important de souligner que d'autres expériences qui sont moins mises en avant (je pense à l'expérience finlandaise, au modèle suédois, puisqu'on peut parler de modèle en la matière, en ce qui concerne l'accès du citoyen à l'information publique), sont des expériences dont nous pouvons tirer profit." En janvier 1998, à l'issue du comité interministériel pour la société de l'information, qui a réuni tous les membres du gouvernement, le Premier Ministre présente son "Programme d'Action Gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information" (PAGSI). La CGI devient une réalité car, depuis, chaque ministère est obligé de se présenter par un site Internet de niveau au moins avancé...

 

 

5.2. Les spécialistes de la communication du gouvernement

 

Entre le niveau des "grandes visions" des hommes politiques sur les NTIC et le niveau peu politisé de l'exécution technique se trouve le petit groupe de spécialistes de la communication gouvernementale (ou institutionnelle) qui a une influence cruciale sur la forme et le fond des CGI existantes ou futures. Dans sa fonction classique, une équipe de spécialistes de communication doit transmettre les vues politiques du gouvernement aux media et à la population. Plus une certaine politique (ou affaire) est difficile à "communiquer" au grand public, plus le conseil stratégique et tactique des conseillers devient important. En même temps, ces conseillers doivent "sentir" de nouveaux sujets intéressants et cerner les attentes de la population.

 

Avec des sentiments mitigés, des sociologues et politologues traitent ces conseillers de "travailleurs du symbolique". Pour prendre l'exemple des NTIC, ils essaieraient d'imposer aux citoyens des styles de vie, des savoirs ou des consommations culturelles "modernes" et "intelligents". D'un œil critique, Eric Neveu parle d'une dimension symbolique qui serait inséparablement normative. (Comment "bien manager", "bien consommer", faire le "bon choix culturel", etc.). Ces "spindoctors", comme disent les Anglo-saxons, essaient de légitimer, de défendre et d'élargir leur travail par ce que les politologues appellent "l'impératif communicationnel". Dans ses recherches sur les professionnels de la communication politique, Jean-Baptistes Legavre a montré une institutionnalisation graduelle de cette branche par des prophéties autocréatrices. Ceci est certainement valable pour le domaine "techno" et moderne de la CGI : le terrain est élargi par des acteurs volontaristes - et concurrentiels - des consultants, publicitaires, journalistes, etc. Le style de la revue spéciale "Et le politique ?" sur l'Université de Communication en août 1997 à Hourtin reprend tous ces arguments pour la CGI, par contre, du côté positif de ceux qui en vivent.

 

Aux E-U, le travail des fameux "spindoctors" a atteint un haut niveau de perfectionnement. Les campagnes de communication gouvernementale sophistiquées avec un Etat-major de conseillers, comme s'il s'agissait d'une campagne électorale, ne sont pas exceptionnelles. En France et en Allemagne, ce niveau ne sera pas atteint dans un avenir proche ; il ne se laissera pas forcément concilier avec la culture politique du Vieux continent. Pour en revenir au cas de la CGI, l'utilisation professionnelle des NTIC nécessite encore l'évolution d'une nouvelle branche de ces spécialistes de la communication. Aujourd'hui, une distinction de trois groupes évolutifs semble faisable et intéressante pour cerner l'entourage humain de la CGI :

 

  1. Dans un premier groupe se trouvent les spécialistes de communication politique qui proviennent directement du monde des partis politiques et des élus. Ils sont protégés par "leur" ministre, leur élu ou leur haut conseiller politique. Leurs expériences en communication politique se fondent souvent sur l'engagement dans des campagnes électorales. Evidemment, dans la priorité initiale de ces agents se trouve la volonté de vendre ou de faire glisser discrètement le message d'un parti politique. Ils se sont intéressés à la CGI par l'encouragement de leurs mentors et également par fascination pour les capacités inégalables des NTIC de "propagande directe" envers les électeurs potentiels, sans le filtre de la presse.
  2.  

  3. Le deuxième groupe à citer est celui des spécialistes de communication provenant du domaine technique de l'information sur la politique gouvernementale. Une identification à un certain parti politique serait possible, mais pas obligatoire. Ces agents sont notamment des spécialistes techniques des relations "administration publique & citoyens". Leur but professionnel est de toucher un groupe social ciblé ("target group") pour une certaine politique publique : les adultes, les jeunes, les retraités, les étudiants, les professionnels de telle et telle catégorie... Ces spécialistes peuvent être journalistes, universitaires de la communication, politologues, pédagogues, psychologues ou d'autres, avancés dans les NTIC. Leur intérêt pour la CGI provient de l'énorme champ d'options techniques pour faire passer un message et pour évaluer sa réception. Les exemples sont innombrables : communication directe et massive; interactivité et rapidité de transmissions, sondages automatisés ; mailing lists ; pages d'informations interactives, scanning du WWW pour trouver des target groups et d'autres actions "d'espionnage légal" de personnes grâce aux NTIC.
  4.  

  5. Un troisième groupe se compose de spécialistes de la communication du secteur économique, en particulier du marketing et des agences publicitaires. Leur approche de la CGI est stratégico-commerciale et beaucoup moins politisée que celle du premier et partiellement du deuxième groupe. Comme caricature, par exemple, on pourrait supposer que ces agents de CGI seraient capable de "vendre" la politique de culture de la France aussi bien qu'une bouteille d'eau de Perrier... sur Internet. Leurs origines professionnelles se trouvent dans les sciences économiques, dans la publicité-même, dans la communication, dans la psychologie, etc. Leur intérêt se concentre sur l'exploration d'un nouveau marché commercial (i.e. la CGI) avec de nouveaux moyens de promotion, de transmission et de vente d'un "produit". Un apport majeur des "commerciaux" à la CGI consiste en leur design publicitaire professionnel attirant les citoyens. Les deux autres groupes ont du mal à livrer ces compétences. Par ailleurs, venant du monde économique, les agents publicitaires apportent souvent des idées précieuses de management stratégique d'actions de promotion.

 

En résumé, on peut constater que les acteurs "classiques" de la communication gouvernementale s'approchent des enjeux de la CGI, mais sont loin de former un groupe professionnel distinct et pleinement compétent. Comme partout dans le secteur de la communication et des media, les acteurs sont d'origines très variées et travaillent avec toute une catégorie de défis interdisciplinaires. Cette branche de professionnels de CGI est difficile à cerner et en pleine phase d'évolution d'autant plus que des compétences "idéales" sont encore rarement atteintes.

 

La première exception à cette tendance représente certainement le consultant politique américain Phil Noble. D'un côté, ce consultant a d'excellentes références dans la communication politique classique (campagnes et institutions) en Amérique et en Europe. De l'autre côté, Phil Noble est le premier spécialiste de la communication politique à s’être attaqué systématiquement aux NTIC. Sous le toit de son entreprise sont réunis tous les acteurs nécessaires pour planifier, lancer et entretenir une CGI à un excellent niveau politique et technique. Grâce aux expériences passées et aux études récentes des NTIC, un petit nombre de conseillers de CGI "complets" travaillent chez Phil Noble. Ceux-là doivent pouvoir réunir dans une seule tête des qualifications en NTIC (sites et réseaux), en communication institutionnelle et en politique pratique. L'entreprise a déjà exécuté plusieurs projets respectifs de CGI et de conseil en campagne électorale (E-U, Suède, Norvège, Allemagne, G-B, etc.). Par ailleurs, avec "www.politicsonline.com", Phil Noble a fondé un forum de débat international de spécialistes de CGI et communication politique en ligne. Dans un avenir proche, des agences de communication avec une équipe "complète" vont certainement essayer de pénétrer sur le marché de la CGI et de se rapprocher des qualifications de Phil Noble & Associates...

 

 

5.3. Les Webmasters, techniciens et administrateurs

 

En nombre de personnes, le plus grand groupe est celui des techniciens et administrateurs de la CGI. En gros, ils sont censés perfectionner la mise en réseau du contenu de la CGI et organiser le fond technique grâce auquel toutes les applications informatiques d'un site peuvent fonctionner. En revanche, ces personnes se trouvent majoritairement à la fin de la chaîne des influences sur le produit de la CGI. Si cette impuissance vis-à-vis des grands stratèges politiques rend le travail sur le terrain difficile, quelques avantages ne sont pas à nier. Etant intéressés par les NTIC pour l'amélioration des propres conditions de travail, ces agents sont très peu politisés et proches de "la" mentalité des internautes. De toute manière, c'est souvent par la découverte personnelle du cyberespace le long de leur carrière administrative ou universitaire qu'ils se sont retrouvés dans ce domaine technique. Contrairement au niveau politique, ces gens ont la volonté et la possibilité d'écouter beaucoup plus les grands spécialistes des NTIC qui sont étrangers au monde administratif. De multiples forums sur Internet leur permettent de discuter avec des collègues internationaux des nouveautés et des difficultés du domaine.

 

Ceux des techniciens que l'on appelle les "maîtres du Web" (Webmasters) restent précieux pour un gouvernement ; en revanche, les soucis particuliers de la communication institutionnelle ou politique les touchent rarement. La position secondaire du webmaster dans la hiérarchie administrative face à son rôle puissant dans la conclusion du processus de CGI rappelle les "zones d'incertitudes" évoquées par le politologue Michel Crozier : Comme les ouvriers d'entretien autour de "leurs" machines dans le cas d'étude sur la SEITA, le webmaster de CGI conserve une "zone de pouvoir" en maîtrisant les "incertitudes" technologiques autour de "son" serveur et en distribuant le privilège de l'accès à Internet par mot de passe.

 

Les webmasters, ou webmestres en français, sont souvent originaires des sciences informatiques, des sciences d'ingénieur (télécom, électronique, etc.), de la physique ou des sciences de l'information. A cela s'ajoute souvent une équipe de techniciens informatiques "simples" pour des tâches répétitives, par exemple, l'installation des équipements standards ou la mise à jour automatisée des logiciels (updates) et des pages contenues sur le WWW. Par ailleurs, suite à la fin de la Guerre froide, un bon nombre de physiciens nucléaires et d'autres technologues militaires se sont convertis en internautes professionnels civils. D'après les coutumes autodidactes du cyberespace, il peut aussi y avoir des fonctionnaires classiques (diplômés de droit, de science politique ou d'économie), des théologiens, des sinologues, des géologues ou tout autre discipline exotique que l'on ne placerait pas forcément à côté de la CGI. Une autre curiosité de l'Internet est le phénomène de tous les âges confondus, en particulier pour la mise en pratique de la CGI. Il peut y avoir un jeune étudiant-stagiaire, ou informaticien contractuel, qui maîtrise de manière exceptionnelle le design sur Internet et qui devient, par l'évolution permanente de la CGI, le responsable officiel de sa propre création peu de temps après. Ainsi, nombre de grands sites administratifs avec des éléments avancés de CGI se trouvent sous les auspices techniques de spécialistes entre 24 et 34 ans !

 

Aux E-U, le nombre de webmasters aux services des grandes administrations fédérales doit dépasser les 1000. Avec une avance de 2 à 4 ans pour le développement d'une communauté officielle, les webmasters du domaine ".gov" de 1998 peuvent déjà profiter de quelques services spécialisés. Le OIT (Office of Information Technology, www.oit.gov) travaille pour initier et former les webmasters du gouvernement. Dans le cadre de la politique fédérale des NTIC, le OIT propose des matériaux de base pour créer, lancer et entretenir un site ; il héberge des forums de discussion, des logiciels gratuits, une banque de données de référence et des services de conseil direct. Le OIT laisse le choix aux webmasters d'aborder leurs travaux par "do-it-your-self" avec le soutien des informations détaillés ou de chercher le conseil actif des spécialistes du OIT. Régulièrement, des sujets spéciaux NTIC sont traités dans le "Government Executive Magazine" qui en 1998 qualifie le programme du OIT de "This site is everything a federal IT professional needs to survive."

 

Récemment, un institut privé a été créé qui veut s'attaquer aux déficits en gestion de NTIC au sein du gouvernement. Avec le soutien du Vice-président, depuis mai 1998, ce "Federal WebManagement Institute" (FWI) renforce la tâche principale du OIT. Le FWI propose des "Leadership Courses" pour apprendre aux webmasters et à leurs supérieurs techniques le lancement et la gestion efficace de la CGI, les enjeux politiques les plus récents, les défis technologiques ainsi que l'approche de l'industrie technologique. Le FWI se vante de son monopole en matière de formation avec la phrase suivante : "Policy information for Federal Webmasters and Web Managers. Learn management, policy, and implementation that is taught nowhere else." En plus de cela, au niveau international la IWA a ouvert un chapitre spécialisé pour les "government webmasters". Dans cette section, les webmasters américains, canadiens, anglais, australiens, scandinaves ou encore japonais échangent leurs expériences.

 

En Allemagne et en France, ce monde est plus restreint, d'autant plus que les pouvoirs publics français ne cachent pas leur grand besoin de spécialistes en NTIC. En revanche, grâce au système centralisé de l'administration nationale de la France, le petit groupe des "webmestres publics" se connaît souvent des études ou de la formation administrative dans la capitale. Christian Scherer (Ingénieur des Mines, chef de plusieurs projets de NTIC et l'un des grands internautes publics de France) a fondé le "Club des Amis des Webmestres de l'Administration" (CAWA). Cette organisation informelle et ouverte invite ses membres au dialogue sur les NTIC dans le monde de l'administration française, la CGI incluse. Dans des cybercafés parisiens, une série de discours d'experts et de débats du CAWA ont eu lieu. Où qu'on demande au sein de l'administration française, le nom de "l'internaute No 1", Christian Scherer, est évoqué. L'engagement volontaire à la base et la créativité de ce fonctionnaire ingénieur du Ministère de l'Industrie font partie de ce que les Anglo-saxon appellent "grass-root work", une approche chère au monde décentralisé d'Internet.

 

En outre, à un niveau intermédiaire entre la politique et la technologie d'Internet au Secrétariat à l'Industrie est installée la commission de coordination interministérielle, SERICS ("Service des industries de communication et de service"). Sous les auspices du SERICS, qui s'occupe "du développement des autoroutes et services de l'information", sont gérés les nombreux appels à propositions et à subventions concernant ce secteur. En plus d'un "Observatoire des autoroutes de l'information" est mis en place un "guichet d'accueil" pour de nouveaux projets de NTIC. Dans ce service travaillent quelques spécialistes des sujets de CGI comme Pascal Lagarde, Michel Fontanel (modernisation des administrations) et Pascale de Sainte Agathe (multimedia, modernisation des services en ligne).

 

Chez les voisins allemands à Bonn, la structure officielle des webmasters est encore moins développée ; elle est quasiment inexistante. Premièrement, la tradition du gouvernement fédéral veut que chaque ministère puisse gérer ses affaires quotidiennes de manière relativement indépendante tant qu'un ordre majeur ne vient pas directement du Chancelier. Comme la CGI n'est pas vraiment traitée d'affaire majeure ("Chefsache"), les échanges d'idées sont restés limités. Deuxièmement, après avoir reçu la définition du cadre de travail d'en haut, les webmasters des ministères respectifs ont démarré (ou continuent) de manière indépendante. Même un groupe de travail interministériel sur les NTIC n'a pas apporté le grand changement. Comme déjà évoqué pour le cas d'étude sur la Bundeswehr, la bureaucratie et la mentalité "traditionaliste" de la tutelle politique de ce groupe interministériel ont rendu son efficacité très modeste. Bien qu'ils fassent partie de la même administration fédérale, les webmasters en tant que techniciens de la CGI connaissent mieux les experts "extérieurs" que leurs propres collègues. Les acteurs techniques de CGI du Ministère-clé de l'économie, par exemple, viennent tous de l'Université de Dortmund et pas du tout du monde administratif ou politique.

 

Néanmoins, le gouvernement a essayé de réduire l'isolement de ses webmasters. Des conseillers spécialisés en CGI existent déjà en petit nombre à l'Office gouvernemental de coordination et de conseil en NTIC, (Koordinierungs- und Beratungsstelle (KBSt) der Bundesregierung, www.kbst.bund.de). Le KBSt se veut particulièrement actif dans le conseil en efficacité et en stratégie pour la CGI. Dans le cadre du grand déménagement du gouvernement fédéral de Bonn ("capitale provisoire" depuis 1949 !) à Berlin, l'Office de coordination et de conseil prépare aussi la passerelle informatique ("IP-backbone" en allemand moderne) entre la nouvelle et l'ancienne capitale. En outre, le KBSt s'engage au nom de l'administration fédérale sur la scène internationale (forums de débat, normes, standardisation) ainsi que dans les relations Etat fédéral (national) - Länder.

 

Pour les aspects généraux de sécurité dans les administrations existe également l'Office fédéral pour la sécurité des systèmes d'information (BSI, Bundesamt für Sicherheit in der Informationstechnik). Sous les auspices du Ministère de l'Intérieur, le BSI travaille sur les questions de sécurité des informations depuis l'époque de la Guerre froide. Le travail se fonde sur la coopération entre le gouvernement, les spécialistes respectifs des administrations et les entreprises technologiques du pays. Suite à l'informatisation et à la fin de la Guerre froide, les compétences se sont modifiées vers la sécurité des réseaux (formation, cryptage, sécurité des serveurs, coopération internationale, conseil à long terme, équipe d'urgence de dépannage, etc.). Sans vouloir sous-estimer les risques évidents des NTIC, il faut constater que l'histoire et l'approche générale du BSI ne semblent pas favorables à l'évolution d'une véritable CGI. Les aspects de sécurité priment sur les aspects de production d'informations réelles pour la CGI qui devraient en fait primer. D'ou des hésitations d'un certain nombre de webmasters de collaborer trop étroitement avec leurs "collègues de la sécurité". Dans sa philosophie d'origine, le travail du webmaster est toujours plus marqué par l'optimisme, par la créativité et par la bonne gestion de la CGI que par d'éventuels soucis d'intrusion, de manipulation, de sabotage, etc.

 

Pour revenir justement au côté productif, les techniciens et administrateurs ont deux fonctions principales comme webmasters : premièrement, la programmation globale et la mise en réseau du site et, deuxièmement, l'entretien et les mises à jours (updates). Lors d'une conférence de webmasters du gouvernement américain en août 1996, le Lieutenant Steve Luminati du Pentagon a résumé la vie d'un webmaster sous "The Dark Side of Fame" :

 

Dans un premier temps, les techniciens en tant que créateurs (ou "webspinners") doivent donc maîtriser les différents langages de programmation de l'Internet (HTML, Java, CGI-script), quelques aspects de design et la gestion des fichiers sur le serveur. Pour cela sont utilisés des logiciels Internet spéciaux, notamment des éditeurs HTML (par ex. Hotdog) et des logiciels complets (MS Frontpage, Netscape editor plus Photoshop, Paint Shop Pro, etc.). Habituellement, les programmateurs d'un grand site avancé travaillent en équipe pour que chaque membre puisse avoir son domaine de spécialisation. De plus, dans les grandes entités, le contenu et les prescriptions du "corporate design" peuvent être fournis par le niveau politique ou par les spécialistes de la communication. Pour des NTIC sophistiquées, comme des formulaires interactifs, les techniciens doivent préparer des systèmes d'automatisation basés sur les CGI-scripts. D'habitude, les techniciens s'occupent aussi des questions du serveur et de sa sécurité : installation de logiciels "firewall", accès protégé par mot de passe, logiciels anti-virus, gestion du chargement, etc.

 

Dans un deuxième temps, les techniciens deviennent surtout administrateurs en s'occupant de la vie quotidienne du site. La mise à jour des fichiers contenu (actualités, déclarations de presse, thèmes spéciaux, sessions de chat) peut prendre beaucoup de temps. Dans ce cadre, les participants à la chaîne d'information dans l'administration sont un enjeu principal. La gestion efficace et la mise à jour de la CGI ne peuvent être assurées que si tous les participants possèdent d'un niveau de formation NTIC suffisant et s'ils sont convaincus de l'importance du médium Internet. Faute de mieux, le caractère interdisciplinaire de la CGI exige une bonne entente entre les acteurs du cabinet politique, du service des relations publiques et du service informatique. Déjà dans de telles conditions favorables des problèmes s'annoncent lorsqu'un seul webmaster doit réviser techniquement et mettre en ligne en 24 heures les articles de 90 webspinners de son administration. De manière humoristique le webmaster du Pentagon rappelle ses tâches de gestion et de collaboration avec les webspinners :

Remember, HTML keeps changing!

 

Get webspinners to share ideas & compete"

 

Dans une combinaison des parties de technologie à long terme et de contenu plus à court terme, le webmaster d'un site de CGI doit relever d'autres défis. Pour garder le bon niveau technologique, le webmaster est censé lire régulièrement, parcourir l'Internet pour des nouveautés et consulter ses collègues. En plus, dans des cas de mauvaise organisation, un seul webmaster reçoit énormément de courrier électronique externe et des demandes internes à la fois. En connaissance des causes, le Lieutenant Steve Luminati du Pentagon parle du webmaster surchargé qui s'offre "comme agneau à sacrifier" ("sacrificial lamb definition").

 

 

3.4. Les associations et les lobbys, promoteurs "extérieurs"

 

Par les sondages de Hotwired nous avons pu apprendre que la moyenne des internautes est très engagée en la politique et dans les associations sociales de tout genre. Les options de communication rapide et d'interactivité via NTIC sont évidentes ; ainsi, un terrain idéal se présente pour la création, l'expansion et la présentation professionnelle de groupes d'intérêts ("pressure/ interest groups") en matière de technologie. Par la convergence des trois facteurs évoqués, typiques des internautes - intérêt politique, engagement social et facilités techniques - naissent les associations promoteurs de la CGI. Même si le phénomène de la CGI appartient naturellement plus aux pouvoirs publics qu'aux particuliers privés, un bon nombre d'associations encadrent son évolution. Au sein de leur philosophie libérale de promotion des NTIC dans la société, des facteurs de CGI jouent un rôle crucial : l'efficacité du service public/ la modernisation de l'appareil bureaucratique, la communication administration & citoyen, la participation du citoyen aux prises de décision de l'Etat, "la démocratisation générale" d'une société occidentale, etc.

 

Dans cette catégorie d'associations se rassemblent toutes les personnes qui jugent les NTIC et la CGI essentielles pour l'avenir de la société et de l'Etat, qu'ils soient représentants du dernier ou pas. Majoritairement, ces organisations sont nées d'activités décentralisées, de petits clubs ou même de visions individuelles, bref, de type "grass-root". Aux moments où les têtes politiques se rendent compte de déficits majeurs de CGI, les associations peuvent aussi avoir un caractère centraliste ou "para-étatique". D'habitude, le grand avantage des associations est leur statut officieux, ouvert et flexible qui permet d'accueillir un maximum d'agents concernés ou d'experts extérieurs intéressés afin de débattre tous les sujets sensibles "off the record".

 

La première catégorie de membres consiste de fonctionnaires de l'administration publique qui échangent leurs informations, leurs rêves et leurs soucis sur le développement (ou le blocage) des NTIC dans leur secteur respectif. Une fois de plus, typique d'Internet, toutes les catégories supérieures de l'administration peuvent être confondues, d'un grand directeur de département "politisé", soucieux des stratégies de CGI, jusqu'à un webmestre moyen qui se sent entouré de "murs bureaucratiques" qui empêchent la croissance souhaitée de son site. En gros, il suffit de rappeler les catégories d'agents publics de CGI déjà évoqués - les "politiciens", les "communicateurs" et les "techniciens".

 

En revanche, une deuxième catégorie d'agents extérieurs au monde de l'administration nationale émerge que l'on pourrait voir comme le début d'une structure de "lobby technologique" qui est déjà assez active aux E-U. Ces agents "indirects" sont intéressés par la promotion de la CGI dans l'Etat afin de pouvoir gagner de l'argent via l'équipement, le conseil ou l'accès facile des media aux informations politiques. Par conséquent, ces personnes peuvent représenter l'industrie des NTIC (télécom, informatique, providers), les media de masse, les agents de la formation commercialisée en NTIC ou des conseillers spécialisés.

 

A cela s'ajoute un troisième groupe très mélangé de scientifiques de projets pilotes ou de cellules de réflexions philantrophiques ("Think-tanks", sociétés de débat) qui se soucient du développement technologique et démocratique d'un pays. Ce groupe inclut aussi des patriotes idéalistes, des (cyber-) citoyens engagés, des internationalistes rêveurs ou simplement des aventuriers du cyberespace qui espèrent gagner leur partie dans l'atmosphère du "Gold Rush".

 

 

L'international et les Etats-Unis

 

Au niveau international, l'engagement de trois associations très actives touche au domaine de la CGI, pour les aspects de technologie Internet, d'administration et de démocratisation :

 

Tout d'abord, il y a la "Internet Society" (ISOC) qui se voit comme "organisation globale et internationale destinée à promouvoir l'interconnexion ouverte des système et de l'Internet..." Pour 35 USD $ par an, toute personne intéressée peut s'inscrire à l'ISOC pour participer à la création d'un cadre stabilisant à l'évolution foudroyante des NTIC et pour élire les différents membres des comités d'action. L'ISOC, une tête décentralisée et à but non-lucratif, est spécialisée dans les questions d'infrastructure technologique ce qui se traduit par nombre de comités et de groupes de travail ("task forces", "workshops") sur la standardisation des protocoles de transmissions (TCP/IP), sur les réseaux continentaux, sur la sécurité des transmissions, sur le nommage unique des adresses IP/URL, sur les recherches de prédiction des NTIC, etc. Sous le chapeau du IAB (Internet Architecture Advisory Board) de l'ISOC se trouvent l'IETF (Internet Engineering Task Force) pour le développement de certaines NTIC et l'IRTF (Internet Research Task Force) pour les analyses scientifiques de l'avenir de l'Internet.

