J.O. 252 du 30 octobre 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République


NOR : HRUX0710990X




Une Ve République plus démocratique



Introduction


La Constitution du 4 octobre 1958 est entrée dans sa cinquantième année ; elle a traversé bien des épreuves, dont celle, à trois reprises, de la « cohabitation » ; elle a fait montre de sa souplesse et de sa solidité ; elle a doté notre pays d'institutions stables et efficaces ; elle a élargi l'assise du régime républicain en démontrant, à la faveur de cinq alternances, sa capacité à fonctionner au service de tendances politiques différentes qui toutes se sont bien trouvé des moyens qu'elle a mis à leur disposition.

Pour autant, force est de constater que les institutions de la Ve République ne fonctionnent pas de manière pleinement satisfaisante. En dépit des nombreuses révisions constitutionnelles intervenues ces dernières années - la Constitution a été révisée vingt-deux fois depuis 1958, dont quinze fois au cours des douze dernières années - les institutions peinent à s'adapter aux exigences actuelles de la démocratie.

Surtout, la présidentialisation du régime, entamée en 1962 avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, s'est développée sans que la loi fondamentale évolue de telle manière que des contrepoids au pouvoir présidentiel soient mis en place. Certes, la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires, intervenue en 1974, a tempéré la toute-puissance du pouvoir politique. Mais le Parlement demeure enfermé dans les règles d'un « parlementarisme rationalisé », caractérisé par la quasi-tutelle du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, dont il n'est pas contestable qu'il avait son utilité en 1958, au sortir de douze années de régime d'assemblée, mais qui participe, aujourd'hui, d'une singularité française peu enviable au regard des principes mêmes de la démocratie.

L'acception présidentialiste du régime a été définie par le général de Gaulle lors de sa célèbre conférence de presse du 31 janvier 1964. La pratique suivie par ses successeurs n'a guère démenti cette lecture des institutions, à la notable exception des périodes de cohabitation, au cours desquelles la lettre de la Constitution a prévalu sur son esprit et la réalité du pouvoir exécutif est passée, pour l'essentiel, entre les mains du Premier ministre.

L'adoption du quinquennat et ce qu'il est convenu d'appeler l'« inversion du calendrier électoral » qui, depuis 2002, a pour effet de lier étroitement le scrutin présidentiel et les élections législatives, ont accentué la présidentialisation du régime. Même si cette évolution semble rencontrer l'adhésion de l'opinion publique, elle demeure fragile et porte la marque d'un déséquilibre institutionnel préoccupant. Elle est fragile car la concordance des scrutins qui favorise celle des majorités, présidentielle et parlementaire, ne la garantit pas et demeure tributaire du décès ou de la démission du Président de la République comme de l'exercice de son droit de dissolution de l'Assemblée nationale. Elle est déséquilibrée dans la mesure où les attributions du Président de la République s'exercent sans contrepouvoirs suffisants et sans que la responsabilité politique de celui que les Français ont élu pour décider de la politique de la nation puisse être engagée.

Il s'en déduit que le rééquilibrage des institutions passe d'abord, dans le cadre du régime tel qu'il fonctionne aujourd'hui, par un accroissement des attributions et du rôle du Parlement.

Telle a été la première constatation du Comité.

La deuxième est relative à la nécessité, apparue du fait de la survenance des expériences dites de « cohabitation », de clarifier les attributions respectives du Président de la République et du Premier ministre. La présidentialisation de la Ve République s'est traduite, dans les temps ordinaires, par une double responsabilité du Premier ministre, devant l'Assemblée nationale, comme le prévoient les articles 20 et 49 de la Constitution, mais aussi devant le Président de la République, comme ne le prévoit pas l'article 8 de la même Constitution. De même, chacun sait qu'en dehors des périodes de « cohabitation », ce n'est pas le Gouvernement qui, comme en dispose l'article 20 de la Constitution, « détermine (...) la politique de la nation » mais le Président de la République. Dans ces conditions, il est apparu au Comité que sa réflexion devait porter sur la clarification des rôles au sein du pouvoir exécutif. Les travaux qu'il a conduits sur cette question se situent - c'est l'hypothèse qui recueille un large accord en son sein - dans le cadre du régime actuel, caractérisé par la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale. Mais le Comité ne s'est pas interdit, dans ses discussions, d'envisager l'hypothèse d'une évolution vers un régime nettement présidentiel, dans lequel la responsabilité gouvernementale devant le Parlement n'a plus sa place.

Troisième constatation du Comité : les institutions de la Ve République ne reconnaissent pas aux citoyens des droits suffisants ni suffisamment garantis. L'impossibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d'une loi déjà promulguée à la Constitution, la difficulté à saisir le Médiateur de la République des différends qui opposent les citoyens aux administrations publiques, la prolifération de normes législatives et réglementaires, parfois rétroactives, l'instabilité de la règle de droit, la place de la justice dans le fonctionnement des institutions, les modes de scrutin par le biais desquels s'expriment les choix du peuple souverain sont autant de sujets sur lesquels le Comité s'est penché. Les propositions qu'il formule à ce titre portent la marque d'une volonté de modernisation et de démocratisation de nos institutions.


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Le Comité s'est attaché, dans un premier temps, à prendre la mesure de sa tâche en passant en revue les quelque trente sujets découlant de sa mission de réflexion et de proposition. Il y a consacré de nombreuses séances de travail. Pour autant, le Comité ne s'est pas interdit, comme le lui suggérait d'ailleurs le Président de la République, de se saisir d'autres sujets sur lesquels il a estimé qu'il était de son devoir d'appeler l'attention.

Puis, le Comité a procédé à l'audition d'une trentaine de personnalités afin d'éclairer sa réflexion compte tenu soit de leur expérience et de leur rôle au service de l'Etat, soit de leur place dans la vie politique de notre pays. Soucieux de témoigner de la volonté de transparence qui l'anime, le Comité a tenu à ce que ces auditions fussent publiques et télévisées, sauf souhait contraire des personnalités entendues.

Ainsi, le Comité a reçu les présidents des assemblées parlementaires et de leurs commissions des lois, le président du Conseil constitutionnel, le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette Cour, le premier président de la Cour des comptes, le président du Conseil économique et social et le chef d'état-major des armées ainsi que ceux des membres du Gouvernement dont les attributions justifiaient plus particulièrement qu'ils fussent consultés. Il a également entendu les dirigeants et présidents des groupes parlementaires des partis politiques représentés soit au Parlement national, soit au Parlement européen.

Dans le même souci de transparence, le Comité a ouvert un site internet sur lequel ont été diffusés les documents qui ont guidé et alimenté sa réflexion. Le public a été invité à formuler des remarques sur la base de ces documents. Le Comité a pu constater que la question des institutions n'est pas le monopole de quelques spécialistes et que les Français dans leur ensemble sont, contrairement aux idées reçues, soucieux de mieux s'approprier la Constitution.

Une fois collationnés les enseignements retirés des auditions, dont la liste est publiée en annexe au présent rapport, ainsi que des contributions, souvent éclairantes, envoyées par le biais de son site internet, le Comité s'est attaché à dégager les propositions de modernisation et de rééquilibrage des institutions qu'il avait reçu mission de mettre au jour.

Trois séries d'observations doivent être formulées sur cette partie du travail accompli par le Comité.

En premier lieu, le Comité s'est efforcé de présenter celles de ses propositions qui relèvent de la matière constitutionnelle en la forme d'articles de la Constitution révisée. Il doit être clair que, ce faisant, le Comité n'a nullement entendu se substituer au pouvoir constituant. Son désir était uniquement celui de la clarté de l'exposé, tant il est vrai que seul l'exercice de l'écriture garantit le sérieux des propositions.

En deuxième lieu, le Comité a réservé une large place à l'explication des motifs qui justifient, à ses yeux, les solutions qu'il propose et la rédaction qui les précise. A ce titre, le Comité a pu se borner à ne formuler, dans le texte même de la révision constitutionnelle qu'il suggère, que les règles essentielles et à renvoyer pour le surplus à la loi organique, voire à la loi simple, son commentaire indiquant alors les points les plus importants que le législateur serait invité à trancher le moment venu. Au demeurant, certains des sujets sur lesquels le Comité a reçu mission de se pencher ne sont pas d'ordre constitutionnel et le Comité s'est alors borné à fixer les grandes lignes des textes législatifs qu'il appelle de ses voeux.

En troisième et dernier lieu, le Comité s'est efforcé de formuler des propositions qui fassent en son sein l'objet d'un accord. Il y est parvenu au terme de discussions approfondies, parfois empreintes d'une certaine vivacité. Sans doute les membres du Comité ont-ils chacun une lecture personnelle des institutions de la Ve République et le débat a-t-il souvent confronté des points de vue opposés, mais la discussion contradictoire a porté ses fruits et les propositions qui émanent des travaux du Comité portent la marque de la cohérence.


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Le présent rapport obéit à une logique qui s'est affirmée dès l'origine des travaux du Comité, tant il est vrai que les réformes institutionnelles à mettre en oeuvre se sont imposées à lui avec force. On les examinera dans l'ordre où la Constitution leur donne place.

La première d'entre elles consiste à tenter de mieux définir le partage des rôles entre les gouvernants et, surtout, à encadrer davantage l'exercice des attributions que le Président de la République tient de la Constitution elle-même ou de la pratique politique et institutionnelle.

C'est pourquoi le Comité s'est attaché à définir les règles qui, à la lumière de l'expérience, pourraient régir les liens qui unissent le chef de l'Etat et le Gouvernement dirigé par le Premier ministre. Afin de clarifier et d'actualiser le texte constitutionnel et d'éviter qu'une dyarchie n'introduise la division au sein du pouvoir exécutif, il suggère de modifier les articles 5, 20 et 21 de la Constitution. Mais surtout il propose, à titre principal, que l'exercice des attributions présidentielles soit mieux encadré et que les prérogatives du chef de l'Etat soient précisées. Au passage, le Comité s'est efforcé de formuler des propositions relatives à l'élection présidentielle qui soient de nature à renforcer le caractère démocratique du choix offert aux citoyens.

Deuxième réforme : renforcer le Parlement. Le Comité a unanimement estimé que cet aspect de sa mission revêtait un caractère fondamental. Améliorer la fonction législative, desserrer l'étau du parlementarisme rationalisé, revaloriser la fonction parlementaire, doter l'opposition de droits garantis, renforcer le pouvoir et les moyens de contrôle du Parlement : tels sont, aux yeux du Comité, les grandes lignes du nécessaire rééquilibrage de nos institutions, et ce quelles que puissent être, en fonction de la personnalité des acteurs de la vie publique, l'interprétation et la pratique de la Constitution. Encore faut-il ajouter que le Comité a estimé que, sans préjudice des modifications éventuelles apportées aux modes de scrutin - et il a souhaité faire part de ses réflexions en ce domaine - l'interdiction du cumul des mandats était nécessaire au succès de la réforme institutionnelle ambitieuse qu'il appelle de ses voeux.

Troisième réforme : mieux assurer et garantir les droits des citoyens. Le Comité s'est persuadé sans peine que l'Etat de droit est une exigence que partagent tous nos concitoyens. Il s'est attaché à proposer un ensemble de mesures, qui ne sont pas toutes de nature constitutionnelle, permettant d'atteindre cet objectif. C'est ainsi qu'il a porté sa réflexion sur les droits nouveaux qui seraient susceptibles d'être consacrés par le Préambule de la Constitution, sur la mise en place, à l'instar de ce qui existe dans nombre de démocraties anciennes ou plus récentes, d'une autorité propre à mieux assurer la défense des droits individuels, sur la nécessité d'améliorer les procédures de démocratie directe. C'est ainsi, également, qu'il a souhaité que le respect du pluralisme fût assuré grâce au concours d'une institution nouvelle dont l'existence serait prévue par la Constitution et que la diversité de la société française fût mieux prise en compte, au sein du Conseil économique et social. C'est ainsi, enfin, qu'après avoir formulé des propositions, à ses yeux essentielles, tendant à améliorer les garanties d'indépendance et d'efficacité de l'autorité judiciaire, il a consacré une large part de ses efforts à la mise en place d'un contrôle de la constitutionnalité des lois qui réponde à la fois aux aspirations trop longtemps méconnues des citoyens et aux impératifs de la sécurité juridique à laquelle ils aspirent non moins légitimement.


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Telle est l'inspiration générale qui a guidé le Comité dans ses réflexions et ses travaux.

Les membres du Comité ont conscience que la révision constitutionnelle qu'ils proposent aux pouvoirs publics est la plus importante par sa teneur et par son volume de celles qui sont intervenues depuis plus de quarante ans.

Ce faisant, ils se sont acquittés de la mission que le Président de la République leur a confiée.

La nécessité d'une démocratisation des institutions est pressante. Les membres du Comité le savaient quand ils ont accepté la mission qui leur a été assignée. Ils en sont aujourd'hui plus persuadés encore.

Aussi sont-ils en mesure d'affirmer que les textes qu'ils soumettent à l'appréciation des pouvoirs publics ne procèdent pas d'une simple juxtaposition de mesures distinctes les unes des autres. La combinaison de ces dispositions n'est pas une addition. C'est un ensemble cohérent, qui propose un changement institutionnel global et ambitieux. Le Comité est unanimement convaincu qu'un tel changement est nécessaire. Il restera au Gouvernement à apprécier dans quelle mesure, selon quelle procédure et dans quels délais il est possible, et à soumettre ensuite ses projets au Parlement.

Avant que le Gouvernement n'engage ses propres travaux sur le terrain de la révision constitutionnelle, le Comité croit devoir appeler son attention sur un point important, afin de mieux l'éclairer sur les questions qu'il pose. L'évolution de la Ve République vers un régime de forme présidentielle correspond au souhait de plusieurs des membres du Comité qui pensent que si les propositions de ce dernier étaient retenues, il suffirait de supprimer la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale et le droit de dissolution pour que la nature du régime soit transformée dans le sens qu'ils espèrent, achevant ainsi un processus engagé depuis 1962.

Cependant, le Comité s'est trouvé unanime pour faire un choix clair : il a décidé de situer ses propositions, nombreuses et importantes par l'ampleur des améliorations qu'elles apportent à nos institutions, dans le cadre du maintien de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement telle qu'elle est prévue par la Constitution de 1958. C'est dans ce cadre qu'il a défini ses propositions. C'est dans ce cadre qu'il faut les apprécier. Et le Comité tient à souligner que, dans ce cadre même, les propositions qu'il formule en faveur d'un renforcement des pouvoirs du Parlement et d'une garantie accrue des droits et libertés des citoyens se traduisent toutes par une limitation du pouvoir du Président de la République.

Aussi ne fait-il aucun doute, dans l'esprit du Comité, que les mesures de rééquilibrage et de modernisation des institutions qu'il propose seraient, si elles recueillaient l'assentiment du pouvoir constituant, de nature à leur donner plus de cohérence ainsi qu'un caractère plus démocratique.



Chapitre Ier



Un pouvoir exécutif mieux contrôlé




Dès 1958 et plus encore depuis 1962, ce qu'il est convenu d'appeler le « bicéphalisme » de l'exécutif a été la marque de la Ve République. Entre le Président de la République qui le nomme et l'Assemblée nationale devant laquelle il est responsable, le Premier ministre occupe une position en réalité mal définie. A la différence des régimes parlementaires, dans lesquels le chef du Gouvernement détient à lui seul la totalité du pouvoir exécutif et des régimes présidentiels, dans lesquels il en va de même pour le chef de l'Etat, le partage des rôles entre le Président de la Ve République et le Premier ministre demeure ambigu.

Certes, les articles 5, 8, 20 et 21 de la Constitution ont fixé les attributions respectives du Président de la République et du Gouvernement. Certaines sont exercées en commun, mais le chef de l'Etat dispose de prérogatives propres qui rendent cette répartition peu claire. Tout d'abord, son élection au suffrage universel direct et les conséquences de ce mode de désignation sur l'existence et la cohésion de la majorité lui donnent un rôle politique prépondérant. En outre, la Constitution elle-même lui confère des compétences de grande importance, avec le droit de dissolution et celui de recourir au référendum. Il s'ensuit que les pouvoirs reconnus au Président de la République ont une portée réelle de beaucoup supérieure aux attributions de ses homologues des IIIe et IVe Républiques. Il en est ainsi, notamment, de la possibilité, que lui reconnaît la coutume en dehors des périodes de cohabitation, de mettre fin aux fonctions du Premier ministre, contrairement à la lettre de l'article 8 de la Constitution qui prévoit que seule la démission du Gouvernement met fin aux fonctions du Premier ministre.

On peut penser que le moment est venu de rompre avec l'équivoque, ce qui aurait pour avantage de donner une plus juste image de la réalité, compte tenu de la pratique politique dominante depuis près d'un demi-siècle. Mais le Comité s'est interrogé sur la portée et les limites d'une telle clarification. Il importe en effet de ne pas priver nos institutions de la souplesse nécessaire en cas de cohabitation.

En tout état de cause, le Comité a souhaité que cette clarification soit accompagnée de mesures propres à mieux encadrer les prérogatives des gouvernants et à assurer une plus grande transparence au sein du pouvoir exécutif.

A. - Des responsabilités plus clairement partagées :

La clarification des responsabilités au sein du pouvoir exécutif suppose une définition aussi nette que possible des rôles respectifs du Président de la République et du Gouvernement, dirigé par le Premier ministre. Celle-ci est en débat depuis de longues années. La pratique actuelle, confortée par la mise en vigueur du quinquennat et la synchronisation du calendrier entre les élections présidentielle et législatives, paraît la rendre plus nécessaire encore.

Dans leur rédaction en vigueur, les articles 8, 20 et 21 de la Constitution prévoient : « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement » (art. 8) ; « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation./ Il dispose de l'administration et de la force armée./ Il est responsable devant le Parlement (...) » (art. 20) ; « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale./ Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires (...) » (art. 21).

Les propositions de clarification qui pourraient s'en déduire sont simples. Elles viseraient à prendre acte de la prééminence que son élection au suffrage universel direct confère au chef de l'Etat, qui serait chargé de « déterminer la politique de la nation ». Par souci de conformité avec la pratique existante, l'article 8 de la Constitution serait modifié pour que le Président de la République puisse de lui-même mettre fin aux fonctions du Premier ministre sans attendre qu'il remette la démission du Gouvernement. Le Premier ministre aurait enfin le soin de « mettre en oeuvre » la politique de la nation, sous le contrôle du Parlement devant lequel il demeurerait responsable.

Il n'a pas échappé au Comité que de telles rédactions correspondraient à la pratique de la Ve République lorsque la majorité parlementaire et la majorité présidentielle coïncident. Mais il ne lui a pas échappé davantage qu'elles pourraient se révéler d'application délicate dans l'hypothèse d'une nouvelle « cohabitation ».

Pour répondre à cette préoccupation, le Comité a envisagé divers mécanismes tendant à renforcer la concomitance des élections présidentielle et législatives. Ainsi, l'article 12 de la Constitution pourrait être modifié de telle sorte qu'en cas de vacance ou d'empêchement de la présidence de la République l'Assemblée nationale soit dissoute de plein droit. De même - mais une telle disposition trouverait difficilement place dans la Constitution - on pourrait prévoir que, lorsque le Président de la République prononce la dissolution de l'Assemblée nationale et essuie un revers politique à l'occasion des élections législatives qui s'ensuivent, il serait contraint de présenter sa démission.

Mais le Comité a estimé que, sauf à introduire dans le texte de la Constitution des complexités excessives, qui non seulement feraient peser une contrainte disproportionnée sur l'Assemblée nationale, mais auraient pour effet de rigidifier les institutions, une telle voie de réforme ne pouvait être retenue.

A la vérité, il n'existe, en théorie, que deux solutions aux difficultés qui viennent d'être évoquées. Soit opter pour un régime purement parlementaire dans lequel la réalité et la totalité du pouvoir exécutif appartiennent au Premier ministre, mais l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct y fait obstacle dès lors que la Constitution lui confère des attributions qui ne sont pas exclusivement de pur arbitrage. Soit opter pour un régime de nature présidentielle. Certains des membres du Comité se sont déclarés favorables à une telle évolution. Mais eux-mêmes ont dû constater qu'il faudrait alors supprimer le droit de dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République, reconnaître à ce dernier un droit de veto sur les lois adoptées par le Parlement et développer une culture du compromis qui n'est pas toujours conforme aux traditions politiques de notre pays. Ils ont, par ailleurs, relevé qu'aucune des principales forces politiques n'est favorable à un tel régime et que celui-ci ne garantit pas, par lui-même, contre tout risque de conflit entre les pouvoirs législatif et exécutif.

En d'autres termes, le Comité a pris acte du fait que, tant que coexistent, en France, deux sources de légitimité, l'une présidentielle, issue de l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel, l'autre parlementaire, issue de l'élection des députés au suffrage universel, on ne pouvait sérieusement imaginer d'éliminer, en fait, la possibilité d'une divergence d'orientation politique entre le chef de l'Etat et la majorité de l'Assemblée nationale. La concomitance du calendrier des élections présidentielles et législatives est en effet impossible à garantir dès lors que le Président de la République peut démissionner, décéder ou dissoudre l'Assemblée nationale. En outre, cette concomitance n'empêche pas par elle-même le peuple souverain d'opérer des choix politiques différents selon qu'il s'agit d'élire le chef de l'Etat ou les députés.

D'ailleurs, ce risque de divergence entre l'orientation politique du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif existe aussi bien dans le système présidentiel américain que dans les institutions de la Ve République. Mais il n'y emporte pas les mêmes conséquences. Aux Etats-Unis, cette divergence ne met pas en cause l'unité du pouvoir exécutif, qui demeure entre les mains du seul Président. En France et sous la Ve République, elle met au grand jour la dyarchie qui, quoi qu'on dise, existe au sein du pouvoir exécutif et y introduit la division.

Surtout, le Comité a considéré que, dès lors qu'il était impossible d'éliminer en fait tout risque de cohabitation, il était vain, et sans doute dangereux, de prétendre l'éliminer en droit. Tout au plus le Comité recommande-t-il, même si ce principe n'est pas de nature constitutionnelle, que la simultanéité des élections présidentielle et législatives soit renforcée, en faisant coïncider le premier tour de ces dernières avec le second tour du scrutin présidentiel.

Enfin, le Comité a observé que, depuis 1958, à l'exception des périodes de cohabitation, le texte actuel de la Constitution n'empêche pas le Président de la République de fixer lui-même les grandes orientations de la politique de la nation, qu'il revient au Premier ministre de mettre en oeuvre. On pourrait en déduire que la modification de la Constitution ne serait, dès lors, pas nécessaire lorsque la majorité présidentielle et la majorité parlementaire coïncident. On pourrait en déduire également que cette modification rendrait le fonctionnement effectif des pouvoirs publics plus difficile en cas de cohabitation.

Tout bien considéré, le Comité estime souhaitables une actualisation et une clarification des articles 20 et 21 de la Constitution. Il y aurait donc lieu, tout en laissant inchangés les termes de l'article 8 de la Constitution, de se borner à ajouter à l'article 5 de la Constitution, qui confère au chef de l'Etat un rôle d'arbitre, un dernier alinéa ainsi rédigé : « Il définit la politique de la nation. » Par ailleurs, la première phrase du premier alinéa de l'article 20 prévoirait que « le Gouvernement conduit la politique de la nation » et le deuxième alinéa du même article préciserait enfin que le Gouvernement « dispose à cet effet de l'administration et de la force armée ».

Aux yeux du Comité, les termes de l'article 21 de la Constitution, qui disposent dans leur rédaction actuellement en vigueur : « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale./ Il assure l'exécution des lois (...) » ne devraient donc être modifiés, en conséquence de ce qui précède, que pour ce qui concerne le rôle du Premier ministre dans le domaine de la défense nationale. La pratique de la Ve République en cette matière ne correspond que de manière lointaine aux textes applicables, fussent-ils de nature organique. La responsabilité du Président de la République, chef des armées, est plus éminente que les textes ne le prévoient et le partage des rôles entre le chef de l'Etat et le Premier ministre demeure flou, même en période de cohabitation, la pratique ayant montré qu'en une telle occurrence ni le Président de la République ni le Premier ministre ne pouvaient exercer pleinement la responsabilité que leur confère le texte de la Constitution. Le Comité a estimé qu'il était sage d'en prendre acte. Aussi propose-t-il que la phrase : « Il est responsable de la défense nationale » soit remplacée, au premier alinéa de l'article 21 de la Constitution, par les mots : « Il met en oeuvre les décisions prises dans les conditions prévues à l'article 15 en matière de défense nationale. »

Le Comité propose ainsi que les articles 5, 20 et 21 soient modifiés dans le sens qui vient d'être indiqué et que coïncide le premier tour des élections législatives avec le second tour de l'élection présidentielle (propositions n°s 1, 2, 3 et 4).


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JO no 252 du 30/10/2007 texte numéro 1
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Nota. - Dans la colonne de droite figurent les textes constitutionnels que le Comité propose de modifier. En gras apparaissent les modifications. En italique, seront mentionnées les modifications proposées par le Comité mais présentées dans une autre partie du rapport.

B. - Des prérogatives mieux encadrées :

La mission assignée au Comité par le Président de la République met en relief la nécessité de rendre plus transparent l'exercice des attributions du pouvoir exécutif dans son ensemble et du chef de l'Etat en particulier. Il est de fait que, même si la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale reste, avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, la pierre angulaire du régime dans la mesure où sa nature parlementaire demeure inchangée, bien des améliorations peuvent être apportées au mode actuel d'exercice des pouvoirs dévolus au Président de la République. C'est bien de « modernisation » qu'il s'agit ici, les exigences d'une démocratie qui se veut exemplaire s'accommodant de moins en moins d'un exercice du pouvoir qui n'est, en pratique, borné par aucun contrôle.

