J.O. 73 du 27 mars 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2007-AC-2 du 23 mars 2007 relatif à une prise de participation de Thales au capital de DCN dans le cadre d'un accord industriel


NOR : ECOT0751027V



La Commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettres en date du 7 décembre 2005, du 16 octobre 2006 et du 7 mars 2007, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la Commission, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations, en vue de la mise en oeuvre d'une prise de participation par Thales de 25 % du capital de DCN, précédée par l'acquisition par DCN des actifs français - hors équipements - du secteur naval de défense détenus par Thales. L'article 78 de la loi no 2001-1276 du 28 décembre 2001, modifié par l'article 1er de la loi no 2004-1487 du 30 décembre 2004, dispose qu'une part minoritaire du capital de DCN peut être détenue par le secteur privé. L'ouverture de capital de DCN a été autorisée par le décret no 2007-81 du 23 janvier 2007.

Aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 1986, la procédure suivie dans cette opération étant celle d'une cession de gré à gré dans le cadre d'un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière », la Commission est appelée à rendre un avis, dont la conformité est requise, sur le choix de l'acquéreur et sur l'ensemble des conditions de sa prise de participation.

En application de l'article 1er (1°) du décret du 3 septembre 1993 modifié susvisé, un avis relatif aux objectifs de l'accord de coopération industrielle et commerciale signé par DCN et Thales a été publié au Journal officiel du 27 janvier 2007. La Commission a été informée que cette publicité n'a pas suscité de proposition alternative.

Il est envisagé que l'opération soit accompagnée ultérieurement d'une offre réservée aux salariés comme le permet l'article 3 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée.

II. - DCN (anciennement Direction des constructions navales) est un acteur majeur sur le marché mondial des systèmes navals de défense. Créé à l'origine pour gérer les arsenaux de l'Etat et pour satisfaire les besoins de la Marine nationale, DCN a développé son activité à l'exportation qui représente désormais près d'un tiers de son chiffre d'affaires. Le groupe emploie environ 12 000 personnes et a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros.

La réforme du statut de DCN, qui n'avait pas de personnalité juridique propre, a été menée depuis le début des années 1990, en vue de l'adapter à la concurrence internationale et de lui permettre de conclure les alliances nécessaires à son développement :

- création en 1991 de DCN International afin de regrouper les fonctions commerciales à l'exportation de DCN ;

- transfert en 1997 de la conduite des programmes navals à la délégation générale pour l'armement en vue de recentrer DCN sur ses activités industrielles ;

- transformation en 2000 de DCN en service à compétence nationale dépendant directement du ministre de la défense ;

- création en 2002 d'Armaris, filiale commune de DCN et de Thales détenue à parité, afin de rassembler les activités commerciales et de maîtrise d'oeuvre à l'exportation de DCN et de Thales Naval France (TNF) ;

- transformation le 1er juin 2003 de DCN en société de droit privé.

DCN est organisé en deux pôles d'activités :

- le « pôle navires et systèmes » est responsable de la maîtrise d'oeuvre et de la conception de navires armés complets. DCN construit des sous-marins et des bâtiments de surface, à propulsion classique ou nucléaire. L'expertise technique de DCN et sa maîtrise de l'intégration des systèmes lui ont permis de réaliser des navires d'une technique aussi complexe que les sous-marins lanceurs d'engins de nouvelle génération, le porte-avions à propulsion nucléaire Charles de Gaulle et les frégates furtives de la classe La Fayette ;

- le « pôle services et équipements » assure d'une part le maintien en condition opérationnelle de navires (avec un engagement en termes de disponibilité des bâtiments) et d'autre part la conception et la réalisation d'équipements (systèmes de combat intégrés, lanceurs de missiles, torpilles).

DCN propose à l'exportation, à travers Armaris, une offre centrée sur des navires de moyen tonnage (frégates), des sous-marins conventionnels, des équipements et des services de maintien en condition opérationnelle.

Le chiffre d'affaires consolidé du groupe DCN s'est établi à 2,7 milliards d'euros pour l'exercice 2006, en hausse de près de 7 % par rapport à 2005 (à méthodes comparables). L'activité a été soutenue par les programmes nationaux (sous-marin nucléaire Le Terrible, frégates des classes Horizon et Fremm) et par les livraisons de frégates et sous-marins conventionnels à l'exportation. Par ailleurs, un niveau élevé de commandes a été enregistré, notamment grâce à la notification de la première tranche du programme Barracuda (sous-marins nucléaires d'attaque).

Le résultat d'exploitation en 2006 s'élève à 213,5 millions d'euros (en réduction de 4 % par rapport à 2005) et le résultat net s'établit à 222,1 millions, en diminution de 19 % du fait de produits exceptionnels en 2005 résultant de reprises importantes de provisions.

III. - Thales est un groupe d'électronique tant civile (environ un tiers du chiffre d'affaires) que militaire (deux tiers). Il est particulièrement tourné vers l'international, réalisant 70 % de son chiffre d'affaires à l'étranger, principalement en Europe. Le Royaume-Uni constitue le premier marché extérieur depuis l'acquisition de Racal.