 

Sous la tutelle du IAB travaille également l'IANA (Internet Assigned Number Authority) qui distribue les fameuses adresses IP. Depuis 1998, cette IANA cherche à se séparer de son sponsor initial, du gouvernement américain, pour se transformer en autorité internationale indépendante (d'où "IANA II"). Par ailleurs, il existe aussi des "task forces" à caractère plus social comme le Internet Law Task Force (ILTF) qui essaye de préparer un premier "cyberlaw" imposable face aux multiples défis juridiques transfrontaliers et "virtuels" soulevés par les cybernautes. Il serait dangereux de sous-estimer le travail de ces comités d'experts car leurs projets et décisions influent l'environnement technique indispensable pour l'exécution efficace de toute CGI. La grande ambition affichée par l'IANA est assez proche des idées d'une CGI : "Dedicated to preserving the central coordinating functions of the global Internet for the public good." D'ailleurs, les chapitres nationaux et régionaux de l'ISOC peuvent avoir une grande autorité sur la CGI, grâce aux appartenances doubles de certaines personnes aux gouvernements et à l'ISOC à la fois.

 

Après les organismes en charge du cadre technologique "extérieur", il existe une organisation internationale qui s'intéresse aux conditions technologique et organisationnelle "intérieures" de la CGI, c'est à dire, à l'administration-même. L'ICA (International Council for Information Technology in Government Administration) est une association qui promut "off-the-record" l'échange d'idées, de compétences et d'expériences en NTIC. Cela concerne les enjeux de management, d'organisation, d'emploi concret des NTIC et de la CGI dans l'administration publique de 23 pays. Lors de conférences annuelles, dans des comités de travail et par des publications, les membres du ICA essayent d'enrichir leurs politiques publiques nationales par les apports des collègues étrangers. Parmi les hauts responsables (officers) du ICA se retrouvent nombre d'acteurs de CGI nationaux connus, notamment des petites communautés de NTIC allemandes et françaises, comme Rainer Mantz du KBSt à Bonn et Michel Fontanel du Secrétariat à l'Industrie (Service SERICS) à Paris.

 

Sur la scène internationale agissent une dizaines de grandes associations qui se soucient des enjeux démocratiques et des libertés individuelles autour de la CGI. De vives discussions à ce sujet ont commencé sur les newsgroups américains aux E-U, entre citoyens américains ; par conséquent, les associations qui s'en sont établies apportent une vue très "américaine" des choses (idéologie libérale, communication informelle, anti-censure, idéalisme, langage anglo-américain, etc.). Néanmoins, suite au développement international de l'Internet scientifique, public et commercial en Europe, en Amérique du Sud, en Asie et en Australie, les cyber-associations "libertarians" se sont mondialisées.

 

La plus grande d'entre elles est l'EFF (Electronic Frontier Foundation), très connue pour sa "Blue Ribbon Campaign of Online Free Speech" lancée en 1994/95. Fondée en juillet 1990, l'EFF se consacre aux libertés civiques protégées par la Constitution américaine alors que les NTIC montrent de nouveaux défis. A l'aide de forums de débats, de conseils, de "réseaux d'alerte", de pétitions, de la défense d'internautes en conflit avec la loi et via sa fameuse "Blue Ribbon Campaign", l'EFF combat la censure étatique, la limitation du cryptage et tout autre moyen de surveillance gouvernementale sur Internet. En ligne, l'EFF "libertarian" inconditionnelle se présente ainsi : "The Electronic Frontier Foundation, is a non-profit, non-partisan organization working in the public interest to protect fundamental civil liberties, including privacy and freedom of expression, in the arena of computers and the Internet..." (cf. déclarations, programmes et ses bureaux de contact sur www.eff.org).

 

Avec un rayonnement nord-américain et international, travaille également le CDT, Center of Democracy and Technology basé près de Washington DC. Par un recul scientifique sur la CGI et par une philosophie plus constructiviste que l'EFF, le CDT s'engage dans quelques aspects de CGI, notamment dans la démocratisation des relations citoyen - Etat via les NTIC (aux E-U et ailleurs) : "The Center for Democracy and Technology is a leading advocate for democratic values and constitutional liberties in the digital age. [It engages in...] activities and debates that will affect the future of free expression and privacy on global communications networks. Backed by staff expertise in relevant law and technology, CDT seeks practical solutions to problems and is dedicated to building broad consensus among all parties interested in the future of the Internet and other new communications media."

 

Pour cela, le CDT critique régulièrement des initiatives législatives à Washington DC, à l'ONU, en Europe ou ailleurs dans le monde qui visent à la censure des internautes. Ce "lobbying international pour la démocratie" peut influencer la CGI, notamment, lorsque les spécialistes du CDT élaborent et soumettent des concepts concrets de politiques publiques et de solutions techniques alternatives. Par des stages de formation, des conférences et des bourses de recherches, le CDT tente "d'éduquer" les agents de CGI privés et publics à une meilleure connaissance des facteurs démocratisants du réseau. Des groupes de travail multinationaux de scientifiques, de fonctionnaires, de responsables politiques, d'étudiants et d'autres activistes du net réfléchissent sur la protection des informations privées, sur le cryptage et la transmission publique sécurisée, sur les droits de l'Homme sur l'Internet, sur le soutien international des organisations "grass-root", etc.

 

Malgré le caractère internationalisant des NTIC, les enjeux de CGI restent fortement débattus sur la scène nationale. Comme nous avons appris, les associations concernées aux E-U correspondent habituellement aux catégories "mondiales". Néanmoins, pour garder sa nouvelle vision internationale, l'ISOC-monde a décidé de créer un chapitre spécialisé pour répondre aux besoins particuliers de la politique nationale "inside the Beltway" de Washington DC. Avec la parole "The Internet comes to Washington DC", le "Washington DC Chapter of the Internet Society" (DC-ISOC) est fondé en mars 1995 et obtient rapidement l'attention du gouvernement fédéral, la Maison blanche incluse.

 

Le "DC-ISOC", comme se dit dans le langage washingtonien, se consacre au lobbying en NTIC parmi les stratèges politiques et les programmateurs de CGI du gouvernement ainsi que parmi les utilisateurs de "première classe", les media politiques dans la capitale. Bien sûr, le DC-ISOC essaye d'influencer l'énorme volume financier et humain de la NII (National Information Infrastructure) dans son sens. Etant donnée la philosophie d'encadrement de l'ISOC-monde, le chapitre washingtonien vise à unir les différents organismes politiques et technologiques (groupes de software/hardware, conseillers NTIC, providers, télécom, ISOC-monde, IAB/IETF, IANA, etc.) autour des institutions gouvernementales concernées par la CGI. Depuis mars 1995, DC-ISOC a organisé une dizaine de réunions et de forums de débats publics, avec des titres comme : "Internet Gouvernance - Who's in Charge Here?", "Politics Online", "The War on Spam" [email non-souhaité], "Internet Gridlock" [avenir de l'Internet], "Domain Names - Issues, Policies and Solutions", "Encryption Rights, Control and Privacy", "Telecom Reform Legislation: Implications for the Internet and the NII" [censure, accès universel, élargissement de la NII], etc.

 

Aux Etats-Unis, où le secteur technologique et ses débouchés sont les plus larges du monde, les représentations des professionnels qui cherchent à influencer le monde de la CGI ne manquent pas. Ce sont notamment l'industrie des NTIC (télécom, hardware/software informatique, providers), les media de masse (agences de presse, journaux, TV, radio, maisons d'éditions classiques, éditions en ligne), les agents de la formation commercialisée en NTIC (instituts, agences, online-teaching) ou des conseillers spécialisés à titre personnel (ingénieur NTIC, conseiller en communication, conseiller en sécurité). Dans cette catégorie la plus commerciale des divers agents "indirects" de la CGI, on devrait souligner les activités "philanthrophistes" de quelques grands groupes technologiques américains et internationaux. Microsoft, Sun, MCI, Motorola, IBM, AOL, SAP-America ou CNN sponsorisent massivement des organisations "grass-root" et "non-lucratifs", si elles font une bonne publicité (indirecte) auprès de l'Etat pour "la vision NTIC" du monde.

 

Au dessus de nombreuses organisations de branches technologiques et de régions, il y a un grand lobby national, déjà fondé dans les années 1950 avec un intérêt particulier dans l'évolution de la CGI : Il s'agit de l'Association of Information Technology Professionals (AITP), présente dans la capitale Washington DC. Avec l'approche d'un lobby industriel classique, l'AITP cherche à promouvoir ses intérêts au sein du gouvernement ou lors du processus législatif par un "dialogue productif entre le secteur public, l'industrie et les sciences". Des engagements intéressants sont les forums de discussions de l'IATP avec des agents publics et privés de la CGI ainsi que des projets de "certificats de qualité professionnelle" pour les agents privés contractuels. Ce lobby travaille aussi via ses programmes de formation en NTIC dans une "Foundation for Information Technology Education". Dans son propre intérêt, l'IATP communique ses visions de la "progression naturelle" des NTIC au sein de l'administration, des "visions" qui rappellent encore "l'impératif communicationnel". Cela inclut que l'IATP cherche à recruter les professionnels des NTIC et de la CGI au sein de l'administration par toute sorte de publicité et d'événement social attractif.

 

La dernière catégorie des influences organisationnelles sur la CGI est celle des "think tanks", des cellules de réflexion scientifiques et philanthropistes. Pour le domaine de la CGI à Washington DC sont présents la Carnegie Endowment for International Peace (www.carnegie.org) et surtout la Brookings Institution. Cette Brookings Institution est le premier think tank américain en tradition et en puissance intellectuelle. L'institut héberge quelques 70 célèbres professeurs universitaires et cherche à soutenir le gouvernement américain dans les grands défis des politiques publiques et du développement de la société. Cela inclut le destin les relations trilatérales entre gouvernement, citoyens privés et secteur économique à l'aube de la société de l'information. A ce but, le "Center for Public Policy Education" et le "Government Affaires Institute" de Brookings ont proposé de nombreuses conférences internationales, de débats, de work-shops, de publications et d'expertises ciblées. Grâce à son capital unique de spécialistes des universités les plus prestigieuses du monde sous le toit à Washington DC, Brookings est devenu un conseiller indépendant très respecté, en particulier pour des sujets "futuristes". Les stratèges de Brookings avaient souvent leur mot à dire sur les politiques de NTIC du gouvernement fédéral. D'ailleurs, les séminaires et conférences de 1997/98 avec des titres philosophiques ou futuristes touchent régulièrement aux enjeux de la CGI : "Federal Civil Service Reform", "Executive Leader in a Changing Environment, Leadership 2000", "Public Management Innovation", etc. C'est bien pour cela que Jane Gruenebaum, vice-directeur du Center for Public Policy Education, a ouvert la "Most Important Public Management Conference of the Year" en avril 1998 à Washington. Cette conférence eut comme sujet principal la gestion de l'introduction des NTIC dans l'administration fédérale. La citation du fondateur Robert Brookings montre le mieux la philosophie innovatrice de ce think tank suprême : "Our goal is to teach the art of handling problems rather than simply impart accumulated knowledge."

 

Par ailleurs, dans les universités américaines une cinquantaine de chercheurs s'est consacrée aux sujets "modernes" des NTIC, notamment sous l'approche des sciences de la communication et de l'information, de la science politique ou de l'informatique. Ici, nous souhaitons épargner les détails au lecteur, mais pour une consultation ultérieure, les suivants projets scientifiques, proches de la CGI, devraient être mentionnés :

 

 

 

La situation en France

 

Pour les deux pays d'étude en Europe, la situation est moins complexe qu'outre-Atlantique. Le degré d'organisation des agents administratifs, des "cybercitoyens" et d'un lobby pour la CGI reste très faible par rapport aux conditions américaines. Malgré le petit volume financier et personnel des activités de CGI dans les pays, on peut faire des distinctions nationales. En France, la communauté des associations privées ou para-étatiques qui gravitent autour de la CGI est assez développée alors qu'en Allemagne la densité organisationnelle reste faible. Une explication pour le grand nombre de cyberassociations dynamiques en France pourrait se trouver dans la philosophie technologique des gouvernements avant celui de Lionel Jospin. L'attentisme des leaders politiques de la France entre 1994 et 1996/97 a dû supprimer la présentation officielle de multiples initiatives NTIC "grass-root" au sein de l'administration. Ainsi, face à l'atmosphère anti-Internet, la dernière option des fonctionnaires pro-Internet était la création de cyber-associations officieuses ou privées en dehors de la portée de sanctions des supérieurs politico-administratifs.

 

Pour retourner à l'actualité française, une association nationale et interdisciplinaire s'engage pour les besoins de la CGI, l'IFI, "l'Initiative franç@ise pour l'Internet", fondée à Paris en juillet 1997. Elle est fondée comme nouveau chapeau organisationnel sur quatre associations grass-root déjà très actives (Admiroutes, ISOC-France, Villes numériques et Club de l'Arche). Le manifeste de l'IFI du 7 juillet 1997 souligne l'objectif principal : la préparation décentralisée du pays à la société de l'information, tant dans l'administration publique que dans la société civile. L'IFI voit l'impulsion à la base, dans les collectivités territoriales, dans les PME et chez les citoyens privés. Tout en gardant son esprit constructif, elle essaye de casser avec les traditions de réformes centralistes de l'Etat, peu efficaces pour le monde des NTIC. Le manifeste vise aussi la CGI en déclarant sur la communication citoyen - Etat de l'avenir : "La pratique de la communication électronique, la capacité de créer et de rechercher de l'information, fondent l'autonomie du citoyen de demain et conditionnent son insertion sociale et professionnelle ... L'Etat conserve cependant un rôle majeur, à la fois pour inviter les Français à se mobiliser et pour créer, dans les domaines de sa compétence, les conditions favorables au développement de l'Internet en France."

 

L'IFI et ses quatre associations porteuses veulent améliorer les connaissances sur les enjeux et les impacts des NTIC, par des actions d'information off-/online (cf. www.fete-internet.fr d'octobre 1997), par des réseaux de cybernautes, par des services de proximité, par des études stratégiques et par un engagement intensifié de la France au niveau international. De plus, l'IFI cherche à influencer directement les affaires gouvernementales en suggérant des projets de NTIC, pour la démocratisation de l'accès, pour la formation des agents, pour la promotion du commerce électronique et pour la réforme de l'Etat. Surtout sous ce dernier point, l'IFI propose des idées concrètes pour l'introduction de la CGI dans l'administration nationale.

 

Admiroutes, l'un des signataires de l'IFI, est une association informelle et bénévole ("sans idée préconçue sur les méthodes et les résultats") de fonctionnaires qui s'engagent depuis 1995 dans la modernisation de l'administration par les NTIC, la CGI incluse. L'association a été initiée par son président actuel, Jean-Paul Baquiast, un spécialiste des questions de CGI et l'auteur du célèbre Rapport "Administration 1998-2001" pour Lionel Jospin. Dans l'animation du site et d'Admiroutes collaborent également Anne Bedel (design, conception) et Christophe Bléret ("La Gazette").

 

Admiroutes sert de lieu d'échange à haut niveau, de source de conseil et de laboratoire "do-it-yourself" pour les agents interdisciplinaires de la CGI. Un forum en ligne enrichit le Rapport Baquiast en délibérant ses enjeux : la réforme de l'administration, les relations citoyen-administration, l'accès aux informations administratives, les simplifications par téléprocédures, etc. On se rend compte des défis énormes, étant donné que la mentalité administrative traditionnelle se trouve aux antipodes de la mentalité du cyberespace. Heureusement, le caractère officieux d'Admiroutes avec ses bons contacts à Matigon et à Bercy, permet de prononcer des questions gênantes et des critiques ciblées : "Ceux qui en sont convaincus doivent-ils attendre des injonctions gouvernementales ou institutionnelles détaillées? Certainement pas, dans la mesure où l'administration, en tant que corps, ne peut que réagir avec une trop grande lenteur dans un domaine aussi évolutif ..." En plus de cela, la philosophie de l'association réveille les "spectres décentralisateurs" des NTIC dans la hiérarchie administrative : "Il convient que les citoyens, en premier lieu, et les fonctionnaires eux-mêmes, de tous grades et métiers, apportent leur pierre à la définition de la nouvelle pratique administrative..." Cela n'empêche pas que les Services du Premier Ministre prêtent attention aux conseils et aux critiques des fonctionnaires visionnaires d'Admiroutes.

 

Une autre association en ligne d'origine française s'est consacrée aux contenus de la CGI. Pour que tous les documents publics de l'administration puissent véritablement être disponibles en ligne "Mister Internet public", Christian Scherer, a fondé AdmiNet. Ce "Centre de Cyberdocumentation publique" travaille bien entendu à titre privé et indépendamment du patron principal de M. Scherer, le Ministère de l'Industrie à Paris. Le site d'AdmiNet s'est développé en forme d'araignée et invite tous les agent de CGI, au sens le plus large, à contribuer ("libérer") des documents publics en ligne. Ainsi, un réseau international d'activistes bénévoles d'AdmiNet ne cesse de grandir. Des fonctionnaires, des universitaires, des avocats, des journalistes et des associations de la France mais aussi des E-U, du Canada, de l'Allemagne, de la Suisse et du Japon y participent, pour former "The AdmiNet's Virtual Team".

 

Depuis 1995/96, AdmiNet a publié une centaine de liens vers les sites contenant des informations sur les institutions politiques, le service public, la législation et la diplomatie de la France. De plus, dans le répertoire international d'AdmiNet se retrouvent toutes sortes d'informations institutionnelles, de discours politiques, de documents législatifs (textes, décisions, cas de litige), de données économiques, etc. Pour assurer la continuation de bons contacts avec la source d'information principale, le gouvernement français, AdmiNet s'est officiellement imposé une série de restrictions. Suite à des conflits juridiques avec les autorités françaises, AdmiNet refuse toute information confidentielle et il assure le respect de la loi française "informatique et libertés" (mention de tiers, logos, copyright, droits d'auteurs, etc.).

 

Pour continuer avec l'engagement de Christian Scherer, ce dernier a également reçu la mission officielle du Ministère de l'industrie d'établir une branche économique de CGI au service des PME françaises. Le projet pilote s'appelle EVARISTE (Etude et Valorisation des Activités de Recherche et d'Innovation Scientifique et Technique pour les Entreprises). Avec une version en langue française et une en langue anglaise pour les marchés internationaux, EVARISTE cherche a promouvoir l'emploi des NTIC par les PME. Dans le cadre d'un projet sur la société de l'information du G 7 ("Global Information Network"), on souhaite établir un "marché" de conseil, d'échange et de transfert de NTIC pour les PME françaises. Cela inclut, dans la tradition du cyberespace, une série de liens vers d'autres projets stratégiques de ce type et vers des bases de données économiques. Le site d'EVARISTE a démarré en avril 1996 ; le "Global Information Network" du G 7 continue sa croissance alors que l'intérêt des PME françaises concernées semble limité...

 

Sous son président actuel Bruno Oudet, ISOC-France, le chapitre français de l'ISOC-monde, occupe aussi une position importante dans le développement de l'espace public sur Internet. Fondé en 1995, ISOC-France cherche à promouvoir de manière globale l'utilisation de l'Internet en France, l'emploi de la langue française en ligne et la participation française dans les comités d'ISOC-monde. A ce but, des membres du chapitre français se sont inscrits à l'IETF d'ISOC-monde (questions de standardisation) et collaborent à d'autres actions en ligne : la "Fête de l'Internet" de 1997 (www.fete-internet.fr), "l'Initiative française pour l'Internet" (IFI), le sommet mondial des internautes "l'INET 98" à Genève, etc. En outre, sous la présidence du professeur Oudet, ISOC-France organise des réunions mensuelles, des forums publics, des conférences d'experts et des stages d'initiation à l'Internet. D'habitude, ces événements attirent aussi l'intérêt d'autres associations de cybernautes français et des responsables publics.

 

Les "Journées AUTRANS" annuelles d'ISOC-France semblent devenir un forum de débat majeur sur les enjeux de la société de l'information. Sous le titre "La société française en réseau", les "Journées Autrans" (Isère) de janvier 1998 ont permis la discussion d'un tas de facteurs de la CGI : la formation du "cybercitoyen" de demain, la démocratisation de l'accès, la présentation du contenu sur Internet, le multilinguisme en ligne, le rôle du gouvernement, la réforme de l'administration, l'accès aux documents publiques, l'infrastructure du commerce électronique, etc. Les conclusions des "Journées AUTRANS" furent publiées dans un communiqué de presse ("Autrans 98 - une 'preuve' de l'évolution de la société française") et dans un catalogue de recommandations aux pouvoirs publics, remis à leurs représentants.

 

En résumé, il faudrait retenir que les cinq cyber-associations présentées qui gravitent autour des enjeux et des impacts de la CGI en France se confondent. Contrairement aux E-U, où, à l'état de débat avancé, une spécialisation de créneaux est plus lisible, les cinq associations françaises travaillent de manière interdisciplinaire. Il existe certainement la tentative de distribuer des tâches claires, mais beaucoup d'engagements se superposent - ou ont lieu en commun. De la perspective des acteurs français de 1997/98, ces enjeux de démocratisation, de réforme de l'Etat ou d'infrastructure économique restent fortement interdépendants. Pour revenir à l'aspect de lobbying ciblé dans l'évolution de la CGI, il y a encore peu de dynamisme à constater, en dehors de quelques entreprises technologiques (France Télécom/Wanadoo, Thomson, Alcatel, Bull, IBM-France, Microsoft-France, AOL-France, etc.) avec des contacts directs au sein du gouvernement. Néanmoins, il semble y avoir un petit début d'une représentation des partenaires commerciaux de la CGI, l'Association Française pour les Professionnels de l'Internet (AFPI). Son site Internet ne dépasse guère le niveau de simple "vitrine de communication" ; quelques explications juridiques sur le statut (comme introduction !), la simple citation des entreprises technologiques "membres" et des articles dépassés tentent de cacher l'inactivité ou l'état "endormi" de l'organisation.

 

 

 

 

 

 

La situation en Allemagne

 

Chez les voisins allemands, la vie associative des agents publics de la CGI est encore moins développé. Tout d'abord, l'optimisme général du gouvernement Kohl envers les NTIC eut comme conséquence que la majorité des fonctionnaires-internautes pouvaient s'investir au sein de leur communauté politco-administrative. Comme pour chaque changement dans l'Etat allemand, le démarrage des réformes pour la CGI fut difficile et lent, mais le sujet "NTIC" a rapidement gagné une réputation très positive. Le fait que les associations informelles ou privées n'existent guère ne veut pas dire que des promoteurs "extérieurs" n'auraient pas leur mot à dire. D'un côté, le gouvernement fédéral a su fonder ses propres clubs de réflexions comme le "Petersberg-Kreis" ou le "Forum Info 2000" et, de l'autre côté, la tradition de grands think tanks allemands se fait sentir. Sous l'angle de la CDU de Helmut Kohl, la fondation "Konrad-Adenauer-Stiftung" (KAS) s'est lancée dans le débat futuriste. En marge de cela, la "Naumann-Stiftung" libérale et la "Friedrich-Ebert-Stiftung" de gauche ont essayé avec peu d'effet de compléter l'engagement massif de la KAS. Comme diamant des NTIC au dessus de toute tendance politique, la "Bertelsmann-Stiftung", fondation futuriste et philantrophiste du groupe médiatique international Bertelsmann, s'est investie dans toute la gamme du cyberespace, la CGI en incluse.

 

Le "Petersberg-Kreis" et le "Forum Info 2000" sont dieux sociétés de débat dans l'entourage du service du Ministère de l'économie qui permettent la réflexion de leaders allemands sur les NTIC. En Septembre 1994, le Petersberg-Kreis s'occupe pour la première fois du sujet "Société de l'information". Il y participent les ministères de l'économie, de technologie et formation, de télécommunication (aujourd'hui privatisé) et quelques représentants de l'industrie technologique allemande. Depuis 1995 s'y joignent de hauts représentants des syndicats (cf. www.dgb.de) pour les aspects sociaux. Deux groupes de travail spécialisés sont crées qui délibèrent des aspects de CGI, dont un groupe sur "le cadre politique et juridique de la société de l'information". Par ailleurs en 1995/96, les débats du Petersberg-Kreis abordent la sécurité des NTIC, l'accès aux réseaux, la concurrence, les difficultés juridiques dans un "cyberespace" virtuel, la télématique, la formation, etc.

 

Le "Forum Info 2000" s'est établi en parallèle à l'initiative plus élitaire du Petersberg-Kreis. Cette association futuriste sous les auspices du gouvernement fédéral et de la KAS rassemble quelques 800 experts et agents de 180 associations, institutions et entreprises du pays qui s'intéressent à l'introduction des NTIC en Allemagne. D'après Hermann Rampacher, président de la "Société de l'informatique", le Forum Info 2000 représente un laboratoire futuriste unique qui "montre comment le dialogue et la participation politique dans une démocratie pluraliste peuvent être promus..." Le discours de Rampacher devant le forum aborde aussi les impacts du "marché global de l'Internet" sur l'économie, la politique et la société allemandes.