Le Comité a distingué trois catégories de mesures à prendre pour doter le Président de la République d'un statut conforme à ces exigences.

1. Inviter le Président de la République à rendre compte de son action devant la représentation nationale :

En premier lieu, il convient de réformer le mode de relation existant entre le Président de la République et le Parlement. Actuellement, ces relations sont placées sous le signe de l'interdit. L'article 18 de la Constitution dispose que le chef de l'Etat « communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat (...) ». On sait quelle est l'origine historique de cette situation : le célèbre « cérémonial chinois » instauré le 13 mars 1873 par la « loi de Broglie » contre Adolphe Thiers. La loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 alla plus loin encore en interdisant l'accès des assemblées parlementaires au chef de l'Etat, lequel était contraint de ne communiquer avec les chambres que « par des messages qui sont lus à la tribune ». Depuis lors, la pratique est inchangée et les Constitutions de 1946 et 1958 ont consacré cette conception étroite de la séparation des pouvoirs.

Le Comité a estimé que c'était aller dans le sens d'une meilleure transparence de la vie publique et d'un renforcement du rôle du Parlement que de permettre au Président de la République de s'exprimer directement devant celui-ci pour l'informer de son action et de ses intentions, objectif d'autant plus nécessaire qu'il définirait la politique de la nation. Mais, une fois posé le principe, reste à en fixer les modalités, qui revêtent une importance particulière dans la mesure où seul le Premier ministre demeure responsable devant le Parlement « dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 » de la Constitution - c'est-à-dire devant l'Assemblée nationale - ainsi qu'en dispose le dernier alinéa de l'article 20.

Il est apparu au Comité que le droit reconnu au Président de s'exprimer directement devant le Parlement devait s'appliquer indistinctement dans l'une ou l'autre des deux assemblées, qu'il ne pouvait déboucher sur aucune forme de mise en cause de sa responsabilité politique mais que, pour cette raison même, rien ne devait faire obstacle à ce que l'intervention du Président de la République pût donner lieu à un débat dès lors que celui-ci n'est suivi d'aucun vote. Aussi est-il proposé de modifier l'article 18 de la Constitution en conséquence de ce qui précède (proposition no 5).

S'il advenait, à l'usage, que les groupes de l'opposition parlementaire souhaitent tirer des conclusions politiques de l'allocution du chef de l'Etat, ils auraient tout loisir de le faire ensuite dans l'une ou l'autre des deux assemblées, selon les procédures existantes, lesquelles peuvent permettre, devant l'Assemblée nationale, la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement si les conditions en sont réunies.

Le Comité s'est tout naturellement posé la question de savoir si le discours prononcé personnellement par le Président de la République devant les deux assemblées n'ouvrait pas la voie à la possibilité d'une audition du chef de l'Etat par telle commission parlementaire d'enquête. Il n'a pas souhaité interdire cette évolution, qui peut correspondre aux nécessités politiques. C'est pourquoi il suggère que cette possibilité soit ouverte au Président de la République, « à sa demande » (proposition no 6).

Les modifications de l'article 18 de la Constitution qui résulteraient de ces propositions se traduiraient par une réécriture complète de ses dispositions.

Elles pourraient être ainsi rédigées : « Le Président de la République peut prendre la parole devant l'une ou l'autre des deux assemblées du Parlement. Son allocution peut donner lieu à un débat, qui n'est suivi d'aucun vote. / Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. / Le Président de la République peut être entendu, à sa demande, par une commission d'enquête parlementaire. »



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JO no 252 du 30/10/2007 texte numéro 1
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2. Encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République :

En deuxième lieu, le Comité s'est penché sur la nécessité d'encadrer les nominations décidées par le pouvoir exécutif et singulièrement par le Président de la République. Il a pris acte d'une triple exigence : clarifier les compétences respectives du Président de la République et du Premier ministre en matière de nominations ; circonscrire le champ des nominations susceptibles d'être visées par une procédure d'encadrement dans le but de d'éviter qu'elles n'apparaissent comme le « fait du Prince » ; définir une procédure à la fois efficace et transparente.

Sur le premier point, qui ne concerne pas la Constitution proprement dite mais les textes pris pour son application, le Comité recommande qu'il soit mis fin au désordre actuel. Les articles 13 et 21 de la Constitution combinent les compétences du Président de la République et du Premier ministre, la compétence du second s'exerçant sous réserve de celle du premier. Mais, s'agissant des nominations en conseil des ministres, la liste des emplois énumérés par la Constitution et par l'ordonnance organique du 28 novembre 1958 peut, en vertu de l'article 1er de cette dernière, être augmentée, pour les entreprises et les établissements publics, par la voie d'un simple décret en conseil des ministres, toutes les dispositions législatives et réglementaires particulières restant par ailleurs en vigueur. Pour ce qui est des autres nominations, l'article 3 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 prévoit une procédure de délégation du chef de l'Etat au Premier ministre qui n'a guère été utilisée. Paradoxalement, enfin, l'article 4 du même texte s'accommode de nombreuses dispositions particulières attribuant aux ministres, voire aux autorités subordonnées, une compétence en matière de nomination.

L'oeuvre de clarification que le Comité appelle de ses voeux pourrait s'articuler autour des propositions suivantes : laisser au président de la République le soin de nommer aux emplois militaires, sous réserve d'une délégation de ce pouvoir au Premier ministre dans des conditions plus claires prévues par une loi ; distinguer, s'agissant des nominations aux emplois civils, entre celles délibérées en conseil des ministres et les autres, les premières étant fixées par la Constitution ou par la loi, afin que le Président de la République ne puisse en modifier la liste par le simple jeu de la fixation de l'ordre du jour du conseil des ministres comme cela a été le cas dans le passé ; conférer au Premier ministre le soin de procéder aux nominations autres que celles délibérées en conseil des ministres, sauf si la loi en dispose autrement (proposition no 7).

Sur le deuxième point, il est apparu au Comité que l'encadrement des nominations par une procédure d'audition parlementaire, qui se développe dans nombre de régimes démocratiques et au sein des organes de l'Union européenne, présenterait de solides avantages. Il permettrait au Président de la République, qui conserverait son entier pouvoir de nomination, de soumettre à l'appréciation des parlementaires une candidature, afin de leur permettre de vérifier les compétences de l'intéressé et d'exprimer clairement leur avis à l'issue de séances publiques d'audition.

Pour ce qui est des emplois visés par la procédure d'encadrement décrite ci-dessous, ils ne devraient comprendre ni ceux qui sont mentionnés au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution ni ceux qui, de manière générale, sont la traduction du pouvoir, conféré au Gouvernement par l'article 20 de la Constitution, de « disposer de l'administration » (préfets et sous-préfets, directeurs d'administration centrale et leurs subordonnés directs, diplomates...). En revanche, le Comité a estimé que le rôle joué par certaines autorités administratives indépendantes en matière de garantie du pluralisme, de protection des libertés publiques ou de régulation des activités économiques justifiait que les nominations de leurs présidents ou, selon les cas, de leurs membres se voient appliquer cette procédure. Il a enfin relevé que l'on pourrait y adjoindre un petit nombre d'entreprises et établissements publics qui, par l'importance des services publics dont ils assurent la gestion, exercent une influence déterminante sur les équilibres économiques, sociaux, d'aménagement du territoire et de développement durable de notre pays. Le Comité recommande que ces critères figurent dans le texte de la Constitution et que leur application soit renvoyée à une loi organique.

La première catégorie regrouperait une trentaine d'organismes au nombre desquels pourraient figurer, en l'état actuel du droit et sous réserve des modifications proposées plus loin par le Comité, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de sûreté nucléaire, le Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission nationale des interceptions de sécurité, la Commission nationale du débat public, la Commission des participations et des transferts, la Commission nationale d'équipement commercial, la Commission de régulation de l'énergie, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la Commission des sondages, le Conseil de la concurrence, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la Haute Autorité de santé et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. On verra plus loin que le Comité souhaite que le rôle du Médiateur de la République, dont la nomination entrerait dans le champ de cette catégorie, fasse l'objet d'un traitement spécifique.

Dans la seconde catégorie figureraient la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, le Centre national de la recherche scientifique, Charbonnages de France, le Commissariat à l'énergie atomique, Electricité de France, la Compagnie nationale du Rhône, l'Institut national de l'audiovisuel, la Société nationale des chemins de fer français, la Société financière de radiodiffusion-télédiffusion de France, Voies navigables de France.

Viendraient s'y ajouter des personnalités qualifiées nommées au Conseil supérieur de la magistrature et au Conseil économique et social, ainsi que les nominations du président et des membres du Conseil constitutionnel.

Sur le troisième point, la procédure souhaitée par le Comité est la suivante : une commission mixte ad hoc de l'Assemblée nationale et du Sénat, composée à la proportionnelle des groupes, serait constituée à seule fin de procéder à l'audition de la personne dont le Gouvernement envisage de soumettre au Président de la République la nomination à l'un des emplois mentionnés ci-dessus. Ses auditions seraient publiques. Elles comporteraient, après que la personnalité entendue s'est exprimée, un temps de parole, fixé à l'avance et garantissant aux parlementaires un temps d'expression suffisant pour interroger le candidat.

Cette commission rendrait un avis public, donné à la majorité simple. Ainsi seraient à la fois respectés la compétence que la Constitution confère aux autorités investies du pouvoir de nomination, le droit de l'opinion à l'information sur des choix essentiels à l'avenir de la nation et le rôle du Parlement dans la protection et la garantie de ce droit (proposition no 8).

Cette commission mixte ad hoc exercerait également sa compétence à l'égard des nominations de même rang auxquelles doivent procéder le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

De ces propositions résulteraient les modifications constitutionnelles suivantes :


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3. Rendre plus démocratique l'exercice des pouvoirs du chef de l'Etat :

Après la clarification des rapports entre le Président de la République et le Parlement et l'encadrement du pouvoir de nomination, c'est, en troisième lieu, l'exercice, par le chef de l'Etat, de ses attributions, que le Comité s'est efforcé de moderniser.

A cet effet, il a souhaité qu'il soit mis fin à un certain nombre d'anomalies.

a) Le droit de grâce :

La première de ces anomalies est la survivance d'un droit de grâce non encadré, l'article 17 de la Constitution se contentant de disposer : « Le Président de la République a le droit de faire grâce. » Le Comité s'est accordé sans peine sur la question des grâces collectives, dont il est clair à ses yeux qu'elles doivent être abandonnées, la tradition de telles grâces ne pouvant tenir lieu de mécanisme de régulation de l'engorgement des lieux de détention. Il a souhaité, en revanche, que le droit de grâce soit maintenu à titre individuel mais que, même dans cette hypothèse, son usage soit mieux encadré afin d'éviter certaines dérives qui ont pu choquer la conscience publique. C'est pourquoi le Comité recommande que l'article 17 de la Constitution soit modifié pour prévoir qu'une instance consultative, qui pourrait être, comme naguère, le Conseil supérieur de la magistrature, donne son avis au chef de l'Etat avant que celui-ci exerce son droit de faire grâce (proposition no 9). Il conviendrait alors de compléter la loi organique prise pour l'application de l'article 65 de la Constitution.

L'article 17 de la Constitution serait ainsi rédigé : « Le Président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis sur la demande. »


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b) L'article 16 :

La deuxième de ces anomalies est l'insuffisance des mécanismes de contrôle en cas de mise en oeuvre de l'article 16 de la Constitution. Le Comité a estimé qu'il n'existait pas de raisons suffisantes pour revenir sur l'existence même de ces dispositions qui permettent, on le sait, au Président de la République, « lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », de prendre « les mesures exigées par ces circonstances », lesquelles « doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission ». Force est en effet de constater que, même s'il y a lieu de mettre à jour les mécanismes de l'état de siège et de l'état d'urgence - ce que le Comité recommande de faire en modifiant les dispositions de l'article 36 de la Constitution de telle sorte que le régime de chacun de ces états de crise soit défini par la loi organique et la ratification de leur prorogation autorisée par le Parlement dans des conditions harmonisées (proposition no 10) - la diversité des menaces potentielles qui pèsent sur la sécurité nationale à l'ère du terrorisme mondialisé justifie le maintien de dispositions d'exception.

En revanche, le Comité a relevé que le principal reproche adressé à ces dispositions, d'ailleurs formulé lors de la seule utilisation jamais faite de l'article 16, du 23 avril au 29 septembre 1961, tenait à la longueur du délai pendant lequel il a été appliqué. Aussi recommande-t-il que l'article 16 soit modifié de telle sorte que soixante parlementaires puissent, au terme d'un délai d'un mois après sa mise en oeuvre, saisir le Conseil constitutionnel aux fins de vérifier que les conditions de celle-ci demeurent réunies et que le Conseil constitutionnel soit ensuite habilité à le vérifier par lui-même. Il doit au demeurant être rappelé que le premier alinéa de l'article 68 de la Constitution permet aux membres du Parlement, réuni de plein droit en ces circonstances, de destituer le Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

Il serait, en conséquence, ajouté à l'article 16 un avant-dernier alinéa ainsi rédigé : « Au terme d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel peut être saisi par soixante députés ou soixante sénateurs aux fins d'apprécier si les conditions fixées à l'alinéa premier demeurent réunies. Il se prononce par un avis qu'il rend dans les moindres délais. Il procède de lui-même à cet examen après soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà » (proposition no 11).


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c) La procédure de révision constitutionnelle :

La troisième de ces anomalies concerne la procédure de révision de la Constitution prévue à l'article 89 de celle-ci. Si un projet ou une proposition de révision de la Constitution a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, il est aujourd'hui admis que le Président de la République peut ne pas provoquer le référendum ou, à défaut, la réunion du Congrès nécessaires à l'adoption définitive du texte de la révision. En d'autres termes, la pratique observée a conduit à conférer au chef de l'Etat un véritable droit de veto en matière de révision de la Constitution, alors que celle-ci ne le prévoit pas. Dans un souci de démocratisation des institutions, le Comité souhaite qu'il soit mis fin à cette situation et que le chef de l'Etat ne puisse pas faire obstacle, par sa seule inertie, à la volonté du pouvoir constituant. Aussi propose-t-il que le deuxième alinéa de l'article 89 soit ainsi rédigé : « Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République » (proposition no 12).


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d) Le temps de parole du Président de la République dans les médias :

La quatrième des anomalies sur lesquelles le Comité s'est penché concerne des temps plus ordinaires. C'est ainsi qu'il recommande que, dans la répartition des temps de parole dans les médias audiovisuels, à laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel est chargé de veiller, les interventions du Président de la République soient comptabilisées avec celles du Gouvernement (proposition no 13).

En l'état actuel du droit, qui résulte d'une recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel prise sur le fondement de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication, les interventions du Président de la République ne sont prises en compte à aucun titre dans le calcul des équilibres entre le Gouvernement, la majorité et l'opposition. Fût-elle consacrée par la jurisprudence et l'articulation actuelle des textes constitutionnels, cette situation est la traduction d'une conception dépassée du rôle du chef de l'Etat. C'est pourquoi le Comité souhaite que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a d'ailleurs indiqué qu'il entendait engager prochainement une réflexion d'ensemble sur la répartition des temps de parole entre les représentants de l'exécutif, ceux de la majorité et ceux de l'opposition, modifie, à cette occasion et en considération des éventuelles réformes constitutionnelles à venir, sa recommandation sur ce point. A défaut, la loi du 30 septembre 1986 devrait être modifiée en ce sens.

e) Le budget de la présidence de la République :

Dans le même esprit, et tout en reconnaissant les efforts déployés en ce sens au cours des dernières années, le Comité a formé le voeu que le budget de la présidence de la République soit plus nettement identifié dans le budget de la nation et qu'il fasse l'objet d'un contrôle approprié.

Comme les autres « pouvoirs publics constitutionnels », à savoir l'Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel, la présidence de la République est soumise à un régime budgétaire et financier particulier. Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé, dans sa décision no 2001-456 DC du 27 décembre 2001, il appartient à ces institutions de déterminer elles-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement, cette règle étant inhérente au principe de leur autonomie financière, expression du principe de la séparation des pouvoirs. L'article 7-I de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que les crédits en cause sont regroupés dans une « mission » spécifique. L'article 115 de la loi de finances pour 2002 prévoit en outre que doit être joint au projet de loi de finances un rapport détaillant les crédits demandés et, au projet de loi de règlement, une annexe explicative présentant le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées, ainsi que les écarts avec les crédits initiaux. Mais ces institutions ne sont pas soumises à la « démarche de performance » applicable aux autres dépenses de l'Etat et ni le principe de la séparation de l'ordonnateur et du comptable ni le contrôle des dépenses engagées ne trouvent à s'y appliquer.

Le Comité a estimé que ce régime spécifique pourrait être amélioré sur deux points (proposition no 14).

Le Comité recommande, en premier lieu, que soient inclus dans le budget de la présidence de la République, dans un double souci de transparence et de bonne gestion, l'ensemble des charges qui lui incombent, ce qui n'est encore que partiellement le cas à l'heure actuelle. Cela impliquerait notamment, pour les dépenses de personnel, que les emplois de cabinet occupés par les collaborateurs du Président de la République soient créés en tant que tels et qu'ils soient assortis des échelles de rémunération et régimes indemnitaires idoines. Il n'y aurait d'ailleurs que des avantages, a observé le Comité, à ce que cette règle fût appliquée à l'ensemble des cabinets ministériels. La mise en oeuvre de ce principe se traduirait - mais ce serait pure apparence ne traduisant pas la réalité - par une forte augmentation de la dotation annuelle, qui doit par ailleurs s'adapter aux exigences d'une présidence moderne. En outre, il serait souhaitable que la rémunération du chef de l'Etat soit fixée par la loi.

En second lieu, il a conclu qu'en l'absence même de comptable public au sein des services de la présidence de la République il serait opportun de confier à la Cour des comptes ou à une formation spéciale de cette Cour le soin, d'une part, d'en certifier les comptes et, d'autre part, de contrôler annuellement, selon des modalités particulières à définir dans une loi spécifique, le bon emploi des crédits. Si le principe de la séparation des pouvoirs commande que la présidence de la République continue à déterminer le montant de la dotation dont elle a besoin, il n'est, aux yeux du Comité, pas de nature à justifier l'absence de contrôle a posteriori quant à l'utilisation qui en est faite.

Cette constatation conduit d'ailleurs le Comité à proposer d'étendre ce régime de contrôle par la Cour des comptes aux autres pouvoirs publics constitutionnels, le raisonnement qui vaut pour la présidence de la République leur étant parfaitement applicable.

Même si ces mesures devaient marquer une rupture avec des conceptions et des pratiques anciennes, leur mise en oeuvre n'appellerait pas de modifications de la Constitution proprement dite.

Le Comité a également porté sa réflexion sur deux autres aspects du statut du Président de la République : le nombre de mandats qu'il peut exercer ; les conditions de sélection des candidats à la présidence de la République.

f) Le nombre de mandats présidentiels :

S'agissant du nombre de mandats successifs exercés par le chef de l'Etat, le sentiment du Comité est que le « temps politique » correspondant, dans l'ensemble des grandes démocraties, à la détention et à l'exercice du pouvoir, n'excède guère dix ans. Forts de ce constat mais soucieux de ne pas porter atteinte à la souveraineté du suffrage, les membres du Comité ont estimé, pour la majorité d'entre eux, qu'il était inutile, voire inopportun, au vu de la rédaction de l'article 6 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 qui a instauré le quinquennat, de prévoir que le Président de la République ne puisse être élu plus de deux fois.

En conséquence, le Comité ne propose pas de modifier les dispositions de l'article 6 de la Constitution.

g) Le parrainage des candidatures à l'élection présidentielle :

Pour ce qui concerne le mode de sélection des candidats à la présidence de la République, il est apparu au Comité que le système actuel des parrainages avait vécu.

La Constitution est muette sur ce sujet ; elle se borne à renvoyer à une loi organique. En l'état actuel du droit, c'est la loi du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel et le décret du 8 mars 2001 qui fixent les règles applicables. A l'origine, les candidatures à la présidence de la République devaient être présentées par un minimum de cent parrains choisis parmi les députés, les sénateurs, les membres du Conseil économique et social, les conseillers généraux et les maires, émanant d'au moins dix départements ou territoires d'outre-mer. Cette réglementation n'a pas empêché une inflation du nombre des candidatures : six en 1965, sept en 1969, douze en 1974. Ces circonstances ont conduit le Conseil constitutionnel à recommander, en 1974, un durcissement des conditions de recevabilité des candidatures. C'est la loi organique du 18 juin 1976 qui a procédé à cet aménagement, en relevant à cinq cents parrainages provenant d'au moins trente départements ou territoires d'outre-mer le nombre de parrains nécessaires et en excluant les membres du Conseil économique et social du collège des parrains. Puis, la loi organique du 5 février 2001 a tenu compte des modifications apportées à l'organisation des collectivités territoriales, notamment à la faveur du développement de l'intercommunalité.

Ces modifications n'ont pas entravé l'accroissement du nombre des candidatures : dix en 1981, neuf en 1988 et 1995, seize en 2002 et douze en 2007. Surtout, il apparaît que le nombre de signataires possibles est aujourd'hui, compte tenu des règles limitant le cumul des mandats, de l'ordre de quarante-sept mille, les maires étant les plus nombreux et, pour plus de la moitié d'entre eux, des maires de communes de moins de mille habitants. Il s'ensuit, de la part des candidats à la candidature, de véritables campagnes de démarchage, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles ternissent l'image de la démocratie. Le Conseil constitutionnel a ainsi relevé, en 2007, des pratiques « incompatibles avec la dignité qui sied aux opérations concourant à toute élection » et rappelé que le parrainage est un acte volontaire et personnel qui ne peut donner lieu ni à marchandage ni à rémunération. Au surplus, la question de la publication de la liste des parrains a donné lieu à des hésitations : la loi du 6 novembre 1962 interdisait la publicité des noms et qualités des parrains, celle de 1976 a pris le parti inverse en limitant la publicité au nombre requis pour la validité de chaque candidature ; puis le Conseil constitutionnel a interprété ce texte comme n'interdisant pas la publication, dans ses locaux, de l'affichage temporaire de l'intégralité des noms des parrains, mais il a renoncé à cette pratique en 2007, les cinq cents noms publiés étant dorénavant tirés au sort.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Comité a estimé nécessaire de proposer un système de sélection des candidatures obéissant à des règles d'inspiration différente et de nature à garantir que le choix des citoyens entre les différents candidats à la présidence de la République puisse se dérouler dans les meilleures conditions de dignité et d'efficacité, sans que ce choix soit perturbé par l'émergence d'une multiplicité de candidatures nuisant à la clarté de la campagne électorale et du scrutin.

A cette fin, il recommande que la loi organique prise en application de l'article 6 de la Constitution soit modifiée de telle sorte que la sélection des candidats soit le fait d'un collège de quelque cent mille élus (soit plus du double du nombre des personnes susceptibles, dans le système actuel, de parrainer des candidatures) composé des parlementaires, conseillers régionaux, conseillers généraux, maires et délégués des conseils municipaux qui, sélectionnés à proportion de la population qu'ils représentent et soumis à l'obligation de voter, seraient appelés, au chef-lieu du département, à désigner, à bulletin secret, le candidat qu'ils souhaitent voir concourir à la présidence de la République. Cette désignation, qui interviendrait partout le même jour dans un délai suffisant avant le début de la campagne présidentielle proprement dite, serait de nature, si elle était assortie de la fixation d'un seuil en deçà duquel les candidats ne pourraient être retenus et de l'exigence de franchir la barre d'un minimum de voix dans un nombre donné de départements, à limiter la multiplication des candidatures. Elle permettrait d'atteindre l'objectif poursuivi en vain ces dernières années : donner au premier tour de l'élection présidentielle la qualité d'un scrutin qui engage l'avenir du pays en offrant aux citoyens la possibilité d'un choix clair entre les représentants des principaux courants politiques qui concourent à l'expression du suffrage (proposition no 15).

Une autre solution, qui permettrait également d'atteindre cet objectif, consisterait à confier à une fraction des citoyens le soin de parrainer eux-mêmes les candidatures. On pourrait ainsi imaginer que seuls les candidats ayant recueilli la signature d'une proportion déterminée des électeurs inscrits seraient à même de présenter leur candidature à l'élection présidentielle. Il reste que cette seconde proposition, qui suppose surmontés de nombreux obstacles techniques liés notamment au contrôle des signatures, se heurterait à la difficulté de réunir rapidement ces signatures en cas de vacance de la présidence de la République.



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C. - Des structures plus efficaces :

1. La composition du Gouvernement :

Invité par la lettre de mission du Président de la République à porter sa réflexion sur la nécessité de stabiliser la structure du Gouvernement, le Comité a pris acte du fait que la moyenne du nombre de membres du Gouvernement s'établit, sous la Ve République, à un peu plus de trente-cinq et que les attributions des ministres connaissaient, sauf pour les ministères « régaliens », d'importantes variations en fonction des nécessités politiques du moment. Se tournant vers l'étranger, le Comité a relevé que le nombre des ministres est, en règle générale, plus restreint dans les grandes démocraties qu'en France. Encore le propos doit-il être nuancé : au Royaume-Uni, le nombre de ministres de plein exercice n'excède guère la vingtaine, mais les « ministers of state » et « parliamentary secretaries » sont au nombre de quatre-vingts ; en République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement actuel compte quatorze ministres de plein exercice et six ministres délégués mais chaque ministre est assisté de deux « secrétaires d'Etat parlementaires ».

