Ordonnance n° 45-1744 du 6 Août 1945 relative aux magasins généraux.

TITRE Ier Création, cession et cessation d'exploitation

Art. 1er. - L'exploitant d'un établissement à usage d'entrepôt où des industriels, commerçants, agriculteurs ou artisans, déposent des matières premières, des marchandises, des denrées ou des produits fabriqués, ne peut émettre des bulletins de gage négociables et qualifier son établissement de magasin général que s'il a obtenu l'agrément du commissaire régional de la République ou du préfet dans les départements qui ne sont pas placés sous l'autorité du commissaire régional de la République.

Art. 2. - L'arrêté du commissaire régional statuant sur la demande d'agrément est pris après avis des organismes professionnels et interprofessionnels prévus par le règlement d'administration publique qui sera pris pour l'application de la présente ordonnance. Il est motivé.

Art. 3. - La cession d'un magasin général est subordonnée à l'agrément du commissaire régional, donné dans les mêmes formes.

Art. 4. - Toute cessation d'exploitation non suivie de cession est subordonnée à un préavis de six mois, adressé par l'exploitant au commissaire régional. A l'expiration de ce délai, et si les intérêts généraux du commerce l'exigent, un administrateur provisoire peut être désigné par le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé à la demande du ministère public.

TITRE II Responsabilités et garanties

Art. 5. - Toute personne qui remet une marchandise en dépôt à un magasin général est tenue d'en déclarer la nature et la valeur à l'exploitant.

Art. 6. - Les exploitants de magasins généraux sont responsables, dans les limites de la valeur déclarée, de la garde et la conservation des dépôts qui leur sont confiés.
Ils ne sont pas responsables des avaries et déchets naturels provenant de la nature et du conditionnement des marchandises ou des cas de force majeure.
Les règlements types et les règlements particuliers prévus aux articles 11 et 13 préciseront les obligations des exploitants en ce qui concerne la
conservation des dépôts.

Art. 7. - Il est interdit aux exploitants des magasins généraux de se livrer, soit directement, soit indirectement, que ce soit pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, à titre de commissionnaire ou à tout autre titre, à aucun commerce ou spéculation ayant pour objet des marchandises pour lesquelles ils sont habilités à délivrer des récépissés warrants.

Art. 8. - Sont réputées tomber sous le coup de l'article précédent, les sociétés exploitantes de magasins généraux dont l'un des associés, possédant plus de 10 % du capital social, exerce une activité incompatible avec les dispositions de l'article précédent.
(Deuxième alinéa abrogé, L. 25 fév. 1953, art. 13)

Art. 9. - Les entreprises ne répondant pas aux conditions fixées à l'article 7 et à l'alinéa 1er de l'article 8 pourront cependant solliciter l'agrément comme magasins généraux des entrepôts qu'elles exploitent ou projettent d'exploiter et obtenir, à titre exceptionnel, cet agrément s'il est reconnu que les intérêts du commerce l'exigent.
Dans ce cas :
1° La demande d'agrément fait l'objet au siège du Commissariat régional de la République et dans la commune du lieu de l'établissement des mesures de publicité qui seront prévues au règlement d'administration publique;
2° L'arrêté d'agrément fixe, en sus du cautionnement prévu à l'article 10, un cautionnement spécial au moins égal à celui-ci. Le cautionnement spécial est fourni soit en numéraire, soit par une caution bancaire agréée par le tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé l'établissement.

Art. 10. - L'arrêté du commissaire régional autorisant l'ouverture du magasin général soumet son exploitant à l'obligation d'un cautionnement.
Le montant de ce cautionnement, proportionnel à la surface affectée au magasinage, est compris entre deux limites qui seront fixées par le règlement d'administration publique.

Art. 11. - Un ou plusieurs règlements-types, élaborés dans les conditions prévues au règlement d'administration publique, fixeront dans le cadre des dispositions de la présente ordonnance et du règlement d'administration publique qui sera pris pour son application les conditions de fonctionnement des établissements.