 

La plus grande fondation politique du pays, la "Konrad-Adenauer-Stiftung" (KAS), un des grands sponsors du Forum Info 2000, s'est aussi consacré aux grands défis des NTIC. Encore en mars 1998, la KAS a invité à une conférence scientifique titré "Innovation par la télécommunication I : Internet et politique". Avec une combinaison d'intérêt politique et de recul scientifique, la cause des agents d'une CGI est abordée sous de multiples approches :

 

 

Des "internes" de la CGI, comme "le" stratège NTIC de la Chancellerie, Michael Mertes, et les "externes" universitaires ou commerciaux ont présenté leurs vues. La suite du programme du think tank KAS promet un enrichissement du débat allemand sur le sujet d'autant plus que les stratèges officiels de la CGI y ont personnellement participé dès le début. D'après la KAS, la discussion sera poursuivie par une série d'autres événements sur les NTIC.

 

Néanmoins, le plus grand think tank sur les NTIC en l'Allemagne, peut-être sur le continent européen, reste la "Bertelsmann-Stiftung", la branche futuriste et philantrophiste du groupe international Bertelsmann. Etant propriétaire d'un nombre d'entreprises et de produits de NTIC, le groupe peut introduire son expérience technologique, son pouvoir financier et ses contacts politiques pour occuper toute la gamme des sujets du cyberespace. Ainsi, la fondation Bertelsmann propose le premier programme de haut niveau en formation et en réflexion sur les NTIC et la politique. A ce but, des séminaires pour les journalistes, les écrivains, les universitaires et les responsables politiques du pays ont été organisés. Toute la gamme des approches du sujet est couverte : technologie, philosophie, management, légalité, éthique journalistique, etc. A cela s'ajoutent, toujours sous le chapeau de "l'empire Bertelsmann", des publications, des conférences internationales, des programmes de bourses, des réseaux spécialisés et la remise annuelle du célèbre "Prix Carl Bertelsmann".

 

Sous les yeux de l'élite politique et technologique du pays, deux organisations étrangères reçoivent des mains du président fédéral Roman Herzog le prix Bertelsmann '98, pour leur "engagement exemplaire dans la promotion étatique et dans l'auto-surveilleance de l'économie médiatique." Il s'agit de l'autorité de supervision audiovisuelle du Canada, CRTC ("Canadian Radiotelevision and Telecommunications Commission") et de l'initiative d'auto-surveillance de l'industrie américaine de software, RSAC ("Recreational Software Advisory Council"). Lors de ces actions, Bertelsmann n'hésite jamais rappeler au gouvernement fédéral et à société allemands la portée internationale des NTIC et de la CGI. En plus de tout cela, la fondation Bertelsmann fait honneur à sa réputation de think tank en produisant des papiers stratégiques (par ex. "Kommunikationsordnung 2000") comme encadrement de la politique gouvernementale en matière d'Internet. Grâce à son excellence intellectuelle dans le passé et à son indépendance du monde politique, la fondation réussit à recruter de grands penseurs de droite, de gauche, des media, des universités, des syndicats et de l'étranger.

 

Face à la grande tradition et à la puissance organisationnelle des think tanks au sein de la politique allemande qui occupent un rôle aussi central que leurs pendants américains, les autres cyber-associations sont poussées en marge du débat publique national. Par contre, vu le caractère décentralisateur de l'Internet, il serait trop facile de parler d'une discrimination générale des cybercitoyens en dehors de cette "élite politico-technologique". Ceux-là sont très actifs en dessous du domaine fédéral de la CGI, notamment dans les Länders (régions allemandes). En Bavière, en Bade-Wurttemberg, en Hesse ou en Rhénanie du Nord-Westphalie, de nombreuses associations d'origine grass-root existent qui influencent les "CGI régionales" respectives. D'ailleurs, des universités allemandes à Berlin, à Passau, à Marburg et à Sarrebruck ainsi que le Centre national de recherche en informatique (GMD) près de Bonn ont monté des projets sur les NTIC, par contre, sans trop toucher au domaine concret de la CGI.

 

Une organisation de bénévoles assez développée est le chapitre allemand de l'ISOC-monde, "ISOC-Deutschland" (ISOC.DE e.V., www.isoc.de). Au début des années 1990 quand l'Internet est encore peu accepté et mal organisé en Allemagne, une "Deutsche Interessengemeinschaft Internet" (DIGI e.V.) voit le jour, peu de temps après la fondation de l'ISOC aux E-U. Le but général de DIGI est l'amélioration des conditions d'expansion de l'Internet en Allemagne. Par la suite, un centre national de nommage (DENIC, "DE-Network Information Center") est crée et la DIGI participe aux premières discussions techniques et politiques en 1992/93. Avec l'année 1995, la DIGI se transforme en ISOC.DE et est admise comme "German Chapter" à l'ISOC-monde. De cette manière-là, le nouveau chapitre national peut profiter de la puissance organisationnelle du réseau international d'ISOC tout en gardant ses fonctions-clées dans son domaine ".de".

 

Dans le même style que DC-ISOC à Washington, ISOC-Allemagne se retrouve dans la discussion politique et technologique autour de la CGI. ISOC.DE a pris position dans tous les grands débats sur les préparations de la société de l'information en Allemagne : la standardisation/le nommage dans ".de", la sécurité, le cryptage, la censure, le droit en ligne, l'infrastructure de réseaux du pays, le commerce électronique, la lutte contre les pédophiles, etc. En plus de quelques actions de conseil auprès de la législation fédérale, de conférences et de stages ponctuels, le chapitre allemand anime des forums de débat en ligne sur les sujets évoqués. Un événement public majeur d'ISOC.DE est certainement la conférence annuelle "Opennet" où tous les membres allemands et des spécialistes invités ont la possibilité de délibérer en direct les sujets les plus brûlants. Pour la première fois, ISOC.DE a pu se profiler au niveau international lors de la réunion annuelle de l'IETF, organisée à Munich en août 1997.

 

Pour conclure la partie sur les influences "extérieures" sur la CGI du gouvernement allemand, il faudrait citer le début d'un lobby professionnel qui fut également actif aux festivités du Prix Bertelsmann de 1998. L'association allemande du multimédia ("Deutscher Multimedia Verband," DMMV e.V.) est un premier lobby de quelques 500 entrepreneurs du multimédia. Elle est fondée en octobre 1995 pour encadrer le marché croissant du multimédia en Allemagne, notamment sous les aspects de "cyberlaw", de normes de qualité, de concurrence et de formation. Sans doute, le but de la DMMV est aussi de promouvoir les intérêts spéciaux de sa branche auprès des responsables politiques à Bonn. Pour le cas de la CGI, l'activité du lobbying classique auprès gouvernement fédéral inclut des conférences, des séminaires ou des rapports de recherche de la DMMV destinés aux agents de la CGI. Très souvent, ces rapports et études de spécialistes du multimédia "découvrent" un "grand manque de qualité", un "sous-équipement dramatique" ou une "nécessité de formation des agents publics"... Parmi les promoteurs ponctuels de la CGI du secteur économique du pays se retrouvent aussi quelques grandes entreprises technologiques, par exemple Siemens-Nixdorf, Daimler-Benz, Deutsche Telekom/T-Online, IBM-Allemagne, Microsoft-Allemagne, etc.

 

 

 

6. Les niveaux de communication et d'interaction

- un essai de classement

 

 

Dans les années 1960-70, où il s'appelle encore "ARPANET", où son utilisation se concentre entre des centres de recherche militaire et quelques universités californiennes, l'étendue de l'Internet est encore saisissable. En 1969, le réseau de communication des militaires américains, indestructible contre une attaque nucléaire, ne comprends que quatre nœuds de connexion. Dans les années suivantes, l'Internet obtient 25, 50 et 111 nœuds en 1971. Cependant, des centaines de chercheurs non-militaires commencent à communiquer sur la toile d'araignée. Le réseau s'étend en G-B, en Norvège, au Canada, au Japon et, finalement, dans tous les pays industriels, dits du "Premier Monde". De plus en plus d'universités, d'entreprises, de villes, d'associations et de gouvernements s'y mettent. Dans les années 1990, l'Internet explose de manière dramatique et arrive à fasciner des masses d'êtres humains, près de 150 millions de personnes en 1998. Face à cette toile d'araignée anarchique, formée de millions de points de connexion, de serveurs bourrés de données et de milliers d'options de communication, on perd très facilement l'orientation. La seule chose sure et "stable" dans ce réseau des réseaux est son expansion perpétuelle ; des taux de croissance de 100 à 200 % par an y sont normaux.

 

Donc, pour un essai de documentation de toute une gamme de différents volumes et catégories de communication sur l'Internet, il semble indispensable de construire une grille de lecture, un modèle. C'est justement via une telle grille de lecture simplifiante que nous souhaitons encercler les différents niveaux de communication et d'interaction de la CGI aux E-U, en France et en Allemagne. Malgré l'évolution permanente et malgré les différences nationales ou sectorielles, les quatre catégories suivantes peuvent s'appliquer :

 

    1. Le niveau de "vitrine" passive
    2. Le niveau de communication riche et unilatérale
    3. Le niveau de communication riche et interactive
    4. Les débuts du "Interactive Government"

 

Dans la moyenne de 1997/98, on peut constater que les services de CGI des trois pays d'études sont tous situés sur les niveaux 2-3, une évolution permanente incluse. Bien entendu, grâce à leur démarrage anticipé, les E-U sont les plus avancées en quantité et en qualité ; ponctuellement, elles atteignent même le niveau 4 du "Interactive Government". En revanche, en Allemagne et en France on trouve le niveau 2-3 et quelques exemples du niveau 1. Pour bien éclairer les circonstances d'une analyse pratique sur Internet, nous indiquons l'utilisation des outils suivants : PC Pentium 166 Mhz, 16 RAM, Win 95, MS Explorer 4.0, modem 28.800 baud avec accès téléphonique à un nœud majeur du réseau universitaire allemand.

 

Un centre de recherche aux E-U livre d'excellentes documentations statistiques pour étayer le modèle des quatre niveaux de communication. Il s'agit du CYPRG, "Cyberpolicy Research Group", un groupe de recherche multinational à l'Université de l'Arizona, qui analyse l'étendue et la qualité de la CGI dans le monde. Depuis 1995, le CYPRG documente en détail l'expansion du WWW dans le gouvernement fédéral à Washington et dans les Etats de l'Union européenne ; depuis 1997, les chercheurs sous le professeur Chris Demchak essayent même de couvrir tous les gouvernements en ligne du monde. Grâce à leur système de "codage" de différents aspects de la CGI, les chercheurs du CYPRG peuvent, par exemple, évaluer des sites gouvernementaux américains, français et allemands. Leurs informations proviennent de "scannings" réguliers du WWW et de nombreux entretiens directs des chercheurs dans les administrations concernées. Ces recherches présupposent bien évidemment une certaine ouverture des sites aux visiteurs extérieurs. Cela concerne la manière de laquelle les administrations se présentent et permettent le "feedback", mais aussi la façon de laquelle le visiteur est guidé sur un site.

 

Dans ces recherches, le CYPRG définit les critères de codage de la manière suivante :

 

 

 

 

Ici, un avertissement sur la validité de "data density" (transparence) et l'accessibilité doit être prononcé. Derrière ces facteurs se cachent des décisions de gestion intérieure de la CGI et la manière de laquelle l'organisation estime ses interactions électroniques avec le public. Ainsi, il est possible de donner un air très interactif et "techno" à un site gouvernemental sans fournir trop d'informations internes. Dans un tel cas, la CGI peut se transformer en mécanisme unidirectionnel de "propagande électronique" qui diffuse des informations gouvernementales tout en ignorant l'interactivité du médium.

 

De la perspective du visitant moyen, on peut supposer qu'il est à la recherche des suivantes données sur le site d'une organisation : Premièrement, il voudrait connaître les responsables techniques du site WWW et ceux à contacter pour les opérations traditionnelles de l'organisation. D'autant plus intéressant devient alors le nombre de services déjà offerts en ligne. Par ailleurs, un internaute expérimenté s'intéresserait certainement aux dates des dernières mises à jour. Deuxièmement, un visiteur cherche des explications détaillées sur les politiques publiques de l'organisation - des résumés, des discours, des commentaires, des bases législatives ou des liens vers les sujets limitrophes. Pour la suivante série d'analyses concrètes d'exemples de programmes de CGI, nous souhaitons utiliser quatre critères de qualité :

 

  1. la conception technique (programmation, outils)
  2. le design en corrélation avec la technique
  3. le contenu (sujets, profondeur, présentation adaptée)
  4. l'interactivité (outils, contacts, copyage, animation, etc.)

 

 

 

6.1. Le niveau communication "vitrine passive"

 

Dans les années 1992-94, où l'évolution de la technologie de l'Internet permet le premier accès des grandes masses, les gouvernements commencent à préparer et à installer la génération des sites de type "vitrine"... Les services électroniques de base sont le Gopher, le WWW et le email qui rendent la présentation et la consultation électroniques de documents en ligne relativement faciles. En 1993, le logiciel Mosaic est inventé par une équipe de chercheurs américains du NCSA (National Center for Supercomputing). La surface graphique de cet outil convivial permet à ses utilisateurs de naviguer sur l'Internet avec de simples commandes et des effets multimédia extraordinaires. En plus, vers le début de 1994, le successeur de Mosaic, le célèbre Netscape-browser est commercialisé ce qui cause l'explosion du nombre des utilisateurs. Alors qu'environ deux millions de personnes se trouvent sur le Web en 1992, plus de 5 millions y circulent fin 1994. Pour rattraper cette augmentation et pour éviter la surcharge du réseau, des lignes et des serveurs supplémentaires sont rajoutées.

 

Avec les moyens technologiques disponibles, le gouvernement américain établit les premiers services de CGI décentralisés comme petit supplément de la communication gouvernementale classique. En dehors des centres de recherches, via une dizaine de sites ministériels (DéfenseLink, Maison blanche, State Department, Departement of Commerce, etc.) des informations politiques sont proposées au grand public. A ce moment-là, la forme et la qualité des informations présentées ne dépassent guère le niveau d'une communication politique unidirectionnelle et superficielle. Comme s'il s'agissait de vitrines de magasin, les grands ministères présentent leurs "produits", les fonctions principales et leurs membres "formidables" sous format électronique, sans prendre des engagements supplémentaires. Pour le visiteur d'un site gouvernemental, peu d'options de navigation et de copiage de documents sont disponibles, d'autant plus qu'il a du mal à voir qui est responsable du site ou qui pourrait lui donner des informations supplémentaires dans un domaine souhaité.

 

Après avoir mis environ 1-2 ans à "traverser l'Atlantique" vers l'Allemagne, l'Internet gouvernemental est aussi découvert à Bonn. En 1993/94, en concurrence avec le Bundestag, les premières branches du gouvernement de Helmut Kohl se présentent sur Internet. Pour des besoins de la CGI vers l'étranger, le Ministère des affaires étrangères est parmi les premiers à créer un site, facilement définissable de "vitrine". Les Ministères de la technologie et de l'économie ainsi que la chancellerie avec le domaine "government.de" font aussi leurs petits pas sur Internet. Deux ans plus tard qu'aux E-U, l'ensemble du gouvernement allemand fait preuve de la même faible présence "vitrine" sur le réseau. Face au nombre d'internautes limités en Allemagne et au manque de compétence des responsables technologiques à Bonn, la CGI de 1993/94 est vue comme quantité négligeable.

 

En France, les débuts du gouvernement sur l'Internet se présentent de manière similaire. Même si les concepteurs des premiers sites en 1994/95, comme par exemple "www.diplomatie.fr", peuvent profiter du progrès des NTIC, le manque de compréhension de leurs supérieurs politiques empêche tout avancement d'une CGI en dehors du niveau "vitrine". En plus d'une certaine tradition de la communication gouvernementale "top-down", les premiers sites publics montrent encore le caractère rudimentaire d'une présence forcée ou "gênée" de l'Etat français en ligne. La politique officielle qui favorise toujours une présence limitée de l'Etat sur le service Minitel se fait sentir indirectement. Au niveau technique, la lenteur du IP-backbone national "Renater" et quelques fautes de programmation (HTML, formats de page, liens "morts") font preuve des moyens limités, investis à l'époque. De plus, un visiteur des sites est obligé de chercher longtemps pour éventuellement trouver un email de contact du webmaster technique qui n'a certainement pas de réponse appropriée au mail-jamming de centaines de visiteurs. Bref, on pourrait seulement parler d'un grand déficit en interactivité et en transparence d'un tel site gouvernemental. Face à l'absence de tout aspect personnalisant à l'époque, un internaute se sentirait plus dans la "vitrine d'un magasin mal rangé, limité par un grand mur gris" ... que de visite chez son gouvernement national.

 

Bien sûr, le niveau "vitrine" d'un site administratif n'est pas un phénomène limité aux débuts respectifs de la CGI entre 1992 et 1995. A côté des grands ministères nationaux, un bon nombre d'administrations et de services secondaires ont démarré leur programme Internet aussi tard qu'en 1997 ou 1998. Pour prendre l'exemple du grand voisin économique de la France, l'Allemagne, quelques petits ministères à Bonn arrivent à peine au niveau "vitrine" en 1998. Par exemple, le Ministère fédéral de la santé (Bundesgesundheitsministerium, BMG) avec ses fonctions essentielles dans les domaines de santé publique, de sécurité sociale, de recherche médicale et de protection générale des consommateurs profite encore très peu des NTIC. Après avoir démarré sur le serveur d'un service pharmaceutique avec une adresse introuvable ("www.dimdi.de/bmg/homepage.html"), faute de mieux, le BMG entretient encore en 1998 un site assez "passif" avec quelques éléments unilatéraux de CGI. On peut voir assez facilement que "à la rapide", un site Internet a été programmé à l'aide d'un éditeur de base (Netscape Editor 3.0.). Pour un ministère national, l'apparence textuelle et graphique reste très modeste. Peu de textes avec des fautes de frappe et de format, 2-3 images d'hommes politiques et très peu de couleurs laissent des choses à désirer. Après tout cela, le BMG est aussi introuvable sur les moteurs de recherches allemands et internationaux. Ce n'est donc pas par hasard que les statistiques du CYPRG de Chris Demchak indiquent un niveau d'interaction très faible du BMG par rapport aux autres ministères.

 

En revanche, il y a d'autres petits ministères allemands qui donnent une impression correcte au début mais laissent des doutes sur le fond technologique de leur service. Un tel exemple est le Ministère des transport (www.bmv.de) où les informations sur la circulation routière sont devenus un "tube" alors que le serveur central reste extrêmement lent ce qui empêche l'accès à une partie des pages. D'après les indications les plus récentes, une entreprise informatique a repris le relais de certains fonctionnaires pour améliorer le site du Ministère... Un autre secteur des gouvernements en France et en Allemagne se retrouve encore régulièrement sur le niveau "vitrine". Une bonne partie des grandes agences fédérales allemandes rattachées aux ministères et des services administratifs de l'exécutive française n'ont jusqu'à présent pas profité de la CGI. Soit leur service est entièrement absent du réseau, soit une petite présentation à la rapide du style BMG a été conçue (cf. en Allemagne : des agences de circulation, des agences pour l'environnement, l'agence de surveillance des chemins de fer, des agences d'affaires sociales, l'agence de recrutement pour le service national, la police judiciaire fédérale (www.bka.de), etc.)

 

 

4.2. Le niveau de communication riche et unilatérale

 

Au cours de l'année 1998, la majorité des sites de CGI en France et en Allemagne s'est concentrée à ce niveau deux. Suite à 10-15 mois d'expérience avec les sites de type "vitrine", les responsables de CGI dans les ministères ont habituellement rassemblé suffisamment de connaissances en NTIC pour passer à un autre niveau de qualité technique. De plus, les porte-paroles des ministres respectifs et même leurs patrons politiques commencent à se rendre compte du potentiel de la CGI comme soutien "moderne" de la communication ministérielle classique. Pour le côté technique, des fonctionnaires ministériels se sont familiarisés avec les applications plus complexes du WWW tel que le HTML-editor, les logiques de base du web-design, frames, les tableaux, local search engines, les formulaires en ligne, java-applets, etc. Comme autre option, les responsables "conservateurs" des services RP ont recruté les premiers spécialistes extérieurs pour ces nouveaux défis techniques.

 

En ce qui concerne le côté qualité du contenu, les informations fournies deviennent plus riches en quantité, en qualité et en actualité (cf. "data density"). Le visiteur peut sentir un premier concept de CGI qui se cache derrière le site lors que les informations pour la presse sont mises à jour assez régulièrement et lors que les premiers moteurs de recherche locaux ou de petites documentations ("pré-banques de données") sont proposés. Par contre, que ce soit la décision des webmasters et webspinners ou celle de leurs supérieurs politiques, le niveau d'interaction reste limité. Si des points de contact concrets sont indiqués, il s'agit souvent de l'email "solitaire" du webmaster et de numéros de téléphone.

 

Un site exemplaire pour le niveau de communication riche, unilatérale et "conservatrice" est celui du Ministère fédéral de l'agriculture et de l'alimentation (BML, www.bml.de) à Bonn. Le site est basé sur une technologie relativement simple en apparence et en programmation, le tout enrichi d'un design discret "nature", mais approprié pour la clientèle plus traditionaliste (agriculteurs/éleveurs, pêcheurs, chasseurs, etc.). En revanche, le chargement très rapide des pages en est un avantage technique. La qualité de l'organisation et de la présentation du contenu est l'autre atout. Il consiste d'une présentation très bien structurée de programmes nationaux du Ministère, de résumés des programmes européens, de conseils, de quelques liens et d'une sélection de discours du ministre Borchert. Pour cela, les experts du CYPRG donnent au BML une très haute valeur de transparence. Néanmoins, le site manque apparemment d'éléments d'actualité et de points de contact électroniques, les facteurs qui produisent l'interactivité. A part les coordonnées classiques, aucun email n'est indiqué, même pas celui du webmaster et la majorité des contacts "extérieurs" indiqués est dans le "off-line". Par ailleurs, le seul formulaire interactif de feedback pour les visiteurs du site parait mal configuré. Ces observations ponctuelles sont congruentes avec une mauvaise notation du CYPRG pour l'interactivité du site ministériel www.bml.de .

 

Un autre ministère allemand se trouve au niveau de "communication riche et unilatérale" avec une tendance vers la catégorie supérieure. Il s'agit du Ministère de la défense (www.bundeswehr.de), le cas d'étude exemplaire du début de ce mémoire. De son apparence et de sa conception technique, le site ne laisse pas de doutes sur les capacités techniques et organisationnelles de son webmaster. Une programmation très développée avec une grande partie de Java sont des bases sur lesquelles se présente un design moderne, bien réfléchi et attractif pour la clientèle. Ce n'était alors pas pour rien que quelques appelés avec une formation en "design & graphisme" ont travaillé sur ce site. Et pourtant, un élément graphique "gênant" apparaît à la Une du site qui interrompe le design global de la page centrale. Le contenu du site de la "Bundeswehr" est également organisé de manière très professionnelle et lisible. En général, un grand réseau de documentations sur toutes les branches et les activités de la Bundeswehr se présente au visiteur. En plus d'une banque de données détaillée pour la presse (communiqués, articles, photos, background), la section de recrutement a ciblé les jeunes allemands de manière sophistiquée. Dans ce cadre, un service rudimentaire de commande en ligne permet également à la clientèle d'obtenir des brochures sur les principaux sujets atour de la Bundeswehr et de son Ministère.

 

Par contre, un point de faiblesse organisationnelle du site peut être supposée. D'un côté, les déclarations de presse ne sont ni très actuelles, ni complètes et de l'autre côté, une seule adresse email est nommée sur ce grand site, comme d'habitude, celle du pauvre webmaster... C'est bien pour toutes ces raisons-là que les chercheurs du CYPRG qui ont aussi personnellement visité le Ministère, donnent de bonnes "notes" en transparence, mais de très mauvaises en interactivité.

 

Il y a peu de temps encore, le niveau de "communication unilatérale et riche" en France aurait fait partie des meilleurs éléments du programme de CGI. En 1995/96, avant le "l'effet Jospin" pour la CGI, les principaux sites du gouvernement français, comme www.diplomatie.fr, www.culture.fr, www.elysee.fr ou www.premier-ministre.fr n'arrivent guère au niveau deux de la communication. Même si la présentation d'un design attractif et de quelques gadgets technologiques sous-entendent un intérêt pour les NTIC, les sites restent lourds à charger et les promesses faites par l'emballage "techno" ne sont pas tenues derrière. De 1994 à 1996, la CGI demeure au niveau superficiel avec de la documentation et des références limitées et pratiquement aucune option de contact sur la voie électronique. Pendant cette étape, l'évolution des NTIC et la compréhension pour une CGI en France sont encore très modestes, les raisons politiques étant évidentes.