De ces constatations et de sa propre réflexion, le Comité a tiré deux séries de conclusions. D'une part, il ne lui est apparu ni utile ni opportun de prévoir qu'une loi organique fixerait la structure du Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre devant conserver la possibilité d'adapter celle-ci aux nécessités du moment et les impératifs mêmes de la « réforme de l'Etat » exigeant parfois de la souplesse dans la définition du périmètre de chaque département ministériel. On pourrait, d'autre part, envisager que le législateur organique fixe le nombre maximal des membres du Gouvernement, le principe étant alors que les ministres de plein exercice ne voient pas leur nombre excéder quinze et que les ministres délégués et secrétaires d'Etat ne soient pas plus d'une dizaine.

Mais, au total, le Comité ne s'est pas montré favorable à semblable innovation, qui présenterait à ses yeux plus d'inconvénients que d'avantages.

2. Les cabinets ministériels :

Il est, en revanche, apparu nécessaire au Comité d'aménager le régime des cabinets ministériels. Il ne s'agit certes pas, dans son esprit, de reprendre à son compte des propositions aussi anciennes qu'illusoires tendant, par exemple, à la limitation du nombre de conseillers dont un ministre peut s'entourer. Mais il serait souhaitable que soient créés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, de véritables emplois budgétaires de cabinet, auxquels les fonctionnaires accéderaient par la voie du détachement ou de la mise en disponibilité au lieu d'être, comme à l'heure actuelle, pris en charge, pour leur traitement, par leur administration d'origine, ce qui s'avère peu compatible avec les principes qui régissent dorénavant les lois de finances (proposition no 16). Ces emplois seraient assortis, par voie réglementaire, d'échelles de rémunérations et de régimes indemnitaires adaptés à la nature des fonctions exercées et feraient l'objet d'une présentation détaillée en annexe à la loi de finances de l'année. L'Etat pourrait aussi s'appliquer à lui-même la règle qu'il impose aux collectivités territoriales en plafonnant le traitement des collaborateurs de cabinet par rapport aux fonctionnaires de plus haut rang du ministère concerné.

3. Le retour au Parlement des anciens ministres :

Le Comité a également reçu pour mission de formuler des propositions relatives au retour au Parlement des anciens membres du Gouvernement.

La question est pendante depuis 1974. A cette époque, le Président de la République avait annoncé, à la faveur d'un message au Parlement lu le 30 mai 1974, son intention de modifier les règles résultant de la combinaison des articles 23 et 25 de la Constitution, qui obligent les parlementaires devenus membres du Gouvernement à se soumettre à nouveau au suffrage universel s'ils souhaitent redevenir membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat après avoir quitté le Gouvernement. Un projet de révision constitutionnelle en ce sens avait été soumis à l'examen des deux assemblées mais n'avait pu être présenté au vote du Congrès.

Le Comité a estimé qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur la règle selon laquelle les fonctions de membres du Gouvernement et du Parlement sont incompatibles. L'idée d'une incompatibilité absolue entre les fonctions du contrôleur et du contrôlé était au nombre de celles auxquelles le général de Gaulle était le plus attaché. Il n'existe aujourd'hui aucune raison de revenir sur cette interdiction. En revanche, le recours à des élections partielles provoquées, après qu'un ministre a quitté ses fonctions gouvernementales, par la démission « forcée » du parlementaire élu en même temps que lui en qualité de suppléant revêt un caractère artificiel. La participation électorale est d'ailleurs particulièrement faible en pareille occurrence. Enfin, il y a quelque inconséquence à prévoir que les anciens ministres d'origine non parlementaire peuvent retrouver sans délai leurs activités professionnelles antérieures et à interdire qu'il en aille de même pour ceux qui, avant leur entrée au Gouvernement, exerçaient un mandat parlementaire.

Il n'y aurait donc aucun inconvénient à ce que le projet de loi constitutionnelle du 27 septembre 1974 fût remis au jour. Son adoption permettrait en outre, sans mettre à mal la solidarité gouvernementale, de renforcer l'autorité des ministres et de favoriser un renouvellement plus apaisé des membres du Gouvernement. Il conviendrait d'ajouter au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution les mots : « ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales » (proposition no 17). Le Comité recommande que cette disposition ne s'applique qu'aux membres du Gouvernement nommés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi organique permettant l'application de cette révision constitutionnelle.



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4. L'interdiction du cumul d'une fonction ministérielle et d'un mandat local :

Le Comité a souhaité saisir l'occasion de cette proposition pour appeler l'attention sur la nécessité de renforcer, par ailleurs, les règles qui interdisent le cumul entre les fonctions ministérielles et l'exercice d'un mandat électif local (proposition no 18). Comme on le verra plus loin, le Comité est favorable à une limitation plus stricte du cumul des mandats électifs. Les préoccupations qui ont inspiré sa réflexion sur ce point valent également pour les membres du Gouvernement : rien ne justifie, à ses yeux, qu'un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche. L'article 23 de la Constitution devrait être modifié en ce sens.



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Chapitre II



Un Parlement renforcé




Rééquilibrage et modernisation sont au coeur des propositions formulées par le Comité pour ce qui concerne le rôle et les attributions du Parlement.

Rééquilibrage, parce que le « parlementarisme rationalisé » dont la Constitution du 4 octobre 1958 porte la marque fut sans doute utile, voire indispensable, en son temps. Mais, face à un pouvoir exécutif qui, en raison notamment du fait majoritaire, a gagné en cohérence et en capacité d'action, il n'est que temps de faire en sorte que l'institution parlementaire remplisse mieux le rôle qui lui incombe dans toute démocratie moderne : voter les lois et contrôler le Gouvernement.

Modernisation, parce que le fonctionnement du Parlement est inadapté aux nécessités de notre temps : les aspirations des citoyens ne trouvent, bien souvent, qu'un faible écho au sein des assemblées ; le Parlement ne contrôle guère l'action du Gouvernement et ne procède pas à une véritable évaluation des politiques publiques ; le législateur vote trop de lois, et ce dans des conditions qui ne permettent pas d'en assurer la qualité.

Rééquilibrage et modernisation, enfin, parce que, dans le cadre de réflexion assigné au Comité, l'affirmation effective des droits et du rôle du Parlement est la clé de l'encadrement des attributions d'un pouvoir exécutif rénové. Elle est aussi la condition d'une plus grande confiance des citoyens dans le fonctionnement de la démocratie.

C'est pourquoi le Comité a consacré une part essentielle de ses travaux à cet aspect de sa mission. Il lui est apparu que le renforcement du Parlement qu'il appelle de ses voeux doit reposer sur cinq piliers : donner aux assemblées la maîtrise de leurs travaux ; améliorer la fonction législative du Parlement ; le transformer en un véritable pouvoir de contrôle et d'évaluation de l'action gouvernementale ; revaloriser la fonction parlementaire ; renforcer les garanties reconnues à l'opposition.

A. - Des assemblées ayant la maîtrise de leurs travaux :

Deux priorités se sont imposées à la réflexion du Comité : mettre fin à l'exception française qui veut que le Parlement ne soit pas maître de son ordre du jour ; apprécier la nécessité de maintenir en l'état les principaux instruments du « parlementarisme rationalisé ».

1. Partager l'ordre du jour :

Seule ou presque dans l'ensemble des grandes démocraties, la France a ôté au Parlement la maîtrise de son ordre du jour. La règle qui prévaut généralement à l'étranger veut que la fixation de l'ordre du jour procède d'une négociation entre le Gouvernement et sa majorité ainsi qu'avec l'opposition.

Sous la Ve République, il en va différemment, puisqu'il résulte de la combinaison des articles 28 et 48 de la Constitution que c'est le Gouvernement qui dispose de la maîtrise de la plus grande partie de l'ordre du jour. C'est ainsi que l'ordre du jour dit « prioritaire » dépend, aux termes mêmes du premier alinéa de l'article 48 de la Constitution, des seuls choix du Gouvernement, qui y inscrit les projets de loi déposés par lui et celles des propositions de loi qu'il accepte de mettre en discussion, le Premier ministre fixant la liste des textes retenus, leur ordre d'examen et les jours de séance qui leur sont consacrés.

Certes, la révision constitutionnelle du 4 août 1995 a introduit un ordre du jour réservé à l'initiative parlementaire, mais le Comité a relevé que le bilan de l'application de ce qu'il est convenu d'appeler, à l'Assemblée nationale, les « niches » parlementaires ou, au Sénat, « les journées mensuelles réservées », est pour le moins décevant dans la mesure où les groupes de la majorité peinent à utiliser pleinement cette faculté et où les textes mis en discussion à l'initiative de l'opposition ne sont que très rarement mis au voix. Seule la pratique suivie au Sénat donne davantage satisfaction dans la mesure où les commissions y tiennent un rôle mieux affirmé dans le choix des textes portés dans l'hémicycle.

Quant à l'ordre du jour complémentaire, fixé par la conférence des présidents, il est tombé en désuétude du fait de la « saturation » de l'ordre du jour par les textes du Gouvernement.

En d'autres termes, même si, dans la pratique, le Gouvernement ne fixe pas seul l'ordre du jour, qui résulte, le plus souvent, d'un accord entre les groupes de la majorité, la présidence des assemblées et les commissions permanentes, il est clair que la situation actuelle porte la marque d'un profond déséquilibre : les prérogatives du Gouvernement l'emportent sur la capacité de chacune des deux assemblées à déterminer par elle-même l'ordre dans lequel elle souhaite organiser ses propres travaux.

Aussi le Comité s'est-il attaché à tracer les voies d'un meilleur équilibre. Tâche malaisée, dans la mesure où doit être prise en compte une triple nécessité : donner au Parlement la maîtrise de son ordre du jour, permettre au Gouvernement de mettre en discussion, dans des délais raisonnables, les projets traduisant ses choix politiques, ouvrir à l'opposition la possibilité d'exprimer effectivement ses critiques et ses propositions.

Le Comité a retenu quatre propositions de nature à permettre de concilier ces exigences dans l'hypothèse où aucun accord ne se dégagerait au sein de la conférence des présidents. Elles se traduiraient par une refonte de l'article 48 de la Constitution.

En premier lieu, il s'agirait de prévoir que l'ordre du jour est fixé par les assemblées en conférence des présidents, dont le rôle serait consacré par le texte même de la Constitution (proposition no 19). Ainsi, les assemblées seraient libres d'examiner les projets et les propositions de loi, d'organiser des débats, d'examiner les conclusions des commissions d'enquête et des missions d'information ou d'organiser des séances de questions au Gouvernement, voire d'autres types de séances comme les discussions sur les propositions de résolutions.

En deuxième lieu, la moitié de l'ordre du jour ainsi arrêté serait réservée au Gouvernement, qui conserverait donc le moyen de faire examiner ses projets de loi et celles des propositions de loi qu'il estimerait prioritaires mais aussi d'organiser des débats s'il le juge nécessaire (proposition no 20).

En troisième lieu, une semaine de séance par mois serait consacrée au travail législatif et laissée à l'appréciation de la conférence des présidents ; elle pourrait y inscrire non seulement des textes d'initiative parlementaire mais aussi, si cela apparaissait opportun, des projets de loi déposés par le Gouvernement. Les groupes parlementaires qui n'auraient pas déclaré appartenir à la majorité disposeraient d'une journée entière de séance lors de cette semaine, ce qui correspond, par exemple à l'Assemblée nationale, à trois séances sur sept ou huit dans une semaine habituelle (proposition no 21).

En quatrième lieu, il y aurait lieu de prévoir qu'une semaine de séances sur quatre serait réservée au contrôle et à l'évaluation des politiques publiques et que les groupes parlementaires qui auraient déclaré ne pas appartenir à la majorité disposeraient, là encore, d'une journée entière de séance (proposition no 22).

Une séance de questions d'actualité au moins pourrait continuer à être organisée chaque semaine, comme cela est prévu actuellement par la Constitution.

Au total, le Comité insiste sur le fait que, si ses propositions étaient retenues, les groupes d'opposition bénéficieraient d'une augmentation très substantielle de leurs droits. Ainsi, à l'Assemblée nationale, on peut estimer que, pendant une session, ils disposeraient, à leur seul profit, de sept fois plus de séances que cela n'est le cas aujourd'hui avec le dispositif des « niches parlementaires ».

Ainsi modifié, l'article 48 de la Constitution mettrait fin à une exception française peu enviée, tout en permettant au Gouvernement de gouverner et à l'opposition d'exercer son rôle.


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2. Réformer les instruments du parlementarisme rationalisé :

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le vote bloqué et la déclaration d'urgence sont les trois dispositions les plus contestées du parlementarisme rationalisé mis en place en 1958. Pour juger de la nécessité de les maintenir, de les supprimer ou de les aménager, le Comité s'est attaché à évaluer les conséquences de leur application.

a) L'article 49, alinéa 3 :

S'agissant des dispositions du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, aux termes desquelles : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est adoptée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent », le Comité a relevé que cette procédure, qui permet qu'un texte soit adopté sans avoir été voté dès lors que le Gouvernement lie son sort à celui du texte, était utilisée dans deux cas de figure différents. Soit la majorité répugne à suivre le Gouvernement, selon qu'elle est continuellement rétive (ce qui fut le cas de 1976 à 1981), ponctuellement hostile à un texte (comme en 1982 sur le projet de « réhabilitation » des généraux d'Algérie), ou plus simplement étroite et incertaine (ce qui était le cas entre 1967 et 1968 puis entre 1988 et 1993). Soit l'opposition cède à la tentation de l'obstruction parlementaire, ce dont des exemples récents ont apporté l'illustration au cours de la XIIe législature (2002-2007).

Toujours est-il que l'usage de l'article 49, alinéa 3, s'est peu à peu banalisé : il a été utilisé quatre-vingt-deux fois depuis 1958 ; une motion de censure a été déposée en réponse à son application à quarante-huit reprises et il a permis l'adoption de quarante-six textes dont, il est vrai, trois seulement au cours de la dernière législature.

L'examen de la nature des textes ainsi adoptés montre qu'il s'agit de projets qui ne sont pas tous appelés à passer à la postérité, même si quelques textes importants n'ont pu voir le jour que par cette « manière forte ». Surtout, il apparaît que parmi les textes le plus souvent adoptés grâce à l'article 49, alinéa 3, figurent au premier rang les lois de finances et les lois portant sur la matière sociale.

Aussi le Comité propose-t-il que le champ d'application de l'article 49, alinéa 3, soit limité aux seules lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire aux textes les plus essentiels à l'action du Gouvernement (proposition no 23). Cette solution lui a paru équilibrée, étant observé par ailleurs que le Comité formule des propositions complémentaires visant à lutter contre l'obstruction parlementaire (voir infra proposition no 33).


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b) Le vote bloqué :

Pour ce qui est du vote bloqué, le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution dispose : « Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »

Eclairé par la décision du Conseil constitutionnel no 59-5/DC du 15 janvier 1960 selon laquelle il ne peut faire obstacle à la discussion de chacune des dispositions du texte sur lequel il est demandé à l'assemblée saisie de se prononcer par un seul vote, ce mécanisme apparaît pour ce qu'il est : un instrument efficace pour assurer la cohérence du texte du Gouvernement, confronté à des amendements intempestifs, mais pas pour lutter contre l'obstruction parlementaire. Il a été très utilisé au début de la Ve République, mais son usage, critiqué par les parlementaires, est devenu de plus en plus rare. L'examen, en juillet 2003, du projet de loi portant réforme des retraites a cependant montré qu'il pouvait demeurer nécessaire dans les cas où le Gouvernement est confronté à des risques sérieux de dénaturation de son projet. Aussi, compte tenu des nombreuses propositions qu'il formule par ailleurs aux fins de renforcer l'autonomie des assemblées, le Comité a-t-il estimé que rien ne s'opposait à ce que l'article 44, alinéa 3, de la Constitution fût maintenu en l'état.

c) La procédure d'urgence :

En revanche, le Comité a constaté qu'il ne pouvait en aller de même pour les procédures d'urgence dont l'abus par les gouvernements successifs est manifeste. L'article 45 de la Constitution prévoit : « Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ».

Force est de constater que le recours à la « déclaration d'urgence » est devenu la règle dans l'organisation des débats parlementaires, ce qui prive, souvent sans motif sérieux, la navette parlementaire de son intérêt, qui est d'améliorer la qualité des textes en discussion. Cette pratique, aggravée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d'amendement, est critiquée de manière récurrente par les présidents des deux assemblées.

Il est apparu au Comité qu'il convenait d'encadrer la procédure de déclaration d'urgence. Aussi propose-t-il de modifier l'article 45 de la Constitution de telle manière que les deux assemblées ensemble puissent opposer leur veto à l'urgence avant même le début de la discussion dans la première des deux chambres (proposition no 24). Cette décision relèverait de la compétence conjuguée de chacune des deux assemblées. Ainsi celles-ci seraient-elles en mesure d'éviter que l'examen d'un texte ne fasse l'objet que d'une seule lecture dans chacune d'elles.

Ces propositions étant faites, le Comité a estimé que la plus grande maîtrise de ses travaux ainsi reconnue au Parlement ne trouverait son sens que si le travail parlementaire devenait plus efficace. Faute de quoi, c'est l'institution parlementaire elle-même qui serait durablement discréditée. Ce regain d'efficacité doit se manifester, d'abord, dans l'oeuvre législative qui est la première tâche du Parlement.


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B. - L'amélioration du travail législatif :

Le constat est désormais bien établi : l'« inflation législative » est devenue l'un des aspects les plus manifestes du mauvais fonctionnement des institutions. Des lois trop nombreuses, trop longues, trop peu appliquées et trop souvent modifiées : telle est l'une des raisons pour lesquelles nos concitoyens ont parfois une image peu flatteuse de l'activité de leurs élus. Comment en finir avec cet activisme normatif, largement imputable, au demeurant, au Gouvernement ?

Quatre orientations se sont imposées d'elles-mêmes au Comité : améliorer la préparation de la loi ; donner tout son sens au droit d'amendement ; mieux organiser les débats parlementaires ; faire du travail en commission le pivot de la vie parlementaire.

1. Mieux préparer la loi :

Le Comité a relevé que les défauts qui entachent la loi ne peuvent être imputés au seul Parlement. La plupart des textes adoptés par les assemblées sont d'origine gouvernementale et bien des amendements défendus en séance publique par des membres du Parlement auxquels il est fréquemment fait reproche de dénaturer la loi ou d'en augmenter le volume sont, en fait, « inspirés » par le Gouvernement. Le phénomène est trop connu pour qu'on s'y attarde davantage.

Deux séries de propositions ont paru au Comité devoir s'imposer.

a) Les études d'impact :

En premier lieu, le Conseil d'Etat a mis en relief, dans deux études, la nécessité d'assortir les projets de loi d'une étude d'impact préalable analysant avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles, compte tenu des effets de la législation existante, il est utile de légiférer à nouveau. Le Comité a souhaité faire siennes les conclusions de ces études. Il recommande, en particulier, que l'existence de ces études d'impact soit une condition de la recevabilité d'un projet de loi au Parlement, à charge pour le Conseil constitutionnel de vérifier, juste après le dépôt du texte et à la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, que ce document satisfait aux exigences qu'une loi organique pourrait prévoir (proposition no 25). Si la décision du Conseil constitutionnel, statuant dans un délai de huit jours, emportait constatation du défaut d'étude préalable au sens de ces dispositions, le projet de loi serait réputé non déposé et le Gouvernement devrait régulariser la présentation de son texte.


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b) Un contrôleur juridique par ministère :

En deuxième lieu, le Comité a estimé que des mesures drastiques devaient être prises pour éviter la prolifération des normes législatives comme réglementaires. A cet effet, il demande instamment que dans chaque ministère soit installé un « contrôleur juridique », nommé pour une période déterminée, qui soit chargé de donner son visa à l'édiction des textes normatifs comme le fait le contrôleur financier dans le domaine qui est le sien (proposition no 26). Aucun texte ne pourrait émaner du ministère sans son visa exprès. Ce contrôleur pourrait être un membre du Conseil d'Etat qui assurerait une liaison étroite entre le ministère et la section administrative à laquelle il appartient. Il aurait ainsi l'autorité nécessaire pour éviter l'édiction de normes inutiles ou redondantes et serait en situation d'aider à une programmation raisonnable des travaux du Gouvernement.

c) Les avis du Conseil d'Etat sur les projets et les propositions de loi :

En troisième lieu, le Comité a estimé qu'il serait utile à la qualité du travail législatif que les avis émis par le Conseil d'Etat sur les projets de loi dont il est saisi en application de l'article 39 de la Constitution soient rendus publics. Ainsi serait mis un terme aux rumeurs qui entourent ces avis, dont la publication n'est autorisée, au cas par cas, par le Gouvernement, qu'à la fin de chaque année (proposition no 27). Dans le même esprit, le Comité souhaite que le Conseil d'Etat puisse être saisi pour avis de celles des propositions de loi qui sont inscrites à l'ordre du jour de l'une ou l'autre Assemblée (proposition no 28).


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d) Les lois de programmation :

En quatrième lieu, pour répondre aux interrogations nées de la jurisprudence constitutionnelle (CC 21 avril 2005, no 2005-512 DC et CC 7 juillet 2005, no 2005-516 DC) qui dénie toute portée normative aux rapports annexés aux lois de programmation au motif que l'article 34 de la Constitution ne fait référence à des lois de programme que dans le domaine économique et social, le Comité propose que les termes de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 soient modifiés de telle manière que « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'Etat » (proposition no 29).


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2. Moderniser le droit d'amendement :

Il existe aujourd'hui une véritable dérive du droit d'amendement. Qu'on en juge : en 1970, seulement 2 260 amendements étaient déposés devant l'Assemblée nationale et 576 devant le Sénat. Lors de la session 2002-2003, ils étaient respectivement 32 475 et 9 250. Cette situation ne cesse de se dégrader. Ainsi, au cours de la dernière législature, on a vu les amendements déposés par dizaines de milliers : 137 665 amendements furent déposés lors de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi sur la fusion entre Gaz de France et le groupe Suez ; 14 888 sur le projet de loi portant régulation des activités postales. Contrairement aux idées reçues, cette explosion du nombre des amendements n'est pas uniquement le fait de l'opposition. Les amendements déposés et adoptés en séance par la majorité le sont dans une telle proportion qu'il n'est pas rare de voir un projet de loi doubler voire décupler de volume en cours de discussion. Et plus de la moitié des amendements adoptés sont déposés par les commissions. Il s'ensuit que les initiatives politiques importantes que l'opposition pourrait prendre sur un texte sont noyées sous le nombre et que les priorités de la majorité deviennent, elles aussi, indiscernables. Ni sur les bancs de la majorité ni sur ceux de l'opposition le principal n'est plus distingué de l'accessoire.

Certes, des instruments existent pour limiter cet afflux d'amendements et empêcher que le droit d'amendement, qui est au coeur même du travail parlementaire, ne soit dévoyé. Mais la vérité oblige à dire que ces instruments se révèlent peu efficaces et que seule une modification constitutionnelle peut porter remède à cette crise grave.

L'évolution et les limites de la jurisprudence du Conseil constitutionnel illustrent cette nécessité. C'est ainsi que les seules bornes posées au droit d'amendement, en première lecture, tiennent aux exigences de « clarté et de sincérité du débat parlementaire » (Conseil constitutionnel, décision no 2006-537 DC du 22 juin 2006) et aux règles de recevabilité des amendements. La seule de ces règles qui reçoive une réelle application est celle de l'article 40 de la Constitution, qui rend irrecevables les amendements dont l'adoption aurait pour conséquence « soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

A l'inverse, l'irrecevabilité prévue à l'article 41 de la Constitution en cas de méconnaissance de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire reste sans grande portée pratique. Il est vrai que la procédure correspondante est lourde, puisque, en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l'assemblée intéressée sur une question de recevabilité pour empiètement sur le domaine réglementaire, c'est au Conseil constitutionnel de statuer sous huit jours, ce qui a pour effet de suspendre le cours de la discussion. Cette possibilité a été peu utilisée depuis 1958, seules onze décisions d'irrecevabilité ayant été prises dans ces conditions On pouvait même craindre qu'elle ne fût tombée en désuétude, avant qu'elle ne soit de nouveau mise en oeuvre, en 2005, pour faire obstacle au dépôt de quelque 15 000 amendements à un projet de loi sur les activités postales.

Pour le reste, le Conseil constitutionnel vérifie que les amendements « ne sont pas dépourvus de tout lien » avec les dispositions figurant dans le projet de loi initial. Dans le cas contraire, il sanctionne ce qu'il est convenu d'appeler les « cavaliers législatifs ». Tout récemment le Conseil a adopté une conception plus stricte du droit d'amendement, en rappelant que « les adjonctions qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion » (Conseil constitutionnel, décision no 2005-232 DC du 19 janvier 2006).

Il n'en demeure pas moins que le Conseil constitutionnel réaffirme régulièrement le principe selon lequel l'exercice effectif du droit d'amendement est garanti par le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, ce droit demeurant, à ses yeux, reconnu à chaque parlementaire. Le Comité a déduit de cette jurisprudence que s'il était décidé, comme il est souhaitable, de recourir à des procédures simplifiées d'adoption de certaines lois, ce principe constitutionnel devrait être aménagé.

Il a également estimé qu'un tel aménagement serait sinon nécessaire, du moins opportun au cas où, pour l'examen d'un texte en séance, une durée programmée à l'avance serait mise en place par la conférence des présidents. Une modification de l'article 44 de la Constitution aurait pour intérêt de clarifier les conditions dans lesquelles les règlements des assemblées pourraient organiser de tels débats.

La modification de l'article 44 qu'il propose à cette fin sera détaillée par ailleurs, afin que l'effort de réorganisation du travail parlementaire et la mise en place de droits de l'opposition prennent tout leur sens. A ce stade, le Comité recommande que la procédure d'irrecevabilité de l'article 41 soit complétée : comme le Gouvernement, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat disposeraient du pouvoir de constater l'irrecevabilité d'amendements qui ne respecteraient pas la répartition entre les domaines législatif et réglementaire (proposition no 30). Dans le même esprit, le président de la commission des lois de chacune des deux assemblées pourrait s'opposer à la discussion d'un tel amendement, comme le fait, dans la pratique, le président de la commission des finances en application de l'article 40 de la Constitution. En outre, le Comité propose que le Gouvernement se voie interdire le dépôt d'articles additionnels à ses propres projets (proposition no 31).