Thales est organisé en six grandes divisions :

- « aéronautique » (24 % du chiffre d'affaires) qui propose des équipements et des systèmes embarqués civils et militaires ;

- « systèmes aériens » (15 %) qui propose des solutions de sécurité globale de l'espace aérien (notamment via Galileo) ;

- « systèmes terre et interarmées » (24 %) qui propose des systèmes globaux intégrés de renseignement, de communication et de commandement ;

- « naval » (13 %) qui propose des équipements de détection et de communication, des systèmes de combat et la maîtrise d'oeuvre de navires armés ;

- « sécurité » (12 %) qui propose des systèmes destinés à la sécurité intérieure, publique et privée ;

- « services » (12 %) qui regroupe la simulation et la formation de pilotes aériens, le conseil en organisation, la gestion d'actifs immobiliers et des services informatiques.

Après la forte hausse de l'activité au cours des années 1999 à 2002, le chiffre d'affaires a baissé en 2003 et s'est stabilisé depuis lors. Il s'est élevé à 10,3 milliards d'euros pour l'exercice 2006. Le montant des commandes a été en retrait par rapport à 2005 qui avait connu une forte hausse. L'exercice 2006 s'est caractérisé par l'amélioration de la rentabilité du groupe, le résultat opérationnel courant progressant de 4,5 % à 755 millions d'euros et le résultat net augmentant de 16 % à 388 millions d'euros.

Le principal actionnaire de Thales est l'Etat français qui y détient, après la récente augmentation de capital réservée à Alcatel-Lucent en rémunération d'apports d'actifs, 27 % du capital mais plus de 40 % des droits de vote. Le deuxième actionnaire est le groupe Alcatel-Lucent avec 20 % du capital (et 21 % des droits de vote).

Les activités navales du groupe Thales en France sont regroupées dans la société Thales Naval France (TNF), qui comprend trois divisions :

- la maîtrise d'oeuvre de navires armés ;

- le développement et l'intégration de systèmes de combat. Cette division était également en charge des équipements (radars en particulier) mais ce domaine n'étant pas cédé à DCN a été transféré à l'intérieur du groupe Thales ;

- la maintenance de navires ou d'équipements et de systèmes électroniques embarqués.

Les activités de TNF qui seront cédées à DCN représentent environ 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006 (certains contrats de montant élevé en voie d'achèvement ayant été exclus) et des effectifs de 320 personnes. Avec TNF seront également cédées ses participations de 50 % dans Armaris et de 35 % dans MO PA2.

IV. - Après avoir constitué en 2002 la société commune Armaris détenue à parité, qui regroupe les capacités de DCN et de Thales de commercialisation et de maîtrise d'oeuvre à l'exportation, les deux groupes ont souhaité approfondir leur coopération par un rapprochement de plus grande ampleur.

Les principes d'un tel rapprochement, fixés définitivement en décembre 2005, ont été alors exposés à la Commission et rendus publics. Ils consistent en la cession par Thales à DCN de ses activités navales françaises (TNF), hors équipements, et en l'entrée de Thales au capital de DCN à hauteur de 25 %.

L'Etat, DCN et Thales ont mené jusqu'à l'automne 2006 les négociations approfondies sur les conditions financières de l'opération, complétées par des « due diligences » entre DCN et Thales. Dans le même temps, l'Etat et Thales négociaient les termes d'un pacte d'actionnaires tandis que DCN et Thales finalisaient leur accord de coopération. Les termes des projets d'accords ont été exposés à la Commission et précisés sur certains points à sa demande.

L'opération a été officiellement notifiée à la Commission européenne le 12 février 2007 afin qu'elle se prononce sur sa compatibilité avec les règles communautaires de la concurrence. Le 19 mars 2007, la Commission européenne a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le marché commun.

V. - Les accords juridiques formalisant le rapprochement de DCN et de Thales et soumis à la Commission des participations et des transferts comprennent trois documents essentiels :

a) DCN et Thales ont conclu un accord de coopération industrielle et commerciale pour une durée de sept ans reconductible tacitement par périodes de cinq ans. Les objectifs de cet accord ont été publiés par un avis inséré au Journal officiel du 27 janvier 2007. L'accord « prévoit une optimisation de l'articulation des activités des deux groupes fondée sur :

- le non-rétablissement de Thales à titre direct ou indirect, après la réalisation de l'opération, dans l'une quelconque des activités exercées par TNF, Armaris et MO PA2 ;

- le libre exercice par les filiales françaises ou étrangères de Thales des activités non couvertes par l'engagement de non-rétablissement ;

- une coopération technique et industrielle fondée sur la spécialisation des activités de chaque société afin d'optimiser les investissements de chacune et de faire bénéficier chaque partie au contrat des ressources technologiques de l'autre ;

- la liberté commerciale de DCN ;

- une coopération dans le domaine des achats et des ressources humaines. »