 

Néanmoins, avec de grands pas politiques, organisationnels et technologiques, le gouvernement français s'est lancé dans le rattrapage en matière de CGI. Que ce soit "l'effet-Jospin" ou le "processus naturel de maturation" comme dit Pierre Lemoine de l'IFI, tous les grands ministères français ont fait d'énormes progrès entre 1997 et 1998. Le Web-design s'est encore professionnalisé et le chargement des sites est devenu un peu plus facile. Vers la fin de 1998, les sites commencent à refléter des concepts de CGI avec une profondeur dans l'information fournie et un effort de "transparence gouvernementale" qui saute à l'œil. Cet effort saute à l'oeil aussi bien que celui de l'évolution d'un style de design professionnel et distincte des grands sites. Faute de temps d'expérience et d'un manque de fonctionnaires qualifiés, une partie des sites du domaine "gouv.fr" doit attendre au niveau deux tandis que les plus grands franchissent le seuil vers le niveau trois. Une fois de plus, typique des NTIC et en particulier du "rattrapage" français, le taux de croissance et de modernisation des programmes de CGI peut se mesurer en mois et en semaines.

 

En août 1998, le ministère de Dominique Voynet, Aménagement du territoire et environnement (www.environnement.gouv.fr) se trouve encore au niveau de communication unilatérale modeste et, visiblement, en phase de lancement. La technologie d'une dizaine de pages WWW est bien développée avec un éditeur-HTML et Frontpage 2.0, en revanche sans Java. Avec ses nombreuses images lourdes, la page centrale du site est relativement lente à charger. Le grand atout visible du site est certainement toute la gamme du design bien réfléchi, rafraîchissant, original et, à la limite, même amusant. En couleurs de forêt et de ciel bleu avec des icons adaptés, www.environnement.gouv.fr essaye apparemment d'attirer des clients jeunes.

 

Par contre, ce qui laisse le site coller au niveau deux est la présentation du contenu et son interactivité. Une bonne partie des sujets proposés sont des listes de programmes de manifestations futures et non pas des preuves sur les différentes politiques publiques actuelles du Ministère. Loin d'intérêt pour les journalistes, quelques petits rapports sur les domaines de travail et des commentaires respectifs sont mis en ligne. De plus, un mini-forum "jeune" et un forum de discussion "normal" avec un seul article du Ministère et aucune contribution extérieure laissent des doutes sur la vitalité suggérée par le design. Enfin, une seule adresse électronique sur le site et les coordonnées classiques limitent les possibilités d'interaction. Peu impressionnés par le style original du design, les chercheurs du CYPRG donnent de notes moyennes en interactivité et en transparence.

 

Pour ne pas se limiter aux mises en ligne relativement jeunes des CGI allemandes et françaises, il serait aussi temps de trouver de grands sites américains avec des faiblesses majeures. Face à l'expérience de plusieurs années d'un grand nombre d'agents de CGI, la recherche des faiblesses visibles est difficile. Toute la gamme des grands ministères nationaux se présente de manière assez professionnelle sur Internet, même si les aspects de design basique devraient être discutés. D'habitude, une grande fonctionnalité prime sur l'apparence ; en dehors des sites principaux, un "corporate design" ou des Java-applets sont assez rares. En revanche, là, où les professionnels américains de la CGI ne mettent pas l'accent, les choses peuvent se présenter de manière plus désorganisée. Le seul fait que la vaste majorité des fonctionnaires en relation avec le grand public aient accès aux NTIC n'est pas une garantie pour la bonne présentation des services en ligne. Si l'accès complet aux NTIC en Allemagne et en France est plus rare, un service administratif fédéral à Washington peut aussi bombarder un visiteur avec une centaine d'adresses électroniques, de numéros de téléphone et de liens "arbitraires".

 

Le nouveau meta-moteur de recherche du gouvernement fédéral américain est un tel cas. Le GILS (Government Information Locator Service) est un service de recherche interministériel avec la fonction cruciale d'aider le citoyen américain à trouver des informations précises au lieu de se faire "inonder" de milliers de documents gouvernementaux de toutes les directions. Le but de clarté et d'efficacité du GILS n'est pas tout à fait atteint. Premièrement, les points d'accès décentralisés du GILS sont difficiles à trouver tant sur les moteurs de recherches conventionnels que sur certains sites ministériels. La confusion commence avec la triple utilisation du sigle "GILS" comme Government Information Locater Service (version américaine et canadienne) et comme Global Information Locater Service (projet pilote international dans le G 7 !). Deuxièmement, face à la qualité interdisciplinaire du GILS du gouvernement américain, les quelques points d'entrée WWW chez les ministères fédéraux sont mal indiqués et peu logiques pour la mémoire (www.gils.net/index.html, http://info.er.usgs.gov/gils/index.html, www.access.gpo.gov/su_docs/gils/gils.html).

 

En outre, il est difficile de déterminer quelle institution est en charge du - nouveau - service GILS. Sur un des sites évoqués, sans design ou logos institutionnels, une dizaine de documents désordonnés invitent l'internaute à se familiariser avec le service. D'après les liens recommandés, le visiteur moyen pourrait croire à une gestion du meta-moteur par des centres de recherche en NTIC, par la NASA, le US-Geological Survey ou encore par le "Environment and Natural Resources Management project" (GILS du G 7 !). En revanche, après de longues recherches, on apprend que le GILS est né sous les auspices d'un acteur majeur de CGI, le Government Printing Office (GPO). Par contre, la Maison blanche, "patron" du GPO, a établit un grand index de CGI américaine sans mentionner l'existence du GILS. En résumé, on peut dire que l'idée du service GILS est très prometteuse pour la notion de "transparence" du grand appareil administratif d'un gouvernement national, mais que la version actuelle se trouve encore en phase de "maturation technologique", d'où son classement au niveau deux.

 

 

6.3. Le niveau de communication riche et interactive

 

En 1998, le contexte politique, la formation des agents, les ressources budgétaires et le progrès technologique devraient permettre à tous les grands ministères de nos trois pays d'étude, de se retrouver à un niveau satisfaisant de CGI interactive et régulière. Néanmoins, il n'y a qu'une partie des sites WWW qui a atteint ce niveau-là, les uns sous réserves, les autres pleinement.

 

En 1997/98, le plus grand progrès est certainement réalisé en France sous le nouveau gouvernement Jospin. Avec tous ses membres, ce gouvernement a investi énormément de volonté politique, de technologie, de formation et de budget pour véritablement démarrer la CGI dans le pays. Le discours de Hourtin, la présentation du PAGSI et les circulaires internes du Premier ministre ont eu un effet considérable que l'on pourrait aussi appeler "l'effet Jospin". La première intention firme d'un chef de gouvernement français de promouvoir les NTIC porte ses fruits déjà au cours de l'année 1998 : tous les grands ministères, censés se présenter sur un site WWW sont en ligne. Grâce à un design professionnel, une conception intelligente et une profondeur surprenante des données, quelques sites atteignent déjà le niveau trois de "communication riche et interactive" en quelques mois. Vu l'état faible des sites précédents, il est légitime de parler d'un saut extraordinaire de "vitrine grise" à "forum d'excellence". Mi-1998, des sites de CGI comme celui du Premier ministre, de la Culture, de l'Intérieur et du Ministère des Affaires étrangères correspondent largement aux exigences du niveau trois. Ces sites ne sont dépassés que par le réseau unique du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, www.finances.gouv.fr. Ce dernier est un exemple-clé pour ce qui peut être réalisé par des agents français de la CGI aussi tôt que la volonté politique et le soutien technique s'affirment.

 

Par sa taille, par l'intelligence de sa conception, par sa transparence et son interactivité, le réseau derrière de point d'entrée www.finances.gouv.fr est le diamant de la CGI en France. Il fait déjà espérer le démarrage prochain du "Interactive Government" et il n'a pas de difficultés à se comparer à la qualité des grands sites américains. Comme indicateur de tout bon site, une équipe bien structurée (et visible !) de webspinners et de webmasters avec des connaissances interdisciplinaires a préparé le site. La structure technique du site montre une combinaison rare d'excellente programmation manuelle jusqu'aux détails avec une compréhension pour les pièges du progrès technologique. Le site est très facile à charger et la conception (HTML, frames, CGI-scripts, très peu de Java) permet la consultation à presque tous les internautes français ou étrangers. De plus, la grande convivialité technique et le "corporate design" avec des barres d'orientation sans graphiques lourdes, font preuve d'un compromis intelligent entre designers et techniciens de réseau.

 

Lors d'une analyse du contenu les bonnes réflexions de l'équipe de concepteurs se font également remarquer. La Une présente les multiples sujets et catégories de manière très lisible, une fois de plus, en évitant une surcharge de design et en laissant tout simplement de l'espace entre les différents points d'entrée. Les enjeux-clés du Ministère, l'actualité, les services administratifs, les projets de loi, l'Euro, les finances, les NTIC, etc. ont leur points d'entrée à la Une afin d'introduire un réseau de milliers de pages détaillées derrière. L'ambiance novatrice du site commence à la Une car un moteur de "recherche-éclair" (technologie d'Excite.com !) et une boite aux lettres ne peuvent que souligner les efforts de transparence et d'interactivité. L'atout du site est certainement sa profondeur bien structurée avec quelques milliers de pages : des dossiers, des rapports, des textes législatifs, des résumés de conférences, des conseils au citoyen moyen jusqu'aux détails ne laissent que peu de choses à désirer. Sans doute, les services de commande interactifs, de download rapide, de push-forward, de banques de données, etc. ouvrent un nouveau chapitre de CGI vers le "Interactive Government". Jusqu'aux derniers détails, avec beaucoup de soin, des services sont expliqués et proposés au citoyen-visiteur. Cela inclut la possibilité de consulter et de copier une série de formulaires ou de dossiers administratifs conventionnels. D'ailleurs, un autre atout du site est la promotion de l'économie française vis-à-vis des internautes étrangers. Le Ministère a traduit (et copié) quelques centaines de documents d'orientation et de fond en anglais ainsi qu'en allemand. Si vous souhaitez, par exemple, fonder une entreprise franco-allemande et que vous ne maîtrisez pas le français juridique, le site vous propose les règlements nationaux et européens en langue allemande.

 

L'effort particulier pour "le service de qualité" en ligne et pour la transparence à la fois s'exprime également dans les sections de feedback et de commande du site : Avec des mots clairs, respectueux et personnels, le grand Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie invite le citoyen moyen à profiter d'un service au "guichet interactif" en le rassurant que sa demande sera examinée avec attention et confirmée par un avis de réception via email ! Pour en revenir aux agents de ce vaste programme, ceux-là, webspinners et techniciens sont tous personnellement mentionnés avec une option commune de contact par email. La même option de contact existe pour une partie des grands des services du Ministère, notamment, pour le service de RP classique.

 

Néanmoins, quelques aspects de conception et de profondeur font que le site www.finances.gouv.fr ne vaut pas encore le niveau de "Interactive Government", même si cela peut être une question de peu de temps. Premièrement, une partie des services interactifs, automatisés par des CGI-scripts, n'a pas encore dépassée le niveau de projet pilote. Ils ne livrent pas de profondeur dans la documentation. Une banque de données économiques dite "nationale" qui promet des domaines et de l'équipement de viticulture et qui n'en trouve que 4-5 dans toute la France est loin d'être représentative. Par ailleurs, les points de contact indiqués restent assez superficiels et ne disposent jamais d'un quelconque outil de NTIC. De plus, toutes les adresses off-line des services secondaires et des antennes régionales du Ministère montrent que la CGI est resté concentrée sur les quartiers généraux à Paris. Toutefois, on peut constater que le vaste programme de CGI du réseau www.finances.gouv.fr est un atout du paysage informatique français. Dans sa largeur, sa profondeur de qualité et sa convivialité, cette branche de CGI du gouvernement Jospin ne peut qu'encourager les autres agents publics et privés de la CGI à en prendre un exemple.

 

Avec une certaine distance à ce site brillant est situé le "numéro 2" en CGI, celui du Premier-Ministre, www.premier-ministre.gouv.fr . En apparence, un design professionnel et moderne invite l'internaute à visiter les Services du Premier Ministre, si son ordinateur supporte le langage Java et si sa connexion est très bonne. Sinon, aucune plainte n'est à faire sur le côté technique (HTML-editor, frames, Java, quelques CGI-scripts). Comme tête du gouvernement et leader officiel du programme PAGSI, le site du Premier Ministre n'a pas la même fonction, ni la même clientèle que le Ministère de l'Industrie. Ainsi, "le" site de M. Jospin introduit l'actualité de la politique gouvernementale, les grandes politiques publiques ainsi qu'un tour virtuel attractif de l'Hôtel Matignon. En tant que nœud central de la CGI française, le site propose également des introductions dans le travail de Lionel Jospin et des fonctions des différents ministères du gouvernement avec des liens vers les sites respectifs. Cela inclut des introductions rapides mais visuellement attractives à l'histoire du pays et au système politique en général.

 

Pour ce qui est l'information du fond ; elle est rassemblée autour des activités politiques de la "star du site", Lionel Jospin. Une centaine de documents sur la politique gouvernementale actuelle (communiqués, programmes, rapports, lois, discours, statistiques électorales, etc.) invitent le visiteur à la consultation. Dans la moyenne, les pages sont récentes, bien classées et présentées mais leur copiage est rendu difficile, une fois de plus, par le système de frames. Il existe également un forum de débat sur la société de l'information, qui jouit d'une participation encore assez modeste (ce que l'on hésite pas à avouer !). Ces derniers mois, le site a fait d'énormes progrès dans son interactivité en rajoutant plusieurs options de contact interactif. Un formulaire détaillé interroge l'internaute sur ses préférences, son voyage et son opinion sur le site du Premier Ministre ; en revanche, pour un équipement NTIC qui n'est pas du dernier cri, la configuration technique du formulaire pose des difficultés. Sur le tout nouvel espace "junior" du site, un petit jeu "avec le Premier Ministre" et un formulaire d'envoi annoncent l'intention du haut niveau politique national de se rapprocher des besoins des jeunes français. L'avis de réception email d'une demande envoyée pourrait en être une preuve :

 

[Titre :] "MERCI D'AVOIR PRIS LE TEMPS... [Texte :] ...d'expédier ce courrier au Premier ministre, contribuant ainsi à faire vivre la démocratie. Nous en prendrons bonne note. S'il n'est pas le seul outil capable d'assurer l'échange d'idées, Internet reste unique pour sa puissance et sa rapidité. As-tu consulté toutes les informations disponibles dans l'espace Junior ? Tu y trouveras des données très complètes sur ce qu'un jeune citoyen doit savoir..."

 

Très visiblement, l'équipe des webmasters et des webspinners essaye de transmettre le nouvel esprit de transparence et d'interactivité et par son programme et par une auto-présentation détaillée. Loin des "risques" perçus autrefois, tous les agents de CGI avec leur domaine sont nommés et les emails personnels sont indiqués, les cadres supérieurs inclus. On peut certainement dire que ce site "sur mesure" pour Lionel Jospin et son gouvernement fait honneur aux grandes ambitions du programme de PASGI et aux idées de transparence et de proximité des décideurs du pays grâce à la CGI. Néanmoins, les défis techniques des NTIC et un manque régulier de documentation de fond placent le site derrière celui du Ministère de l'économie et exigent un peu de patience des optimistes d'un "Interactive Government".

 

En Allemagne, l'offre la plus sophistiquée se trouve sur le nœud central de CGI - www.bundesregierung.de . Ce site de quelques milliers de pages est organisé par le Ministère fédéral de l'Information (Bundespresseamt, BPA) sous les auspices de la Chancellerie. L'adresse URL claire de "gouvernement.de" est censée être le "gateway" principal vers tous les ministères fédéraux présents sur le WWW. De leur apparence technique, les pages centrales sont programmées dans un réseau complexe d'applications de HTML, de frames, de Java- et de CGI-script. A cause d'une vingtaine d'images et de quelques Java-applets, le site est relativement difficile à charger. Le design du site est très sophistiqué, professionnel et au dernier niveau des possibilités technologiques. On peut découvrir assez rapidement un partage réussi des rôles entre le(s) webmaster(s) et les fournisseurs du contenu, les webspinners. Ces derniers deviennent particulièrement actif dans le cadre de la campagne électorale du Chancelier Kohl. Cependant, le fournisseur de l'excellent fond technique, la maison d'édition www.burda.de de Munich, ne trouve pas de mention. Dans d'autres ministères, les agents de CGI respectifs font l'effort de plus de "transparence".

 

Pour en revenir aux atouts du site : la documentation proposée par la Bundesregierung est assez récente, bien structurée et bien présentée sur la page centrale. Les sections les plus importantes sont "Le Chancelier", "le Gouvernement fédéral", "la presse", "l'Europe" et "les [autres] sujets". En plus de cela s'annoncent des introductions en trois langues étrangères, des pages sur l'histoire, un forum de discussion sur les NTIC et une section de "Kanzler for kids" très attractive, faite sur mesure pour les jeunes internautes du pays. Néanmoins, la présence du sujet "Europe" au premier niveau de la page provoque des questions... comme il s'agit d'un sujet favori de Helmut Kohl, on peut supposer que la campagne électorale a dû primer sur une hiérarchie de présentation logique ou "naturelle". En revanche, par la suite, une centaine de pages riches en information et en design marquent clairement la largeur et la profondeur qualitative du site. Pour les journalistes, les archives de presse sont bien structurés, bien remplis et un "Java-ticker" fourni en permanence les messages d'actualité. A plusieurs points centraux, les agents de CGI essayent de faire valoir l'interactivité : il y a des options "push-mail", des formulaires de commentaire interactifs (adultes et "kids") et des services de commandes de documentation conventionnelle. En revanche, le contact convivial par email reste limité à une seule adresse au Ministère de l'information. Un autre facteur peu interactif est le nombre de gadgets technologiques et de frames qui exigent de manœuvres supplémentaires avant de pouvoir copier certains textes. Toutefois, on peut constater que l'édition actuelle du site de la Bundesregierung remplit bien sa mission de "nœud" central et transparent d'une CGI interactive au niveau trois.

 

Le Ministère fédéral de l'économie, BMWi (Bundeswirtschaftsministerium) se trouve également au niveau trois et possède le privilège d'être parmi les premiers sites de CGI du pays. Par l'expérience de ses acteurs techniques et politico-administratifs de la "première génération" de CGI, le site www.bmwi.de propose un grand programme en qualité et en quantité. Avec une apparence graphique simple qui facilite la navigation mais qui n'est peut-être plus du goût du jour, le BMWi invite à la consultation de quelques milliers de pages. Une présentation détaillée des fonctions, des têtes politiques et de l'emplacement géographique du ministère promet de l'interactivité. Il est intéressant de voir qu'une adresse électronique personnelle (de Compuserve) est indiquée pour toute question de contenu et de technique. Apparemment, les responsables du service de CGI ont essayé de contourner le problème classique des email non-publiques de l'administration ministérielle, en faveur d'un point d'attache personnel.

 

Le cœur du site www.bmwi.de est certainement composé par les centaines de pages de documents récents sur les programmes allemands et européens de subvention visant la clientèle nationale et internationale de la branche. Avec beaucoup d'explications et de documents bilingues (allemand, anglais), le BMWi souligne sa mission de promotion internationale au service de l'exportation et de l'importation de l'économie allemande. En outre, le plus grand stock public de données économiques du pays se trouve sur la banque de données du site : des statistiques, des rapports, des évaluations, des programmes de subvention, des listes de contacts et des conseils invitent les acteurs économiques allemands et étrangers à la consultation gratuite.

 

Comme le Ministère de l'économie, en collaboration étroite avec celui de la technologie, promut les NTIC en Allemagne, une grande section est également consacrée à ce sujet. Sous l'angle du commerce électronique, du télétravail et de l'infrastructure informatique nationale, le BMWi invite les internautes à discuter avec des professeurs universitaires et des managers à son Forum Info 2000. Pour le bénéfice des journalistes et d'autres intéressés, les webmasters et les webspinners du BMWi semblent bien coopérer depuis des années, d'où de nombreux communiqués de presse et rapports au point de l'actualité. S'il n'y avait pas la présentation graphique modeste de la première génération de CGI, "grise" au sens du mot, le BMWi donnerai l'exemple idéal d'une CGI très riche et interactive du niveau trois. Les statistiques du CYPRG donnent d'assez bonnes notes pour l'interactivité et pour la transparence à la fois, sans se laisser impressionner par la modestie du web-design.

 

De l'autre côté de l'Atlantique, à Washington, des sites gouvernementaux du niveau "communication riche et interactive" n'ont plus rien d'exceptionnel. Des années de pratique d'une centaine d'agents de CGI et des données énormes accumulées permettent à chaque grand site de CGI de remplir sa mission en largeur et en profondeur. Même si la taille des administrations et la masse des documents semble étouffante à la première vue, la grande majorité des sites sont bien structurés et interactifs. D'une certaine manière, pour les producteurs comme pour les récepteurs, la CGI est devenue un fait de société. Cela permet de naviguer sur le vaste réseau ".gov" presque aussi facilement que si on consultait les services "off-line" d'un guichet administratif classique.

 

Il serait vain de réciter "les bons élèves" de la CGI dans les rangs des ministères et des grandes agences fédérales ; la liste de serait longue. Un exemple de la bonne moyenne des grandes organisations est certainement le site du "State Department" (www.state.gov) en charge des affaires étrangères. Même si le State Department n'a pas la meilleure réputation parmi les grands ministères fédéraux, vu la mission, son service de CGI est très développé et intéressant pour une analyse trinationale comme la nôtre. L'analyse du vaste site Internet www.state.gov qui, lui aussi, correspond à la notion d'un "réseau de CGI", confirme les suppositions sur les "bons élèves".

 

L'entrée à la Une du State Department est facilitée par un temps de chargement très court grâce aux bonnes connexions du serveur et, bien sûr, au fond technique des pages. La "Welcome Page" centrale est programmée de la même façon que toutes les autres pages du site : HTML (editor) clair et solide, quelques tableaux, fond blanc, pas de colonnes de navigation, pas de frames et pas de Java. L'aide à la navigation se fait par de simples mots clés et de petits buttons - "back to the roots" ! Le côté "rudimentaire" de la technologie peut surprendre, mais elle a certainement ses avantages pour le chargement, la compatibilité, l'orientation et, enfin, pour l'entretien. A cela s'ajoutent des Meta-titres avec des mots clés sur toutes les pages centrales du site qui permettent un accès direct sur des sites-sujet à partir de moteurs de recherche extérieurs.

 

Sur le design de la Une, un responsable français de la CGI voudrait certainement vouloir discuter ; le design ne prétend pas "briller" mais tout simplement soutenir les missions du Ministère sans devenir trop ennuyant. Par 6-7 petits images légères mais sophistiquées, le visiteur est invité à une sorte de bureau moderne de travail. Les petits symboles (block-notes, ondes radio, mappemonde, drapeaux avec table de conférence, etc.) qui se comprennent sans avoir lu le moindre titre, le State Department présente ses services, ses fonctions principales et sa ministre Albright. A la surface et au fond de cette CGI, la philosophie du fameux "costumer service" commercial pour les citoyens prime clairement sur l'aspect "d'auto-glorifiaction" de la politique. Les conseils de voyage, de sécurité et de formalités douanières s'annoncent déjà à la Une du site. Celui qui consulte la section "actualité" trouvera tous les discours, commentaires et communiqués du Ministère. Pour des recherches journalistiques plus exigeantes, on tombe sur le service spécialisé du Ministère, le USIS (United States Information Service) qui entretient son propre grand réseau de CGI (www.usis.gov).

 

Bien qu'il ne soit pas toujours facile à voir quelle agence fédérale serait un charge d'un certain petit domaine, le State Department offre tout un centre de documentation sur les sujets qui concernent directement sa mission. Sans parler d'une présentation très détaillée mais lisible des services, le site contient toutes les informations imaginables sur les bases juridiques, organisationnelles, techniques et personnelles de la politique étrangère des E-U. De plus, le point d'entrée au réseau "US Missions Online" permet de parcourir toutes les antennes du Minstère dans le monde. Que ce soit un très grand site comme celui de l'Ambassade des E-U à Paris (www.amb-usa.fr), sur lequel on pourrait répéter les mêmes louanges que sur le site-mère à Washington, ou que ce soit la petite Ambassade américaine au Belize en Amérique centrale ; la CGI est un outil omniprésent, riche et professionnel de la politique étrangère.

 

Pour lutter contre sa réputation de grand appareil bureaucratique impersonnel, un des points faibles de l'image du gouvernement américain, le State Department essaye de souligner l'atmosphère simple et "gemütlich" de son programme : les divers services sont toujours introduits par une explication compréhensive, personnelle et respectueuse - agréable à lire pour les étrangers, les jeunes mais aussi pour le citoyen moyen. La notion de transparence et "vraie" d'interactivité est une idée cruciale de tous les services présentés à travers ce site. Quelques mots-clés sur les éléments d'interactivité devraient suffire pour cerner la vitalité qui existe sur le site sans la moindre prétention :

 

Comme petit bonbon pour la fin, il faudrait rajouter qu'un seul point d'entrée par email qui permet de poser des questions sur les sujets du site ne court pas automatiquement le risque de se "perdre" dans les longs couloirs ministériels. L'expérience ponctuelle de l'auteur de ce mémoire laisse espérer un bon avenir de la CGI ; un seul email de contact (d'un étudiant étranger !) avec des questions exigeantes sur la stratégie de CGI du site eut deux réponses détaillées très satisfaisantes. Personnellement, Colleen Hope, "le" Director of the Office of Public Communication du State Department fit l'effort d'expliquer son programme de CGI à un junior-chercheur. A la fin de cet analyse de cas, on devrait se poser la question suivante : Qu'est-ce qui sépare ce site de la catégorie suprême du "Interactive Government" ? En effet, ce programme de CGI est d'un niveau excellent, avec tous les éléments de qualité évoqués.