Enfin, le Comité suggère que le mécanisme de l'irrecevabilité financière, prévu à l'article 40 de la Constitution soit assoupli de telle sorte que les amendements et les propositions des parlementaires ne soient irrecevables que lorsqu'ils entraînent une aggravation des charges publiques et non d'une seule charge publique (proposition no 32).


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3. Mettre en place une organisation concertée des débats :

En l'état actuel, le déroulement de la procédure législative s'apparente souvent plus à un jeu de rôles qu'à un travail. Discussion prolongée de motions de pure procédure en préambule à l'examen du texte lui-même, discussion générale trop longue, émaillée de discours convenus et répétitifs, bataille d'amendements en trop grand nombre, examen précipité des articles : le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a brossé, lors de son audition par le comité, un tableau sans complaisance de ce qu'est devenue une séance dans l'hémicycle. Et nul ne l'a démenti.

Quels remèdes faut-il envisager ? La voie d'une réforme durable passe, a-t-il semblé au Comité, par une organisation concertée des débats (proposition no 33). Quels pourraient être les mécanismes de cette autodiscipline qui permettrait aux assemblées d'assumer la responsabilité d'un débat parlementaire sérieux, d'où seraient issues des lois moins nombreuses et de meilleure qualité ?

La principale proposition du comité est de donner à la conférence des présidents de chaque assemblée la charge de fixer une durée programmée de discussion pour l'examen des projets et propositions de loi. Cela suppose que le temps de la discussion, y compris celui consacré aux motions de procédure, à la discussion générale et à celle des articles soit réparti entre les groupes politiques et, on y reviendra, que les textes aient été suffisamment examinés en commission avant leur passage dans l'hémicycle. Une fois écoulé le temps de la discussion, celle-ci serait close et l'on en viendrait au vote. En cas de besoin, la conférence des présidents disposerait de la faculté de décider qu'il y a lieu de prolonger le débat, en accord avec le Gouvernement.

Aux yeux du Comité, cette mesure est, au moins pour ce qui concerne l'Assemblée nationale, le pendant indispensable de la limitation apportée au champ d'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elle permettrait surtout de limiter l'obstruction parlementaire, en donnant à l'opposition la possibilité de concentrer son effort, selon le cas, sur les motions de procédure lorsqu'elle conteste le principe même d'un projet, ou sur les articles lorsqu'elle tient à faire adopter des amendements qui lui semblent importants. Cette programmation concertée de la durée des débats est un élément essentiel de la rénovation du travail parlementaire. Elle suppose que le rôle de la conférence des présidents, organisme qui n'est reconnu aujourd'hui que par les règlements des assemblées, soit consacré dans le texte même de la Constitution. Il a semblé au Comité que les règles actuelles de majorité devaient continuer à prévaloir au sein de cette conférence.

4. Faire des commissions le pivot du travail parlementaire :

Des réflexions qu'il a conduites sur ce sujet, nourries de l'expérience personnelle de plusieurs de ses membres, des auditions auxquelles il a procédé et des comparaisons avec la situation qui prévaut dans les Parlements étrangers, le Comité a retiré une conviction à la fois claire et forte : le travail du Parlement ne peut retrouver efficacité et prestige que s'il repose sur un rôle accru des commissions de chacune des deux assemblées.

Pour améliorer le travail en séance publique, il convient de lui donner un caractère plus politique que technique, ce qui implique que la discussion s'engage non plus sur le texte du Gouvernement mais sur celui de la commission. Il ne faut pas s'y tromper, c'est là une transformation fondamentale du travail parlementaire et gouvernemental. Cela suppose aussi que le nombre des commissions permanentes soit accru, que celles-ci puissent examiner les lois les plus simples ou les plus techniques, les séances publiques étant alors réservées au seul vote solennel du texte, et que le Gouvernement se plie à une exigence nouvelle, essentielle au bon fonctionnement des institutions : donner plus de temps aux commissions pour travailler, et participer lui-même à ce travail. Le Comité souhaite également, pour que les droits des groupes parlementaires n'appartenant pas à la majorité qui soutient le Gouvernement soient mieux respectés, que la présidence des commissions soit répartie à la proportionnelle des groupes composant l'une et l'autre assemblée (proposition no 34).

a) Le nombre de commissions permanentes :

En premier lieu, le Comité recommande que le second alinéa de l'article 43 de la Constitution soit modifié de telle sorte que les assemblées puissent augmenter le nombre de leurs commissions permanentes. Il est aujourd'hui fixé à six, en réaction à la prolifération des commissions sous les régimes précédents. Mais l'expérience a montré qu'une telle limitation était excessive. Outre que certaines commissions permanentes sont notoirement surchargées, à l'exemple de celle des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, l'interdiction, par la Constitution elle-même, de toute augmentation du nombre des commissions a provoqué l'éclosion d'organismes parlementaires nouveaux, sous la forme de « délégations » ou d' « offices », dont on compte une dizaine. Les comparaisons avec l'étranger sont, comme souvent, éclairantes : le Bundestag compte vingt-deux commissions, la Chambre des Communes trente-et-une, dont chacune compte de dix à seize membres, à comparer aux cent quarante-cinq membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Le Comité propose d'introduire un peu de souplesse dans le système actuel en prévoyant que la Constitution autorise les assemblées du Parlement à fixer à dix au maximum le nombre de leurs commissions permanentes, à charge pour chacune d'entre elles d'utiliser ou non tout ou partie de la possibilité qui lui serait ainsi donnée (proposition no 35). Il a semblé au Comité que la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, par exemple, était nécessaire.


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b) Le développement des procédures simplifiées :

En deuxième lieu, il est apparu au Comité qu'il n'y aurait que des avantages à ce que le Parlement puisse adopter certaines lois selon une procédure simplifiée. Des procédures permettant un examen approfondi d'un texte en commission et simplifié en séance publique existent aujourd'hui dans chacune des deux assemblées, mais elles ne concernent guère que les lois autorisant la ratification des conventions internationales. Plus prometteuse est la réforme introduite récemment à l'Assemblée nationale en matière budgétaire, qui autorise la conférence des présidents à faire procéder à l'examen de certaines missions de la seconde partie du projet de loi de finances par des commissions élargies prenant la forme de réunions de la commission des finances et des commissions saisies pour avis, en présence du Gouvernement et dans des conditions de publicité analogues à celles de la séance dans l'hémicycle. Il en résulte des séances publiques moins lourdes et plus riches d'intérêt.

Nombre d'études et de rapports ont été consacrés à cette question ces dernières années. Ils montrent que, le travail législatif ayant gagné en technicité, il est opportun de renforcer le rôle préparatoire, voire décisionnel, des commissions, confrontées par exemple à des textes portant transposition de directives communautaires, à des lois de codification ou à des projets de loi portant ratification d'ordonnances.

Le Comité recommande sans hésitation de s'orienter dans cette voie. Mais il est conscient que cela implique que soient levés des obstacles d'ordre constitutionnel. L'article 42 de la Constitution dispose en effet, en son premier alinéa : « La discussion des projets de loi porte, devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement. » Par ailleurs, on l'a vu, le droit d'amendement reconnu aux membres du Parlement par l'article 44 de la Constitution a été interprété par la jurisprudence du Conseil constitutionnel comme le droit conféré à tout parlementaire de soumettre l'amendement dont il est l'auteur à la formation plénière de l'assemblée à laquelle il appartient.

Mais s'il suggère la modification de ces dispositions, le Comité ne propose pas un système d'adoption des lois en commission. La tradition juridique française fait de la discussion dans l'hémicycle le lieu privilégié de l'expression démocratique et l'on peut respecter cette tradition tout en donnant plus de place au travail en commission. C'est pourquoi le Comité propose, outre la modification de l'article 42 (cf. proposition no 37), que, sans limiter cette procédure à quelque catégorie de lois que ce soit, les assemblées accomplissent l'essentiel du travail législatif en commission, que le Gouvernement puisse y intervenir, que chaque commission dispose de plus de temps pour examiner les textes, que les travaux en commission bénéficient d'une meilleure publicité et que les séances publiques soient réservées aux explications de vote et au vote solennel lui-même (proposition no 36). Surtout, il propose que le droit actuellement reconnu au Gouvernement, au président de la commission saisie au fond ainsi qu'à tout président de groupe de s'opposer à cette « procédure simplifiée » soit réservé à la conférence des présidents.


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c) L'examen en séance du texte de la commission :

En troisième lieu, et c'est là le point essentiel de ses propositions dans ce domaine, le Comité souhaite que soit apportée une transformation profonde au mode de travail parlementaire et aux obligations du Gouvernement en prévoyant que, dans la procédure de droit commun, la discussion en séance publique porte non plus sur le texte du Gouvernement, mais sur celui élaboré par la commission (proposition no 37).

Il en résulterait nombre d'avantages. Les amendements techniques et rédactionnels ne viendraient plus encombrer les séances publiques et obscurcir les débats ; le Gouvernement, qui serait tenu de participer aux séances des commissions pour y défendre son texte, aurait à justifier sa position s'il venait à contester le bien-fondé des dispositions introduites par la commission ; le travail parlementaire serait plus approfondi et les travaux des commissions mieux connus. Au surplus, l'instauration de cette règle nouvelle aurait pour effet d'améliorer la qualité des lois. Elle suppose, en effet, que les commissions disposent de plus de temps pour accomplir leur travail et qu'à l'issue de celui-ci, les parlementaires aient le loisir de prendre connaissance du texte adopté par la commission pour préparer les amendements qu'ils souhaiteraient déposer en séance. La mise en oeuvre de cette mesure suppose que soit modifié l'article 42 de la Constitution. Aux yeux du Comité, la règle nouvelle ne s'appliquerait pas aux projets de lois de finances non plus qu'aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, qui sont au coeur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l'action publique. Elle ne vaudrait pas non plus pour les projets de loi constitutionnelle.


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d) Un délai de deux mois avant l'examen d'un texte en séance :

En quatrième et dernier lieu, il est impératif de donner plus de temps aux commissions parlementaires pour accomplir leur tâche ainsi redéfinie.

Aujourd'hui chacun s'accorde à penser que les textes sont déposés trop peu de temps avant leur examen, que les rapporteurs ne peuvent pas travailler de manière approfondie et que les amendements déposés en commission sont insuffisamment préparés. Une meilleure organisation du travail est possible, qui obligerait également le Gouvernement à plus de tempérance normative.

Aussi le Comité propose-t-il que l'article 42 de la Constitution soit modifié de telle manière qu'en première lecture devant la première assemblée saisie aucun projet ou proposition de loi ne puisse être inscrit à l'ordre du jour moins de deux mois après avoir été déposé sur le bureau de cette assemblée (proposition no 38). Ce délai serait porté à un mois pour la seconde assemblée saisie et ce en première lecture. Il s'ensuivrait que les rapports des commissions seraient rendus publics suffisamment tôt pour permettre le dépôt d'amendements utiles.

Pour réserver les cas d'urgence réelle qui peuvent survenir dans la vie publique, d'une part, et, d'autre part, ménager à un Gouvernement nouveau la possibilité de mettre en oeuvre rapidement les mesures attendues, un tempérament serait apporté à cette règle : celle-ci pourrait être écartée si l'urgence était constatée par l'assemblée concernée à la demande du Gouvernement. Enfin, ces délais ne trouveraient pas à s'appliquer aux projets de lois de finances et aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, qui obéissent aux règles posées par les articles 47 et 47-1 de la Constitution.


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e) La publicité des auditions parlementaires :

D'une manière plus générale, le Comité a formé le voeu que le travail des commissions statuant en procédure simplifiée soit, par principe, public, sauf si elles en décident autrement, que toutes les auditions auxquelles elles procèdent soient également publiques mais que leurs séances de « droit commun » se déroulent selon les procédures actuellement en vigueur. Cela suppose que l'article 33 de la Constitution soit modifié en ce sens (proposition no 39).


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C. - Renforcer l'efficacité du contrôle parlementaire :

Longtemps, le pouvoir de contrôle du Parlement s'est borné à la faculté, que lui reconnaît la loi fondamentale de tout régime parlementaire, de renverser le Gouvernement. Or, cette arme absolue est devenue, en France comme dans la plupart des grandes démocraties occidentales, sans portée pratique réelle en raison de l'émergence du fait majoritaire. Le dépôt d'une motion de censure n'est plus que l'un de ces rites parlementaires dont l'opinion se détourne. Une seule motion de censure a entraîné, sous la Ve République, la démission du Gouvernement, en 1962. Encore fut-elle suivie d'une dissolution de l'Assemblée nationale et d'élections législatives qui donnèrent la victoire à ceux qui n'avaient pas voté la motion de censure.

La singularité française tient à ce que, là où les parlements étrangers se sont dotés d'instruments de contrôle appropriés aux nécessités d'une critique utile de l'action du Gouvernement et de son administration, le nôtre n'a pas su donner leur pleine efficacité aux moyens, pourtant nombreux, qui sont à sa disposition dans les domaines de l'évaluation des politiques publiques et du contrôle effectif des administrations. Fort de ce constat, unanimement partagé par les personnalités qu'il a auditionnées, le Comité s'est attaché à définir les voies et moyens d'un contrôle parlementaire digne d'une démocratie moderne, y compris en des matières qui, telles la politique extérieure et de défense ou encore les affaires européennes échappent aujourd'hui largement à son droit de regard.

1. Conforter la mission du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques :

L'atonie du contrôle parlementaire ne tient pas au manque de moyens d'intervention dont dispose le Parlement.

Ceux-ci sont au nombre d'une vingtaine. Certains sont traditionnels : questions écrites, questions d'actualité, questions orales avec ou sans débat, débats en séance publique dans le cadre de l'ordre du jour réservé aux initiatives parlementaires ou débats sans vote organisés par le Gouvernement, auditions par les commissions permanentes ou spéciales, commissions d'enquête disposant pendant six mois de pouvoirs importants, missions d'information, attributions propres aux présidents, rapporteurs généraux ou spéciaux des commissions des finances. Au sujet des commissions d'enquête et de l'interdiction qui est faite de constituer de telles commissions lorsque l'autorité judiciaire est saisie de faits sur lesquels ces commissions sont susceptibles d'enquêter sans se prononcer sur la responsabilité pénale, civile ou disciplinaire des personnes en cause, le Comité a relevé qu'il convenait de supprimer cette règle en modifiant le texte de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (proposition no 40).

Mais ces procédures, même améliorées, notamment depuis la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances qui a, par exemple, fixé des délais à la Cour des comptes pour répondre aux demandes d'enquêtes formulées par les commissions des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle, demeurent insuffisantes. Les réponses du Gouvernement aux diverses questions qui lui sont adressées dans les formes qui viennent d'être rappelées manquent pour le moins de précision et de rapidité ; parfois, les questions elles-mêmes manquent de spontanéité ; les enquêtes parlementaires et les missions d'information portent parfois sur de sujets étroits ou sont l'instrument de démarches purement politiques.

C'est pourquoi, notamment au cours des dix dernières années, le Parlement a tenté de se doter d'instruments nouveaux de contrôle. Ces initiatives se sont d'abord traduites par la création d'offices d'évaluation, parfois communs aux deux assemblées, chargés d'informer ces dernières sur l'application d'une politique : office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, office d'évaluation de la législation, office d'évaluation des politiques publiques, office d'évaluation des politiques de santé. Le bilan d'activité de ces instances est contrasté, au point que l'office d'évaluation des politiques publiques a été supprimé en 2001 faute d'avoir démontré son utilité. La commission des finances de l'Assemblée nationale s'est dotée, avec la mission d'évaluation et de contrôle, d'un instrument spécifique dont l'existence a été consacrée par la loi organique relative aux lois de finances. La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a créé une mission semblable en matière sociale. Mais, de l'avis général, les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des attentes.

Bien des éléments expliquent le relatif échec ainsi relevé : la structure bicamérale de ces organismes, qui peut conduire à certains blocages, notamment en période de cohabitation, le fait que les offices d'évaluation n'aient pas recouru plus largement aux services d'experts extérieurs, la faible mobilisation des parlementaires, qui ne trouvent pas dans ces tâches une reconnaissance proportionnée aux efforts qu'elles impliquent. Surtout, il est clair que la solidarité politique entre le Gouvernement et « sa » majorité et la faiblesse du rôle reconnu à l'opposition dans ces organismes de contrôle sont pour beaucoup dans le fait que le Parlement n'exerce qu'imparfaitement la mission que la Constitution ne lui reconnaît, il est vrai, que de manière discrète et partielle en ses seuls articles relatifs aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Pour porter remède à cette situation, le Comité s'est attaché à définir les moyens qui permettraient au Parlement de mieux assurer sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement, de la bonne exécution des lois et d'évaluation des politiques publiques.

a) L'affirmation des fonctions de contrôle et d'évaluation du Parlement :

Il propose, à cet effet, que le texte même de la Constitution soit précisé de telle sorte que cette mission de contrôle soit expressément dévolue au Parlement (proposition no 41). Tel n'est pas le cas, on l'a dit, en l'état actuel du droit, les articles 47 et 47-1 de la Constitution se bornant à reconnaître au Parlement le droit de contrôler la seule exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Il convient d'introduire à l'article 24 de la Constitution un alinéa ainsi rédigé : « Le Parlement vote la loi, contrôle l'action du Gouvernement et concourt à l'évaluation des politiques publiques ». Le premier alinéa de l'article 34 aux termes duquel « la loi est votée par le Parlement » serait, en conséquence, supprimé.


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b) Un Parlement assisté par la Cour des comptes :

L'article 24, dans sa nouvelle rédaction, devrait également faire mention de ce que le Parlement est assisté, dans ses fonctions de contrôle et d'évaluation des administrations, par la Cour des comptes, étant observé que cette mission d'assistance ne serait naturellement pas exclusive du recours, auquel rien ne fait juridiquement obstacle, à d'autres organismes d'audit et d'évaluation, publics ou privés, ou encore, avec l'accord du Gouvernement, aux services d'inspection des ministères intéressés (proposition no 42). Il est en revanche apparu au comité que les risques de redondance avec les multiples structures de contrôle qui, existant déjà, compromettraient les chances de réussite d'un organisme qui viendrait à être créé ex nihilo auprès du Parlement.

Le Comité croit bien davantage aux vertus du système britannique de contrôle et d'évaluation, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il a fait ses preuves. Le Parlement britannique a créé en son sein un Public Accounts Committee dont les membres s'occupent non pas de la préparation du budget mais du contrôle de l'efficacité de la gestion des deniers publics. Il s'appuie de manière privilégiée sur le National Audit Office, créé dans sa forme actuelle en 1983, et qui est habilité à conduire des audits dans l'ensemble des ministères et agences gouvernementales, disposant d'un droit d'accès à tous les documents. Dans la détermination de son programme de travail, cet organisme indépendant est invité à « prendre en compte » les suggestions faites par le Public Accounts Committee.

Il a été relevé que, dans une décision no 2001-448 DC du 25 juillet 2001, le Conseil constitutionnel a jugé que l'indépendance garantie à la Cour des comptes en tant que juridiction financière faisait par elle-même obstacle à ce que, comme l'avait prévu le législateur organique, son programme de contrôle fût soumis pour avis aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. La réaffirmation, à l'article 24 de la Constitution, d'une mission générale d'assistance permettra, aux yeux du Comité, de surmonter cette difficulté et de créer les conditions d'un meilleur dialogue, sans porter atteinte aux fonctions propres à la Cour des comptes en matière de contrôle et de certification des comptes. Au demeurant, l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances comporte déjà des dispositions contraignantes en la matière.

c) Les Comités d'audit parlementaire :

L'essentiel est dans les suites que le Parlement sera en mesure de donner aux éléments d'information qui lui seront fournis par la Cour des comptes et par les autres organismes d'audit et d'évaluation auxquels il aura donné mission à cet effet. L'insuffisante exploitation des données tient, pour une large part, à ce que la Cour des comptes ne travaille que pour les commissions des finances et les missions d'évaluation et de contrôle (y compris en matière sociale), lesquelles agissent en ordre dispersé. La création, auprès du président de chaque assemblée d'une instance, qui pourrait être dénommée « Comité d'audit parlementaire », dotée de moyens spécifiques, comportant des parlementaires issus de l'ensemble des commissions permanentes, et notamment de leurs présidents, définissant un programme coordonné de contrôle et d'évaluation, assurant la liaison avec la Cour des comptes et les autres organismes d'évaluation et chargée d'organiser les débats sur les suites à donner (questions, auditions, propositions de loi...), en particulier en séance publique lors de la semaine réservée chaque mois, dans l'ordre du jour, aux fonctions de contrôle, marquerait de ce point de vue un progrès sensible (proposition no 43). Il s'agirait non pas d'un organisme supplémentaire de contrôle effectuant lui-même les tâches qu'il s'assigne mais d'une instance chargée de passer commande auprès d'autres organismes des contrôles et évaluations souhaités par le Parlement.

Dans le même temps, le rôle de l'opposition dans la mise en oeuvre de cette procédure devrait être plus important, et il n'y aurait que des avantages à ce que l'activité de contrôle du Parlement, ainsi rénovée, donne lieu, en commission ou en séance plénière, à des réunions de travail ou auditions publiques. C'est, aux yeux du Comité, la double condition du succès de cette organisation nouvelle de la tâche de contrôle.

d) Les questions d'actualité :

Enfin, le Comité souhaite que les questions d'actualité reflètent cet effort. Aux lieu et place de l'exercice convenu qu'elle sont devenues, il est indispensable qu'elles soient revues de telle sorte que la majorité et les autres groupes y disposent d'un temps de parole équivalent (proposition no 44).

Il conviendrait que certaines séances de questions, réservées à l'opposition, soient consacrées à des sujets préalablement définis et que la réplique et la relance des questions soient possibles. A cette fin, le Comité a estimé qu'il fallait modifier les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 48 qui prévoient que : « Une séance par semaine au moins est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. », dans la mesure où elles pourraient être interprétées comme interdisant, pour les parlementaires, de répliquer une fois que le ministre a répondu à la question posée.

Ainsi serait donné un plus large écho au travail de contrôle et d'évaluation accompli par le Parlement. Il serait, en outre, souhaitable que, contrairement à la règle actuellement en vigueur, les questions d'actualité puissent également être posées lors des sessions extraordinaires du Parlement (proposition no 45). L'avant-dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution devrait être modifié en conséquence.



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2. Mieux contrôler l'application des lois :

Le Comité a retiré des auditions auxquelles il a procédé le sentiment qu'il était nécessaire de consacrer une pratique naissante au sein de certaines commissions des deux assemblées, qui consiste à prévoir que les rapporteurs d'un texte de loi sont ensuite chargés d'en contrôler l'exécution, d'évaluer ses effets et d'en faire publiquement rapport auprès de leurs collègues.

Des équipes de contrôle, constituées d'un parlementaire de la majorité et d'un parlementaire de l'opposition, devraient plus systématiquement être mises en place (proposition no 46). On pourrait aussi envisager que deux vice-présidents de chaque commission permanente, l'un de l'opposition, l'autre de la majorité, soient plus particulièrement chargés du contrôle de la bonne exécution des lois. De telles modifications relèvent du règlement des assemblées, mais le Comité les appelle de ses voeux car elles lui paraissent essentielles à une modernisation des méthodes de travail du Parlement.

En outre, pour répondre à la question du délai dans lequel sont pris les décrets d'application des lois, le Comité a relevé qu'en l'état de la jurisprudence, le retard excessif apporté à l'édiction d'un décret peut être constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En conséquence, il a écarté les propositions tendant à reconnaître au Parlement un droit de substitution à l'autorité investie du pouvoir règlementaire en cas de carence de celle-ci. Mais il souhaite que les « contrôleurs juridiques » dont il recommande par ailleurs l'instauration au sein de chaque ministère soient chargés de veiller personnellement à l'intervention des textes règlementaires prévus par une loi et d'en faire rapport chaque année aux ministres et aux présidents des commissions parlementaires compétentes (proposition no 47).

3. Autoriser le Parlement à adopter des résolutions :

Les résolutions permettent l'adoption d'un voeu ou l'expression d'une opinion et n'ont pas de portée contraignante à l'égard du Gouvernement.

Avant 1958, les résolutions adoptées par le Parlement étaient un moyen détourné, et parfois redoutable, de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Aussi les auteurs de la Constitution de la Ve République ont-ils entendu les proscrire. Et le Conseil constitutionnel a veillé, dans une décision célèbre du 17 juin 1959 portant sur le règlement de l'Assemblée nationale, à ce qu'elles ne soient pas remises en vigueur, motif pris de ce que la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause « que dans les conditions et suivant les procédures fixées par les articles 49 et 50 » de la Constitution.

Du temps a passé... Les résolutions ont été réintroduites par le biais des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999 en ce qui concerne les questions européennes (article 88-4 de la Constitution). En outre, l'interdiction faite aux parlementaires d'exprimer par la voie des résolutions des prises de position politiques a été détournée, puisque c'est dans le corps même de la loi qu'elles trouvent trop souvent place, au détriment du caractère normatif et de la qualité de la loi. Les lois dites « mémorielles », dont la prolifération est par elle-même le signe d'un malaise, traduisent cette dérive.

Soucieux à la fois d'éviter l'adoption de lois « bavardes » et dénuées de portée normative et de permettre au Parlement d'exercer la fonction « tribunitienne » utile au fonctionnement de toute démocratie, le Comité recommande de lever l'interdit qui frappe les résolutions. L'article 24 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction déjà évoquée, comporterait à cette fin un alinéa disposant : « Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement » (proposition no 48). Les règlements des assemblées prévoiraient notamment un délai minimum entre le dépôt d'un projet de résolution et son inscription à l'ordre du jour. Ils pourraient également introduire des règles relatives aux modalités de signature et de présentation des propositions de résolution.