Art. 12. - Les marchandises susceptibles d'être warrantées sont obligatoirement assurées contre l'incendie par les polices générales du magasin.
Toutefois, pour les exploitants de magasins généraux établis dans les ports maritimes, cette obligation est suspendue à l'égard des marchandises entreposées couvertes par une assurance maritime tant que cette assurance garantit ces risques.
Si, pendant cette période, un sinistre survient, la responsabilité de l'exploitant du magasin général ne sera pas engagée vis-à-vis des déposants, des compagnies d'assurances et des porteurs de warrants.
A l'expiration de ladite période, les marchandises susmentionnées devront être assurées par les polices générales du magasin.

Art. 13. - Chaque établissement est doté d'un règlement particulier qui complète les dispositions générales des règlements-types en fixant les conditions d'exploitation variant avec la nature et la situation du magasin.

Art. 14. - Au règlement prévu à l'article précédent sont annexés un tarif général et, éventuellement, des tarifs spéciaux pour la rétribution du magasinage, dans les termes de la présente ordonnance, et des services rendus à cette occasion aux déposants. La perception des taxes correspondantes a lieu indistinctement et sans aucune faveur.

Art. 15. - Les tarifs sont communiqués au commissaire régional un mois au moins avant l'ouverture du magasin général.
Toute modification des tarifs existants doit lui être notifiée, ainsi qu'aux organismes visés à l'article 2, et ne devient exécutoire qu'un mois après cette notification. Toutefois, ce délai n'est pas applicable aux exploitants dont les tarifs sont soumis à une autorisation administrative.

TITRE III Fonctionnement et contrôle

Art. 16. - Les exploitants de magasins généraux peuvent prêter sur nantissement des marchandises qu'ils reçoivent en dépôt ou négocier les warrants qui les représentent.

Art. 17. - Les présidents, gérants, directeurs et le personnel des exploitations de magasins généraux sont, sous les peines prévues à l' article 378 du Code pénal, tenus au secret professionnel pour tout ce qui regarde les marchandises entreposées.

Art. 18. - Les magasins généraux existant à la date de publication de la présente ordonnance et ceux qui seront créés conformément à ces dispositions sont placés sous le contrôle de l'administration, dans les conditions qui seront fixées par le règlement d'administration publique.

Art. 19. - La présente ordonnance et son décret d'application, le tarif et les règlements, sont affichés dans la partie des bureaux du magasin où le public a accès.

TITRE IV Récépissés - warrants

Art. 20. - Il est délivré à chaque déposant un ou plusieurs récépissés. Ces récépissés énoncent les nom, profession et domicile du déposant ainsi que la nature de la marchandise déposée et les indications propres à en établir l'identité et à en déterminer la valeur.
(D. n° 53-966, 30 sept. 1953.) Les marchandises fongibles déposées en magasin général et sur lesquelles il a été délivré un récépissé et un warrant peuvent être remplacées par des marchandises de même nature, de même espèce et de même qualité. La possibilité de cette substitution doit être mentionnée à la fois sur le récépissé et sur le warrant.
Les droits et privilèges du porteur du récépissé et du porteur du warrant sont reportés sur les marchandises substituées.
Il peut être délivré un récépissé et un warrant sur un lot de marchandises fongibles à prendre dans un lot plus important.

Art. 21. - A chaque récépissé de marchandise est annexé, sous la dénomination de warrant, un bulletin de gage contenant les mêmes mentions que le récépissé.
Les récépissés de marchandises et les warrants y annexés sont extraits d'un registre à souches.

Art. 22. - Les récépissés et les warrants peuvent être transférés par voie d'endossement, ensemble ou séparément.

Art. 23. - Tout cessionnaire du récépissé ou du warrant peut exiger la transcription sur les registres à souches dont ils sont extraits de l'endossement fait à son profit, avec indication de son domicile.

Art. 24. - L'endossement du warrant séparé du récépissé vaut nantissement de la marchandise au profit du cessionnaire du warrant.
L'endossement du récépissé transmet au cessionnaire le droit de disposer de la marchandise, à charge pour lui, lorsque le warrant n'est pas transféré avec le récépissé, de payer la créance garantie par le warrant ou d'en laisser payer le montant sur le prix de la vente de la marchandise.