 

Toutefois, un certain nombre d'éléments critiques le séparent de la catégorie "idéale" de laquelle seulement la Maison blanche et le Defenselink du Pentagon devraient se rapprocher. Premièrement, l'équipement en NTIC et l'accès rapide de la grande majorité des visiteurs potentiels du site ne justifient plus le niveau de programmation "rudimentaire". Pour un tel site, un design plus attractif, plus vif et plus moderne par des animations en Java correspondrait sans doute aux attentes des internautes nationaux et étrangers. Deuxièmement, la philosophie de la transparence est loin d'être perfectionnée. Le grand nombre d'institutions gouvernementales en charge des relations extérieures des E-U prête à confusion et le site ne montre pas toujours clairement qui est en charge de quelle catégorie de domaines. Le Service de Communication du State Department devrait aussi penser à une section visible pour la presse et les détails de l'actualité. La référence discrète vers d'autres agences du gouvernement, USIS et USIA semble insuffisante. Ce sont plus tôt le classement et le chemin vers l'information qui peuvent poser problème dans ce programme de CGI que le contenu. Finalement, au profit de la transparence et de la proximité des citoyens, il serait intéressant de trouver des noms personnels et des adresses email personnalisées, au moins pour les principaux webmasters et webspinners de www.state.gov . De telles indications ne devraient pas mettre en question les hiérarchies et procédures administratives conventionnelles.

 

 

 

 

 

 

 

6.4. Les débuts du "Interactive Government"

 

Tout d'abord, comment définir la notion de "Interactive Government" ? Qu'est-ce que déjà "Interactive Government" avec des éléments de démocratie électronique ? Le premier mot, "Government", n'a pas besoin de définition à cette occasion car il dépend largement des systèmes nationaux connus. La partie de "Définitions et de terminologie" de ce mémoire nous apporte la définition suivante pour le deuxième terme, "Interactive" ou interactivité :

 

"C'est un mode de communication dans lequel les notions d'émetteur et de récepteur tendent à se diluer, grâce à un échange de messages à grande vitesse et à un dialogue individualisé qui personnalise la relation au média. Ainsi l'utilisateur décide du déroulement du programme et peut même le modifier..."

 

Dans ce sens, la notion de CGI futuriste du "Interactive Government" sous-entend les exigences suivantes : le gouvernement national a perfectionné ses télé-services et ses agents de CGI à un tel niveau qu'il se voit capable d'interagir massivement avec ses citoyens aussi bien équipés et formés. Cette nouvelle génération d'interaction électronique devrait alors permettre à l'Etat d'exécuter des services majeurs pour le citoyen et d'accepter les demandes du dernier comme s'il s'agirait d'un guichet administratif classique. En plus de cela, la rapidité, l'ubiquité et la convivialité du programme de CGI devraient visiblement augmenter l'efficacité et la qualité des interactions Etatà citoyen et vice versa. Si on se laisse convaincre par le "techno-optimisme" du gouvernement Jospin en France, le niveau quatre de la CGI sera bientôt atteint :

 

"Les sites WEB publient déjà divers formulaires administratifs. Ce phénomène va s'amplifier puis se généraliser. Ainsi, la numérisation de l'ensemble de ces formulaires devra être achevée ...à la fin de 1998. Ceux-ci seront téléimprimables depuis le site ADMIFRANCE. La possibilité d'adresser, en retour, ces formulaires à l'administration est la suite naturelle de leur dématérialisation. Un premier ensemble de formulaires télétransmissibles sera proposé avant la fin 1998. Des notices explicatives seront proposées en même temps que les formulaires électroniques ..."

 

Malheureusement, jusqu'à présent, l'idée du "Interactive Government" parfait comme celle de la démocratie électronique directe "par button" ne s'est pas réalisée. Pour garder l'optimisme face à ce grand défi apparemment insurmontable, on ferait mieux de le considérer un état idéal de la société de l'information future qui peut servir "d'astre d'orientation" pour l'Etat et pour ses citoyens. Et pourtant, une grande tradition de démocratie libérale, des décades d'expérience en NTIC, les meilleures infrastructures technologiques et la volonté politique d'une superpuissance peuvent créer une CGI à proximité du "Interactive Government".

 

A Washington DC, deux sites de CGI "anciens" semblent se rapprocher du niveau de communication quatre : la Maison blanche (www.whitehouse.gov) et le Defenselink (www.defenselink.mil) du Pentagon.

 

Depuis l'élection présidentielle de Bill Clinton en 1993, les services de la Maison blanche ont élaboré un des meilleurs et des plus célèbres sites de CGI du monde, si ce n'est pas le meilleur, www.whitehouse.gov. Au début il faudra déjà dire qu'une centaine de personnes s'occupe des services de CGI qui sont notamment intégrés dans la section de communication et de relations publiques de la Maison blanche. Les services en collaboration sont donc Office of the Vice President, Office of Communications, Office of Science and Technology (OSTP), Office of Administration, National Economic Council et finalement Office of Correspondence and Presidential Messages (pour l'email !). Dans son apparence technique, le site ne laisse rien à désirer... Il se charge très rapidement malgré le grand nombre permanent de visiteurs ; la surface graphique spéciale (semi-transparente) de la Une permet une combinaison unique de légèreté et de design distinct. Une fois de plus, typique pour les meilleurs sites gouvernementaux américains : la programmation (assez complexe) est faite en HTML visible tandis que des frames, des colonnes de navigation ou du Java sont absents.

 

Sur la technologie de tableau HTML très sophistiquée et efficace se fonde un design professionnel et attirant pour le groupe que le service de CGI semble avoir ciblé. L'impression générale de la Une, en particulier la photo de la Maison blanche "gardée" de deux drapeaux, reflète l'ambiance d'une maison de grande propriété du "South", le rêve naïf de chaque famille américaine. Après le démarrage émotionnel dans les couleurs douces de sable, l'internaute est invité à faire son choix dans la section des "hard facts". Comme au State Department, une dizaine de petits symboles ou de photos auto-explicatifs sont accompagnés d'une phrase en block ou de mots-clés qui résument la gamme des sujets à suivre derrière. Au profit de la lisibilité générale, du texte et des images, la règle des grands espaces vides est respectée, comme au State Department d'ailleurs.

 

Pour la transition du design au contenu, on peut résumer que le site de la Maison blanche est une combinaison "réussie", car discrète, d'auto-glorification du Président Clinton, d'informations riches sur la politique gouvernementale et d'animations du mythe de la Maison blanche. Après avoir eu le "Good Morning", "Good Afternoon" ou "Good Evening" avec l'image convenante de la Maison blanche et un titre de "political correctness", le visiteur peut choisir entre une dizaines de sujets bien formulés. En haut à gauche se présente l'équipe Clinton & Gore avec une section très personnalisée et détaillée sur les carrières politiques et les vies "formidables" des deux leaders. En plus d'une auto-glorification avec tous les moyens possible (enfance "sage" mais dure, ambitions, fiabilité, visions, succès, etc.), une partie des documents (actions de charité, grands discours, visions) montrent vraiment la biographie d'un statesman jeune et dynamique Bill Clinton. Cette section personnelle cherche évidemment à rapprocher Bill Clinton, Hillary Clinton, Al Gore et sa femme des citoyens américains, par un mélange sophistiqué de vie privée "idéaltypique" et de grandes visions politiques.

 

Par la suite, dans l'ordre de la lecture naturelle, un sujet "sec", institutionnel et un sujet actif ("hot") et animé alternent. La structure globale du site et la convivialité de navigation font penser au moteur de recherche Yahoo.com avec son système unique d'indexation. De cette manière-là, le visiteur peut donc consulter les sections suivantes :

 

(pour ceux qui n'ont pas compris le point précédent)

A cela s'ajoutent encore une version de texte complète (pour handicapés), un "Whitehouse Help Desk" et un "Whitehouse for Kids" limité.

 

Pour la qualité et la profondeur des informations, des plaintes seraient difficiles. Grâce aux énormes effectifs techniques et humains derrière le "Whitehouse Briefing Room" virtuel, l'actualité sur la Maison blanche est du même niveau que celle de CNN.com et Reuters.com ensemble. Tous les discours, les déclarations de presse, les communiqués, les statistiques, etc. sont directement accessibles sur Internet, certains doivent même être bloqués jusqu'à la conférence de presse officielle. S'il n'y avait pas d'interventions des journalistes, on pourrait dire que Bill Clinton, Al Gore ou Michael McCurry parlent online comme ils parleraient aussi offline. Les banques de données avec des documents politiques, statistiques ou juridiques du fond sont également très bien structurées et soignées.

 

Face à toute cette gamme de qualité et de quantité d'informations de la Maison blanche, on attend la même chose de l'interactivité du site. En effet, une série de personnalisations, de points de contacts, de formulaires interactifs et d'emails "directs" promettent une interaction multiple avec les services de RP de la Maison blanche. En revanche, l'internaute expérimenté saura qu'aucun email ne peut être considéré un point de contact personnel car les milliers de messages par jour ne permettent pas "un tel luxe de personnalisation". Un service spécial de la Maison s'occupe exclusivement de la lecture et des réponses (partielles) aux messages électroniques reçus. Un autre facteur qui sous-entend de l'interactivité et de la transparence est la section du "Help Desk". En plus de la possibilité d'envoyer des commentaires directement, les FAQ du Help Desk pourraient être tirées d'un livre universitaire sur la communication. Avec les grandes questions en titre, la section explique en un minimum de textes compréhensifs un maximum des fonctions et de l'organisation de ce programme de CGI. Après avoir lu les trois pages de FAQ le visiteur a appris ce qu'il peut trouver sur le site, par quels moyens et quel service de RP est en charge des "formidables progrès" du site.

 

En conclusion, l'excellence du site www.whitehouse.gov fait honneur à la puissance de ses résidents qui y ont investi massivement afin de profiter visiblement de la CGI "à l'américaine". Un aspect négatif pour un internaute avancé ou un connaisseur de la politique américaine est le caractère impersonnel des adresses de contact techniques et le décalage visible entre le clean-talk des "spindoctors" sur le monde trop paradisiaque de la Maison blanche par rapport aux réalités bien connues des administrations politiques. En Allemagne et en France, les agents de CGI équivalents peuvent encore se permettre de publier plus de vérité "non-déguisée". Par ailleurs, on se demande si la Maison blanche se ferait vraiment du mal à publier un lien vers le nouveau meta-moteur de recherche GILS qui couvre - toutes - les administrations américaines.

 

Le deuxième site, ou plustôt réseau de CGI, qui se rapproche du "Interactive Government" et celui du Ministère de la Défense (Pentagon) www.defenselink.mil. Ici, les raisons se trouvent moins dans la communication politique en état perfection ou dans la glorification discrète de leaders politiques, mais dans l'ancienneté, la largeur, et l'esprit de communauté qui a grandi autour de la CGI militaire des E-U. Le fait que l'Internet ait démarré parmi les scientifiques militaires américains dans les années 1960 sous-entend que des réseaux de communication ne sont pas nouveaux à 2-3 générations de techniciens et d'ingénieurs militaires.

 

Au début de l'année 1998, l'ancienne version du Défenselink reflétait encore la technologie NTIC de pointe d'il y a 4-5 ans, c'est à dire le langage HTML avec quelques images et de petits services interactifs. Depuis, la nouvelle version, aussi facile à charger que l'ancienne, s'est discrètement adaptée au progrès des NTIC. Une seule petite animation sur la tête de la page sort du HTML commun. En dehors d'une invitation à la section "multimédia" séparée (photos, logos, sons et vidéos), la Une du Defenselink reste conservatrice sans frames, sans Java, sans fond coloré et avec très peu de couleurs ou d'images. La convivialité du chargement ne va pas forcément ensemble avec un design ou de la présentation professionnels. La légèreté en images et en fond graphique ne cache pas l'impression d'un design pauvre qui comprend un ensemble de 2-3 couleurs, de trois "photos d'église" mal placées des têtes politiques, d'une animation et, surtout, d'une surcharge de titres avec des textes "gris". De même, des redondances en design et en texte se manifestent : un symbole "new!" avec le titre "special" et les sections suivantes "news" et "highlights". La question du design ne serait pas aussi importante si elle ne touchait pas également à l'aspect de lisibilité, de transparence. Les espaces vides sur la Une sont très petits et une simple ligne coloré aurait permit de séparer visiblement les différentes sections sans causer de difficultés techniques. De plus, on se demande, si une partie des sous-titres n'aurait pas pu être cachée au deuxième niveau du site.

 

Apparemment, la force majeure du site www.defenselink.mil se trouve sur le côté de la bonne fonctionnalité et, surtout du vaste contenu pour la communauté de défense américaine. Contrairement à d'autres pays comme la France ou l'Allemagne, la section "News" du site reflète la longue collaboration profitable du Pentagon avec les media. Les journalistes américains spécialisés dans la matière font déjà partie de cette communauté de défense. Avec son service de presse bien organisé, interactif, mieux présenté que la Une et actuel jusqu'aux détails, le Pentagon peut donc espérer de bonnes couvertures sur "our brave boys". Les "News" et la section "multimédia" conviviale donnent comme but lisible la présentation idéalisée des soldats américains, héros armés d'une "peace-loving nation" pour reprendre les mots du grand communicateur Ronald Reagan. Les nombreux communiqués, rapports, discours politiques et "explications de détails techniques" (background documents) soulignent le statut précieux des "boys" de la superpuissance E-U ... mais après tout, n'est-ce pas cela ce que le public américain aimerait bien entendre ?

 

Du point de vue purement technique, l'atout du programme de CGI du Pentagon sont certainement les dizaines de milliers de documents sur la politique de défense et de sécurité, les missions (accomplies), les exercices, les forces armées, l'équipement "techno" attractif, sur les activités sociales, etc. Ces dernières années, les informations en ligne du Pentagon sont devenues aussi vastes, détaillées, récentes et faciles à accéder que le programme a dû être resserré. Ici, on ne peut que rappeler les avertissements de l'étude sur la Bundeswehr qui montrent dans les détails, comment la combinaison de plusieurs informations à priori "innocentes" peut causer des risques de sécurité majeurs. Néanmoins, il serait difficile pour les webmasters du Pentagon de triller tous les milliers de pages d'informations privées "unclassified" et il serait même impossible de surveiller le réseau des centaines d'autres sites militaires ou civils qui documentent la vie associative et privée des soldats.

 

Grâce à la tradition des services de NTIC dans le Ministère de la défense, des options d'interactivité existent depuis longtemps, en revanche jusqu'à présent à un niveau technologique assez classique et basique. Des centaines de liens indiquant d'autres sites associatifs rattachés au monde militaire font imaginer l'étendue du réseau global. Quelques formulaires interactifs, emails de webmasters et idées de confort NTIC sont intégrés dans le site www.defenselink.mil. De plus, un moteur de recherche spécial défense (GILS défense !) permet de triller de manière efficace la masse des documents disponibles. L'expérience ponctuelle de l'auteur montre que les adresses email impersonnelles du site sont surveillées et que des demandes sont prises au sérieux. Ainsi, il n'était pas difficile d'interroger le Capitaine Jim Knotts, "DefenseLINK Project Manager" (Office of the Assistant Secretary of Defense for Public Affairs), sur des aspects de stratégie de la CGI.

 

Un autre facteur qui parle en faveur de la vitalité et de l'interactivité du site sont de nombreux conseils "entre amis internautes" qui permettent au visiteur intéressé d'augmenter son efficacité dans la navigation : La liste très longue (trop longue ?) des FAQ sous-entend quelles expériences de CGI les webmasters ont pu accumuler au cours des années. A cela s'ajoutent de multiples petits conseils à droite et à gauche qui montrent que les webspinners et webmasters ont appris à "penser NTIC" et à partager leurs connaissances : les dernières versions de "viewers" gratuits pour les gens avec un équipement moins puissant, des commentaires précieux sur la navigation entre les milliers de pages, des exemples claires d'utilisation des moteurs de recherche, des conseils de préparation pour les journalistes, des explications honnêtes sur ce que le Defenselink a le droit de publier, etc.

 

On peut donc résumer que le Defenselink du Pentagon est probablement le plus vaste réseau spécialisé de CGI du monde. Ici, il faudrait aussi rappeler que des milliers de pages très conviviales existent encore sur un réseau interne sécurisé des militaires américains. Vu la mission délicate de la maison - le nombre, l'actualité et la profondeur de la documentation et des services proposés sont excellents et se rapprochent de la notion d'une "vitalité interactive" entre les citoyens (ici, une grande partie) et les acteurs des pouvoirs publiques. Le Defenselink étant devenu une normalité dans la vie quotidienne des milliers de producteurs et de récepteurs de cette CGI, la "communauté de défense en ligne" avec toutes ses facettes est devenue une réalité. Cela n'empêche pas de critiquer le niveau technologique assez rudimentaire qui a pris du retard par rapport aux outils NTIC disponibles et facilement utilisables. D'autant plus, la conception du design et de la présentation des nombreux sujets n'est ni très stable, ni très claire ; cela baisse des points sur le compte de la "transparence" souhaitée par les agents.

 

Nous venons de laisser passer toute la gamme de l'emploi concret de la CGI en France, en Allemagne et aux E-U. Le choix des sites ne peut être que sélectif mais par la catégorisation dans les quatre niveaux "idéaltypiques" de la CGI, de la "vitrine pale" jusqu'au "Interactive Government" pétillant de la Maison blanche, les recherches tentent de donner une comparaison représentative. De plus, la majorité des analyses de sites a pu être vérifiée et confirmée par les concepts théoriques et les vastes statistiques du CYPRG de l'Université de l'Arizona.

 

Néanmoins, à plusieurs moments, le lecteur a senti de nouvelles difficultés, spécifiques du monde de la CGI telle qu'elle s'autonomise dans les trois pays d'étude. Lors qu'on voit le site institutionnel de la Bundesregierung à Bonn dégénérer en poste "illégal" de la campagne électorale de partis politiques, lorsqu'un site du Premier ministre se rapproche d'un essai d'auto-glorification "de celui qui sauve la France" et lorsqu'un œil entraîné découvre les manipulations sophistiquées du visiteur de www.whitehouse.gov par les meilleurs "spindoctors" du monde, de sérieuses questions sur les limites morales de la CGI se produisent ! Les promesses attractives de démocratisation de la société, de proximité du citoyen des décideurs politiques et de luxes prochains de l'administration interactive sont alors à traiter avec prudence. Ce sont justement ces aspects d'acquisitions réelles et de mythes risqués de la CGI dans la "société de l'information" de demain que nous souhaitons examiner dans le chapitre suivant.

 

 

 

7. Réalités et mythes de la "société de l'information"

 

 

La logique et réalité principale de la "société de l'information" est celle de la mondialisation. Dans les années 1990, les secteurs économiques, culturels et politiques montrent une interdépendance croissante à travers les frontières. Aucun grand pays avancé en technologie et en culture démocratique ne peut encore ignorer les influences d'au delà de ses propres frontières. C'est certainement le cas pour la France, l'Allemagne et les E-U, chacune étant une nation commerçante, démocratique et puissante à sa façon. Un générateur, même accélérateur, de cette "globalisation" est l'évolution parallèle de la mobilité et des technologies de communication, notamment des NTIC. Les NTIC comme facteur crucial de cette mondialisation, commencent aussi à mettre en défi la communication traditionnelle de l'Etat souverain avec ses citoyens. Comme nous avons vu dans les chapitres précédents, un grand nombre d'agents étatiques, para-étatiques et privés s'est engagé dans le domaine. Un dynamisme énorme des gouvernements se manifeste qui essayent de profiter des nouveaux enjeux de la "société de l'information".

 

Pour ne pas rater "l'accès au décollage technologique" du géant des NTIC, les gouvernements allemand et français ont animé le débat technologique et préparé leurs populations. Des programmes de modernisation de tout niveau, de toute qualité et de toute profondeur sont lancés. Le premier résultat visible est une vague de connectivité des secteurs publics et une modernisation prévisible des fonctions administratives, accompagnée d'un essor de la CGI. Comme nous avons vu dans le chapitre précédent, en France et en Allemagne, les premiers grands programmes de CGI sont lancés ; des projets pilote de "guichets interactifs" sont mis en ligne. Ainsi, la société de l'information se transforme peu à peu en une réalité saisissable pour une grande partie de la population...

 

Aux E-U de 1998, les NTIC et la CGI sont des faits de société. Avec une pénétration profonde, les services du gouvernement fédéral disposent des éléments de base du "Interactive Government". Que ce soient un "guichet interactif" pour retirer des formulaires, des dossiers, des coordonnées et des conseils ou un service de CGI qui transmet "l'actualité politique" de "son" gouvernement à Washington DC, il s'agit d'outils précieux en fonction. En cas de doutes sur la qualité du service administratif, le citoyen trouve des numéros de téléphones personnels mieux présentés que dans les annuaires. En cas de doute majeur sur "la politique actuelle", comme elle est présentée par www.whitehouse.gov, le citoyen a le choix libre de consulter ou ne pas consulter les "watchdogs" permanents des pouvoirs publics, incarnés par les media nationaux de qualité. Seul sur Internet, les éditions complètes du Washington Post (www.waspost.com), du International Herald Tribune (www.iht.com) et www.allpolitics.com (CNN/Time Magazine) devraient satisfaire ses besoins.

 

Par ailleurs, malgré les origines scientifiques et élitaires des NTIC, aujourd'hui le citoyen américain moyen peut se mettre en ligne à un prix acceptable pour contacter des services administratifs ou ses responsables politiques. Depuis la NII d'Al Gore, une série de campagnes gouvernementales de modernisation cherchent à diffuser l'accès crucial dans le pays entier. La plus récente d'entre elles s'appelle justement "Access America" et vise à connecter toute la population intéressée, non seulement dans les grandes villes ou dans les "College Towns", mais aussi dans les régions reculées ou mal desservies. En outre, s'il n'y pas d'ordinateur personnel à disposition, au moins la mairie, le collège, la bibliothèque municipale ou l'université peuvent fournir un bon accès.

 

Pour le cas des E-U, on peut donc constater que la nouvelle gamme de CGI apporte nombre d'acquisitions visibles au profit d'une interaction intensifiée des décideurs politiques avec leurs citoyens. Sans devoir regarder la communication embellissante du monde politique qui n'a qu'intérêt à vendre le principal moteur du progrès, les "Net-stats" sèches de Netwizard (www.nw.com) ou de la célèbre Université de Georgia Tech restent une des meilleures preuves du dynamisme inégalable et du changement des pratiques sociales à moyen terme. Elles laissent entendre qu'aux E-U et ailleurs dans le monde, le secteur étatique comme "bon exemple" et le secteur privé commercial ont véritablement "décollés" en connectivité et en interactivité.

 

En tant que spécialistes reconnus pour tous les facteurs de la CGI américaine, les chercheurs du CYPRG proposent la statistique suivante sur la croissance réelle et estimée des sites Internet de l'administration fédérale :

Chez Georgia Tech à Atlanta, la croissance et la répartition qualitative des récipients de la CGI fut analysé, que ce soit par les points de communication directe ou par le "filtre" des grands media américains. La base de données est fournie par le "Fifth WWW User Survey" où on a demandé les préférences des internautes parmi les plus grands sites dits "politiques". Le sondage représentatif fut réalisé par l'interrogation de 2205 personnes. D'après ce sondage "ancien" d'avril 1996, les sites les plus visités sont les grands journaux en ligne (37, %), CNN (35 %) et "les autres" (26 %). Pourtant, l'information par la CGI directe via la Maison blanche (9,2 %), Thomas (LoC) (6,2 %) et le point d'entrée Fedworld n'est pas à sous-estimer. Par ailleurs, le sondage visant la politique américaine de 1996 montre clairement l'aspect internationalisant de la CGI et de la discussion politique dans le "cyberespace public mondial". Par leurs visites fréquentes, les internautes européens, intéressés par la politique américaine (ou les relations internationales) ont droit à leur propre catégorie...

 

 

 

 

Les préférences des sites "politiques"

 

(Extraits du tableau des résultats globaux de 4/96)

 

site.cnn

All

Male

Female

USA

Europe

19-25

26-50

50+

cnn

2205

35.91%

1386

38.97%

398

29.81%

1392

37.43%

146

28.57%

442

38.17%

1077

36.50%

154

36.15%

fedworld

258

4.20%

167

4.69%

56

4.19%

215

5.78%

3

0.59%

29

2.50%

153

5.18%

29

6.81%

online-news

2328

37.92%

1468

41.27%

472

35.36%

1471

39.55%

243

47.55%

393

33.94%

1247

42.26%

188

44.13%

other

1594

25.96%

860

24.18%

351

26.29%

846

22.75%

162

31.70%

278

24.01%

756

25.62%

81

19.01%

politicsUSA

298

4.85%

161

4.53%

68

5.09%

220

5.92%

3

0.59%

43

3.71%

132

4.47%

37

8.69%

press

362

5.90%

195

5.48%

78

5.84%

261

7.02%

5

0.98%

46

3.97%

170

5.76%

28

6.57%

search-test

4039

65.78%

2649

74.47%

769

57.60%

2567

69.02%

388

75.93%

815

70.38%

2107

71.40%

273

64.08%

thomas

381

6.21%

239

6.72%

84

6.29%

315

8.47%

2

0.39%

40

3.45%

209

7.08%

53

12.44%

whouse

564

9.19%

283

7.96%

155

11.61%

402

10.81%

20

3.91%

69

5.96%

276

9.35%

48

11.27%

 

Source : WWW Surveying Team, College of Computing, Gatech University, 1996.