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4. Faire du Parlement un acteur de la politique européenne :

Le Titre XV de la Constitution, issu de révisions successives faisant mention de chacun des traités qui ont jalonné les étapes de la construction européenne, n'est pas un modèle de clarté. Il en ressort toutefois que s'il est un domaine dans lequel le rôle du Parlement est insuffisant, c'est bien celui des affaires européennes. Le Comité ne plaide nullement pour l'instauration d'une « diplomatie parlementaire » qui viendrait remettre en cause les dispositions de l'article 52 de la Constitution, aux termes duquel « le Président de la République négocie et ratifie les traités », mais il s'est accordé sur un constat : en dépit des dispositions de l'article 88-4 de la Constitution, le pouvoir exécutif n'est guère l'objet, en matière européenne, d'un contrôle réellement utile du Parlement, à la différence de la situation qui prévaut dans l'ensemble des Parlements des Etats membres de l'Union européenne. Des débats au Parlement ont certes été instaurés, dans les années récentes, à la veille des « sommets européens ». Il s'agit toutefois d'un progrès insuffisant, une succession de discours sans vote ne permettant à la représentation nationale ni de peser sur les choix que fait le Gouvernement dans l'exercice quotidien de son pouvoir de négociation auprès des instances européennes, ni de le renforcer. Celui-ci n'est donc soumis, à ce titre, qu'aux procédures de contrôle de droit commun, dont on a vu qu'elles étaient peu satisfaisantes.

a) La création d'un Comité des affaires européennes :

Pour ce qui concerne, en premier lieu, le rôle des délégations pour l'Union européenne qui existent au sein de chacune des deux assemblées, le Comité a relevé qu'il était peu satisfaisant. Elles ont pour mission, aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée, de « suivre les travaux conduits par les institutions de l'Union européenne afin d'assurer l'information de leurs assemblées respectives ». Force est cependant de constater que les délégations n'exercent que de manière imparfaite ce rôle d'alerte et de veille des assemblées et de leurs commissions permanentes. Elles se comportent bien davantage en « commissions » de plein exercice, traitant de l'ensemble des questions européennes sans réussir à établir des liens étroits avec les commissions permanentes qui traitent, au fond, des dossiers sur lesquels l'influence des décisions prises à l'échelon européen est de plus en plus déterminante et, notamment, des transpositions de directives. Un tel cloisonnement est évidemment préjudiciable à l'exercice par le Parlement d'un rôle efficace en matière européenne.

C'est pourquoi le Comité recommande que le rôle des délégations - dont il souhaite que, pour éviter toute confusion avec les commissions permanentes au sens de l'article 43 de la Constitution, elles reçoivent l'appellation de « comité des affaires européennes » - soit mieux précisé (proposition no 49). Ces comités placés sous l'autorité directe du président de l'Assemblée nationale pour l'un, et du Sénat pour l'autre, exerceraient un rôle de veille et de tri des questions à transmettre aux commissions permanentes. Ils interviendraient en amont pour alerter ces dernières sur certains dossiers européens jugés sensibles. Ils prépareraient, comme aujourd'hui, des propositions de résolution soumises à ces commissions. La double appartenance des parlementaires aux délégations et aux commissions permanentes serait maintenue pour favoriser une meilleure connaissance des questions européennes.

Ces instances auraient également pour mission d'exercer le contrôle du respect, par les institutions européennes, du principe de subsidiarité, contrôle que le traité en cours de négociation entend confier aux Parlements nationaux. La réorientation du rôle des délégations irait de pair avec la mise en place, au sein de chaque commission permanente, de groupes de suivi des questions européennes, composés de parlementaires également membres du Comité des affaires européennes.


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b) La ratification des traités portant élargissement de l'Union européenne :

La perspective du traité réformant les institutions européennes qui vient d'être mentionné a, en deuxième lieu, conduit le Comité à s'interroger sur la portée de l'article 88-5 de la Constitution, qui prévoit que « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République ». Ces dispositions circonstancielles n'ont pas paru au Comité pouvoir être maintenues en l'état dans le texte de la Constitution dont il faut rappeler que l'article 3 prévoit que « la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Constatant que tout élargissement supplémentaire de l'Union européenne ne manquerait pas, par lui-même, d'avoir des conséquences, directes ou indirectes, sur le fonctionnement des institutions, le Comité suggère que l'article 88-5 soit modifié de telle sorte que le Président de la République ait la possibilité, par parallélisme avec la procédure de l'article 89 de la Constitution, de faire autoriser la ratification d'un tel traité soit par référendum, soit par la voie du Congrès (proposition no 50). Ainsi le Parlement serait-il susceptible de retrouver en cette matière une compétence dont la révision constitutionnelle du 1er mars 2005 l'avait privé. La procédure du Congrès, avec une majorité requise des trois cinquièmes, apporte des garanties très fortes sur le sérieux et le caractère approfondi du débat qui précéderait cette éventuelle ratification.


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c) La possibilité de voter des résolutions sur tout sujet européen :

S'agissant, en troisième lieu, de la procédure instaurée à l'article 88-4 de la Constitution, le Comité a constaté qu'elle ne pouvait être maintenue en l'état, ne serait-ce qu'au regard des principes politiques de l'Union européenne, qui tendent, comme on vient de le voir, à consacrer les droits des parlements nationaux.

Tel qu'il est aujourd'hui rédigé, l'article 88-4 de la Constitution oblige le Gouvernement à soumettre au Parlement les projets ou propositions d'actes européens comportant des dispositions de nature législative au sens français du terme, précision sans portée dans la hiérarchie des normes européennes.

Il autorise le Gouvernement à soumettre au Parlement les autres projets, propositions ou documents comme les livres blancs ou verts et les communications de la Commission européenne, mais sans qu'il soit obligé de procéder à cette transmission, alors que celle-ci est l'acte de procédure qui peut seul déclencher le processus qui permet au Parlement de voter des résolutions, à l'initiative de la délégation pour l'Union européenne ou d'un parlementaire.

En d'autres termes, même si la Commission européenne transmet désormais au Parlement l'ensemble des projets d'actes, de nature législative ou non - ce qui n'ouvre pas le droit de voter des résolutions -, il faut, aujourd'hui encore, un accord du Gouvernement pour que les deux assemblées soient autorisées à délibérer sur des questions, comme la négociation d'un traité européen, qui ne prennent pas la forme d'un projet d'acte européen comportant des dispositions de nature législative au sens national du terme.

Le Comité considère que cette situation n'est pas satisfaisante et propose que soit modifié l'article 88-4 de la Constitution de telle manière, d'une part, que soient supprimées celles de ses dispositions qui limitent l'obligation faite au Gouvernement de transmettre l'ensemble des documents européens et, d'autre part, que le Parlement puisse adopter des résolutions sur toutes les questions européennes (proposition no 51).


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d) La transposition plus rapide des directives :

En quatrième lieu, le Comité a estimé que la procédure de transposition des directives devait être revue afin de trouver un meilleur équilibre entre les exigences contradictoires de la rapidité et d'un examen approfondi.

Point n'est besoin d'insister sur l'influence grandissante des directives communautaires sur le droit national, notamment pour ce qui concerne les textes de nature législative. Pourtant, l'exercice de transposition auquel donnent lieu les directives est mal vécu par les parlementaires, qui n'interviennent qu'en fin de parcours, sans avoir été complètement informés des négociations dont procèdent ces textes. Ils répugnent à s'exprimer en séance publique sur des questions techniques qui n'ont qu'une faible portée politique. D'un autre côté, nombre de transpositions empruntent la voie des ordonnances de l'article 38 de la Constitution, de sorte que le Parlement est dessaisi de questions importantes qui ne sont pas toutes, il s'en faut de beaucoup, dépourvues d'incidence proprement politique. C'est assez dire combien la procédure de transposition des directives doit être améliorée. Les propositions formulées plus haut vont dans ce sens. Mais le Comité insiste pour que soit pleinement utilisée, en cette matière, la procédure simplifiée d'examen en commission, sauf difficulté particulière signalée par le Comité des affaires européennes (proposition no 52). Ainsi seraient réservées à la discussion publique les questions les plus importantes et revalorisé le rôle du Parlement.

5. Elargir la compétence du Parlement en matière de politique étrangère et de défense :

En ces domaines, le Parlement français ne dispose pas d'attributions équivalentes à celles des assemblées des grandes démocraties occidentales.

a) Le contrôle des opérations extérieures :

Entre l'idée du « domaine réservé », dont les expériences de « cohabitation » ont montré qu'il était moins clairement délimité qu'on ne l'avait dit, et les dispositions de l'article 35 de la Constitution aux termes desquelles « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement », assez datées dans la mesure où l'engagement de troupes se fait aujourd'hui sans déclaration de guerre, les assemblées assistent, sans être appelées à donner leur sentiment autrement que par le biais de la discussion budgétaire ou de débats très généraux, au déroulement d'opérations militaires qui engagent la réputation de notre pays et, parfois, son avenir. Plusieurs rapports ont appelé l'attention sur la nécessité de renforcer la place et le rôle du Parlement à cet égard.

Les auditions auxquelles il a procédé ont conduit le Comité à recommander un mécanisme simple, compatible avec la réactivité que le Gouvernement est en droit d'attendre des armées lorsqu'il est décidé d'engager des opérations militaires sur un théâtre extérieur au territoire national. Il a semblé au Comité qu'en pareille occurrence les assemblées devaient être informées sans délai par le Gouvernement, selon des modalités qu'il lui appartient de déterminer en fonction des circonstances, par exemple par l'intermédiaire de celles de leurs commissions qui sont compétentes pour en connaître ou, si ces circonstances l'exigent, des présidents de ces commissions. Maître de son ordre du jour dans les limites qui ont été décrites plus haut, le Parlement - et donc l'opposition - aurait alors à apprécier l'opportunité d'organiser un débat. Pour les opérations extérieures qui se poursuivent au-delà d'un délai de trois mois, leur prolongation devrait faire l'objet d'une autorisation expresse du Parlement par voie législative. Le Comité suggère que l'article 35 de la Constitution soit complété en ce sens (proposition no 53).


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b) Une meilleure information des parlementaires sur les négociations diplomatiques et les accords de défense :

Pour ce qui est de l'action diplomatique du Gouvernement, le rôle du Parlement est tout aussi réduit par les textes constitutionnels et la pratique en vigueur. Le premier alinéa de l'article 53 de la Constitution énumère ceux des traités dont il revient au Parlement d'autoriser la ratification, sans qu'il ait la possibilité de modifier le texte de ces conventions, alors même que nombre d'entre elles ont une influence grandissante sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Aussi le Comité souhaite-t-il que, sans porter atteinte au droit reconnu au Président de la République par l'article 52 de la Constitution de négocier les traités et sans donner au Parlement le droit de modifier les conventions internationales soumises à son examen, ce que le droit international ne permet pas, les commissions compétentes des assemblées ou, selon le cas, leur président, soient tenus informés des négociations en cours et que le Parlement soit autorisé à adopter également, en matière internationale, des résolutions (proposition no 54). Certes, celles-ci ne s'imposeraient pas au Gouvernement, mais elles traduiraient l'état d'esprit de la représentation nationale à un moment donné. Il n'est pas exclu que, dans certains cas, le Gouvernement puisse en tirer avantage dans la conduite des négociations en cours.

Dans le même esprit, le Comité souhaite que les accords de défense soient portés à la connaissance des commissions compétentes du Parlement (proposition no 55).

D. - Revaloriser la fonction parlementaire :

Le renforcement du Parlement par le biais d'attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n'a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d'exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. Mais il ne se portera à la hauteur de cette tâche que s'il est réellement représentatif de la diversité de l'opinion publique et si l'opposition trouve, au sein des deux assemblées qui le composent, une place à sa mesure.

1. Accroître la disponibilité des parlementaires :

L'activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d'avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d'une démocratie parlementaire moderne. Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. En dépit des législations en vigueur depuis que des limitations ont été, en 1985 puis en 2000, édictées, le cumul des mandats, même limité, demeure la règle et le non-cumul l'exception : 259 des 577 députés sont maires, 21 sont présidents de conseil général, 8 sont présidents de conseil régional ; 121 des 331 sénateurs sont maires, 32 sont présidents de conseil général, 3 sont présidents de conseil régional ; et pratiquement tous les parlementaires sont, à tout le moins, conseillers municipaux ou généraux. A cette situation s'ajoute le fait que les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas dans le champ des interdictions de cumul.

Le Comité est conscient que le mandat unique constituerait une rupture avec des pratiques anciennes. Il sait que l'opinion publique y est peut-être moins prête qu'elle-même ne le croit. Pourtant, même si une majorité des membres du Comité considère que le cumul d'un mandat parlementaire et de fonctions locales non exécutives doit encore demeurer possible, sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d'un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s'engager sur la voie du mandat parlementaire unique (proposition no 56).

Il recommande que l'acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, s'accomplisse de manière progressive à la faveur de chacune des élections municipales, cantonales et régionales à venir, à l'issue desquelles les parlementaires élus lors de ces scrutins seraient tenus de choisir entre leur mandat national et leur mandat exécutif local.

2. Reconnaître de nouvelles garanties pour l'opposition :

L'ensemble des propositions qui précèdent poursuivent un seul et même objectif : assurer l'émancipation du Parlement. Celui-ci ne sera atteint que si les prérogatives accordées à ce dernier profitent à l'ensemble des parlementaires, et pas uniquement à ceux qui soutiennent l'action du Gouvernement.

La réflexion du Comité sur cette question a été guidée par une préoccupation constante : reconnaître à l'opposition un rôle plus important, lui permettre également de jouer un rôle plus responsable, éloigné de la stérilité des critiques systématiques qui jettent le discrédit sur le discours politique. Se tournant vers l'étranger, le Comité a relevé que le statut de l'opposition au Royaume-Uni avait bien la valeur d'exemple qu'on lui prête : depuis 1826, le parti possédant le plus grand nombre de députés après le parti au pouvoir constitue l'opposition et bénéficie, en cette qualité, de prérogatives propres ; le chef de l'opposition y dispose, depuis 1937, d'un statut officiel ; à la Chambre des Communes, l'opposition préside un tiers des commissions dont celle chargée du contrôle du budget et des comptes ; une partie de l'ordre du jour est laissée à sa disposition. En République fédérale d'Allemagne, les présidences des 22 commissions du Bundestag et celles des commissions d'enquête sont réparties à la proportionnelle des groupes, la commission des finances est présidée par un membre du principal parti d'opposition.

Le Comité a estimé qu'aucun de ces deux exemples ne pouvait être transposé à l'identique, tout en notant que la présidence de la commission des finances de l'Assemblée nationale venait, comme il est de règle au Royaume-Uni, d'échoir à un membre de l'opposition. Il a également relevé que les parlementaires français et les partis politiques qui ne se réclament pas de la majorité qui soutient le Gouvernement jouissent de droits individuels et collectifs qui, pour ne leur être pas propres, n'en sont pas moins réels. Surtout, il a pris acte de la difficulté qu'il y a à définir la notion même d'opposition, certaines formations politiques refusant par principe de choisir leur place dans un jeu politique bipolaire ou craignant de s'enfermer dans un statut trop contraignant.

Cependant, le Comité a estimé qu'il y avait plus d'avantages que d'inconvénients pour le fonctionnement des institutions, sinon à jeter les bases d'un statut de l'opposition, du moins à reconnaître aux partis qui ne font pas partie de la majorité des garanties spécifiques. C'est pourquoi il propose, en premier lieu, que soit reconnu le rôle des groupes parlementaires qui ne se considèrent pas comme appartenant à la majorité. Et il suggère que soit mis en place un système souple de déclaration d'appartenance à la majorité pour ceux des groupes parlementaires qui le souhaitent. A ses yeux, un tel mécanisme permet aux groupes parlementaires de modifier leur position quand ils le veulent, sans être prisonniers des votes qu'ils peuvent émettre sur tel ou tel projet de loi, si important soit-il. Et il autorise ceux des groupes qui le désirent à ne pas choisir sans en supporter de conséquences fâcheuses.

Surtout, le Comité recommande que soient reconnues des garanties nouvelles aux groupes qui ne soutiennent pas le Gouvernement. C'est ainsi que prennent leur sens les propositions qu'il a formulées plus haut quant à la maîtrise de l'ordre du jour. C'est ainsi également qu'il demande que la répartition des temps de parole obéisse, pour les séances de questions d'actualité, à la règle de l'égalité entre la majorité et l'opposition, comme ce fut le cas jusqu'en 1981. C'est ainsi enfin qu'il souhaite que la pratique récemment mise en vigueur à l'Assemblée nationale en matière de commissions d'enquête, dont le président ou, à défaut, le rapporteur est choisi parmi les membres de l'opposition, soit systématisée (proposition no 57).

Par ailleurs, le Comité suggère que la présidence des commissions permanentes des deux assemblées soit répartie à la représentation proportionnelle des groupes, que tous les groupes parlementaires puissent obtenir chacun la création d'une commission d'enquête par an (proposition no 58), que l'opposition ait toute sa place dans les délibérations de l'instance à créer en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques et qu'en particulier, elle contribue à la détermination de son programme de travail, enfin que les droits de l'opposition soient respectés dans la représentation des assemblées dans les organismes extérieurs au Parlement.

Le Comité est également favorable à ce que le décret du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires soit modifié pour que les représentants des principaux partis d'opposition y soient représentés selon les modalités qu'ils détermineraient eux-mêmes (proposition no 59).

Mais il attache davantage de prix à ce que soit levé l'obstacle constitutionnel qui empêche aujourd'hui la reconnaissance de garanties particulières aux groupes de l'opposition. Lorsqu'il a censuré les dispositions du projet de règlement de l'Assemblée nationale soumis, en 2006, à son contrôle, le Conseil constitutionnel a fait valoir que les modalités selon lesquelles des droits pouvaient être reconnus à l'opposition se heurtaient, d'une part, aux dispositions de l'article 4 de la Constitution qui prévoient que « les partis et groupements politiques » auxquels le Conseil a assimilé les groupes parlementaires « se forment et exercent leur activité librement » et, d'autre part, à l'égalité de traitement entre les groupes. Aussi convient-il de modifier l'article 4 de la Constitution afin d'y écrire que la loi détermine les conditions dans lesquelles sont garantis les droits des partis et groupements qui ont ou n'ont pas déclaré soutenir le Gouvernement (proposition no 60). Une disposition analogue pour les groupes parlementaires figurerait dans un article 51-1 nouveau.

Enfin, il n'y aurait que des avantages, a estimé le Comité, à rédiger une « charte des droits de l'opposition » qui recenserait l'ensemble des droits de l'opposition et pourrait, si elle était signée par le Gouvernement, la majorité et les groupes qui ne s'en réclament pas, garantir les bonnes pratiques d'une démocratie parlementaire plus respectueuse des opinions et des personnes (proposition no 61).


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Chapitre III



Des droits nouveaux pour les citoyens




L'oeuvre de modernisation et de rééquilibrage des institutions de la Ve République ne saurait se limiter à la clarification et à l'encadrement des prérogatives des gouvernants, non plus qu'au renforcement du Parlement. Elle implique que des droits nouveaux soient reconnus aux citoyens eux-mêmes, seuls détenteurs de la souveraineté et, d'une manière plus générale, à tous les individus.

C'est pourquoi le Comité a attaché le plus grand prix à définir quels pouvaient être ces droits nouveaux, de quelles garanties ils pourraient être entourés, dans quelles enceintes ils seraient le mieux à même de s'exprimer, selon quelles procédures ils pourraient être consacrés.

Le premier de ces droits est, pour les citoyens, celui d'être représentés dans la diversité de leurs opinions, consultés à raison de leur situation et de leurs intérêts, entendus dans l'expression de leurs aspirations. Aussi le Comité a-t-il porté ses réflexions sur les modes de scrutin, sur la réforme du Conseil économique et social et sur le droit d'initiative populaire.

Le deuxième de ces droits est de disposer d'une justice plus ouverte sur la société et plus protectrice des libertés. A ce titre, le Comité formule des propositions relatives à la composition et au rôle du Conseil supérieur de la magistrature et fait état de sa réflexion sur la création d'une fonction de procureur général de la nation.

Enfin, la protection et les garanties des droits fondamentaux dans un monde en pleine transformation ont paru au Comité constituer une priorité. Aussi a-t-il souhaité, après avoir étudié la possibilité d'une mise à jour du Préambule de la Constitution, élargir cette protection et renforcer ces garanties en proposant une extension du contrôle de conformité des lois à la Constitution. Dans le même esprit, il propose la mise en place d'une autorité nouvelle, chargée de coordonner et de mieux assurer la défense des libertés de la personne humaine et de ses droits fondamentaux et d'un Conseil du pluralisme chargé de veiller à la liberté d'expression et au pluralisme des courants de pensée et d'opinion dans le domaine de l'information et de la communication audiovisuelles ; l'une et l'autre de ces institutions nouvelles verraient leur existence consacrée dans la loi fondamentale.


A. - Une vie publique plus ouverte sur la société


1. Améliorer la représentativité des parlementaires :

A côté d'un Président de la République élu au suffrage universel direct, les membres du Parlement sont désignés selon des modes de scrutin différents dans chaque assemblée. Sur ce sujet, la Constitution est muette, le constituant de 1958 ayant choisi, conformément à la tradition républicaine, de ne pas inclure les modes de scrutin dans le texte de la loi fondamentale. Celle-ci se borne à préciser, à l'article 24, que les députés sont élus au suffrage direct tandis que les sénateurs le sont au suffrage indirect.

a) La représentation des courants politiques minoritaires à l'Assemblée nationale :

Saisi, par la lettre de mission du Président de la République, de la question des modes de scrutin, le Comité a fondé sa réflexion sur une triple conviction. D'une part, il n'est ni opportun ni utile de « constitutionnaliser » les modes de scrutin ; d'autre part, le nombre des parlementaires ne doit pas être accru par quelque réforme que ce soit des modes de scrutin ; enfin, le fait majoritaire a profondément marqué le fonctionnement des institutions et, dans la mesure où celles-ci devraient continuer à fonctionner dans le cadre d'un régime parlementaire, rien ne doit être entrepris qui puisse le mettre à mal.

On peut débattre à l'infini du point de savoir si le fait majoritaire est issu du seul mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, utilisé constamment depuis 1958 pour l'élection des députés, à la seule exception des élections législatives de mars 1986, ou si ce mode de scrutin s'est borné à le favoriser. Toujours est-il que le Comité ne recommande pas d'abandonner le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l'élection des députés. Il a pris acte du souhait, formulé par certaines des personnalités politiques qu'il a entendues, que la sur-représentation des grands partis qui en résulte au détriment de formations politiques dont les candidats réunissent pourtant un nombre significatif de suffrages soit corrigée par l'introduction, pour l'élection de l'Assemblée nationale, de ce qu'il est convenu d'appeler la représentation proportionnelle « compensatrice » (proposition no 62). Ce mode de scrutin, réservé à un nombre de sièges compris entre vingt et trente, permettrait aux partis que le scrutin majoritaire a défavorisés parce que le nombre de leurs élus est proportionnellement très inférieur au nombre de voix qu'ils ont obtenues et dont le total des voix aurait, au premier tour, franchi un seuil de 5 % des voix, de bénéficier d'une représentation plus équitable.

Faute de dégager en son sein une nette majorité en faveur soit du maintien du scrutin majoritaire actuel, soit de la représentation proportionnelle intégrale, le Comité s'est accordé sur cette proposition, tout en demeurant sensible à la difficulté supplémentaire créée par le problème du redécoupage des circonscriptions, évoqué plus loin.

b) Une représentation équilibrée des collectivités territoriales au Sénat :

Comme la Constitution y oblige, un sort distinct doit être réservé au Sénat. Le mode de scrutin qui s'applique à la désignation des sénateurs n'a pas paru au Comité devoir être modifié. Il comporte une part importante de représentation proportionnelle, dont l'augmentation ne renforcerait pas de manière significative la représentation des grandes communes et des villes importantes. C'est bien davantage l'adaptation du collège des « grands électeurs » aux évolutions démographiques qui a retenu l'attention du Comité. Ce collège est composé de représentants des 36 780 communes, 100 départements, 26 régions et 5 collectivités d'outre-mer dotées d'un statut spécial. Il n'est pas douteux que le régime électoral applicable au fonctionnement de ce collège favorise à l'excès la représentation de zones faiblement peuplées, au détriment des zones urbaines. En 2000, un projet de loi avait prévu de fixer uniformément à un délégué sénatorial pour 300 habitants le critère de représentation de l'ensemble des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif au motif qu'il méconnaissait la nature même du Sénat, qui doit rester « élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ».

A l'issue des auditions qui ont enrichi sa réflexion, le Comité a estimé qu'il était possible d'améliorer la représentativité du corps électoral du Sénat en recommandant que soit affecté à chacune des collectivités territoriales dont les représentants concourent à la désignation un nombre de délégués déterminé de telle manière que soit garantie une représentation équilibrée de chacune d'elles en fonction de sa population. Ainsi serait assuré un meilleur équilibre dans la représentation des populations. Quelle que soit la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par la Constitution, les zones peu peuplées ne peuvent être représentées au détriment de celles qui le sont davantage. La modification qu'il propose à cet effet lui paraît de nature à atteindre cet objectif d'équité. Elle suppose que l'article 24 de la Constitution soit modifié de telle sorte qu'y apparaisse clairement le critère tiré de la proportionnalité de la population. Ainsi pourrait-on écrire : « Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population (...) » (proposition no 63).