Art. 25. - L'endossement du récépissé et du warrant, transférés ensemble ou séparément, doit être daté.
L'endossement du warrant séparé du récépissé doit, en outre, énoncer le montant intégral, en capital et intérêts, de la créance garantie, la date de son échéance et les nom, profession et domicile du créancier.
Le premier cessionnaire du warrant doit immédiatement faire transcrire l'endossement sur les registres du magasin, avec les énonciations dont il est accompagné. Il est fait mention de cette transcription sur le warrant.

Art. 26. - Le porteur du récépissé séparé du warrant peut, même avant l'échéance, payer la créance garantie par le warrant.
Si le porteur du warrant n'est pas connu ou si, étant connu, il n'est pas d'accord avec le débiteur sur les conditions auxquelles aurait lieu l'anticipation de paiement, la somme due, y compris les intérêts jusqu'à l'échéance, est consignée à l'administration du magasin général qui en demeure responsable. Cette consignation libère la marchandise.

Art. 27. - A défaut de paiement à l'échéance, le porteur du warrant séparé du récépissé, peut, huit jours après le protêt, et sans aucune formalité de justice, faire procéder par officiers publics, à la vente publique aux enchères et en gros de la marchandise engagée, dans les formes indiquées par la loi du 28 mai 1858 sur les ventes publiques de marchandises en gros.
Dans le cas où le souscripteur primitif du warrant l'a remboursé, il peut faire procéder à la vente de la marchandise, comme il est dit au paragraphe précédent, contre le porteur du récépissé, huit jours après l'échéance et sans qu'il soit besoin d'aucune mise en demeure.

Art. 28. - Le créancier est payé de sa créance sur le prix, directement et sans formalité de justice, par privilège et préférence à tous créanciers, sans autre déduction que celles :
1° Des contributions indirectes, des taxes d'octroi et des droits de douane dus par la marchandise;
2° Des frais de vente, de magasinage et autres frais pour la conservation de la chose.
Si le porteur du récépissé ne se présente pas lors de la vente de la marchandise, la somme excédant celle qui est due au porteur du warrant est consignée à l'administration du magasin général, comme il est dit à l'article 26.

Art. 29. - Le porteur du warrant n'a de recours contre l'emprunteur et les endosseurs qu'après avoir exercé ses droits sur la marchandise et en cas d'insuffisance.
Le délai fixé par l' article 149 du Code de commerce, pour l'exercice du recours contre les endosseurs, ne court que du jour où la vente de la marchandise est réalisée.
Le porteur du warrant perd, en tout cas, son recours contre les endosseurs s'il n'a pas fait procéder à la vente dans le mois qui suit la date du protêt.

Art. 30. - Le porteur du récépissé et du warrant a, sur les indemnités d'assurance dues en cas de sinistre, les mêmes droits et privilèges que sur la marchandise assurée.

Art. 31. - Les établissements publics de crédit peuvent recevoir les warrants comme effets de commerce, avec dispense d'une des signatures exigées par leurs statuts.

Art. 32. - Celui qui a perdu un récépissé ou un warrant peut demander et obtenir par ordonnance du juge, en justifiant de sa propriété et en donnant caution, un duplicata s'il s'agit d'un récépissé, le paiement de la créance garantie s'il s'agit du warrant.
Si dans ce cas le souscripteur du warrant ne s'est pas libéré à l'échéance, le tiers porteur dont l'endos aura été transcrit sur les registres du magasin général pourra être autorisé par ordonnance du juge, à charge de fournir caution, à faire procéder à la vente de la marchandise engagée dans les conditions déterminées à l'article 27 ci-dessus.
Le protêt prévu audit article donnera copie des mentions telles qu'elles figurent sur le registre du magasin général.

Art. 33. - En cas de perte du récépissé, la caution prévue à l'article précédent sera libérée à l'expiration d'un délai de cinq ans, lorsque les marchandises en faisant l'objet n'auront pas été revendiquées par un tiers au magasin général.
En cas de perte du warrant, la caution sera libérée à l'expiration d'un délai de trois ans, à compter de la transcription de l'endos.