NB : Dans les questionnaires, le choix de "search-engine" a été ajouté pour avoir un niveau de départ de comparaison avec les autres sites. Apparemment, 65,8% des internautes consultent régulièrement des moteurs de recherche..

 

Afin de pouvoir se rendre compte de la vraie croissance de l'Internet dans les secteurs publiques, économiques et privés à la fois, il suffit d'arrêter le nombre de "hosts" (ordinateurs directement connectés) à un moment donné. En suivant les analyses standard sur les usages des NTIC, il faut multiplier le nombre des hosts par le nombre moyen de cinq internautes par un host pour arriver au chiffre approximatif de la population de l'Internet. Exemple avec les chiffres de Netwizard : 30 millions X 5 = 150 millions d'internautes en 1/98.

Source publique en ligne : Netwizards, www.nw.com .

 

 

7.1. Les discours modernistes sur la "communication"

 

La dynamique impressionnante et incessante des chiffres aux E-U et en Europe, livre l'alimentation majeure aux leaders d'opinion et au citoyen moyen pour poursuivre la discussion sur les enjeux et le destin incertain d'une "société de l'information omniprésente". Face à ces statistiques, le taux de croissance du "e-commerce", les possibilités d'échange de savoir, les options de libre communication privée et de CGI ne peuvent être estimés que de façon optimiste. Le bon niveau d'infrastructure et de formation technologique pour le cas de la France et de l'Allemagne donnerait des estimations encore au-dessus de la moyenne internationale. Faisant abstraction du sujet, il semble que la question du "bon moyen" du progrès économique et social ait toujours animé la discussion des agents de la cité.

 

De cette manière-là, la compétition internationale de rêves et de visions du "techno-discours" est née. Les leaders politiques profitent de ces documents uniques de croissance économique et de séduction culturelle pour consolider leurs positions et, éventuellement, pour déguiser d'autres points beaucoup moins attractifs. Aux E-U, ce discours sur les NTIC est déjà très vivant depuis 1991/92. Il se retrouve dans la communication gouvernementale uni-directionnelle mais aussi dans d'innombrables débats dans la société civile. Que ce soient les communautés scientifiques, industrielles, commerciales, administratives ou les citoyens individuels, tout le monde se mêle de la discussion politisée sur ces chiffres des NTIC. Bien évidemment, ce n'est pas que la mission philantropiste des gouvernements qui peut trouver son "bonheur" sur le réseau. De nombreuses entreprises des secteurs technologiques et médiatiques chauffent le débat avec leurs campagnes de publicité et leur lobbying politique. Ils prétendent livrer les "outils parfaits" pour la société de l'information de demain. En Allemagne, "technophile" au plus tard depuis son "Wirtschaftswunder", le même discours a été adopté lors de l'arrivée des NTIC en 1993/94. Avec deux ou trois ans de retard en France, les discours gouvernementaux technophiles et la croyance en les valeurs de la société de l'information ("version Internet" !) ont également eu des effets mesurables.

 

Cependant, comme c'est souvent le cas pour le progrès technologique sophistiqué, le citoyen moyen n'arrive plus à en cerner les détails et s'expose ainsi facilement à la manipulation. Sans parler des aspects de sécurité technique des NTIC, la CGI ouvre la porte à d'innombrables possibilités de manipulation "multimédiale". La communication politique des gouvernements nationaux des trois pays d'étude livre malheureusement plusieurs cas de manipulations intentionnées du grand public off-line et online. Avec les mots durs de J.-B. Legavre, l'intention principale des gouvernements dans ces cas serait de cacher "les horreurs du pouvoir". Ces tentatives de manipulation peuvent être ponctuelles, permanentes, discrètes ou massives, comme par exemple pendant la Guerre froide.

 

Cela fait penser au livre critique de l'américain Paul Watzlawick sur les effets manipulateurs de la communication : "La réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication". Le livre date déjà des années 1960, une époque ou le monde est encore sous le choc de la propagande du 3e Reich et où la Guerre froide vient d'avoir commencé. En effet, la presse écrite, la radio et la télévision ont donné de tristes exemples de ce qui est rendu possible par un emploi irresponsable des outils de communication de masse. L'avertissement de Paul Watzlawick qui doit avoir étudié mais aussi vécu chacun de ces exemples : "De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu'il n'existe qu'une seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont les différentes versions de la réalité, dont certaines peuvent être contradictoires, et qui sont toutes l'effet de la communication et non le reflet de vérités objectives et éternelles."

 

Dans un pays démocratique de nos jours, une stratégie de communication politique est plus "douce" et discrète, orientée vers l'harmonie totale. Elle cherche à créer et à suggérer une vision particulière du "monde social paisible, sans classes, sans divisions..." La communication politique est marquée par la volonté de créer de l'inter-compréhension visible. Il suffirait alors tout simplement de parler entre le gouvernement "compréhensif" et les citoyens pour régler des problèmes.

 

Le rôle de la communication politique peut aussi prendre des allures menaçantes au moment, où des mécanismes de prophétie auto-créatrice poussent les "spindoctors" à décider eux-mêmes de l'agenda d'un chef d'Etat. Le cas existe aussi dans la CGI de nos jours. Vu la qualité des initiatives de déformation et de "séduction" sur le site de la Maison blanche, il est légitime de demander si c'est le patron-même, Bill Clinton, qui a décidé de la forme de "sa maison virtuelle", où si tout à été forgé par les fameux spindoctors. Dans le dernier cas, Bill Clinton court le risque de se transformer en marionnette coincée entre ses conseillers en communication et son peuple. De la même façon, on aurait le droit de douter des capacités en CGI du Chancelier Helmut Kohl à 68 ans qui lui permettraient d'influencer la conception de "son" site Internet. La conclusion du site de promotion de la CGI de Phil Noble (premier conseiller de CGI) provoque donc des espoirs mitigés : "In the field of Internet and the new technology, this is only the beginning. For those that marvel at the advancements that have been made, we have but one message: You ain't seen nothing yet!" Sans vouloir sous-estimer les nombreuses acquisitions pratiques, le lecteur a dû constater que le monde des NTIC ne réduit certainement pas les dangers de manipulation par la communication politique.

 

 

Et la société de l'information ?

 

Dans ces discours technophiles circulent donc un certain nombre de notions futuristes, expressions d'un optimisme général sur l'avenir "idéal" et prédestiné de la société en entente cordiale avec les NTIC. Une notion populaire qui fait régulièrement remonter les "différentes formes de la réalité" de Watzlawick est celle de la "société de l'information" ou "société de communication". Dans ce contexte, une série de discours modernistes ou critiques sur les NTIC et la CGI entrent en concurrence.

 

En effet, la définition des termes "société de l'information" et "société de communication" est une question de la "Weltanschauung" et provoque une vive animation politique sur ses enjeux et ses impacts... Qui pourrait être un meilleur représentant de la croyance en le progrès technologique, l'internationalisation et la communication interculturelle que l'Union Européenne ? Avec l'approche d'une organisation supra-nationale, la Commission de l'UE livre une définition très optimiste : "L'évolution foudroyante des technologies de l'information et de la communication sera synonyme, pour l'Union européenne, d'une mutation économique et sociale si profonde qu'on peut déjà parler d'une troisième révolution industrielle. Cette révolution débouchera, en fin de compte, sur la société de l'information..." Au cœur de cette version "mythique" du discours communicationnel se trouve le perfectionnement de la société grâce aux NTIC. La philosophie disputée sur la convergence paisible dans le "global village" du canadien Marshall MacLuhan va dans le même sens.

 

Dans le grand discours de Lionel Jospin à Hourtin en 1997, les multiples acquisitions d'une telle société sont prônées de la manière suivante : "L'émergence d'une société de l'information ouvre de vastes perspectives... L'industrie du multimédia... constitue désormais l'un des moteurs de la croissance et un gisement d'emplois... L'information devient une richesse stratégique, une des conditions de notre compétitivité. Les produits issus de l'activité intellectuelle représentent déjà, et représenteront encore davantage dans l'avenir, une part déterminante de la richesse collective. Dans une large mesure, nous le savons, la compétition internationale du siècle prochain sera une bataille de l'intelligence. Mais les bouleversements introduits par les technologies de l'information dépassent largement le seul enjeu économique : l'essor des nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses sociales, culturelles et, en définitive, politiques..."

 

Bref, l'accès aux sites Internet publics, au commerce privé et aux grandes banques de données est censé produire de nouvelles richesses de savoir et de "démocratiser" la société civile dans l'ensemble. Dans une telle "société de l'information", le générateur principal et facteur stratégique est l'information elle-même.

 

En revanche, Rainer Rilling, professeur de sociologie à l'Université de Marburg (Allemagne), montre un avis peu enthousiaste sur les enjeux d'une telle "société de l'information". Pour commencer, Rilling préfère souligner l'aspect de "communication" et voit alors des enjeux mitigés d'une "société de communication". D'habitude, "société de communication" au lieu de "information" sous-entend l'engagement social critique d'un auteur, aspects de manipulation inclus. La "communication" évoque aussi des espoirs de bi-directionalité et de communauté pluraliste (le latin communare !). De l'autre côté, la "société de l'information" est le terme plus populaire et plus "neutre" utilisé dans l'espace public. Dans le langage de la politique américaine on dirait que "société" ou "âge de l'information" sont plus propre, plus "politically correct". Après tout, les deux notions parlent largement des mêmes phénomènes autour de l'Internet !

 

Rainer Rilling, après avoir communiqué ses idées ultra-libérales sur la fonction du WWW, s'attaque aux "techno-discours" déformant sur les NTIC. Sous une approche "anticapitaliste", la stratégie de marketing "philantropiste" du géant commercial des NTIC, Microsoft, est démantelée comme mythe naïf et traité de "techno discours" ridicule "This is the new democracy, And Microsoft Office is at the heart of it. It is a tool of massive social change. That's because it's empowering people to do all sorts of things they never dreamed were possible... This is the ultimate democracy."

 

 

 

 

 

Les origines de la technolophilie

 

De manière plus équilibrée et plus profonde, le politologue français Eric Neveu reprend la discussion dans son livre de 1997 "Une société de communication ?". Après avoir éclairé l'ubiquité des notions populaires de la "communication", Neveu compare les acquisitions et les risques d'une telle société basée sur les NTIC. D'un côté, Eric Neveu admet les irrésistibles moteurs du progrès par les NTIC, dont Internet, qui déclenchent un débat vif sur l'enrichissement de l'espace publique et sur la participation citoyenne à la gestion de l'Etat. De l'autre côté, le professeur Neveu souligne les dangers de séduction et de manipulation par un techno-discours inconditionnel. A travers d'une analyse socio-historique, Neveu essaye tout d'abord de trouver les origines du grand rôle de la communication d'aujourd'hui au lieu de se livrer aux jugements anticipés. La notion complexe du "Human Engineering" autour de la sociologie organisationnelle de Michel Crozier est citée par Neveu. A la recherche de la genèse de la communication "moderniste", Neveu révise donc les travaux de Michel Crozier.

 

Dans le texte prémonitoire des "Temps modernes" (1951) de Crozier, Neveu retrouve une série d'éléments valables comme source du discours actuel sur les NTIC : Suite aux grandes émeutes ouvrières des années 1920 aux E-U, les patrons industriels auraient sollicité des chercheurs en sciences sociales afin de trouver un concept pour l'apaisement des relations tendues. Depuis les premiers efforts stratégiques de relations publiques et d'inter-compréhension visible des patrons vis-à-vis des ouvriers, une nouvelle étape des relations sociales est atteinte. Au lieu de se limiter sur des mesures de répressions tayloriennes, les leaders économiques cherchent à engager leurs ouvriers dans un dialogue d'harmonisation (fictive ou vraie) sur le progrès technologique au profit de toute la communauté. Pour l'approche globale ("capitaliste") des décideurs économiques, la notion du "Human Engineering" fut appropriée. Depuis les événements du "New Deal" (1930) et du "Marshall Plan" (1949) au plus tard, la politique libérale américaine a repris dans son discours ce sujet conciliateur des "missions nationales de modernisation", un sujet qui est sans doute valable jusqu'à présent.

 

Dans la suite des propos d'Eric Neveu, Crozier rappelle que "la notion de communication est la notion essentielle du Human Engineering." En effet, l'essor des relations publiques "modernistes" et "consensuelles" dans l'économie et la politique américaines en sont les preuves. Des présidents très "communicateurs" comme Roosevelt, Kennedy, Nixon, Carter, Reagan et Bill Clinton ont ainsi marqué une nouvelle tradition de relations sociales, pacifiées et consensuelles "à l'américaine". Entre temps, une grande partie de cette tradition de communication a traversé l'Atlantique, toujours en symbiose avec un système médiatique très puissant. De la même manière, la vague des NTIC a atteint l'Europe, notamment, l'Allemagne, l'Angleterre, les pays nordiques et la France. Comme le terrain était déjà bien préparé par des discours progressistes (même révolutionnaires) des années 1960-80, l'acceptation des NTIC en France et en Allemagne n'était qu'une question de peu d'années.

 

La hausse économique des années 1980 dans les deux pays et la progression d'autres "mythes" sur le paysage médiatique (câbles, télécom, satellites, TV interactive) a crée l'ambiance idéale pour l'invitation à une autre vague de communication politique et économique. Même la récession et l'ambiance politique pessimistes de 1995-97 n'ont pas pu arrêter le discours NTIC et la "troisième vague de civilisation" annoncée par les époux Tofflers. Ils parlent d'ailleurs également la "société de l'information". Lorsqu'on résume les analyses du marché de travail des leaders politiques et d'opinions publiques, qu'ils soient socialistes, libéraux ou conservateurs modérés, la conclusion est identique : le 21e siècle sera celui des professionnels des NTIC pour partager le savoir, pour faire du commerce électronique, pour profiter des communications individualisées - et pour participer à une CGI interactive. Ainsi, on peut supposer que le pouvoir politique d'après-demain sera fondée sur "Who gets what information, when and how?"

 

Néanmoins, dans ce monde de rapidité virtuelle, d'images complexes et animées les manipulations via la CGI ne peuvent pas être exclues. Si de telles manipulations sont exécutées, les conséquences seraient bien plus grave pour l'espace publique qu'aujourd'hui. D'ailleurs, la thèse du sociologue allemand, Jürgen Habermas de "l'Ecole de Francfort." a déjà présenté ces dangers dans l'atmosphère tendue des années 1960... "L'espace public" (der öffentliche Platz) d'Habermas a livré une œuvre fondatrice sur la problématique "classique" de la communication gouvernementale en rapport avec l'opinion publique. Comme le multimédia très sophistiqué d'une CGI de l'an 2000 permettra des millions de voies supplémentaires de communication et de séduction en réseau, la tentation à la manipulation des populations n'est pas réduite, au contraire. Avec les mots forts et pessimistes d'Habermas, la "nouvelle corruption gouvernementale" reposerait alors sur un pouvoir de communication via les NTIC qui risque de contaminer le débat dans l'espace public (l'opinion publique) à travers la presse, les débats, les élections et l'Internet.

 

Dans ses réflexions sceptiques, Habermas n'a pas encore pu, ou voulu, intégrer l'émancipation des media d'aujourd'hui : Watergate, Vietnam, Nixon ou Monicagate aux E-U et des versions plus modestes en Allemagne et en France montrent régulièrement que le facteur indispensable du "filtre" médiatique des pièges de la communication politique est loin d'être sur la voie de disparition. Les journalistes de politique qui travaillent avec les outils de la CGI ne sont pas des débutants de la communication et leurs connaissances en NTIC sont au moins au même niveau que celles du secteur public. En plus de cela, dans les trois pays d'étude, une pluralité médiatique d'un bon niveau semble assurée. Comme déjà mentionnés, cela inclut les media de qualité online notamment américains. Ceci nous invite à discuter plus profondément les enjeux et les doutes sur la démocratisation grâce aux NTIC...

 

 

 

 

 

 

5.2. La démocratisation par la société de l'information ?

 

La célèbre formule du discours de Gettysburg (1863) du président Lincoln résume l'idée de la démocratie et aussi le cadre d'une CGI : "Government of the people, by the people, for the people." En effet, à première vue, les acquisitions révolutionnaires des NTIC promettent de promouvoir la participation du peuple, du citoyen moyen dans une démocratie occidentale et de forcer la démocratisation d'autres systèmes. Avec les structures du "Interactive Government", le citoyen pourra participer aux affaires politiques au niveau local, régional, national et même international. Il pourra facilement entrer en contact avec les responsables politiques à tout niveau. Il peut même envoyer un message direct au président Bill Clinton (president@whitehouse.gov) ou à Helmut Kohl avec l'espoir de recevoir une réponse. Pour la première fois, le citoyen a une influence directe sur la conduite des affaires internationales si on veut croire Mac Luhan. Son "village global" se crée grâce aux nouvelles pratiques de communication et d'interaction des petits agents, ignorant les frontières nationales et les hiérarchies traditionnelles. Une langue facile et commune du cyberespace est déjà trouvée, la simplification de l'anglais au niveau du pidgin "Cyberenglish".

 

De l'autre côté, beaucoup des sceptiques et des conservateurs "traditionalistes" sont choqués par le caractère anarchique de la croissance et des usages sociaux des NTIC dans le cyberespace. Le "clean-talk" de la CGI et la propagande pseudo-sociale des groupes technologiques puissants ("the multis") feraient de fausses promesses de démocratisation... Bien sûr, tout le monde aurait son accès au réseau pour réaliser ses rêves individuels et pour participer au débat pluraliste - notamment les internautes dans le Tiers Monde, dans les "ghettos noirs" américains et dans les molochs industriels, perdus en Sibérie ? Par conséquent, les agents optimistes et les sceptiques des NTIC réalisent un énorme décalage d'opinions sur les acquisitions démocratiques possibles dans la future "société de l'information".

 

Pour commencer par les côtés difficiles et dangereux, chaque homme politique qui propose les NTIC comme la solution de tous les problèmes brûlants est destiné à l'échec. Jusqu'à présent, aucun programme de modernisation de la société n'a eu le mérite d'être parfait et sans quelques effets secondaires déplorables. L'échec de "la société finale sans classes" des marxistes, les duretés sociales du libéralisme pure et la logique des sciences savantes nous apprennent que le modèle de réforme parfait n'existe pas et n'existera pas dans l'avenir. Même si les discours politiques et commerciaux sur les énormes améliorations de la société de l'information nous impressionnent et nous prédisent largement la vérité, il y a des problèmes considérables de "perdants" de la société de l'information.

 

Le problème commence dans l'unité sociale la plus petite, dans la famille. Souvent, les parents et les grands-parents ne comprennent plus les enjeux de travail NTIC de la génération de leurs enfants et ne peuvent que difficilement les rattraper afin de rester une valeur "correcte" sur le marché de travail moderne. Ensuite, dans la société nationale, les représentants de branches entières de travail manuel, mécanique, industriel ou administratif à l'ancienne sont incompétents ou "superflus" pour les NTIC. Le résultat est souvent le chômage et peu d'options de réinsertion dans la vie active sans des programmes de formation sophistiqués et chers. La situation devient pire lorsqu'on entame les distinctions géographiques internationales entre pays européens, nord-américains et ceux "en voie de développement". Les problèmes hérités des sociétés coloniales, industrielles et postindustrielles semblent largement se transmettre dans la nouvelle société des NTIC. Suivant les logiques internationalisantes de l'Internet, les nouvelles frontières de la société de l'information ne seront pas que étatiques mais technologiques. La grande majorité des pays du "Tiers Monde" n'a ni l'infrastructure technologique, ni la formation, ni les traditions sociales et ni le climat convenant pour l'évolution massive des NTIC. Il faudra bien plus qu'un passeport et un visa pour traverser de telles frontières "virtuelles". Même si de la bonne volonté politique existe pour traverser ces frontières, les outils technologiques sont indispensables - ces derniers sont trop coûteux et périssent sans connaissances appropriées. En résumé, sauf interventions "nobles" des puissances riches de la planète, ces populations seront des perdants doubles, de la société de l'information, mais aussi de la mondialisation. A un niveau moins dramatique, la tendance est similaire pour les perdants de ce processus dans les nations occidentales dites "riches". Dans le cas où le soutien indicatif des pouvoirs publiques à la promotion des NTIC échoue ou manque, les décalages sociaux entre "haves" et "have-nots" vont s'aggraver, au détriment de la paix sociale d'un système démocratique.

 

D'un autre côté, les effets de la mondialisation via les NTIC, la concentration des technologies, des pouvoirs financiers et des richesses du savoir ont un effet menaçant sur les systèmes politiques, même sur les démocraties stables. Dans les yeux d'un nombre hommes politiques et intellectuels veillants à l'équilibre social, la société de l'information risque de se faire dominer par ces facteurs "omineux". Il y a donc aussi ceux qui ne perdent pas du tout, au contraire, qui semblent gagner beaucoup trop dans la société de l'information. Ces agents puissants qui maîtrisent la technologie, les finances et l'intelligence à la fois pourront s'infiltrer dans les secteurs médiatiques et politiques de l'Etat. Cette prophétie n'est pas si lointaine que cela lorsqu'on voit à quel point les géants de la télécommunication ont lancé une compétition féroce sur le contrôle stratégique de la base technique du cyberespace, les réseaux interconnectés. Les énormes difficultés de démarrage du petit réseau français paralysé par les prix du monopoliste de France Télécom font comprendre ce qui pourrait nous attendre au niveau d'un cartel mondial des "cable operators".

 

Le même exemple pourrait être réalisé pour les fournisseur de software, indispensables à la navigation sur Internet. Les risques commencent par les manipulations préprogrammées d'un système d'opération Microsoft Windows 95, quasi-monopoliste qui force l'utilisation du logiciel de navigation Explorer afin d'inviter l'internaute à "découvrir" rapidement les sites Microsoft-philes... et ainsi de suite. Finalement, ces "global players" réunis pourront exercer une énorme pression politique sur les gouvernements et sur la société suivant la formule adaptée "Who gets - or does not get - what information, when and how ?" Face à ces processus séismiques menaçants, on a du mal à découvrir les richesses démocratisantes et décentralisantes des NTIC.

 

Ces tendances omineuses sont encore complétées par tous les jeux de pouvoir et de séduction d'une "société de communication" multimédiale où non seulement l'information, le chemin électronique vers l'information mais aussi son déguisement et les moyens de réaction électronique représentent des enjeux stratégiques. En plus de ces mythes et dangers déjà évoqués qui sont diffusés par la communication gouvernementale et le techno-discours publique, l'Etat lui-même est mis sous pression. Si un Etat "moderne" s'investit dans les NTIC pour donner le bon exemple au secteur privé, c'est aussi le secteur économique qui donne empreinte sur les affaires publiques. Dans le pire des cas, les affaires politiques, prévues pour le bien de la société civile se commercialisent sous la pression médiatique et la propagande publicitaire des "global players" technologiques. Le débat politique indispensable au système démocratique pourrait alors se transformer en "animation technophile organisée". La conséquence serait un espace publique manipulé par les pouvoirs de la communication "douce" avec un caractère pseudo-démocratique, à commencer par la CGI.

 

Le linguiste américain Noam Chomsky est également un intellectuel critique des effets de la communication politique liée aux des média de masse. Ses avertissements de 1988 gardent de toute leur importance pour les risques anti-démocratiques des NTIC de l'an 2000. Dans "Manufacturing Consent", son étude sévèrement critique sur les média et la communication politique, Chomsky souligne les abus et l'aveuglement de la médiaphilie nord-américaine. Il doute la performance démocratique des média de masse américains en lançant un "propaganda model" provocateur : Il se plaint des hautes valeurs démocratiques avancées par la presse américaine qui seraient en forte contradiction avec la manipulation régulière par des groupes d'intérêts puissants. Comme nous avons vu, ni les NTIC raffinées, ni la concentration de l'économie technologique contredisent à ce danger.

 

C'est bien dans ce sens-là, que la cible de critique principale de Chomsky est le gouvernement à Washington "allié" avec l'élite politico-économique du pays. Le linguiste voit de la désinformation stratégique et de la corruption dans les média pour camoufler des contraintes politiques, économiques, militaires ou privées de l'élite, en particulier du gouvernement. Chomsky rejette ainsi l'idée du "libre marché des média" et avance, au contraire, la notion de "Free-Market Disinformation". La proximité des critiques sur la corruption de l'espace publique, décrite par Habermas, n'est peut-être pas un hasard.

 

 

Des arguments forts en faveur de la démocratie

 

La documentation des risques anti-démocratiques des NTIC dont une bonne partie serait prévisible sauf engagement indicatif des pouvoirs publics et de la "raison humaine" n'empêche pas de trouver toute une liste d'arguments positifs. La qualité "progressive" des NTIC en faveur de la démocratisation et la décentralisation de nos sociétés occidentales semble encore plus puissante que l'argumentation "restrictive" des critiques sur les "spectres capitalistes de la mondialisation" et sur la CGI manipulatrice. Nous avons déjà appris un bon nombre d'exemples des facteurs humains, économiques et associatifs qui "pluralisent" et démocratisent l'évolution de la CGI dès son début. D'ailleurs, les puissances de la démocratisation découlent notamment de la nature décentralisée du cyberespace.