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c) Un redécoupage transparent, impartial et périodique des circonscriptions électorales :

La réflexion du Comité sur les scrutins ne pouvait faire l'économie de la question du redécoupage des circonscriptions législatives. Aucun découpage des circonscriptions n'est intervenu depuis la loi du 24 novembre 1986, alors que le deuxième alinéa de l'article L. 125 du code électoral prescrit la révision des limites des circonscriptions en fonction de l'évolution démographique après le deuxième recensement général suivant la dernière délimitation. Autrement dit, c'est le recensement général de 1982 qui demeure la base du découpage actuel des circonscriptions. Entre-temps, le système de recensement général a été remplacé par un mode de recensement permanent qui permet, chaque année, la publication d'un décret authentifiant le dénombrement de la population. Le Conseil constitutionnel s'est ému à plusieurs reprises de cette situation. Il a recommandé qu'un redécoupage des circonscriptions soit entrepris au lendemain des élections législatives de 2007.

Le Comité ne peut que prendre acte de ces recommandations, et s'y associer. Il ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice, sans doute accrue par la proposition, si elle était retenue, d'élection à la représentation proportionnelle d'une fraction des députés ainsi que par la tradition, il est vrai non consacrée par la Constitution, qui veut qu'aucun département ne compte moins de deux députés. Mais il souhaite saisir cette occasion pour rappeler son attachement à ce que le nombre des députés ne soit pas augmenté et à ce que soit mis à l'étude le sort réservé à la représentation de celles des collectivités d'outre-mer à statut spécial qui ne comptent souvent qu'une très faible population. Surtout, il demande que ces opérations soient conduites selon des règles strictes d'impartialité et dans la plus grande transparence. A cet effet, il forme le voeu que l'article 25 de la Constitution prévoie une révision régulière des circonscriptions, par exemple tous les dix ans, et renvoie à une loi organique le soin de préciser les garanties procédurales particulières qui conviennent. Il souhaite notamment que soit instaurée une commission indépendante chargée de veiller au respect du principe d'impartialité dans la préparation de cette opération (proposition no 64).


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d) La représentation des Français de l'étranger :

Il a également été demandé au Comité d'examiner le problème de la représentation au Parlement des Français de l'étranger. Les intéressés sont au nombre de deux millions. Leur représentation est aujourd'hui assurée au Sénat, par l'élection de douze sénateurs, désignés par les 155 membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le Comité a pris acte de la grande diversité, dans les pays comparables au nôtre, des modes de représentation des nationaux résidant à l'étranger. Parfois, ils sont représentés dans les deux chambres, parfois dans une seulement. S'il fallait assurer l'élection de députés des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d'un scrutin de liste appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. Cela supposerait, par ailleurs, l'élection d'une vingtaine de députés au moins. Compte tenu des contraintes qui ont été rappelées quant à l'impossibilité d'augmenter le nombre des députés, à l'éventualité de désigner de vingt à trente députés à la représentation proportionnelle et aux difficultés inhérentes aux opérations de découpage des circonscriptions, il est apparu au Comité qu'il était inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l'étranger. Il recommande donc que le système actuel de représentation des Français de l'étranger par le Sénat ne soit pas modifié.

2. Moderniser le Conseil économique et social :

Mentionné au titre XI de la Constitution, le Conseil économique et social, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur « les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis » (article 69 de la Constitution). Il peut également, aux termes de l'article 70 de la Constitution, être consulté par le Gouvernement « sur tout problème à caractère économique et social ».

Après avoir entendu le président du Conseil économique et social, le Comité a orienté sa réflexion dans deux directions.

En premier lieu, il souhaite que les termes de l'article 70 de la Constitution qui prévoient que « (...) tout projet de loi de programme à caractère économique et social lui est soumis pour avis » soient actualisés et complétés. Cette terminologie est devenue partiellement inadaptée, et il n'y aurait que des avantages à ce que la Constitution mentionne que le Conseil économique sera également appelé à donner un avis sur tout projet de loi ayant pour objet principal la préservation de l'environnement (proposition no 65).

En second lieu, le Comité a estimé que sa composition, fixée par l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, devait impérativement être actualisée (proposition no 66). Elle correspond à l'état de la société française telle que le législateur organique a pu l'apprécier en 1958. C'est assez dire combien une modification s'impose. Etant observé, et le président du Conseil économique et social a d'ailleurs été particulièrement net sur ce point, que la modification de la composition du Conseil ne peut être envisagée qu'à effectif constant, il est apparu au Comité qu'elle devait obéir à des principes simples : revoir le poids de la représentation du monde agricole ; modifier la pondération entre les représentants des entreprises publiques et ceux des entreprises privées ainsi qu'entre les représentants des entreprises et ceux des salariés ; réserver une place, au nombre des personnalités qualifiées, à celles d'entre elles qui sont dotées d'une expertise reconnue en matière scientifique et dans le domaine de la protection de l'environnement.

Pour ce qui concerne la question de la représentation des syndicats, ce n'est pas par le biais d'une modification de la composition du Conseil qu'elle peut être traitée. C'est au Gouvernement qu'il appartient de modifier les règles de représentativité des organisations syndicales, à charge pour le législateur organique d'en tirer les conséquences pour ce qui est de la composition même du Conseil économique et social.

Saisi de la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de représenter au Conseil les « forces spirituelles » qui participent de la diversité de la société française, le Comité n'a pas estimé que cette question devait recevoir une réponse positive. Il a en effet relevé qu'outre les problèmes de principe posés par la présence de ministres des cultes dans une institution de la République les représentants des différentes confessions risquaient, en tout état de cause, de ne pas trouver une place utile dans le fonctionnement de l'institution, tandis que les représentants des forces spirituelles ne relevant d'aucune confession religieuse seraient difficiles à choisir.

Au total, le Comité propose une actualisation du champ des missions dévolues par la Constitution au Conseil économique et social ainsi que de sa composition.


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3. Instaurer un droit d'initiative populaire :

Le Comité a relevé que la démocratisation des institutions qu'il appelle de ses voeux implique un élargissement du champ de la démocratie.

Certes, les consultations référendaires sont souvent perturbées par les circonstances politiques du moment, qui prennent parfois le pas sur la question posée ; reconnaître aux citoyens un droit d'initiative peu ou mal encadré ne serait pas dépourvu de risques, surtout à une époque où les moyens technologiques rendent vaines les garanties tenant au nombre de signatures nécessaires pour déposer une demande d'initiative populaire ; quant aux mécanismes de référendums abrogatifs qui existent dans certains pays, ils donnent bien souvent des résultats peu satisfaisants.

La difficulté de l'exercice consiste donc à concilier le droit d'initiative des citoyens et les garanties indispensables dont il convient de l'entourer pour pallier les inconvénients qui pourraient résulter du choix de certains sujets de société. Surtout, le Comité a estimé qu'il y aurait quelque contradiction dans son propos s'il recommandait à la fois d'émanciper le Parlement et d'étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe. Il lui est donc apparu qu'il était indispensable d'associer les parlementaires, dès son origine, à une procédure nouvelle. C'est pourquoi il entend, pour l'essentiel, se référer à la proposition formulée en ce sens, en février 1993, par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par le doyen Vedel.

Aussi est-il suggéré qu'un référendum puisse être proposé, sur l'un des objets mentionnés à l'article 11 de la Constitution, à l'exception de la révision de la Constitution, à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. La proposition élaborée par les parlementaires serait transmise au Conseil constitutionnel, qui, après déclaration de sa conformité à la Constitution, organiserait la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les transmettrait au Parlement. Si cette proposition n'était pas inscrite à l'ordre du jour des assemblées dans un délai d'un an, le Conseil constitutionnel constaterait la nécessité d'organiser un référendum (proposition no 67).

L'article 11 de la Constitution devrait être modifié en conséquence de ce qui précède.


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4. Démocratiser la procédure de révision de la Constitution :

L'article 89 de la Constitution prévoit actuellement qu'un projet ou une proposition de révision de la Constitution doit être voté par les deux assemblées dans les mêmes termes et que la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum, sauf si, s'agissant d'un projet de loi constitutionnelle, le Président de la République décide de le soumettre au vote du Congrès, auquel cas le texte doit être adopté à la majorité des trois cinquièmes.

Il résulte de ces dispositions que chacune des deux assemblées dispose, en dehors du cas où une révision de la Constitution emprunterait la voie de l'article 11, d'un pouvoir de blocage de toute révision constitutionnelle.

Par cohérence avec les propositions formulées plus haut (voir proposition no 12) qui tendent à obliger le chef de l'Etat à organiser, dans les six mois, un référendum portant révision de la Constitution lorsque le projet ou la proposition de loi constitutionnelle a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, le Comité souhaite que l'article 89 de la Constitution soit également modifié pour permettre qu'en cas de refus d'une révision constitutionnelle par l'une des deux assemblées, tandis que l'autre a adopté le texte à la majorité des trois cinquièmes, il soit organisé un référendum, de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher (proposition no 68).


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B. - Une justice mieux garantie :

Les questions posées par la modernisation de l'autorité judiciaire sont, il serait inutile de le nier, au nombre des plus délicates que le Comité ait eu à aborder au cours de ses travaux.

Aussi estime-t-il nécessaire d'indiquer les principes qui ont guidé sa réflexion en ce domaine. Le premier de ces principes est que la justice est une fonction de l'Etat, exercée au nom du peuple français. Il s'ensuit, d'une part, que les citoyens ont le droit d'être jugés par des magistrats impartiaux mais qu'ils ont également le droit de demander compte des défauts de fonctionnement éventuels du service public de la justice et, d'autre part, que le Gouvernement, responsable devant l'Assemblée nationale de la mise en oeuvre de la politique pénale, ne peut être tenu totalement à l'écart des organismes chargés par la Constitution de veiller au bon fonctionnement de la justice.

Le deuxième de ces principes est que l'indépendance des juges est essentielle à l'équilibre de toute société démocratique ; qu'elle doit être constitutionnellement garantie et protégée parce qu'elle est la pierre angulaire du respect des droits de la personne.

Le troisième de ces principes est que le corps judiciaire constitue, dans la tradition juridique française, un corps unique de magistrats.

Compte tenu de ces principes, le Comité, éclairé par l'audition des plus hautes autorités judiciaires, a porté sa réflexion sur deux sujets importants : est-il utile et opportun d'instaurer un procureur général de la nation ? Faut-il modifier le rôle et la composition du Conseil supérieur de la magistrature tels qu'ils ont été fixés par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ?

1. Instituer un procureur général de la nation ?

Telle qu'imaginée depuis plusieurs années à différents échelons de la hiérarchie judiciaire, la création d'une fonction de procureur général de la nation poursuivrait un double objectif : renforcer la cohérence du parquet afin que la loi soit appliquée de manière égale sur l'ensemble du territoire national ; décharger le garde des sceaux du soin d'adresser aux procureurs les « instructions individuelles » écrites et versées au dossier dont on sait que l'existence même entretient le soupçon sur l'indépendance des magistrats, fussent-ils du parquet, à l'égard du pouvoir politique.

Il n'est, en effet, pas douteux que les liens entre le pouvoir politique et le parquet font l'objet d'un débat permanent et que la répartition des compétences entre le ministre de la justice et les procureurs de la République n'est pas délimitée de manière claire et efficace.

Le principe est que le ministre, qui exerce le pouvoir hiérarchique sur les magistrats du parquet, a le pouvoir de donner des instructions de politique pénale générale. Mais il peut aussi donner aux procureurs généraux des instructions individuelles tendant à l'engagement de poursuites. Depuis 1994, ces instructions doivent être écrites et versées au dossier. Mais le code de procédure pénale ne prévoit pas expressément que le ministre puisse donner des instructions de ne pas poursuivre, même s'il ne le lui interdit pas non plus.

Dès lors que l'architecture des textes est peu claire, il est sans doute utile de s'interroger sur la manière de garantir aux citoyens que la loi est appliquée de manière égale pour tous. L'instauration d'un procureur général de la nation permettrait, selon ses défenseurs, d'atteindre cet objectif tout en renforçant l'indépendance du parquet par rapport au pouvoir politique. Placé au sommet de la hiérarchie, il serait le vrai responsable de l'application de la loi sur tout le territoire ; il serait statutairement indépendant du ministre de la justice et les magistrats du parquet dépendraient de lui seul ; proposée par le Gouvernement, sa nomination serait soumise au Parlement et approuvée par le Président de la République.

Le Comité s'est montré sensible aux avantages que la création d'une autorité de cette nature serait susceptible d'apporter au fonctionnement de la justice. Mais il n'a pas été moins sensible aux inconvénients théoriques et pratiques qui pourraient en résulter. C'est ainsi qu'il a relevé que le procureur général de la nation exercerait un mandat d'une nature et d'une durée particulières, qui le placeraient immanquablement dans une position délicate à l'égard du Gouvernement. Si l'on admet en effet que le Gouvernement demeurerait, en tout état de cause, responsable devant le Parlement de la définition et de la mise en oeuvre des orientations générales de la politique pénale, un procureur général de la nation pourrait être tenu d'avoir à appliquer, à l'issue d'un changement de gouvernement ou de majorité, une politique pénale distincte de celle pour l'application de laquelle il aurait été choisi. Quelle serait, dès lors, son autorité ?

Surtout, il est apparu au Comité que le ministre de la justice verrait alors son rôle tellement amoindri que le risque de voir la politique pénale échapper au contrôle de la représentation nationale serait accru et l'unicité du corps judiciaire menacée. Attaché au pouvoir hiérarchique du ministre de la justice sur les magistrats du parquet, qui lui a semblé correspondre à la conception française du ministère public dans la mesure où l'exercice de ce pouvoir par un membre du Gouvernement, responsable devant le Parlement, est la garantie d'un contrôle démocratique de la politique pénale conduite par le pouvoir exécutif, le Comité n'a donc pas retenu la proposition dont il était saisi. Il a, en conséquence, choisi de ne pas recommander au Président de la République de s'engager dans la voie de la création d'un procureur général de la nation.

2. Rénover le Conseil supérieur de la magistrature :

La place, le rôle et la composition du Conseil supérieur de la magistrature dans les institutions sont l'une des questions récurrentes de la vie publique depuis plusieurs dizaines d'années. Initialement placé, par la Constitution de 1958, sous la présidence du Président de la République et composé exclusivement de membres nommés par lui, le Conseil supérieur de la magistrature a été profondément modifié par la révision du 27 juillet 1993.

a) La composition et les fonctions actuelles du Conseil supérieur de la magistrature :

Des articles 64 et 65 de la Constitution, de la loi organique du 5 février 1994 et du décret du 9 mars 1994, il résulte qu'en l'état actuel du droit le Conseil supérieur de la magistrature comprend douze membres, dont dix désignés pour un mandat de quatre ans non renouvelable immédiatement. Outre le Président de la République et le garde des sceaux, qui y siègent en qualité de président et de vice-président, il compte quatre membres communs aux deux formations qui le composent (trois personnalités extérieures et un conseiller d'Etat) et six magistrats élus appartenant à chacune de ces deux formations. Lorsque le Conseil siège en tant qu'instance disciplinaire, la présidence est assurée par le premier président de la Cour de cassation pour la formation compétente pour les magistrats du siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

La désignation des trois personnalités qualifiées qui siègent dans chacune des deux formations, respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, s'inspire des règles applicables au Conseil constitutionnel. Etant observé que le conseiller d'Etat, qui siège dans les deux formations du Conseil supérieur de la magistrature, est élu par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, les magistrats, au nombre de six dans chaque formation, sont tous désignés par la voie de l'élection, le principe étant qu'à chaque formation appartienne un magistrat n'exerçant pas les fonctions, du siège ou du parquet, à l'égard desquelles cette formation est compétente.

Ainsi constitué, le Conseil supérieur de la magistrature exerce une triple fonction.

En premier lieu, il a l'initiative de la nomination aux plus hauts emplois de la hiérarchie judiciaire (conseillers à la Cour de cassation, premiers présidents de cour d'appel et présidents de tribunaux de grande instance). Pour les autres nominations aux fonctions de magistrats du siège, le ministre de la justice sollicite l'avis du conseil, mais il ne peut procéder à la nomination qu'il envisage que si cet avis est favorable. En ce qui concerne les magistrats du parquet, le conseil formule un avis simple pour les emplois qui ne sont pas les plus élevés de la hiérarchie. Pour ceux de procureur général près la Cour de cassation et près les cours d'appel, auxquels il est pourvu en conseil des ministres, le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas consulté.

En deuxième lieu, le conseil exerce des attributions disciplinaires. Chacune de ses deux formations est dotée d'un pouvoir distinct : pouvoir de décision pour les magistrats du siège ; pouvoir consultatif pour ceux du parquet.

En troisième lieu, le conseil peut être consulté par le Président de la République si celui-ci le souhaite, mais il ne dispose pas, selon la lettre des textes, d'un pouvoir consultatif général. En revanche, il peut charger l'un ou plusieurs de ses membres de missions d'information auprès des juridictions, et l'article 20 de la loi organique du 5 février 1994 prévoit que le conseil publie tous les ans le rapport d'activité de chacune de ses deux formations.

Au terme des travaux qu'il a consacrés aux problèmes rencontrés par l'autorité judiciaire et des auditions auxquelles il a procédé, le Comité s'est forgé une triple conviction : la réforme de 1993 n'a pas atteint ses objectifs dans la mesure où elle n'a pas mis fin aux conflits entre le Gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature ; en dépit de la lettre des textes, aussi bien constitutionnels qu'organiques, le conseil a instauré en son sein une prétendue « réunion plénière » dont l'existence même alimente le reproche de corporatisme trop souvent adressé à l'institution ; celle-ci s'avère insuffisamment ouverte sur l'extérieur.

Aussi le Comité formule-t-il les propositions suivantes, qui lui paraissent de nature à conforter l'indépendance et l'unicité de la magistrature, à répondre aux griefs adressés au Conseil supérieur de la magistrature et à mieux garantir les droits des justiciables.

b) La fin de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le chef de l'Etat :

Le Comité suggère que le président de la République et le garde des sceaux ne soient plus membres de droit du Conseil supérieur de la magistrature (proposition no 69). La présidence du Conseil supérieur de la magistrature devrait échoir à une personnalité indépendante, qui n'appartienne pas au corps judiciaire et qui soit nommée, comme le président du Conseil constitutionnel, selon la procédure déjà décrite après audition par la commission ad hoc du Parlement. Ainsi, serait mieux illustrée et assurée l'indépendance du conseil à l'égard du pouvoir politique.

c) Une composition plus ouverte sur la société :

Le Comité recommande que la composition du conseil soit modifiée de telle sorte qu'aux six membres magistrats élus soient ajoutés deux conseillers d'Etat désignés par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, un avocat et un professeur d'université désignés dans les conditions fixées par la loi organique et deux personnalités qualifiées, n'appartenant ni au Parlement ni au corps judiciaire, désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat (proposition no 70). Ces nominations obéiraient aux règles d'encadrement prévues à l'article 13 modifié de la Constitution.

d) Des attributions élargies en matière de nominations :

S'agissant des attributions du Conseil supérieur de la magistrature, le Comité recommande que la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet soit appelée à donner au ministre de la justice un avis simple sur les nominations aux emplois de procureurs généraux, alors qu'il ne le fait aujourd'hui qu'à l'égard des procureurs et des substituts. Une telle disposition permettrait de renforcer l'indépendance des magistrats du parquet (proposition no 71).

e) La saisine par les justiciables :

Le Comité suggère aussi que le conseil soit véritablement mis en mesure d'apporter des réponses disciplinaires aux désordres qui, survenant dans le service public de la justice, mettent en cause non pas le fond des décisions de justice, mais le respect des garanties procédurales et le comportement professionnel des magistrats. A cette fin, le législateur organique devrait prévoir que le conseil puisse être saisi par les justiciables eux-mêmes - et non plus seulement, comme aujourd'hui, par le garde des sceaux ou les premiers présidents de cour d'appel - de requêtes visant de tels cas, à charge pour le conseil d'instruire ces demandes, après avoir sélectionné celles d'entre elles qui le justifient, avec le concours de la direction des services judiciaires de la Chancellerie et de leur réserver la suite disciplinaire qu'elles lui paraîtront devoir comporter (proposition no 72).

Ces propositions impliquent une modification de l'article 64 de la Constitution : il y a lieu en effet de prévoir que le Président de la République, s'il demeure « garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire » n'est plus « assisté par le Conseil supérieur de la magistrature ». Elles impliquent également une modification de l'article 65 de la Constitution pour ce qui a trait à la composition du Conseil supérieur de la magistrature et une refonte importante de la loi organique du 5 février 1994 et des textes pris pour son application.

Le Comité forme le voeu que ses propositions soient de nature à accroître la confiance qu'ont les citoyens en la justice et à donner à l'institution judiciaire la place et le rôle auxquels elle aspire légitimement.


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C. - Des droits fondamentaux mieux protégés :

La protection et la garantie des droits fondamentaux de la personne sont l'un des fondements les plus nobles de la tradition juridique française. Mais celle-ci ne peut conserver force et vigueur que si elle englobe progressivement les droits nouveau-nés des pratiques sociales et consacrés par la jurisprudence.

Le Préambule de la Constitution a vocation, par nature, à conférer à ces droits, dont chacun porte la marque de l'époque à laquelle ils ont été consacrés, une place éminente. Mais les termes du Préambule ne peuvent, en dépit de la solennité qui s'attache à leur formulation, être regardés comme intangibles ; le pouvoir constituant a le devoir de veiller à leur adaptation.

Comme l'y invitait la lettre de mission du Président de la République, le Comité a donc porté sa réflexion sur ce point.

Mais il n'a pas cru devoir borner ses travaux à cet aspect du sujet, qu'il n'était, au demeurant, on le verra, pas le mieux armé pour traiter dans les délais qui lui étaient impartis. Il s'est davantage attaché à donner une traduction effective aux droits fondamentaux des citoyens en leur ouvrant des voies nouvelles pour les faire valoir.

C'est pourquoi il a choisi de recommander aux pouvoirs publics, d'une part, de favoriser une extension du contrôle de la conformité des lois aux droits fondamentaux reconnus par la Constitution en ouvrant aux justiciables la faculté de contester, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, la conformité à la Constitution de la loi dont il leur est fait application et, d'autre part, de créer, au profit des citoyens confrontés à un différend avec les administrations publiques ou victimes d'atteintes à leurs libertés, un Défenseur des droits fondamentaux dont le statut et les attributions soient à la mesure d'un enjeu trop longtemps méconnu.

C'est pourquoi, également, il a choisi de proposer au Gouvernement de créer une autorité chargée de veiller au respect, dans le domaine de la communication, des principes et des règles du pluralisme.

1. Modifier le Préambule de la Constitution ?

Tel qu'il est actuellement rédigé, le premier alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, modifié par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, se réfère « aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis par la Charte de l'environnement de 2004 ».

Le Comité a constaté qu'il n'était pas en mesure de trancher la question de l'éventuelle contrariété entre telle ou telle des dispositions des textes auxquels se réfère le Préambule. Sont en cause de délicates questions de principe, plus idéologiques que proprement juridiques.

La même raison l'a conduit à ne pas souhaiter recommander aux pouvoirs publics d'ajouter au Préambule des principes nouveaux, même s'ils font l'objet d'un large assentiment au sein de la société. Ainsi en est-il de la diversité qui caractérise la composition de la société française, du principe de parité entre les femmes et les hommes, du principe de la dignité de la personne humaine. Ces principes sont soit trop récents pour que leur contenu juridique soit figé dans un texte aussi solennel que le Préambule, soit déjà consacrés par une jurisprudence constante et désormais bien admise qu'il serait inutile sinon fâcheux de perturber.

La seule hésitation du Comité a porté sur le principe dit de la « sécurité juridique » qui veut que les destinataires d'une norme de droit soient en mesure de la comprendre et qu'ils soient assurés de bénéficier d'une certaine prévisibilité. Les délibérations du Comité sur cette question ont montré la difficulté qu'il y avait à percevoir l'ensemble des implications de ce principe. Surtout, le Comité a constaté que la jurisprudence du Conseil d'Etat en avait déjà fait, à l'égard des actes administratifs, un principe général du droit et que, de son côté, le Conseil constitutionnel avait, au cours des dernières années, pris la mesure de l'importance des exigences qui découlent concrètement du principe de sécurité juridique et était parvenu à y répondre, sur le fondement d'autres normes ou principes de niveau constitutionnel. Il a considéré que l'équilibre ainsi atteint était satisfaisant et que, si l'on ne peut que partager la préoccupation fréquemment exprimée devant l'instabilité des normes juridiques et leur manque de prévisibilité, la meilleure réponse à apporter viendrait désormais d'une amélioration de la qualité des normes juridiques et non d'une consécration, dans le texte de la Constitution, d'un principe dont une acception trop rigide pourrait entraver la volonté réformatrice de quelque gouvernement que ce soit.

Quant au régime des dénonciations anonymes, le Comité a pris acte du fait qu'un texte législatif est en cours de préparation sur ce sujet.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Comité n'a pas cru devoir recommander aux pouvoirs publics de modifier le Préambule de la Constitution.

En revanche, les problèmes posés par la rétroactivité des lois ont retenu l'attention du Comité, qui s'est montré sensible à l'instabilité juridique qui en résulte trop souvent. Certes, la loi doit pouvoir rétroagir en certaines circonstances et il ne s'agit pas, là non plus, de brider l'action conjuguée du Gouvernement et du Parlement, qui peuvent être confrontés à la nécessité de modifier la loi ou de tirer les conséquences de l'annulation par le juge de certains actes administratifs. Mais la jurisprudence constitutionnelle a dégagé sur ces points des principes clairs, qu'il ne serait sans doute pas inutile de consacrer dans le texte même de la Constitution. C'est pourquoi le Comité recommande que l'article 34 de la Constitution soit complété par un alinéa qui disposerait que, sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir (proposition no 73).