Sanctions

Art. 34. - Il est interdit d'ouvrir et d'exploiter sans l'autorisation prescrite à l'article 1er de la présente ordonnance un établissement recevant en dépôt des marchandises pour lesquelles sont délivrés aux déposants, sous le nom de warrants, ou tout autre nom, des bulletins de gages négociables.
Toute personne qui contrevient à cette prohibition est punie d'une amende de 5 000 à 100 000 F (50 à 1 000 F) et d'un emprisonnement d'un mois à un an ou d'une de ces deux peines seulement.
Le tribunal peut ordonner que le jugement de condamnation sera publié intégralement ou par extraits dans les journaux qu'il désigne et affiché dans les lieux qu'il indique, notamment aux portes du domicile et des magasins du condamné, le tout aux frais du condamné, sans toutefois que les frais de cette publication puissent dépasser le maximum de l'amende encourue.

Art. 35. - En cas d'infraction commise par l'exploitant d'un magasin général aux dispositions de la présente ordonnance ou du règlement d'administration publique qui sera pris pour son application, le commissaire régional de la République le préfet dans les départements qui ne sont pas placés sous l'autorité du commissaire régional de la République peut, l'exploitant entendu et après consultation des organismes professionnels et interprofessionnels visés à l'article 2, prononcer par arrêté, à titre temporaire ou définitif, le retrait de l'agrément.
Dans ce cas, le président du tribunal statuant comme en matière de référé, désigne, à la demande du ministère public, un administrateur provisoire et détermine les pouvoirs dont il dispose pour l'exploitation de l'établissement.
En cas de retrait d'agrément à titre définitif et lorsque l'intérêt du commerce local exige le maintien du magasin général, les pouvoirs de l'administrateur provisoire peuvent comporter la mise aux enchères publiques du fonds de commerce et du matériel nécessaire à son exploitation.
Le retrait d'agrément à titre définitif peut également être prononcé, après consultation des organismes professionnels et interprofessionnels, à l'encontre des établissements qui auraient cessé de fonctionner comme magasins généraux ou comme entrepôts pendant au moins deux ans.

TITRE VI Dispositions diverses et transitoires

Art. 37. - Toute société exploitante qui, par suite d'une modification intervenue dans la répartition du capital entre les associés, ne se trouve plus dans les conditions exigées par l'article 8, doit dans le mois qui suit cette modification, solliciter le maintien de l'agrément dont elle est bénéficiaire.
L'agrément reste valable jusqu'à ce que le commissaire ait statué par arrêté.
Le commissaire peut, soit prononcer le maintien de l'agrément dans les conditions prévues à l'article 9, soit en prononcer le retrait conformément aux dispositions de l'article 35.

Art. 38. - Lorsque l'ouverture d'un établissement est subordonnée à l'intervention d'un décret ou d'un arrêté ministériel, l'agrément de cet établissement comme magasin général est accordé par ce décret ou cet arrêté, après consultation des organismes visés à l'article 2.

Art. 39. - Les établissements visés à l'article précédent sont astreints au dépôt du cautionnement prévu au paragraphe 2 de l'article 10.

Art. 40. - Les exploitants d'établissements agréés par arrêté ou par décret n'ont pas à solliciter l'autorisation prévue par les textes réglementant les créations, extensions ou transferts d'établissements, et notamment par le décret du 9 septembre 1939.

Art. 41. - Les décrets ou arrêtés agréant les établissements comme magasins généraux peuvent comporter, pour l'exploitant, l'autorisation d'ouvrir une salle de ventes publiques de marchandises en gros.

Art. 42. - L'agrément accordé aux magasins généraux constitués en application du décret abrogé du 21 mars 1848 peut être retiré par arrêté dans les conditions de la présente ordonnance.

Art. 43. - Sont abrogés, sauf en ce qui concerne l'exploitation des salles de ventes publiques et le régime fiscal des récépissés warrants :
Le décret des 23-26 août 1848;
La loi du 28 mai 1858, sur les négociations concernant les marchandises déposées dans les magasins généraux;
Le décret du 12 mars 1859, modifié par les décrets des 30 mai 1863, 20 avril 1888 et 9 juin 1896;
La loi du 31 août 1870;
La loi du 8 juillet 1931.
Toutefois, la répression des infractions commises avant la publication de la présente ordonnance sera poursuivie conformément à la législation antérieure.

Art. 44. - Un règlement d'administration publique fixera les conditions d'application de la présente ordonnance.

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(Last update : Sun, Oct 23, 2016)