 

 

En effet, l'essor des NTIC et des logiques de la société de l'information fait réfléchir sur un bon nombre de pratiques participatives traditionnelles dans l'Etat vers une "meilleure citoyenneté". Dans un système démocratique, la participation du citoyen n'est pas limitée au droit de vote; elle passe aussi par l'engagement régulier du citoyen dans le débat politique pluraliste de l'espace publique. Pour la discussion citoyenne sur la scène publique, les NTIC apportent certains enrichissements : avec le but idéaliste d'une option d'accès à tout le monde, le cyber-citoyen reçoit de l'information précise et rapide sur le contenu des débats politiques et sur les choix de perspective. Cette tendance démocratisante est reflétée dans les discours de l'UE sur l'arrivée de la société de l'information en Europe : "Les nouvelles technologies peuvent avoir une incidence extraordinairement positive sur nos démocraties et nos droits individuels en renforçant le pluralisme et l'accès à l'information publique, et en permettant aux citoyens de participer davantage aux décisions publiques."

 

Avec les mots de Lionel Jospin à Hourtin, les espoirs de démocratisation sont fortement liés aux NTIC et à la société de l'information à venir : "L'essor des nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses sociales, culturelles et, en définitive, politiques. La transformation du rapport à l'espace et au temps qu'induisent les réseaux d'information permet des espoirs démocratiques multiples, qu'il s'agisse de l'accès au savoir et à la culture, de l'aménagement du territoire ou de la participation des citoyens à la vie locale."

 

Ces signes encourageants se trouvent en congruence idéale avec les nouvelles approches de planification des politiques publiques dans les démocraties occidentales. Désormais, ce n'est pas seulement la communication "politisée" qui fait croire que le citoyen serait impliqué dans le processus de prises de décisions sur une certaine politique publique. Au contraire, afin de légitimer des politiques publiques d'avance, les leaders du pays consultent l'avis des institutions, des organisations, des associations et des citoyens organisés. Comme ces mécanismes de consultation passe largement par des forums de discussion publique ou par sondage d'opinion, les NTIC livrent des outils extraordinairement rapides, vastes et précis dans l'évaluation technique. Ces nouvelles participations actives au processus politique ont déjà été réalisées dans des projets pilotes au niveau local en France et en Allemagne.

 

Au niveau national, ces possibilités de participation démocratisante se développent également. Cela concerne le cadre de la CGI mais aussi les régions de NTIC limitrophes. Les nombreuses options de "feedback" sur les grands serveurs de CGI sont de premières étapes dans la bonne direction. Par ailleurs, le parlement allemand a invité à plusieurs reprises à des discussions ouvertes entre experts politiques et cybercitoyens sur www.bundestag.de . Comme les premières traditions de participation électronique interactive au processus politique viennent des E-U, il semble possible d'en résumer quelques effets véritablement les démocratisants.

 

Dans ses recherches sur les NTIC et la démocratie, le politologue allemand Thomas Zittel de l'Université de Mannheim a fait quelques découvertes intéressantes. Sur la question si la grande pénétration des NTIC dans la société et la politique américaines n'est qu'une voie supplémentaire de la communication "top-down" ou si elle arrive à toucher aux racines du fonctionnement démocratique, Zittel a trouvé que les NTIC dans le cyberespace ont effectivement un potentiel de changer la configuration institutionnelle d'une grande démocratie occidentale :

 

Premièrement, la densité de l'Internet aux E-U permet d'échanger en réseau une quantité croissante d'information politique valable ce qui permet aux élus (par ex. à Washington) de savoir plus sur le fond des attentes de leurs électeurs "back home". De l'autre côté, comme déjà évoqué, en partie du cyberespace se transforme en forum de grand discussion très pluraliste des cyber-citoyens ce qui permet d'enrichir les choix officiels des décideurs politiques. Les milliers de Newsgroups et les dizaines de website-forums en sont la meilleure preuve.

 

Deuxièmement, la puissance de croissance inégalable des NTIC laisse des traces dans le fonctionnement traditionnel des institutions représentatives. Elle apporte notamment des aspects démocratisants de "checks and balances". Du député du Congrès jusqu'au président à la Maison blanche, de nombreux cadres politiques font des efforts "d'internettisation" de leurs structures de communication, la CGI incluse. Que ce soit un petit débuté qui reçoit un avis X de ces électeurs éloignés par email ou que ce soit la Maison blanche qui fait un sondage éclair en ligne sur la fiabilité de Bill Clinton dans Monicagate, les NTIC renforcement visiblement les aspects "d'interpellation directe" des citoyens. De plus, les projets sérieux de "remote voting" pour des affaires secondaires (par ex. règlements intérieurs) au Congres à Washington devraient permettre l'engagement plus décentralisé des députés. Ainsi, l'efficacité technique de l'Internet renforcera justement l'aspect des liens personnels de la politique. Un député serait plus à l'oreille des électeurs de la circonscription. De la même manière, la CGI interactive pourrait aider à préparer la visite d'un président national dans une petite commune, de la perspective présidentielle et locale à la fois.

 

Troisièmement, Zittel conclut néanmoins que le changement de la démocratie ne sera pas si profond que cela, loin des rêves anciens de la démocratie directe qui resurgissent. Face à la pénétration illimitée des NTIC, quelques représentants politiques américains soulignent déjà les dangers de populisme abusif et de commercialisation des procédures politiques (cf. Rilling !) qui contamineraient leurs rôles de représentation par la pression du mandat "impératif électronique". L'élection d'un député, d'un sénateur ou d'un président ne serait jamais une inscription sur une mailing list politique : "subscribe + unsubscribe = e-vote + e-unvote." De cette manière-là, une partie des débats sensibles de commissions d'enquête du Congres ou des négociations dans le pouvoir exécutif ne seront pas mis en ligne. Pour réaliser des objectifs politiques, les représentants du peuple ont besoin d'une marge de manœuvres dans les débats du pluralisme parlementaire...

 

Pour répondre à la question initiale sur les effets de démocratisation, on peut donc supposer que la société de l'information avec le vaste accès populaire aux NTIC ne réalisera qu'une partie des espoirs de démocratisation "totale". Grâce au progrès dynamique des NTIC et la consolidation sociale de la CGI, le pluralisme sera certainement enrichi à moyen terme. L'évolution exacte de ces enrichissement pluralistes est très difficile à prédire et dépendra largement du cadre politique et technologique national. Ici, la notion de l'espace public d'Habermas peut être reprise comme le fait le sociologue allemand Rainer Rilling dans son discours "Auf dem Weg zur Cyberdémokratie ?". Ce dernier voit une revitalisation du concept par la socialisation de l'espace virtuel sur Internet. L'espace public revit par la convergence des débats domestique, public ou professionnel dans un débat sui generis, intégré en ligne. Ainsi, il forge une nouvelle forme de souveraineté populaire.... Par contre, les prophéties du techno-discours perfectionniste et du pessimisme total sur les "fantômes de la mondialisation" sont vouées à l'échec. La vérité se retrouvera certainement quelque part au "juste milieu"...

 

 

6. Une administration exemplaire ?

 

 

L'âge de l'information montre de nouveaux défis que les administrations dites "modernes" ne peuvent se refuser de relever. Même si la nouvelle société de l'information sera dominée par le grand volume des échanges commerciaux et privés, un rôle secondaire mais crucial appartiendra à l'Etat et son administration. D'un côté, le gouvernement doit essayer de définir un cadre de règles imposables dans les conditions du cyberespace. De l'autre côté, le gouvernement devra poursuivre son rôle d'utilisateur modèle des NTIC pour la motivation et l'orientation de la société civile. Aux E-U où l'Internet est déjà d'origines militaire et étatique, la tradition de la promotion indicative des NTIC avec de multiples programmes de modernisation de l'appareil administratif se poursuit. Le président d'ISOC-France, Bruno Oudet a écrit un bon rapport sur les différents programmes de modernisation aux E-U et a essayé de les mettre en rapports avec des conditions "européennes", voir françaises. En Allemagne (www.bmwi-info2000.de) et en France, les premiers programmes sont également mis en pratique. Sans vouloir aller trop dans les détails, le programme du gouvernement Kohl de Info 2000 se trouverait au juste milieu entre une approche américaine "libérale" et une solution française plus "indicative" avec un soutien fort des pouvoirs publics.

 

Les avantages pratiques pour l'Etat sont clairs : l'utilisation croissante des NTIC dans les secteurs privés et publics permet au gouvernement d'organiser et de diffuser ses informations de manière beaucoup plus efficace. Dans ce cadre, il s'agira de transmettre des informations et messages politiques directement au citoyen via la CGI, un certain degré d'interactivité inclus. Et pourtant, des voix sceptiques se maintiennent qui affirment qu'en dépit de l'enthousiasme réformateur, l'administration publique est aux antipodes de la philosophie d'Internet. Les crédits ne seraient jamais dégagés à temps et l'état d'esprit du fonctionnaire ou du citoyen ne serait guère conciliable avec les rêves d'une CGI ... C'est justement contre cela que l'auteur du dernier rapport au Premier Ministre français veut lutter. Il s'agit de Jean-Paul Baquiast, Contrôleur d'Etat et spécialiste reconnu de la CGI, des NTIC et des questions de réformes administratives.

 

 

 

 

 

Un programme de démarrage - le rapport Baquiast

 

Suite à une mission officielle et personnelle du Premier Ministre Lionel Jospin, M. Baquiast a rédigé un rapport prémonitoire sur la réforme de l'administration française en vue de la société de l'information. Cette mission a lieu comme un des domaines d'action prévus par le PAGSI (Programme d'Action Gouvernemental sur la Société de l'Information) du gouvernement Jospin. Ce programme englobe les trois aspects de culture, de modernisation des services publics et modernisation du fonctionnement de l'Etat. Titré "Administration 1998 - 2001" le rapport Baquiast essaye de parler honnêtement des déficits de l'Etat français en matière de NITC tout en réveillant des esprits de modernisation parmi les fonctionnaires et les responsables politiques. De plus, des initiatives de modernisation très concrètes sont proposées.

 

M. Baquiast commence par des constatations impitoyables sur les phénomènes auxquels l'Etat français devrait faire face : la mondialisation avec les effets de convergences de réseaux, d'acteurs, de cultures et de pratiques administratives. De plus, les tendances décentralisantes des NTIC combinées avec l'intégration de l'UE devraient mettre en question l'approche traditionnelle de la souveraineté de l'Etat français vis-à-vis de ses citoyens. Ces citoyens commencent aussi à avoir des attentes plus exigeantes envers l'administration pour ce qui est la qualité et la rapidité des services livrés.

 

Comme évoqué en haut, le rapport Baquiast met également l'accent sur la fonction modèle de l'Etat pour l'ensemble de la société civile. En matière d'organisation de travail, les services administratifs devraient avancer en "customer service" en rendant leurs procédures techniques plus humaines et plus performantes. "Pour ce qui concerne la grande majorité des citoyens et des entreprises qui hésitent encore au bord de la société de l'information, l'administration doit montrer le bon exemple. Il faut faire mentir le proverbe "le cordonnier est le plus mal chaussé". L'administration doit utiliser systématiquement Internet pour faire évoluer ses comportements internes..." Dans ce contexte, le rapport fait aussi régulièrement allusion aux effets positifs des programmes de CGI envisagés par le gouvernement français pour promouvoir la "transparence publique" suivant les stratégies de communication les plus récentes : "Des cas récents montrent que désormais les "bons citoyens" connectés attendent de l'administration nationale et locale qu'elle utilise systématiquement Internet pour sa propre moralisation : mise en ligne de l'ensemble des informations concernant budgets, achats, subventions... consultations pour tous nouveaux projets..."

 

Bien sur, un rapport honnête sur la situation des NTIC dans l'administration doit aussi évoquer les multiples freins à tout processus de modernisation. Trop de réflexes bloquants de fonctionnaires traditionalistes peuvent endommager les tentatives de modernisation les plus massives. Souvent les chefs et décideurs sont les derniers à se rendre compte des effets des NTIC. Les mots de Christian Scherer ne peuvent que souligner ce constat choquant : "Plusieurs responsables d'administrations centrales n'avaient pas craint d'affirmer que, eux vivants, jamais leurs services n'iraient côtoyer sur Internet cette fausse faune cosmopolite, jugée au mieux insouciante et incontrôlable et, au pire, dangereuse pour la morale et l'orde publique." Sans doutes, les "zones d'incertitudes" (Michel Crozier) de certains administrateurs sont sous attaque de la modernisation...

 

Par la suite, le rapport Baquiast développe un grand nombre de propositions bien formulées et fondées sur des exemples théoriques, des expériences passées ou des initiatives de pays amis : un programme massif d'équipement, des programmes de formation pour "les chefs" afin de les convaincre des NTIC, des comités interministériels pour attaquer le phénomène interdisciplinaire qu'est Internet, l'accélération de lourdes procédures budgétaires, l'emploi de contractuels privés pour la CGI (cf. sites www.premier-ministre.gouv.fr ou www.ina.fr !), etc. En connaissance des causes, Baquiast prône les forces décentralisées des NTIC et exige de créneaux d'action pour les fonctionnaires individuels.

 

En plus de tout cela, toutes les hiérarchies classiques de l'administration "centraliste" du pays sont mises en question. La coordination, la gestion des postes administratifs devrait être décentralisée et les méthodes de travail efficaces de l'avenir des NTIC seraient interdisciplinaires avec des éléments du "team-work" anglo-saxon : "Les ministres eux-mêmes doivent déconcentrer et faire confiance systématiquement aux échelons subordonnés et aux agents..." Désormais, on aura le droit de se jeter à l'eau froide du WWW ou du email pour développer une petite CGI décentralisée, en langage moderne "learning by doing" avec le consentement des supérieurs : "L'on décidera donc de laisser faire des expériences limitées, au coup par coup, progressivement et sans programme systématique à priori, quitte à rechercher plus tôt possible les couvertures ou appuis nécessaires..."

 

Etant lui-même fondateur d'Admiroutes (www.admiroutes.asso.fr), M. Baquiast met un accent sur les promoteurs extérieurs de la CGI et des NTIC dans l'administration. Dans ses mots modernistes : "Des site "off" où coopèrent fonctionnaires et citoyens." Bien évidemment, cela provoque un certain nombre de questions juridiques sur le "droit de réserve" du fonctionnaire, les droits d'auteur de documents publiques, etc. La cyber-association Adminet de Christian Scherer a déjà fait de tristes expériences dans ce domaine.

 

La suite du rapport Baquiast contient encore nombre de propositions de déblocage, de réforme et d'efficacité concrètes tout en restant en congruence avec la ligne directrice du gouvernement socialiste de Jospin. Cela veut dire que les aspects de "démocratisation", de "participation" et de "transparence" de l'administration au service du citoyen se répètent et que la question des conditions sociales de l'accès aux NTIC est évoquée à plusieurs endroits. L'internationalisation (cf. mission de www.diplomatie.fr, activités du G 7) et les programmes européens (par ex. Info 2000 de l'UE) trouvent également leur mention...

 

L'aspect novateur du rapport Baquiast pour la France est certainement son esprit d'ouverture, d'un côté, très franc sur les retards des autorités et du pays dans les NTIC, de l'autre côté, l'optimisme énorme sur les puissances décentralisées du cyberespace. Les deux facteurs n'ont pas encore beaucoup de tradition dans le discours officiel de Matignon. D'ailleurs, dans sa conclusion "techno-optimiste", Baquiast parle du "banc d'essai" que constitue la recherche des nouveaux modes d'interaction et de communication de l'Etat français et il rajoute une phrase courageuse : "Nous avons vu qu'Internet, prologue de la société mondiale de l'information pose aux Etats nationaux des problèmes d'adaptation que ceux-ci doivent surmonter s'ils veulent continuer à être de quelque utilité à l'avenir."

 

Les idées conceptuelles, courageuses et rafraîchissantes de M. Baquiast peuvent également être discutées sur le serveur de sa cyber-association Admiroutes - "transparence oblige". C'est dans cet esprit-là que l'on pourra s'imaginer (ou espérer) la mise en application du "PAGSI" de Jospin de 1998.

 

 

Une longue tradition américaine dans la modernisation

 

Sans doute, les E-U sont le premier exemple d'orientation pour nombre de rapports et de programmes de modernisation NTIC dans les pays européens, l'Allemagne et la France ne font pas d'exception. Les structures de NTIC administratives et de CGI existent depuis des années ; les acteurs compétents sont dans les milliers et les habitudes de la vie quotidienne font que l'Internet est vu comme "fait de société". Néanmoins, Bruno Oudet aboutit son rapport sur la modernisation "à l'américaine" avec des avertissements : les approches libérales sur le service public de Washington qui ne fonctionnent pas forcément en Europe. De plus, les réductions massives de personnel administratif (modernisation et rationalisation !) ne seraient jamais envisageable vu la situation du marché de travail national et européen.

 

Et pourtant, le professeur Oudet ne peut que faire une longue liste des programmes de modernisation à succès qui animent la discussion et l'action politique depuis la NII d'Al Gore de 1992/93 et qui ont crée le climat indispensable pour une évolution dynamique des NTIC dans les secteurs principaux de la société : l'administration de tout niveau comme bon exemple, les universités, les collèges/lycées, les bibliothèques, les entreprises, les associations et les citoyens individuels.

 

La première phase d'évolution comprend le National Performance Review (NPR, www.npr.gov) du vice-président Al Gore déjà évoqué. Dans le contexte d'un énorme déficit budgétaire en 1993/94, le gouvernement américain essaye de massivement réduire son appareil administratif, entre autre, grâce aux effets de rationalisation via l'utilisation des NTIC. Cependant, sur 1,9 million de fonctionnaires un chiffre important de 348.000 ont dû démissionner. Sur le côté "productif" un grand nombre de rapports sont rédigés sur les différents enjeux des NTIC dans l'administration : qualité du service, nouvelles relations client - fonctionnaire, engagement volontaire des agents à la modernisation, etc. La politique de rigidité du NPR a eu deux phases, NPR I (1993/94) et NPR II (1995). Désormais, le programme de rigidité est rebaptisé sur un ton plus coopératif en "National Partnership for Reinventing Government" avec le slogan "America@Ourbest". En 1995/96, le première campagne de publicité pour les "atouts de la CGI" est introduite. Sous l'effet de la campagne électorale, Bill Clinton reprend simplement le slogan harmonisant et "communicationnel" au sens du terme : "Conversations with America".

 

En parallèle, une "Information Infrastructure Task Force" publie les premiers rapports sur l'efficacité des NTIC dans l'administration américaine. Par la suite, un premier grand plan d'action est lancé en 1993 pour les "Government Information Technology Services" (GITS) : gestion des NTIC, construction d'un réseau national, accès général des services, premières procédures administratives en ligne, banques de données, création d'un cadre juridique, etc. Un rapport avec des résultats tout à fait honorables est publié en 1996. Le programme le plus récent lié aux NTIC est "Access America" qui cherche à promouvoir l'accès général à Internet dans toute la population américaine les jeunes, les handicapés, les régions éloignées et les quartiers desservies inclus (cf. ghettos de certaines grandes villes !). Dans ce programme, les mesures envers la CGI et le service public "interactif" deviennent encore plus concrets : standardisation des paiements électroniques dans l'administration, perfectionnement des "guichets interactifs", amélioration les mesures de sécurité, informations détaillées sur des politiques publiques (santé, environnement, sécurité), développement du GILS (Government Information Locator Service) qui se transformera en meta-moteur de recherche du domaine .gov, etc.

 

En résumé, on peut constater que la pénétration des NTIC dans le secteur publique avec un effet majeur sur le secteur privé aux E-U est devenue très profonde au point où elle atteint déjà une couverture maximale (près de 100 %) dans certaines régions technologiques et branches NTIC-philes. A côté de cela, un débat animé s'est développé autour du travail quotidien avec les NTIC et de l'évolution incessante. Donc, vu la diffusion des pratiques techniques et sociales des NTIC dans la grande majorité de la société en seulement 7-8 ans, les programmes de modernisation étatique ont eu l'effet souhaité - les NTIC sont un "fait de société".

 

Pour un observateur allemand ou français se pose alors la question si de telles programmes sont compatibles avec les conditions politiques, technologiques et sociales en Europe. Certainement, il a y des points d'orientation et en on profite déjà. Des idées très américaines du IT-management, du change management, du customer service, du team-work, de la transparence du service public mais aussi de la consolidation d'une CGI dans "Conversations" se retrouvent en Allemagne et en France. En revanche, chaque pays est obligé de baser son programme de modernisation en NTIC sur un certain nombre de facteurs "domestiques", des traditions, des habitudes, des infrastructures, des atouts, des faiblesses, etc. pour atteindre l'acceptance et l'efficacité souhaitées en NTIC. En Allemagne et en France les programmes sont encore trop récents et trop dans les phases "pilotes" pour pouvoir donner des évaluations globales certaines. De plus, les moyens de vérification de l'accès et les possibilités d'interaction sont en pleine phase d'évolution au moment où nous parlons. Par conséquent, soyons encore patients, et optimistes, pendant 1-2 ans... En Allemagne et en France, la situation des NTIC dans l'administration est loin d'être parfaite, mais elle est en effet exemplaire à son niveau respectif ! L'analyse des niveaux de communication 3 et 4 dans les deux pays nous en a donné de très bons exemples.

 

 

 

9.Conclusion

 

 

Le phénomène Internet n'est pas une vague technologique comme les autres. Le "cyberespace" de quelque 150 millions d'humains qui s'autonomisent à la fin du 20e siècle n'est que l'introduction à une évolution globale qui affectera les bases de notre société civile. En effet, les usages techniques et sociaux des NTIC annoncent de profonds changements dans nos traditions, nos perspectives, nos espoirs, nos faiblesses et dans nos liens sociaux. Les forces de croissance, d'expansion, de modernisation et de décentralisation qui les accompagnent convergent vers une civilisation informatisée du 21e siècle dont la forme n'est pas encore très claire. En revanche, il est prévisible que cette "société de l'information" gravitera autour de la possession et la transmission du savoir. La survie de tous les éléments de cette société sera alors dépendante de l'accès aux données. Ceux qui contrôlent les autoroutes de l'information et ceux qui savent user des outils de navigation seront les "maîtres" indiscutables de la cité. Et ceux qui n'y auront pas accès, pour des raisons d'âge, d'éducation, de finances ou d'éloignement de structures technologiques, seraient-ils voués à l'échec ? Non !

 

C'est à ce moment-là que la notion de "société de l'information" devient un grand enjeu politique. Les traditions pluralistes et solidaires des démocraties occidentales qui règnent sur la scène internationale, empêcheront justement cette condamnation impitoyable. L'apocalypse du retour aux "lois de la jungle technologique" n'est pas imaginable avec des puissances démocratiques comme les Etats-Unis, la France ou l'Allemagne. Ici, il faut se rappeler que la forme de l'Internet d'aujourd'hui est née entre Etats démocratiques. Son organisation ultra-décentralisée et sa culture politique sont profondément marquées par l'esprit démocratique et les libertés individuelles. Par ailleurs, une tendance globale semble prouver que plus un Etat est démocratique, plus son accès à Internet est avancé. Même si ce n'était qu'indirectement via la promotion des valeurs démocratiques, les Etats occidentaux ont gardé la main sur l'évolution du "réseau des réseau". Pourtant, l'Internet promet de rester un espace extrêmement anarchique. Cela n'est pas dû aux forces menaçantes du "capitalisme international" mais plustôt à la curiosité et la créativité des individus, d'autant plus que leur instinct de jeu soutient en permanence le progrès des NTIC. D'innombrables programmes publics visionnaires au prix de milliards de dollars ont alimenté et accompagné cette "explosion contrôlée" des NTIC, au profit de la distribution polydirectionnelle du savoir et des richesses économiques.

 

A l'aube du 21e siècle, les grandes nations technologiques et politiques dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis doivent relever le "meta-challenge" d'encadrer l'explosion incessante d'un "meta-médium" vers une société de l'information sui generis sans jamais perdre de vue leurs valeurs fondamentales. Ainsi, le réseau Internet pourrait servir de "banc d'essai" de modernisations technologiques, politiques et sociales encourageantes.

 

Dans ce contexte, la qualité de la CGI est un indicateur majeur par lequel on peut apprécier si une société civile et ses leaders politico-économiques se trouvent véritablement sur un chemin démocratique vers la société de l'information de l'avenir.

 

 

 

 

 

 

 

Quels changements du système politique devrait-on alors attendre sans devoir quitter le cadre démocratique ? Bruce Bimber, chef du "Government on the Internet Project" en Californie, a crée la notion du "accelerated pluralism" qui serait une option d'évolution imaginable : suivant la philosophie de ce professeur en science politique, le pluralisme démocratique de demain sera marqué par les groupes d'intérêt. Grâce aux NTIC, un nombre croissant de ces groupes pourra recruter des activistes, mobiliser des ressources financières et faire du lobbying politique dans un domaine d'intérêt. Si jusqu'à présent les lobbys puissants furent exclusivement ceux ayant accès à l'argent et aux institutions, les NTIC vont fortement démocratiser et pluraliser la situation :

 

 

 

 

 

 

 

 

Quoi qu'il arrive, suivant les visions de Bruce Bimber, l'impact des NTIC sur le système politique sera profond. Jusqu'à présent, les premières combinaisons de l'Internet avec les institutions politiques établies (comme par ex. la CGI) sont encourageantes.