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2. Reconnaître aux justiciables un droit nouveau : l'exception d'inconstitutionnalité :

Le contrôle français de conformité de la loi à la Constitution entendue au sens large, introduit dans la pratique de notre droit depuis une trentaine d'années seulement, n'est plus guère contesté aujourd'hui. Du fait de l'élargissement, par la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, à soixante députés ou soixante sénateurs de la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la question de savoir si une loi adoptée mais non encore promulguée est ou non conforme à la Constitution, une grande majorité des textes législatifs importants sont soumis à ce contrôle.

Pour autant, les lois antérieures à 1958 et certains des textes adoptés depuis lors qui, pour des raisons diverses, accidentelles ou parfois plus politiques, n'ont pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel sont valides, sans qu'il soit loisible aux juges judiciaires ou administratifs qui ont à en faire application de les déclarer contraires à la Constitution. Sans doute cette anomalie ne vaut-elle que pour un nombre relativement limité de textes de forme législative. Il n'en reste pas moins qu'elle introduit dans notre système juridique un élément de trouble et qu'elle peut priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits.

Surtout, l'extension du contrôle de conformité de la loi aux conventions internationales en vigueur et qui, aux termes mêmes de l'article 55 de la Constitution, « ont une autorité supérieure à celle des lois », met en lumière la disparité des contrôles dont une même loi peut faire l'objet. Ainsi, tout juge de l'ordre judiciaire ou administratif peut, à l'occasion du litige dont il est saisi, écarter l'application d'une disposition législative au motif qu'il l'estime contraire à une convention internationale, mais il ne lui appartient pas d'apprécier si la même disposition est contraire à un principe de valeur constitutionnelle. Or, les principes dont il fait application dans le premier cas sont, en pratique, souvent voisins de ceux qu'il aurait à retenir si lui-même ou le Conseil constitutionnel était habilité à statuer sur la conformité à la Constitution de la loi promulguée. Il s'ensuit que les justiciables sont portés à attacher plus de prix à la norme de droit international qu'à la Constitution elle-même.

Le Comité n'a donc guère éprouvé d'hésitation à recommander aux pouvoirs publics de s'engager dans la voie d'une réforme qui aurait pour objet de permettre à tout justiciable d'invoquer, par la voie dite de l'exception, devant le juge qu'il a saisi, la non-conformité à la Constitution de la disposition législative qui lui est appliquée, à charge pour ce juge d'en saisir le Conseil constitutionnel dans des conditions à définir. Ne seraient naturellement invocables que les normes constitutionnelles de fond, le justiciable n'ayant pas vocation à s'ériger en gardien de la procédure législative ou du respect des compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire.

Ses interrogations ont été plus grandes quand il s'est agi de définir les voies et moyens de ce type nouveau de contrôle de conformité de la loi à la Constitution qui, par construction, interviendrait postérieurement à la promulgation de la loi. Il n'a pas retenu l'argument selon lequel cette voie de droit supplémentaire porterait atteinte à la sécurité juridique : il y a en effet quelque paradoxe à soutenir que la correction d'une erreur juridique n'améliorerait pas la sécurité dont doit bénéficier le justiciable.

Plus sérieux lui est apparu l'argument, dont il a été expressément saisi, tiré de ce qu'une telle réforme, pour souhaitable qu'elle soit, ne saurait être mise en oeuvre sans que soit, dans le même temps, conférée au Conseil constitutionnel une compétence nouvelle, qui consisterait à réguler lui-même, sur renvoi obligatoire du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation saisis d'une question nouvelle ou d'une question présentant une difficulté sérieuse, le contrôle de conformité de la loi aux conventions internationales ou, à tout le moins, à celles d'entre elles qui, à l'échelon européen, consacrent les droits fondamentaux reconnus à toute personne.

Le Comité n'a pas sous-estimé le caractère novateur de cette proposition, dont il a bien compris qu'elle tendait moins à accroître, par principe, la compétence du Conseil constitutionnel qu'à permettre aux contrôles de conformité de la loi aux conventions internationales et à la Constitution de s'exercer dans des conditions plus cohérentes qu'à l'heure actuelle.

Mais il a considéré qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à regrouper sous la seule autorité du Conseil constitutionnel le contrôle de la conformité de la loi à la Constitution et aux principes fondamentaux consacrés par tout ou partie des conventions internationales.

Le contrôle de la conformité de la loi aux conventions internationales est en voie d'acclimatation dans notre système juridictionnel et, quel que soit son caractère perfectible, on ne peut tenir pour certain que sa « régulation » par le Conseil constitutionnel ouvrirait aux citoyens un « droit nouveau » de quelque consistance. Surtout, reconnaître au Conseil constitutionnel cette compétence supplémentaire altérerait profondément la nature de cette institution sans qu'on discerne clairement le profit qu'en retirerait le justiciable dans le déroulement de son procès. En revanche, on devine sans trop de peine le risque qui s'attacherait à placer le Conseil constitutionnel dans une position délicate, entre les deux cours suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, d'une part, et, d'autre part, les juridictions supranationales que sont, notamment, la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme. L'intervention de ces juridictions européennes priverait, pour le justiciable, le détour par le Conseil constitutionnel d'une grande partie de sa vertu d'harmonisation et de simplification.

On ajoutera qu'une éventuelle censure d'une loi par le Conseil constitutionnel sur le terrain de l'incompatibilité avec une convention internationale, alors même que les juridictions européennes n'auraient pas encore eu à se prononcer, placerait le pouvoir constituant dans la quasi-impossibilité de surmonter une telle interprétation. A la différence de la faculté, toujours ouverte au pouvoir constituant en cas de censure d'une loi sur le terrain de la non-conformité à la Constitution, de recourir, comme ce fut le cas lors de la révision constitutionnelle opérée par la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, à ce que le doyen Vedel appelait un « lit de justice constitutionnel », la possibilité, en termes politiques, de réviser ou de dénoncer un traité est faible et on imagine assez mal, en toute hypothèse, une révision constitutionnelle revenant sur l'inclusion d'un traité parmi les normes de référence du contrôle.

A l'inverse, si le Conseil constitutionnel ne s'opposait pas à l'application d'une loi qu'il estimerait compatible avec un engagement international mais que cette interprétation venait à être démentie par une juridiction internationale, les juges français se trouveraient dans une situation très inconfortable dès lors qu'ils sont tenus par l'article 62 de la Constitution de se conformer à la chose jugée par le Conseil constitutionnel.

Aussi le Comité, fidèle à son objectif premier, a-t-il estimé qu'il devait écarter cette hypothèse de travail qui introduirait dans notre système juridique trop d'incertitudes et de rigidités à la fois et bien plutôt s'attacher à définir ce que pourrait être le principe d'une extension du contrôle de conformité de la loi à la seule Constitution, par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité, invoquée par un justiciable.

Divers systèmes lui ont été exposés. Chacun a ses avantages et ses inconvénients et il n'a pas souhaité trancher cette question de pure technique juridictionnelle. Le système de saisine du Conseil constitutionnel sur renvoi exclusif du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de toute juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre, mis au point par le comité consultatif constitutionnel présidé, en 1993, par le doyen Vedel a ses mérites, et notamment celui de la simplicité. D'autres mécanismes, donnant plus de latitude aux juges de première instance ou d'appel, sont envisageables et ont été proposés au Comité. Le choix devra reposer sur une analyse approfondie des flux de requêtes susceptibles d'être engendrés par cette réforme, appréciation que le Comité n'a pas été en mesure de porter.

En l'état de la question, le Comité recommande aux pouvoirs publics que l'article 61 de la Constitution soit modifié de telle sorte qu'il prévoie : « Le Conseil constitutionnel peut, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, être saisi par voie d'exception aux fins d'apprécier la conformité d'une loi aux libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution./ Le Conseil constitutionnel, à la demande d'un justiciable, est saisi, dans les conditions prévues par une loi organique, sur renvoi du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, des juridictions qui leur sont subordonnées ou de toute autre juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre » (proposition no 74).

Il propose que l'article 62 de la Constitution précise que les dispositions déclarées inconstitutionnelles dans ce cadre sont abrogées à compter d'une date déterminée par le Conseil constitutionnel dans sa décision et ne peuvent être appliquées aux procédures en cours. Il suggère que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel pourrait être saisi sur renvoi des juridictions fassent l'objet d'une loi organique. Cette même loi organique porterait également sur les modifications d'organisation, de fonctionnement et de procédure qui résulteraient de cette extension de la compétence du Conseil constitutionnel. Il forme le voeu qu'au-delà des débats techniques qui ne manqueront pas de s'engager, aux échelons appropriés, sur la détermination des modes de renvoi au Conseil constitutionnel qui paraîtront les mieux adaptés au succès de cette réforme, l'importance de celle-ci soit mise en lumière. Si cette avancée juridique est réalisée, il s'agira, le Comité croit devoir y insister, d'un progrès important de l'Etat de droit.

Il n'est pas apparu au Comité que ce renforcement du caractère juridictionnel de la mission assignée au Conseil constitutionnel devait rester sans effet sur la composition de cette institution. C'est pourquoi il souhaite que le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution qui prévoit que les anciens Présidents de la République « font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel » soit abrogé pour l'avenir (proposition no 75). Les intéressés tiennent généralement à continuer à prendre part à la vie publique et cette volonté entre parfois en contradiction avec les obligations de discrétion et de réserve qui s'imposent aux membres du Conseil. Aussi n'y aurait-il que des avantages à ce que les anciens Présidents de la République soient dotés d'une retraite leur assurant des conditions de vie dignes des fonctions qu'ils ont exercées, sans qu'ils aient à remplir un rôle juridictionnel.



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3. Instituer un Défenseur des droits fondamentaux :

La protection des droits fondamentaux ne concerne pas exclusivement, il s'en faut de beaucoup, les seuls litiges dont les juridictions ont à connaître. Les différends qui opposent les citoyens aux administrations ainsi qu'aux organismes publics et privés de toute nature sont multiples, qu'il soient dus à la lenteur des services administratifs, à l'absence de réponse aux questions posées, aux erreurs qui surviennent dans le traitement des dossiers, aux négligences de certains agents publics, au refus d'appliquer la loi ou encore à des conflits de compétence entre services. Ce ne sont là que quelques exemples des circonstances qui sont susceptibles de menacer non seulement les droits légitimes des citoyens, mais aussi et surtout certains de leurs droits fondamentaux.

Auditionné par le Comité, le Médiateur de la République n'a pas manqué de donner de nombreux exemples de l'ampleur de la tâche qui est la sienne.

Cette mission est d'autant plus malaisée à remplir que le Médiateur de la République, institution récente créée par la loi du 3 janvier 1973, n'a pas vu son existence consacrée par la Constitution et qu'il ne peut être saisi que de manière indirecte, par des parlementaires. Surtout, à côté du Médiateur de la République, chargé par la loi d'aider à résoudre les difficultés qui peuvent s'élever entre les citoyens et les administrations, autorisé à adresser des recommandations, éventuellement publiques, voire des injonctions aux administrations qui n'appliquent pas une décision de justice rendue en faveur d'un plaignant, sont apparues ces dernières années des autorités aux attributions voisines. Le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et bientôt le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont, parmi d'autres et avec la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, au nombre de ces autorités administratives indépendantes dont les champs de compétence respectifs paraissent empiéter en tout ou partie sur celui du Médiateur de la République.

Il en résulte une dilution des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux droits des citoyens. Ces derniers, confrontés à des erreurs administratives mettant en cause leurs droits fondamentaux, ne savent pas même à quel organisme s'adresser pour faire valoir leurs droits...

Face à ce constat, le Comité a souhaité qu'une étape importante soit franchie dans le sens d'une amélioration de la protection des droits des citoyens. Inspiré par le succès rencontré en Espagne par le Défenseur du Peuple mentionné à l'article 55 de la Constitution, il formule les recommandations suivantes.

Il souhaite que le Médiateur de la République voie sa dénomination modifiée et que l'existence d'un « Défenseur des droits fondamentaux » soit expressément consacrée par un titre de la Constitution (proposition no 76).

Doté d'un mandat de six ans non renouvelable, désigné par l'Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes sur proposition d'une commission ad hoc de cette assemblée qui sélectionnerait les candidatures, substitué à l'ensemble des autorités administratives indépendantes qui oeuvrent dans le champ de la protection des libertés et recevant autorité sur ceux de leurs services qui seraient appelés à subsister, le Défenseur des droits fondamentaux pourrait être saisi directement par les intéressés et disposerait des compétences actuellement dévolues au Médiateur de la République. S'y ajouteraient le droit de procéder à des contrôles sur place et sur pièces dans les services des administrations, le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration, la faculté, comme les parlementaires, de saisir le Conseil constitutionnel d'une loi non encore promulguée, enfin le droit de s'adresser directement au Parlement pour l'assister dans sa mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. La loi organique préciserait quels sont ceux des services des autorités, notamment de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, auxquelles le Défenseur des droits fondamentaux se substituerait, qui devraient lui être directement rattachés. Compte tenu de l'ampleur prévisible de la tâche qui incombera au Défenseur des droits fondamentaux, la même loi organique pourra prévoir que des Défenseurs adjoints l'aident à exercer sa mission.

Le Comité a la conviction qu'eu égard aux difficultés auxquelles nos concitoyens sont parfois confrontés la création d'une telle autorité, seule élue par l'Assemblée nationale et dont la mission serait incompatible avec l'exercice d'un mandat parlementaire, non seulement répondrait à un besoin réel, mais encore améliorerait le fonctionnement global de nos institutions.


Proposition du Comité

Titre XIII bis (nouveau)

Le Défenseur des droits fondamentaux

Article 78 (nouveau)


Le Défenseur des droits fondamentaux veille à leur respect à son initiative ou sur saisine de toute personne.

Sur réclamation des intéressés, il s'assure également du bon fonctionnement des organismes investis d'une mission de service public.

Il formule recommandations et mises en demeure dans les cas et selon les procédures précisés par une loi organique. Celle-ci peut lui confier des pouvoirs de décision, de médiation ou de transaction dans les conditions qu'elle définit.

Le Défenseur des droits fondamentaux peut saisir le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61.

Il ne peut intervenir dans une procédure juridictionnelle ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

Il rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.

Il est élu pour un mandat de six ans non renouvelable par l'Assemblée nationale statuant à la majorité des trois cinquièmes.

4. Instaurer un Conseil du pluralisme :

L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen consacre la liberté d'expression. C'est sur ce fondement que, par ses décisions des 10 et 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel s'est engagé dans la voie d'une protection vigilante du pluralisme des courants de pensée et d'opinion dont le respect est, selon ses propres termes, l'une des garanties essentielles des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale.

Nombre de dispositions législatives appliquent ces principes dans plusieurs secteurs de la vie publique. Elles ont instauré divers organismes chargés d'y veiller, qu'il s'agisse du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de la Commission des sondages ou de la Commission nationale de contrôle de la campagne pour l'élection présidentielle qui, une fois tous les cinq ans, se réunit à cette fin. La relative dispersion de ces organismes ne permet pas d'assurer sa pleine efficacité à la garantie recherchée par le législateur.

C'est pourquoi il est apparu au Comité qu'il serait opportun que la Constitution elle-même comporte un titre consacré à la protection du pluralisme et prévoie qu'un organisme unique serait chargé de veiller à son respect, dans les conditions définies par la loi (proposition no 77).

Le Comité recommande que le champ de compétence de cette institution nouvelle recouvre celui résultant de la fusion des trois autorités qui viennent d'être mentionnées.

Plus délicate est la question du respect du pluralisme dans le secteur de la presse et des communications électroniques. En effet, s'il est admis, comme le prévoit la loi du 30 septembre 1986, que l'actuel CSA adresse aux éditeurs de services de radio ou de télévision des « recommandations » portant sur le contenu même de leurs programmes et qui ont, en jurisprudence, valeur de décisions faisant grief, l'usage de prérogatives de même nature à l'égard de la presse écrite ou des organes de communication électronique serait perçu comme un recul de la liberté de la presse et de la liberté d'expression. Aussi le Comité souhaite-t-il que le Conseil du pluralisme ne dispose, dans ces deux derniers domaines, que d'un pouvoir de recommandation simple.

Mais le besoin existe d'une institution disposant d'une vision globale des questions relatives au pluralisme et qui soit en mesure d'intervenir avec des instruments variés selon la nature des problèmes posés : fonctions consultatives, recommandations aux pouvoirs publics, avis ou autorisations dans le cadre des procédures administratives, sanctions, rapports annuels sur l'état du pluralisme. Ceux de ces actes qui revêtiraient le caractère de décisions seraient, comme il est de règle, soumis au contrôle du juge.

Le Comité souhaite que le Conseil du pluralisme dont il propose la création puisse émettre des avis mais sans se substituer au Parlement dans la définition de règles touchant aux libertés publiques, par exemple en ce qui concerne les dispositifs de lutte contre les concentrations, la transparence des entreprises de communication ou les relations entre les propriétaires de ces entreprises et les responsables éditoriaux.

La composition du Conseil du pluralisme serait fixée dans la Constitution. Le Conseil pourrait comprendre neuf membres désignés pour un mandat de six ans non renouvelable. Deux de ses membres, dont le président, pourraient être nommés par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par celui du Sénat. Trois autres membres, issus du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes et désignés par ces trois institutions, renforceraient l'indépendance du Conseil. Tous les membres du Conseil du pluralisme seraient nommés dans les conditions prévues au dernier alinéa nouveau de l'article 13 de la Constitution.

Il a semblé au Comité que la mise en place d'une telle structure permettrait d'améliorer la protection effective de l'un des principes essentiels du fonctionnement démocratique des institutions.


Proposition du Comité

Titre XIII ter (nouveau)

Le Conseil du pluralisme

Article 79 (nouveau)


Le Conseil du pluralisme concourt au respect de la liberté d'expression et du pluralisme des courants de pensée et d'opinion dans le domaine de l'information et de la communication audiovisuelles. Il veille également à la qualité des sondages d'opinion publiés et diffusés en rapport direct ou indirect avec les élections politiques, ainsi que, sous réserve des dispositions des articles 58 et 60, à l'équité des campagnes électorales et référendaires organisées à l'échelon national.

Le Conseil du pluralisme rend des avis et prononce des décisions dans les cas et selon les procédures définies par la loi.

Il est consulté sur tout projet de loi, d'ordonnance ou de décret portant sur son domaine de compétence.

Dans le respect de la liberté d'expression, il peut également formuler toute recommandation concernant les autres modes d'information et de communication.


Article 80 (nouveau)


Le Conseil du pluralisme comprend neuf membres, dont le mandat dure six ans et n'est pas renouvelable.

Deux de ses membres, dont le président, sont nommés par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par le président du Sénat.

En sus des six membres prévus ci-dessus, font partie du Conseil du pluralisme un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation désigné par la Cour de cassation et un conseiller maître à la Cour des comptes désigné par la Cour des comptes.

Les membres du Conseil du pluralisme sont nommés dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 13.

Le président du Conseil du pluralisme a voix prépondérante en cas departage.

Conclusion

Encadrer le pouvoir exécutif et clarifier, sans la rigidifier, la répartition des compétences en son sein ; émanciper le Parlement et lui reconnaître un rôle effectif de contrôle de l'action du Gouvernement ; conférer et garantir des droits nouveaux aux citoyens : telles sont les priorités que le Comité a dégagées de ses réflexions.

Il a élaboré les propositions correspondantes et les a rédigées en la forme de dispositions constitutionnelles lorsqu'elles lui ont paru en relever. Celles-ci sont au nombre de 77 et portent sur près de la moitié des articles de la Constitution. Il a par ailleurs indiqué les grandes lignes des lois organiques et des lois ordinaires dont il recommande l'adoption ou la modification.

Au cours de ses travaux, le Comité a relevé que le texte de la Constitution de 1958 mériterait, sur certains points, d'être réécrit. Au fil des révisions constitutionnelles, ont été insérées des dispositions sur la nature constitutionnelle desquelles on peut s'interroger ; l'ajout d'articles supplémentaires devrait normalement entraîner une nouvelle numérotation de l'ensemble des titres et des articles de la Constitution. Mais il n'entrait pas dans les attributions du Comité de procéder à la mise à jour que ces remarques justifieraient. Le pouvoir constituant pourra y procéder le moment venu, s'il l'estime utile.

L'essentiel de l'effort du Comité a porté sur le fond des réformes. Mises en oeuvre, elles moderniseraient et rééquilibreraient les institutions et la Ve République s'engagerait dans une voie nouvelle.

C'est à la démocratisation des institutions que le Comité s'est attaché. C'est cette démocratisation qu'il appelle unanimement de ses voeux.



Le président du Comité,

Edouard Balladur


Le rapporteur général,


Hugues Hourdin






A N N E X E 1

OBSERVATIONS PERSONNELLES

Observations de M. Jack Lang


La réforme proposée par notre comité représente un changement d'ampleur. Pour la première fois dans l'histoire de notre République, un véritable équilibre sera instauré entre le législatif, l'exécutif, le judiciaire et le pouvoir des médias.

Sans mettre en cause la philosophie générale du projet, je tiens néanmoins à exprimer un certain nombre de réserves.

1. - Je souhaite que l'article 16 soit purement et simplement abrogé. En temps de crise, l'Etat dispose déjà de pouvoirs d'exception. Au demeurant, l'histoire montre que les qualités de courage et de caractère d'un homme d'Etat sont les meilleurs remparts contre les dangers extérieurs et intérieurs. Ni Clemenceau ni Churchill n'ont eu besoin d'un article 16 pour mener leur pays à la victoire. L'article 16 est au mieux inutile et au pire dangereux.

2. - L'ensemble des entraves à l'exercice du pouvoir législatif mériteraient d'être abolies : l'intégralité de l'article 49-3, ainsi que l'article 44 sur le vote bloqué.

3. - Le projet de réforme constitutionnelle a ouvert de nombreux nouveaux droits aux citoyens. J'aurais souhaité que cette liste soit complétée par :

- le vote des résidents étrangers aux élections locales ;

- l'égalité entre les hommes et les femmes ;

- la reconnaissance des langues et cultures de France ;

- la dignité humaine comme premier des droits humains.

Ces droits figurent dans la majorité des textes constitutionnels européens. Malheureusement les dirigeants de notre pays ont souvent été réticents à reconnaître certaines évolutions de notre société. Ainsi la France a-t-elle été l'un des derniers pays d'Europe à accorder le droit de vote aux femmes ou aux jeunes de dix-huit ans.

4. - A l'exemple de la Constitution allemande, la ratification par le Parlement de nominations à de hautes fonctions (notamment pour le Conseil constitutionnel, le Conseil du pluralisme ou le Conseil supérieur de la magistrature) exigerait d'être votée à une majorité renforcée des trois-cinquièmes. Ainsi seraient mieux garanties les exigences de pluralisme et d'indépendance.

5. - Je regrette que le scrutin majoritaire à deux tours, même mâtiné d'une dose de proportionnelle, demeure une loi intangible. Un système proportionnel à l'« allemande » permettrait à la fois de dégager une majorité et une représentation des autres familles de pensée.

6. - Je propose la limitation à deux du nombre de mandats successifs que pourrait exercer le Président de la République. Je souhaite aussi la généralisation du quinquennat à l'ensemble des mandats électifs, y compris locaux et sénatoriaux.

7. - Une question n'avait pas à être tranchée par notre comité : la nature du régime politique. L'ensemble des grands partis politiques sont favorables au statu quo : le maintien d'une dyarchie de l'exécutif. Ce système est bâtard, ambigu et, pour tout dire, baroque. Faute d'un choix clair par la société politique française entre régime présidentiel et régime parlementaire, aucune solution ne peut être satisfaisante s'agissant d'une nouvelle rédaction des articles 20 et 21. A l'exemple du système britannique, c'est la coutume constitutionnelle, confirmée par cinquante ans de pratique, qui s'impose : en période de cohabitation, c'est le chef du Gouvernement qui définit et conduit la politique de la nation ; en temps de coïncidence des majorités présidentielle et législative, c'est le chef de l'Etat qui donne l'impulsion à la politique de l'exécutif.

Ce sujet est pourtant relativement second. L'essentiel est ailleurs : le temps est venu trois siècles après Montesquieu de limiter les attributions du pouvoir exécutif et du président de la République et de renforcer les pouvoirs du Parlement, les droits des citoyens, l'autonomie de la justice et le pluralisme des médias. Cette ambition a été, je le crois, largement atteinte par le comité.


Jack Lang

Observations de M. Pierre Mazeaud


Un grand nombre d'idées étant agitées en ce moment sur la réforme des institutions en général et celle du contrôle de constitutionnalité, tel qu'il est pratiqué en France depuis près de quarante ans, il m'est apparu nécessaire de faire connaître mon sentiment, tout en m'en tenant à quelques propositions générales.

En premier lieu, il faut se garder de troquer une exception française qui a fait ses preuves contre une nouvelle exception française qui ne les a pas faites.

Les pays qui pratiquent le contrôle de constitutionnalité des lois se rattachent tous soit au modèle américain (contrôle diffus chapeauté par une cour suprême unique), soit au modèle kelsénien (cour spécialisée ayant le monopole du contrôle par saisine directe ou préjudicielle).

Construire un modèle mixte, faisant coexister un contrôle de constitutionnalité diffus par les juridictions de droit commun et un Conseil constitutionnel intervenant occasionnellement, serait ouvrir la voie à d'inévitables discordances de jurisprudence.

L'interprétation de la Constitution ne serait plus unique. Il y aurait autant d'interprétations d'une même règle ou d'un même principe qu'il y a de cours de dernier ressort en France : Cour de cassation, Conseil d'Etat et Conseil constitutionnel.

L'autorité de la Constitution en sortirait affaiblie. La sécurité juridique en serait également amoindrie.