 

 

 

 

10. Bibliographie

 

Ouvrages (livres et articles)

 

Barbier, Frédéric et Bertho Lavenir, Catherine : Histoire des medias, de Diderot à Internet. Armand Colin, Paris, 1996.

 

Bullerdiek, Thorsten et Greve, Manfred : Öffentliche Verwaltung im Internet. Beck, Munich, 1997.

 

Chomsky, Noam: Manufacturing Consent. The Political Economy of the Mass Media. Pantheon, NYC, 1988.

 

Darrigand, Jacques (édit.) : Et le politique ? dans Atlantica, No. spécial à Hourtin 8/1997.

 

Dufour, Arnaud : Internet, Que sais-je ?, PUF, Paris, 1997.

 

Eisel, Stephan et Maechthild Scholl (édit.) : Internet und Politik (résumé de la conférence), KAS, Bonn, 7/1998.

 

Gerstlé, Jacques : La communication politique, Que sais-je ?, PUF, 1992.

 

Hachten, William : The World News Prism, Changing Media of International Communication. Iowa State, Ames IA, 1993.

 

Hecht, Ralf : mémoire en science politique sur : "Computervermittelte Kommunikation als

demokratische Infrastruktur? Politische Information und Interaktion im Vergleich von

Fernsehen und Internet (mit Schwerpunkt World Wide Web) in Deutschland". Université de

Marburg, 1996.

 

Kahn, Annie : Marianne flirte avec Internet, article dans le Monde du 20 mai 1996.

 

Katz, Jon : Naissance d'une nation numérique dans Courrier International No. 379, 2/1998.

 

Köhler, Thomas : Sozialpsychologie der Kommunikation im Internet. Erkenntnisstand und Forschungsbedarf (mémoire). Gardez, St. Augustin, 1997.

 

Neveu, Erik : Une Société de Communication ? Mochréstien, Paris, 1997.

 

Notess, Greg : Government Information on the Internet. Bernan, Lanham MD, 1997.

 

Mathias, Paul : La Cité Internet. Sciences Po, Paris, 1997.

 

Oudet, Bruno : Rapport préliminaire sur l'administration et les NTIC aux E-U, online à www.isoc.asso.fr/Plan/usa.htm, 3/1998.

 

Scherer, Christian : Internet et l'administration, dans Annales des Mines 10/11 1996.

 

Vedel, Thierry : Les autoroutes de l'information, dans Réseaux No. 78 1996.

 

W., officier-étudiant : Bundeswehr und Internet (étude interne), Munich, 1998.

 

Wade, Philip et Falcand, Didier : Cyberplanète. Notre vie en temps virtuel. Autrement, Paris, 1998.

 

Watzlawick, Paul : La réalité de la réalité. Confusion, désinformation, communication. Seuil, Paris, 1978.

 

 

Documents officiels

 

Les discours et lettres de mission du gouvernement français sur les NTIC (Jospin, Zucharelli, Trautmann, etc.) à www.premier-ministre.gouv.fr .

 

Les discours de la présidence américaine sur les NTIC (Clinton, Gore), à www.whitehouse.gov et à www.doc.gov (Department of Commerce)

 

Baquiast, Jean-Paul : Administration 1998-2001 (rapport au Premier Ministre). Paris, 1998.

 

Bundesregierung (édit.) : Info 2000, Deutschlands Weg in die Informationsgesellschaft (brochure). Bonn, 1997.

 

Bundesregierung (édit.) : Elektronischer Geschäftsverkehr (brochure). Bonn, 1997.

 

Bundesregierung (édit.) : Bericht der Bundesregierung über die Lage der Medien in der Bundesrepublik Deutschland - Medienbericht '98 (rapport gouvernemental). Bonn, 1998.

 

Bundesregierung (édit.) : Chancen durch Multimedia - Was bringt die neue Technik ? (brochure) Bonn, 1997.

 

Bundesverteidigungsministerium : divers documents internes sur les NTIC au sein du ministère, Bonn, 1998.

 

OGIT (édit.) : Management of Government Information as a National Strategic Resource, OGIT, Canberra, 1997.

 

Union Européenne (Commission) : La société de l'information (brochure). Bruxelles, 1996.

 

Les entretiens et la liste des références essentielles en ligne :

 

40 entretiens d'information avec des agents de la CGI, 15 en direct et 25 par email. En ligne, à Strasbourg, Paris, Sarrebruck, Bonn, Cologne et Amsterdam, 2-8/1998.

 

Les grands sites gouvernementaux : www.premier-ministre.gouv.fr, www.finances.gouv.fr, www.admifrance.gouv.fr, www.culture.fr, www.diplomatie.fr, www.bundesregierung.de, www.bmwi.de, www.bmbf.de, www.bundeswehr.de, www.auswaertiges-amt.de, www.whitehouse.gov, www.fedworld.gov, www.gpo.gov, www.npr.gov, www.doc.gov, www.defenselink.gov, etc.

 

Les grands sites associatifs : www.isoc.org, www.isoc.asso.fr, www.adminet.org/.com, www.admiroutes.asso.fr, www.iana.net, www.eff.org, www.cdt.org, www.nw.com, www.iwanet.org, www.brookings.org, www.stiftung.bertelsmann.de, www.kas.de, etc.

 

Les sites scientifiques sur les NTIC : Cyberpolicy Research Group (www.cyprg.arizona.edu), Government on the Internet Project (www.ucsb.edu), Georgia Tech (www.cc.gatech.edu), MIT Media Lab (www.media.mit.edu), Rechtsinformatik (www.jura.uni-sb.de), International Council for Information Technology in Government Administration (ICA) (www.ogit.gov.au/ica1/background.html), etc.

 

 

 

 

 

11. Annexe

 

11.1. Terminologie Internet :

 

A

Adresse IP

Adresse Internet protocol (protocole Internet) d'un ordinateur connecté à Internet, généralement représentée avec des points, par exemple 128.121.4.5

Applet

Programme informatique écrit en langage Java™. Les applets sont identiques à des applications, à la différence qu'il ne fonctionnent pas en autonomes. En effet, ils suivent un ensemble de conventions grâce auxquelles ils peuvent s'exécuter dans un navigateur compatible Java.

ARPAnet

ARPA est l'acronyme de Advanced Research Project Agency, l'agence pour les projets de recherche du ministère de la Défense des État-Unis. Celle-ci est à l'origine de la création de réseaux informatiques sur des grandes distances. Le réseau ARPAnet fut le précurseur d'Internet.

Authentification

Signature électronique. Cette technologie permet de garantir l'authenticité de la source d'une transmission électronique. Egalement, simple ligne d'identification à la fin d'un email.

B

Bande passante

Volume de données pouvant être transmises lors d'une connexion pour ne pas dépasser la capacité maximale de la porteuse. Elle se mesure généralement en bits par seconde (bps). Un modem rapide peut transmettre jusqu'à 30 000 bits par secondes avant d'atteindre sa capacité maximale.

Baud

Vitesse de transmission des données d'un modem ou d'un autre dispositif. Cette unité de vitesse se mesure, au niveau technique, en nombre d'événements ou en changements de signaux par seconde. (le terme "débit" est communément, et improprement, utilisé pour désigner le nombre de bits par secondes, qui est une unité de mesure différente.)

 

C

CERN

Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire, l'European Laboratory for Particle Physics situé à Genève, en Suisse, où à la fin des années 80 une équipe d'ingénieurs, sous la direction de Timothy Berners-Lee, a créé la technologie World Wide Web.

CGI (dans le sens informatique !)

Acronyme de Common Gateway Interface, logiciel qui facilite la communication entre un serveur Web et des programmes fonctionnant hors de ce serveur ; par exemple, des programmes qui traitent des formulaires interactifs ou qui recherchent des informations dans des bases de données sur le serveur, suite à une requête d'un utilisateur (automatisation !).

Chat (conversation)

Programme interconnecté permettant à de multiple utilisateurs de "dialoguer" en temps réel. Pour cela, ils tapent leurs messages sur leur ordinateur puis l'envoient sur un réseau local ou sur Internet. Certains programmes Chat évolués, tel que PowWow, intègrent la reconnaissance vocale et l'échange de fichiers sur différents supports (par exemple, des photos ou des fichiers graphiques).

Clients

Programmes clients donnant accès à des ressources réseau en traitant l'information sur un serveur (voir plus bas). Par exemple, le navigateur Internet Explorer de Microsoft est un serveur.

Codage

Processus de brouillage des informations transmises. Le codage permet de filtrer habilement des données pour les cacher à la connaissance de tiers. Ce procédé existe sous deux formes différentes : le codage de logiciel, facile à installer, le plus répandu ou le codage de puce électronique qui est plus difficile à installer, mais plus rapide et surtout plus difficile à décoder.

Consortium W3

Consortium industriel dirigé par le Laboratory for Computer Science du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge. W3 est l'abréviation de World Wide Web. Ce consortium favorise le développement des standards et encourage l'interfonctionnement entre les produits du World Wide Web. Basé à l'origine à l'European Laboratory for Particle Physics (CERN) à Genève, en Suisse, où la technologie World Wide Web fut développée, le Consortium n'a pas totalement réussi son entreprise qui visait à stimuler la coopération en matière de technologies Web auprès d'un certain nombres de groupes privés, souvent peu enclins à livrer leurs secrets.

Cookie

Fichier stocké sur le disque dur d'un ordinateur, utilisé pour identifier l'ordinateur ou les préférences de l'utilisateur vers un ordinateur distant. Les "cookies" sont fréquemment utilisés pour identifier les visiteurs d'un site Web et de même par les entreprises informatiques pour poursuivre les "hackers" ou pirates de logiciels.

Cyber-

Préfixe pour tout ce qui concerne l'informatique ou Internet. Par exemple, si vous installez un ordinateur dans votre café préféré, celui-ci deviendra un cyber-café. Bien connus sont des mots comme Cyberspace/cyberespace, le cybernaute, le cyberaddict, etc.

 

D

Discussion modérée

Liste de diffusion ou groupe de discussion en ligne, pilotée et éditée par une personne qui est chargée d'éliminer tout postage non approprié ou hors sujet.

E

Email ou courrier électronique

La messagerie électronique est une application courante sur les réseaux locaux et grande distance (notamment Internet). Elle permet un échange asynchrone de messages texte pouvant être accompagnés d'éléments e multimédias (images, son, vidéo ou autres documents informatiques). Par la politique linguistique, Email peut aussi se traduire en mél ou en courriel (au Canada francophone).

En ligne

Connecté à Internet, on-line.

F

FAQ

Acronyme de Frequently Asked Questions (questions fréquemment posées), liste de questions et réponses disponibles pour les utilisateurs sur, par exemple, un grand site, une technologie ou un logiciel particuliers. Il est recommandé de lire la liste des FAQs avant de participer dans un débat ou d'envoyer un message de demande d'assistance technique, car la réponse à la question que vous vous posez peut s'y trouver.

Firewall (pare-feu)

Logiciel destiné à interdire tout accès non autorisé à un réseau informatique. Utilisé fréquemment pour protéger des réseaux d'entreprise ou d'administration contre l'intrusion de virus ou de hackers.

Freeware

Logiciel dont les droits d'auteur ne sont pas protégés. Ce type de logiciel se trouve fréquemment sur Internet. Il faut le distinguer du logiciel à contribution volontaire
(voir plus bas).

FTP

Acronyme de File Transfer Protocol (protocole de transfert de fichier), un protocole Internet permettant aux utilisateurs d'échanger des fichiers entre ordinateurs.

G

Groupes de discussion

Groupes ou forums sur le Usenet (voir plus bas) dans lesquels les utilisateurs peuvent échanger informations, idées, conseils et opinions sur un thème particulier. Les groupes de discussion sont classés par rubriques. Il en existe plusieurs milliers

H

HTTP

Acronyme de Hypertext Transfer Protocol (protocole de transfert de lien hypertexte), le protocole de base de la technologie du World Wide Web. HTTP représente un ensembles d'instructions pour le logiciel qui gère la transmission des documents HTML sur Internet.

Hypertexte

Texte électronique dans un format qui procure un accès instantané, via des liens, à un autre hypertexte au sein du même ou d'un autre document.

I

Internet

Dans son sens le plus large, un réseau internet est un grand réseau informatique composé d'un certain nombre de réseaux plus petits. Internet avec un "I" majuscule fait référence au réseau physique qui constitue le Web et qui a permis d'étendre le courrier électronique à l'échelle mondiale.

Intranet

Réseau privé interne à une organisation. Les réseaux intranet utilisent fréquemment les protocoles Internet pour livrer leur contenu. Ils sont souvent protégés du réseau Internet par des firewall (ou pare-feu).

ISP

Acronyme de Internet service provider, un fournisseur d'accès Internet aux entreprises et aux particuliers, via les serveurs ISP. Les grands ISP internationaux sont anglo-américains, notamment, AOL (AmericaOnline), Compuserve et MSN (Microsoft Network) .

 

J

Java

Langage de programmation récent, développé par Sun Microsystems, destiné à la création d'applets ou de programmes sophistiqués pouvant s'appliquer à des documents Web. Il est possible d'insérer un applet dans une page HTML, de la même manière qu'une image.

L

LAN

Acronyme de Local Area Network, un réseau qui relie deux ou plusieurs ordinateurs dans une zone relativement restreinte, souvent au sein d'une organisation, pour échanger et partager des fichiers.

Lien (link)

Abréviation de lien hypertexte. Un lien fait référence à une zone réactive dans un document Web. Il est généralement distinct du reste du texte, grâce à sa couleur différente. Il est possible de cliquer sur un lien pour ouvrir un objet provenant de la base de données active ou autre, d'un autre document, d'une page HTML sur le Web ou d'un intranet local.

Lien hypertexte

Référence ou lien, sous la forme d'un texte spécifiquement codé ou d'une image graphique, reliant un point donné dans un document HTML à un autre point du document ou d'un autre document sur le World Wide Web, ou encore à un point particulier d'un autre document sur le Web. Lorsque vous cliquez sur un lien hypertexte, celui-ci vous renvoie au point ou au document désigné par le lien.

Listserv

Groupe de programmes qui gèrent des listes de diffusion en répartissant, ajoutant et supprimant automatiquement des messages postés sur ces listes.

Logiciel à contribution volontaire (Shareware)

Logiciel disponible pour un essai gratuit, mais pour lequel l'auteur ou le développeur exige une contribution en cas d'utilisation. En général, de tels logiciels sont développés par des petites entreprises ou des programmeurs individuels ayant entrepris de résoudre un problème informatique particulier ou de développer une nouvelle application. Parfois, la documentation correspondant au logiciel est envoyée en retour de paiement.

M

Modem

Acronyme de modulateur/démodulateur, un équipement matériel qui relie un ordinateur à d'autres ordinateurs ou à Internet, par l'intermédiaires d'une ligne téléphonique standard ou RNIS (voir plus bas). Un modem peut être interne, intégré à un ordinateur, ou externe. Un modem externe est un boîtier qui raccorde l'ordinateur à une ligne téléphonique. Les différents modem se distinguent par leur vitesse de transmission des données, exprimée en bauds (voir plus haut). Actuellement, les modems standard fonctionnent à 28.800 ou 33.600 bauds, et les modèles les plus récents atteignent une vitesse d'environ 56.000 bauds.

Moteur de recherche (Search Engine)

Programme ou service utilisé pour localiser des fichiers sur une intranet ou sur le Web. L'accès à un moteur de recherche s'effectue généralement à l'aide d'un navigateur. Parmi les moteurs de recherche les plus connus sont Yahoo!, WebCrawler, Infoseek, Lycos et Metacrawler. Pour l'Internet francophone existent Yahoo France, Nomade, ??? De nouveaux moteurs de recherche sont développés en permanence.

Multimédia

Terme désignant tout contenu qui combine du texte, des graphiques, des fichiers son et/ou vidéo.

N

Navigateur

Programme client utilisé pour rechercher des réseaux, extraire et afficher des copies de fichiers dans un format de lecture simplifié. Les navigateurs standard actuels peuvent également faire appel à des programmes associés pour exécuter des fichiers son et vidéo. Internet Explorer de Microsoft® est un navigateur largement répandu.

NCSA

Acronyme du National Center for Supercomputing Applications, centre de recherche avancée de l'Université d'Illinois situé à Urbana-Champaign, dont les scientifiques et les ingénieurs on développé la majeur partie de la technologie sur laquelle repose le World Wide Web. Le premier navigateur capable d'afficher des graphiques, Mosaic, a été développé par NCSA.

Net

Le terme Net, avec un "N" majuscule, est une abréviation d'Internet.

Netiquette

Combinaison de net et d'étiquette qui représente des règles de savoir-vivre et d'optimisation sur Internet. (cf. ci-desous !)

Nom de domaine

Sur Internet, nom d'un ordinateur ou d'un groupe d'ordinateurs servant à identifier son emplacement électronique (et parfois géographique) pour la transmission des données. Le nom de domaine contient généralement le nom d'une organisation et est toujours suivi d'un suffixe de deux ou trois lettres qui désigne le type de l'organisation ou le pays du domaine. Par exemple, dans le nom de domaine microsoft.com, microsoft est le nom de l'organisation et com est l'abréviation de commercial, il s'agit donc d'une organisations commerciale. Les suffixes suivants sont également utilisés aux États-Unis : gov (gouvernement), edu (institution d'enseignement), org (organisation, généralement sans but lucratif), et net (général; peut être du type commercial ou non). Hors des États-Unis, un suffixe à deux lettres indique le pays du domaine, par exemple uk (Royaume-Uni), de (Allemagne), et jp (Japon).

Novice

Terme condescendant désignant un utilisateur inexpérimenté ou un néophyte sur Internet.

P

Page

Cadre de contenu sur le World Wide Web, défini par un seul fichier HTML et se rapportant à une seule URL. Une combinaison de plusieurs pages devient un "site".

Page d'accueil (Homepage/Welcome Page)

Page principale d'un site Web. Les pages d'accueil contiennent généralement des liens qui renvoient à d'autres emplacements du site propre ou de sites externes. Certains sites Web de grande taille peuvent posséder plusieurs pages d'accueil.

PPP

Acronyme de Point-to-Point Protocol (protocole point à point), une configuration de connexion d'ordinateurs par le biais d'une ligne téléphonique ou d'une liaison réseau faisant office de ligne téléphonique.

Protocole

Ensemble de règles ou standards établis pour la communication des données sur un réseau, en particulier Internet. Les ordinateurs et les réseaux communiquent par le biais de protocoles qui déterminent leur comportement mutuel pour que le transfert des informations puisse s'effectuer.

R

Réalité virtuelle

Espace en trois dimensions créé par informatique qui simule un environnement physique organique.

S

Sans fil (wire-less)

Tout système de communication distante qui fonctionne sans fil, y compris les transmissions à infra-rouge, cellulaires et par satellite.

Script ou langage script

Raccourci de programmation qui permet à des utilisateurs peu expérimentés à la technique de créer sur leur ordinateur un contenu riche et qui offre aux programmeurs un moyen rapide de créer des applications simples.

Serveur

Ordinateur, ou son logiciel, qui "sert" d'autres ordinateurs sur un réseau en gérant les fichiers et le fonctionnement du réseau. Les ordinateurs "servis" par un serveur intègrent un logiciel client (voir plus haut).

Service en ligne (cf. ISP)

Abonnement à un service payant pour faciliter l'accès à Internet. Ce type de service propose, par exemple, des bulletins d'information ou financiers présentés de manière structurée. Parmi les principaux services en ligne, citons America Online(AOL), CompuServe et MSN, Microsoft Network.

Signature

Fonction du courrier électronique ou de Usenet qui indique l'auteur du message et/ou l'origine de celui-ci. Les signatures peuvent communiquer votre humeur du moment ou la pensée du jour. Une signature peut transmettre une quantité d'informations, en fin de message, mais par courtoisie, il est préférable de la limiter à seulement quelques lignes.

Signet

Procédure informatique permettant à l'utilisateur d'enregistrer un site réseau de manière à pouvoir y retourner facilement. En cliquant sur un signet, l'utilisateur accède directement au site souhaité sans avoir à passer par le chemin de connexion normal. Un recueil de signets est appelé liste de signets.

Site

Ensemble de pages Web reliées, résidant sur le même serveur et interconnectées par des liens hypertexte.

SLIP

Acronyme de Serial Line Interface Protocol (protocole d'interface sur une ligne série), un type de protocole commuté utilisé pour connecter un ordinateur à Internet.

Surfer

Argot pour "naviguer sur Internet". Signifie une navigation sans but précis plutôt qu'une recherche ciblée.

T

TCP/IP

Combinaison des acronymes de Transmission Control Protocol (protocole de contrôle de transmission) et de Internet Protocol (protocole Internet), les deux protocoles qui administrent la manière dont ordinateurs et réseaux gèrent le flux d'informations sur Internet.

Téléchargement

Procédure visant à demander et à transférer un fichier d'un ordinateur distant vers un ordinateur local, puis à sauvegarder ce fichier dans l'ordinateur local. Cette procédure s'effectue généralement par l'intermédiaire d'un modem ou d'un réseau via un système de FTP (File Transfer Protocole).

Télétransmission

Procédure visant à transférer un fichier d'un ordinateur local vers un ordinateur distant, via un modem ou un réseau.

Telnet

Programme d'émulation de terminal permettant à un utilisateur de se connecter à un autre ordinateur, en particulier un gros ordinateur comme ceux sur lequel sont installés les catalogues des bibliothèques en ligne. Lorsqu'un utilisateur se connecte à l'un de ces catalogues de bibliothèques électroniques, par le biais de Telnet, il obtient l'accès aux fichiers sur lesquels se trouvent les enregistrements.

Temps réel (real time)

Temps réel dont a besoin une tâche pour s'effectuer. Le traitement de l'information s'effectue avec un temps de réponse immédiat et sans délai.

Transmission de fichier audio en continu

Fichiers son saisis en temps réel dans un fichier audio ou transmis en temps réel sur Internet. Un plug-in ajouté au navigateur Web décompresser et lit les données au fur et à mesure de leur arrivée sur l'ordinateur. La transmission d'un fichier audio ou vidéo en continu supprime l'attente résultant du téléchargement de la totalité du fichier et permet ainsi de lire la totalité du fichier avec un programme d'aide.

U

URL

Acronyme de Uniform Resource Locator (localisateur uniforme de ressources, l'adresse qui spécifie l'emplacement électronique d'une ressource (un fichier) Internet. Une adresse URL est généralement constituée de quatre parties : le protocole, le serveur (ou domaine), le chemin et le nom de fichier, quoique dans certains cas, le chemin ou le nom de fichier ne figure pas.

Usenet

Service d'information télématique sur lequel les lecteurs peuvent échanger des informations, des idées, des conseils et des opinions.

V

Virus

En informatique, un programme nuisible, créé par l'homme pour détecter d'autres programmes et les "infecter" en leur incorporant sa propre copie. Lorsqu'un programme infecté est exécuté, le virus est activé. Un virus peut résider de manière passive dans un ordinateur sans que l'utilisateur s'en rende compte ou s'étendre à d'autres emplacements, mais il peut aussi agir immédiatement. Lorsqu'il est actif, il peut générer une grande variétés de troubles, depuis une suite de messages inoffensifs, mais désagréables, affichés à l'écran jusqu'à la destruction de fichiers situés sur le disque dur. Les virus informatiques se propagent lors de l'échange de fichiers entre ordinateurs, par l'intermédiaire d'une disquette ou d'un réseau (même Internet). Il est recommandé aux utilisateurs d'utiliser un programme anti-virus d'actualité disponible dans le commerce, en le téléchargeant d'un des nombreux sites Internet.

 

W

Le Web

Abréviation de World Wide Web.

World Wide Web

Recueil de contenus multimédia interconnectés par des liens et qui offre une interface graphique, conviviale pour naviguer sur Internet.

 

 

11.2. Le Net : Traité de savoir-vivre et Netiquette

 

repris des propos de Christine Vercken, Département Informatique

de l'Ecole Nationale Supérieur des Télécommunications (ENST)

 

INTRODUCTION

 

COURRIER ÉLECTRONIQUE

RESPONSABILITÉ DE L'UTILISATEUR

Le contenu et la gestion d'une boîte aux lettres sont sous la responsabilité de l'utilisateur :

 

File Transfer Protocol : anonymous

FORUMS ÉLECTRONIQUES : Serveurs de listes / Mailing listes / News

Certaines listes de diffusion ont peu d'abonnés et d'autres beaucoup. Ces dernières peuvent faire déborder votre boîte aux lettres, mettre votre système à genoux. Les souscriptions à des listes ou des groupes doivent être très réfléchies et peuvent être annoncées à votre ingénieur système pour qu'il puisse organiser une diffusion générale si plusieurs personnes sont intéresssées.
Les membres de la liste ne sont pas concernés par votre désir d'être ajouté ou supprimé. Toute requête concernant l'administration de la liste doit être faite à l'administrateur et non pas à la liste. Les messages pour ce type de requêtes doivent être envoyés à :

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Email, LISTSERV, mailing listes, et News
On peut utiliser des acronymes, sans en abuser, pour abréger un message.
Exemples en anglais :
      		IMHO  = in my humble/honest opinion
      		FYI   = for your information
      		BTW   = by the way
      		Flame = critique *violente*
      		:-)   = sourire
		

WORLD WIDE WEB

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LES DIX COMMANDEMENTS du Computer Ethics Institute