En deuxième lieu, si réforme il y a, profitons-en pour « coupler », en quelque sorte, le contrôle de constitutionnalité et le contrôle dit de conventionnalité, lorsque le traité invoqué porte sur les droits fondamentaux.

Les principes proclamés par notre « bloc de constitutionnalité » et, par exemple, par la Convention européenne des droits de l'homme (demain par la Charte européenne des droits fondamentaux) se recoupent, en effet, très largement.

Les moyens tirés de la violation des uns et des autres seront généralement identiques.

Si nous ne voulons pas aboutir au démembrement du procès, faisons au moins en sorte qu'ils aient le même juge à chaque étape de la procédure.

On entend souvent justifier l'institution d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori par la nécessité de ne pas voir la loi écartée au seul profit du traité.

Mais, dans cette optique, il serait paradoxal de continuer à laisser au juge ordinaire, dès le premier ressort, le pouvoir d'écarter une loi comme contraire à la Convention, alors que le moyen d'inconstitutionnalité ne serait invocable qu'au terme d'une longue procédure.

En cette matière, c'est tout ou rien : les deux contrôles à tous les juges ou les deux contrôles au Conseil constitutionnel.

S'il fallait absolument changer les choses, mon choix irait naturellement à la seconde formule pour des raisons de rationalité et de sécurité juridiques.

Troisième remarque : il faut avoir conscience que nombre de dispositions législatives, parfois anciennes et couramment pratiquées, sont vulnérables à une exception d'inconstitutionnalité.

L'exception d'inconstitutionnalité peut donc conduire à déstabiliser des pans entiers de notre législation, comme cela se vérifie tous les jours pour le contrôle de conventionnalité : il suffit de penser aux règles du procès équitable (avec la théorie de l'apparence).

En quatrième lieu, a-t-on mesuré en termes concrets, en termes logistiques, en termes de bon emploi des derniers publics, ce que l'institution d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori signifie, même filtré, même réparti entre les trois cours suprêmes.

Déjà, la seule Convention européenne des droits de l'homme est invoquée dans près d'une affaire sur trois au Conseil d'Etat.

Cela sera encore plus vrai avec la Constitution, compte tenu de l'extrême généralité des principes inscrits dans notre bloc de constitutionnalité et de l'extrême ductilité du débat constitutionnel.

L'exception d'inconstitutionnalité sera en outre invoquée dans des instances urgentes, comme le référé-liberté.

Chacun devra prendre ses dispositions pour faire face à un nombre toujours croissant de recours, toujours plus urgents et toujours plus difficiles, tant par les concepts en discussion que par les conséquences de la solution retenue.

Je pense au Tribunal constitutionnel espagnol (pourtant doté de moyens à la hauteur de sa grande légitimité) qui, croulant sous le poids du recours d'« amparo », a dû renoncer au contrôle a priori de la constitutionnalité des lois.

Sait-on que beaucoup d'affaires, sinon la plupart des affaires, sont susceptibles de donner lieu à une argumentation de constitutionnalité ?

En cinquième lieu et enfin, pourquoi penser que la réappropriation de la Constitution par le citoyen passe par le contentieux ?

N'est-ce pas là une vision à la fois réductrice et négative du rapport à la Constitution ?

Si celle-ci doit d'abord être un lien, comme le suggère joliment le mot allemand Verfassung, drôle de façon de lier que de fomenter la chicane !


Pierre Mazeaud



Observations de M. Jean-Louis Bourlanges

Sur le mode de scrutin


Je me félicite que le Comité ait marqué son souhait de voir mettre un terme au « tout-majoritaire » caractéristique du mode de scrutin législatif actuel. Je regrette toutefois la timidité de cette remise en cause. J'aurais souhaité qu'il proposât le rétablissement du scrutin proportionnel départemental de liste dans l'esprit de la loi adoptée le 10 juillet 1985 et inopportunément abrogée deux ans plus tard. Un tel engagement se justifie à trois titres :

1. Un député est l'élu de la nation, non celui d'une circonscription. Le scrutin uninominal enferme le parlementaire dans une situation de dépendance locale difficilement compatible avec le plein exercice de ses fonctions nationales de législation et de contrôle. La généralisation du scrutin de liste garantirait l'unité de statut des parlementaires et favoriserait la parité entre les hommes et les femmes siégeant au Palais-Bourbon. Elle s'inscrirait pleinement dans la logique de l'interdiction de cumul entre mandat parlementaire et mandat local car elle épargnerait à l'élu de la nation les effets pervers d'une concurrence faussée avec les élus locaux.

2. L'uniformisation de la carte électorale accroît les déséquilibres inhérents au système majoritaire. On assiste aujourd'hui, sous l'effet de puissants facteurs d'ordre sociologique, institutionnel et médiatique, à une homogénéisation croissante des comportements électoraux. Or, dans un Etat dont les électeurs ont tendance à voter à l'identique dans l'ensemble des circonscriptions, un parti arrivé nettement en tête tend à s'adjuger non pas la majorité mais la quasi-totalité de la représentation parlementaire. Seul ce qui reste de diversité géographique dans l'expression du suffrage fait encore obstacle à cette tendance monopolistique. Il n'est pas raisonnable de s'en remettre exclusivement à des pesanteurs historiques de plus en plus résiduelles du soin de sauvegarder le pluralisme parlementaire.

Il le serait d'autant moins que le Comité a souhaité introduire des mécanismes de majorité qualifiée dans les procédures de décision parlementaire. Une telle orientation, destinée à préserver les droits de la minorité, serait vidée de son sens par un système favorisant la constitution abusive de majorités pléthoriques.

3. Un équilibre satisfaisant des pouvoirs appelle la remise en cause du fait majoritaire. Les propositions du Comité ne font pas disparaître le risque de contradiction entre les majorités présidentielle et parlementaire. Le rétablissement du scrutin proportionnel serait de nature à réduire considérablement ce risque : il préviendrait en effet la constitution artificielle de majorités hostiles trop fortes pour ne pas obliger le président à se soumettre ou à se démettre. Le régime actuel oscille depuis trop longtemps entre une culture de soumission et une culture de contestation pour qu'une loi électorale favorisant la coopération entre les pouvoirs ne soit pas la bienvenue.

Observant enfin le rôle central du mode de scrutin dans le fonctionnement du système institutionnel, je crois justifié que soit inscrit dans la Constitution un principe d'équilibre et d'équité du mode de représentation, dont le respect s'imposerait au législateur.


Jean-Louis Bourlanges



Observations de M. Jean-Claude Casanova

Constitution et mode de scrutin


« Le peuple, dans la démocratie, est, à certains égards, le monarque ; à certains autres, il est le sujet. Il ne peut être monarque que par ses suffrages qui sont ses volontés. [...] Les lois qui établissent le droit de suffrage sont donc fondamentales dans ce gouvernement. En effet, il est aussi important d'y régler comment, par qui, à qui, sur quoi, les suffrages doivent être donnés, qu'il l'est dans une monarchie de savoir quel est le monarque et de quelle manière il doit gouverner. »

Montesquieu, L'Esprit des lois, II, 2.

« Qui » vote ? « Sur quoi » on vote ? « Comment » on vote ? Ces trois questions, qui résument ce qu'on pourrait appeler le théorème de Montesquieu, permettent de définir la nature d'un régime démocratique. La première porte sur la composition du corps électoral. La deuxième concerne la Constitution. La troisième est relative au mode de scrutin.

En France, la composition du corps électoral ne pose plus de problème : toutes les élections se font au suffrage universel direct, sauf celles des sénateurs.

Notre commission s'est prononcée sur le deuxième point. Ses recommandations permettent d'augmenter les pouvoirs du Parlement, et de garantir les droits des citoyens en leur reconnaissant la possibilité de faire respecter la hiérarchie des normes, c'est-à-dire la subordination de la loi à la Constitution.

Je considère que, si ces propositions étaient adoptées, cela constituerait un progrès pour nos institutions. Néanmoins, comme notre commission n'a pas pris parti sur le mode de scrutin, je souhaite exprimer mon opinion sur ce point.

La loi électorale, pour le Parlement, et notamment pour l'Assemblée nationale, devrait selon moi figurer dans la Constitution. On éviterait ainsi qu'une majorité soit tentée de choisir à l'Assemblée, par une loi ordinaire, un mode de scrutin susceptible de favoriser sa réélection.

De plus, la représentation nationale doit, par définition, être représentative. Or, le scrutin dit majoritaire donne, le plus souvent, le pouvoir à l'Assemblée à la plus forte minorité qui s'est exprimée dans le pays. Si, comme le souhaite notre commission, les pouvoirs du Parlement sont renforcés, il deviendra encore plus nécessaire que la majorité parlementaire représente, autant qu'il est possible, la majorité du peuple français.

L'expérience montre en effet que, lorsque le pays n'est pas fidèlement représenté dans sa diversité, le risque est grand de le voir recourir à d'autres moyens, tels que les grèves, les manifestations, voire les émeutes. Ce qui ne va pas sans affecter la crédibilité du pouvoir exécutif et l'autorité du Parlement.

J'ajoute que le scrutin d'arrondissement à deux tours, traditionnel en France, présente un inconvénient supplémentaire : il incite les partis de gouvernement à solliciter les suffrages des partis extrémistes, ce qui peut les conduire à présenter des programmes qu'ils savent inapplicables et donc à dissimuler leurs intentions.

Pour ces raisons, je suis favorable, pour l'Assemblée nationale, à un mode de scrutin plus équitable que celui qui est pratiqué aujourd'hui. Ce mode de scrutin serait établi, comme dans tous les pays européens à l'exception du Royaume-Uni, sur une base proportionnelle, étant entendu que des dispositions seraient prises pour éviter le morcellement des partis et permettre la formation d'une majorité stable de gouvernement.

Enfin, si l'on pense avec Montesquieu que, dans une démocratie, un pouvoir n'est légitime qu'à proportion de la légitimité des procédures par lesquelles le peuple le constitue, on doit raisonnablement souhaiter que toute question posée aux Français sur la modernisation de leurs institutions soit accompagnée d'une autre, portant sur la manière dont ils entendent exprimer leurs volontés.

La logique voudrait que ces questions leur soient posées en parallèle et si possible le même jour.


Jean-Claude Casanova

A N N E X E 2

DÉCRET DU 18 JUILLET 2007 PORTANT CRÉATION DU COMITÉ

ET LETTRE DE MISSION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE


Décret no 2007-1108 du 18 juillet 2007 portant sur la création d'un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République


NOR : JUSX0760594D


Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Le conseil des ministres entendu,

Décrète :

1

Il est créé un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République. Il est chargé d'étudier les modifications de la Constitution et des textes qui la complètent propres à répondre aux préoccupations exprimées par le Président de la République dans la lettre annexée au présent décret, et de formuler toutes les autres recommandations qu'il jugera utiles.

Le Comité peut entendre ou consulter toute personne de son choix.

Il remettra son rapport au Président de la République avant le 1er novembre 2007.

2

M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, ancien député, est nommé président du Comité institué par le présent décret.

Sont nommés membres du Comité en qualité de vice-présidents :

M. Jack Lang, ancien ministre, député, ancien professeur de droit public à l'université Paris-X (Nanterre) ;

M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien ministre, ancien député.

Sont également nommés membres du Comité :

M. Denys de Béchillon, professeur de droit public à l'université de Pau et des pays de l'Adour ;

M. Jean-Louis Bourlanges, représentant au Parlement européen, professeur associé à l'Institut d'études politiques de Paris ;

M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'université Paris-X (Nanterre) ;

M. Jean-Claude Casanova, membre de l'Institut, président de la Fondation nationale des sciences politiques ;

M. Dominique Chagnollaud, professeur de droit public et de sciences politiques à l'université Paris-II (Panthéon-Assas) ;

M. Olivier Duhamel, professeur de droit public à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien représentant au Parlement européen ;

M. Luc Ferry, ancien ministre, agrégé de philosophie et de sciences politiques, membre du Conseil économique et social ;

Mme Anne Levade, professeur de droit public à l'université Paris-XII (Val-de-Marne) ;

M. Bertrand Mathieu, professeur de droit public à l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), président de l'Association française de droit constitutionnel ;

M. Olivier Schrameck, conseiller d'Etat, professeur associé à l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne).

Est nommé rapporteur général du comité : M. Hugues Hourdin, conseiller d'Etat.

3

Le Premier ministre, la garde des sceaux, ministre de la justice, et le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 18 juillet 2007.


Nicolas Sarkozy


Par le Président de la République :


Le Premier ministre,

François Fillon

La garde des sceaux, ministre de la justice,

Rachida Dati

Le secrétaire d'Etat

chargé des relations avec le Parlement,

Roger Karoutchi

*

* *


Paris, le 18 juillet 2007.

Monsieur le Premier ministre,

La Constitution, qui fixe l'organisation actuelle de nos institutions a été établie il y a près de cinquante ans. Inspirée par la pensée du général de Gaulle et sa détermination à doter notre pays d'institutions stables et fortes, elle présente des qualités qui ne sont plus à démontrer. Incontestablement toutefois, sous l'effet des nombreux changements intervenus depuis 1958 dans notre pays et à l'extérieur, notre démocratie a aujourd'hui besoin de voir ses institutions modernisées et rééquilibrées. Nos concitoyens attendent de l'Etat une autorité renouvelée, et plus d'efficacité dans l'action publique, mais ils souhaitent aussi plus de transparence, plus de débat, plus de simplicité. Ils veulent que l'action politique soit au service de l'intérêt général, pas des intérêts particuliers. Ils aspirent profondément à une démocratie exemplaire, à une République irréprochable.

Bien sûr, depuis 1958, notre fonctionnement institutionnel a connu plusieurs inflexions. Elles ont résulté soit d'une modification formelle des textes, soit d'une évolution des pratiques. Mais c'est un fait que, depuis cette date, et plus encore depuis une quinzaine d'années, au cours desquelles beaucoup de changements institutionnels sont intervenus, aucune réflexion d'ensemble n'a été menée sur l'équilibre général de notre démocratie.

C'est pourquoi j'ai souhaité vous confier la présidence d'un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le ré-équilibrage des institutions de la Ve République. Son rôle sera de formuler des propositions de réforme concernant la Constitution elle-même et les textes qui la précisent. Je vous remercie d'avoir accepté cette responsabilité.

En plein accord avec vous, j'ai tenu à ce que le Comité fût constitué de personnalités diverses, d'une expérience, d'une stature et d'une crédibilité évidentes, et représentant différents courants d'opinion. Je les remercie vivement d'avoir accepté de vous rejoindre.

La première mission du Comité, et à dire vrai la principale, sera de réfléchir à la nécessité de redéfinir les relations entre les différents membres de l'exécutif, d'une part, aux moyens de rééquilibrer les rapports entre le Parlement et l'exécutif, d'autre part. L'importance prise par l'élection présidentielle au suffrage universel direct, le passage au quinquennat et la réforme du calendrier électoral se sont en effet conjugués pour donner au Président de la République un pouvoir très large sur l'ensemble de nos institutions et de l'administration, et un rôle essentiel qui - à la différence de celui du Premier ministre - n'est pas assorti d'un régime de mise en cause de sa responsabilité.

Il convient dès lors :

- en premier lieu, d'examiner dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du Président de la République et du Premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du Président de la République le chef de l'exécutif, étant observé toutefois que cette articulation n'est guère dissociable du régime de responsabilité actuellement en vigueur ; c'est pourquoi, quelles que soient les réponses apportées à cette question, il y aura lieu en tout état de cause de rééquilibrer l'architecture institutionnelle d'ensemble en encadrant certains pouvoirs du Président de la République ;

- en deuxième lieu, et par suite, de permettre au Président de la République d'exercer ses fonctions de manière transparente et naturelle. Vous préciserez à cet effet les conditions dans lesquelles le Président de la République pourrait venir exposer sa politique directement devant le Parlement. De même, je souhaite que le budget de la présidence de la République ne soit plus un objet de polémique. La présidence de la République doit se voir reconnaître les moyens de fonctionner tout en soumettant son budget à des principes de contrôle et de transparence ;

- en troisième lieu, de mettre un certain nombre de limites aux pouvoirs du Président de la République.

Cela pourrait passer notamment par une limitation du nombre de mandats qu'un même Président peut effectuer et par un droit de regard du Parlement sur les nominations les plus importantes. Nos concitoyens souhaitent avoir la garantie que les nominations aux plus hautes responsabilités ne reposent que sur la compétence des intéressés ;

- enfin, il est indispensable de rééquilibrer les pouvoirs du Parlement par rapport à ceux de l'exécutif. A cette fin, vous pourriez étudier notamment les modifications qu'il convient d'apporter à la maîtrise de l'ordre du jour du Parlement, au nombre de commissions permanentes, aux pouvoirs et moyens de contrôle du Parlement sur l'administration et les comptes publics, ainsi que les modalités d'une association plus étroite des assemblées parlementaires à la détermination de la politique européenne, internationale et de défense de la France. Vous pourriez examiner l'opportunité de permettre au Parlement d'adopter des résolutions susceptibles d'influencer le travail gouvernemental. Vous me proposerez les moyens de rendre la fonction parlementaire plus valorisante et le travail parlementaire d'élaboration des lois plus efficace, en contrepartie, le cas échéant, d'un encadrement des pouvoirs du Gouvernement en matière d'adoption des lois (articles 44, alinéa 3, et 49, alinéa 3). Vous pourriez prévoir la possibilité pour les ministres et les secrétaires d'Etat issus du Parlement de retrouver leur siège lorsqu'ils cessent d'exercer leurs fonctions gouvernementales.

Une démocratie exemplaire, c'est aussi une démocratie qui veille à ce que l'opposition ait les moyens d'exercer son rôle, qu'il s'agisse de moyens politiques, juridiques ou financiers. C'est pourquoi je souhaite que le Comité me propose un statut de l'opposition, définissant cette dernière et lui reconnaissant un certain nombre de droits : notamment des droits d'information, des droits protocolaires, le droit d'assurer ès qualités certaines fonctions, le droit de créer une commission d'enquête au Parlement, le droit de bénéficier de moyens financiers lui permettant de fonctionner, etc.

La justice est le troisième pilier de l'équilibre des pouvoirs au sein de notre démocratie. Son rôle et son fonctionnement ont profondément évolué depuis que les Constituants de 1958 consacrèrent à « l'autorité judiciaire » le titre VIII de la Constitution. La justice, qu'elle soit judiciaire ou administrative, a de fait plus de pouvoir qu'en 1958, mais son indépendance n'est pas pour autant pleinement garantie, ni sa responsabilité suffisamment engagée. Tout en vous interrogeant sur l'opportunité de reconnaître dans la Constitution l'existence d'un véritable pouvoir judiciaire ou juridictionnel et d'en préciser les contours, vous me proposerez une nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature, dont la présidence ne sera plus assurée par le Président de la République et où les magistrats ne seront plus majoritaires. Bien que cela ne relève pas nécessairement de la Constitution, vous examinerez les moyens d'une meilleure conciliation entre l'exigence d'application homogène par les parquets de la politique pénale définie par le Gouvernement et la garantie due aux justiciables qu'aucune considération autre que judiciaire n'intervient dans le fonctionnement de la justice. La création d'une fonction de procureur général de la Nation, dont vous préciserez alors les conditions de nomination, de fonctionnement et de révocation, est une voie possible en ce sens. Je souhaite également que vous me proposiez une réforme du droit de grâce. Le droit de faire grâce doit subsister, mais il ne me paraît plus envisageable que l'exercice de ce pouvoir relève du seul Président de la République. Je considère enfin que, dans une République exemplaire, il ne devrait plus être possible de déclencher des poursuites, de quelque nature qu'elles soient, sur la base d'une dénonciation anonyme.

La campagne présidentielle a mis en évidence l'attente de nos concitoyens d'une vie politique plus ouverte, plus proche de leurs préoccupations, plus représentative de la diversité de leurs opinions, et où les droits des citoyens seraient renforcés. A cet effet, vous étudierez les moyens d'instiller plus de démocratie directe dans notre fonctionnement institutionnel, sous la forme, le cas échéant, d'un droit d'initiative populaire. Vous examinerez les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel pourrait être amené à statuer, à la demande des citoyens, sur la constitutionnalité de lois existantes. Des voix s'élèvent dans notre pays pour regretter que la France soit le seul grand pays démocratique dans lequel les citoyens n'ont pas accès à la justice constitutionnelle, et que certaines normes internationales aient plus de poids et d'influence sur notre droit que nos principes constitutionnels eux-mêmes. Il me paraît nécessaire également d'examiner dans quelle mesure les pouvoirs conférés au chef de l'Etat par l'article 16 de la Constitution en cas de crise majeure demeurent applicables, compte tenu des évolutions intervenues depuis le temps de sa rédaction.

Dans le même esprit, je souhaite que le rôle du Conseil économique et social soit modernisé et valorisé, et notamment qu'il soit une enceinte privilégiée de débat et de concertation sur les questions essentielles de développement durable. Je vous demande d'étudier dans quelle mesure les Français de l'étranger, qui sont de plus en plus nombreux et qui contribuent au rayonnement de notre pays dans la mondialisation, pourraient être représentés à l'Assemblée nationale en plus du Sénat. S'agissant enfin des modes de scrutin, ils ne relèvent pas stricto sensu de la Constitution. Cela étant, ils ont à l'évidence un effet majeur sur l'équilibre de nos institutions. C'est pourquoi, en parallèle des travaux qui seront entrepris par ailleurs sur le découpage des circonscriptions électorales, conformément à la demande du Conseil constitutionnel, je souhaite connaître l'avis de votre Comité sur l'opportunité d'introduire une dose de représentation proportionnelle au niveau national pour les élections législatives ou sénatoriales, et sur les modalités qu'il conviendrait de retenir si l'on devait s'engager sur l'une ou l'autre de ces voies.

Dans son discours de Bayeux du 16 juin 1946, le général de Gaulle assignait aux institutions le rôle de préserver la cohésion des gouvernements, l'efficience des administrations, le prestige et l'autorité de l'Etat, ainsi que le crédit des lois. Depuis une quinzaine d'année, ce dernier s'est considérablement affaibli sous l'effet de lois trop nombreuses, trop instables, d'une qualité insuffisante et ne respectant plus le partage institué par les articles 34 et 37 de la Constitution entre la loi et le règlement. De nombreux travaux ont eu lieu sur ce sujet au cours des années récentes. Je souhaite que le comité de révision de la Constitution me fasse des propositions efficaces pour garantir la sécurité juridique dont nos concitoyens ont impérativement besoin. Parmi celles-ci, je souhaite que soient étudiés notamment l'opportunité d'inscrire les principes de sécurité juridique et de confiance légitime dans la Constitution ; la possibilité pour une commission ad hoc du Parlement, après le vote des lois, ou pour le Conseil constitutionnel, de procéder au déclassement systématique des dispositions législatives intervenues dans le domaine du règlement ; le report de l'entrée en vigueur des lois à la publication de tous leurs décrets d'application ; la possibilité pour le Parlement de se substituer au pouvoir réglementaire lorsque celui-ci tarde à prendre les décrets d'application des loi ; ou encore la création, dans chaque ministère, sur le modèle du contrôleur financier, d'un contrôleur juridique chargé de veiller à la nécessité et à la solidité juridiques des textes proposés.

Monsieur le Premier ministre, tels sont les principaux axes de réflexion auxquels devra s'attacher le Comité chargé de proposer les réformes nécessaires à la modernisation et au rééquilibrage de nos institutions. Il lui sera naturellement possible, s'il l'estime nécessaire, d'élargir son champ d'étude à d'autres sujets relatifs au fonctionnement de nos institutions et de notre vie politique, et de formuler toute proposition utile.

Je vous saurais gré de bien vouloir me rendre vos conclusions avant le 1er novembre 2007, assorties, dans la mesure du possible, du ou des projets de textes nécessaires à leur mise en oeuvre. Après avoir pris connaissance de ceux-ci, j'engagerai avec le Gouvernement, préalablement à la saisine du Parlement, l'ensemble des consultations nécessaires à l'élaboration définitive de la réforme, en particulier la consultation des partis politiques et des différentes institutions de la République. Mon objectif est de parvenir d'ici janvier prochain à une profonde modernisation du fonctionnement de notre démocratie.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'assurance de mes sentiments respectueux.


Nicolas Sarkozy


M. Edouard Balladur

Ancien Premier ministre

Président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, 55, rue Saint-Dominique, 75007 Paris.



A N N E X E 3

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU COMITÉ

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JO no 252 du 30/10/2007 texte numéro 1
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JO no 252 du 30/10/2007 texte numéro 1
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A N N E X E 4

TABLEAU COMPARATIF

CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE


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JO no 252 du 30/10/2007 texte numéro 1
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A N N E X E 5

LISTE DES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES


M. Christian Poncelet, président du Sénat.

M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (Assemblée nationale).

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale (Sénat).

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes.

M. Jean-Michel Baylet (Parti radical de gauche).

M. François Bayrou (Mouvement démocrate).

Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Claude Sandrier et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat (Parti communiste français).

M. Jean-Pierre Chevènement (Mouvement républicain et citoyen).

M. Patrick Devedjian, M. Jean-Pierre Raffarin, M. Jean-François Copé et M. Josselin de Rohan (Union pour un mouvement populaire).

Mme Cécile Duflot (Les Verts).

M. François Hollande, M. Jean-Marc Ayrault et M. Jean-Pierre Bel (Parti socialiste).

M. Pierre Laffite (groupe RDSE du Sénat).

M. Jean-Marie Le Pen (Front national).

M. Michel Mercier (groupe UC-UDF du Sénat).

M. Hervé Morin (Nouveau Centre).

M. Philippe de Villiers (Mouvement pour la France).

M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France.

M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France.

M. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat.

M. Jacques Dermagne, président du Conseil économique et social.

M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation.

M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes.

Général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées.

M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République.