En ce qui concerne plus particulièrement le volet commercial, « DCN conserve, suite à la réalisation de l'opération, une politique commerciale autonome et un libre accès aux appels d'offre internationaux. DCN peut par ailleurs recourir aux services de Thales International SA (THINT), entité en charge du commerce international du groupe Thales, sous réserve de l'absence de conflit d'intérêt avec une filiale de ce groupe au titre d'une affaire. »

Un comité de suivi de l'accord sera mis en place.

b) Le contrat de cession d'actions entre l'Etat et Thales définit les modalités financières de l'entrée de Thales au capital de DCN. Elles sont décrites au point VI du présent avis.

c) Le pacte d'actionnaires entre l'Etat et Thales est destiné à régir leurs droits et obligations réciproques en tant que co-actionnaires de DCN. Il précise la représentation de Thales au conseil d'administration de DCN. Il reconnaît en particulier à Thales un droit de veto sur les décisions et partenariats stratégiques majeurs, sur les acquisitions et cessions majeures d'actifs et sur les modifications du capital. Il lui reconnaît un droit de concertation préalable avec l'Etat, sans obligation de résultat, sur le budget et le plan de développement à trois ans de la société. En cas de situation de blocage lié au droit de veto ou de changement de contrôle de Thales, l'Etat peut provoquer la sortie de Thales du capital de DCN. L'accord institue certains droits de préemption.

Dans le pacte d'actionnaires, l'Etat consent à Thales une promesse de vente sur un nombre d'actions de DCN qui permettrait à Thales de porter sa participation à 35 %. Cette option est décrite au point VI du présent avis.

VI. - Les conditions financières du rapprochement de DCN et Thales ont donné lieu à de longues négociations, entre DCN et Thales et entre l'Etat et Thales, qui ont abouti à un accord global dont les modalités sont complexes. L'opération comprend l'achat par DCN de TNF et l'achat par Thales de 25 % du capital de DCN, avec une option pour Thales de porter sa participation ultérieurement à 35 %.

a) Prix d'achat de TNF par DCN :

DCN achète à Thales TNF, hors l'activité d'équipements, par paiement en numéraire au comptant d'un prix de 514 millions d'euros.

Dans les actifs acquis figurent notamment 50 % d'Armaris et 35 % de MO PA2 (société commune constituée avec DCN pour assurer la maîtrise d'oeuvre du deuxième porte-avions français). Le prix d'achat intègre une partie des synergies attendues par DCN du rapprochement de TNF et DCN.

b) Prix d'achat des actions de DCN par Thales :

Thales achète à l'Etat 25 % de DCN suivant les modalités suivantes :

- Thales paie en numéraire un prix d'achat de cette participation à l'Etat fixé à 569,1 millions d'euros ;

- ce paiement en numéraire s'entend après le versement en 2005 et 2006 d'un dividende exceptionnel par DCN à l'Etat à hauteur d'un total de 480 millions d'euros ;

- un système d'actions de préférence est mis en place pour permettre à l'Etat de demeurer seul propriétaire, après la transaction, de 376 millions d'euros de trésorerie future chez DCN qui remonteront progressivement sous la forme de dividendes prioritaires, trésorerie qui n'entre donc pas dans la valeur de DCN ayant servi au calcul du prix d'achat ;

- des compléments de prix pourront être payés par Thales :

- le premier complément portera sur la différence, si elle est positive, entre la moyenne du résultat opérationnel consolidé annuel (EBIT) de DCN qui sera constaté de 2007 à 2011 et l'EBIT prévisionnel qui a servi de base au calcul du prix comptant, correction faite notamment des contrats qui auront fait l'objet, le cas échéant, des deux autres compléments ;

- le deuxième complément, d'un montant avant capitalisation de 11,25 millions d'euros, sera dû si un contrat actuellement prospecté de vente de bâtiments militaires à l'exportation entre en vigueur avant le 31 décembre 2013 ;

- le troisième complément, d'un montant avant capitalisation de 24,9 millions d'euros, sera dû en fonction des contrats notifiés avant le 31 décembre 2012 à DCN relatifs au deuxième porte-avions destiné à la Marine nationale.

Des clauses d'ajustement en faveur de Thales sont par ailleurs prévues ; elles s'imputeront sur les compléments de prix sans que ceux-ci puissent devenir globalement négatifs.

c) Garanties :

L'Etat ne donne pas de garanties à Thales. Toutefois, l'Etat souscrit à un certain nombre de déclarations qui concernent principalement le respect par DCN de diverses réglementations qui lui sont applicables et le caractère exact et exhaustif de l'information fournie à Thales dans le cadre des « dues diligences ». En cas de préjudice résultant d'une inexactitude de ces déclarations, Thales a le droit de réclamer des compensations financières dont le montant est plafonné.

d) Option pour Thales de porter sa participation à 35 % du capital de DCN :

L'Etat accorde à Thales une option lui permettant de monter à 35 % du capital de DCN. L'option pourra être exercée au terme d'un délai de deux ans pendant une période de trois ans. Le prix par action sera identique à celui payé par Thales pour l'acquisition des 25 % initiaux, compléments de prix éventuels inclus ; il sera capitalisé et corrigé des dividendes payés sur les actions faisant l'objet de l'option d'achat. Les compléments de prix éventuels ultérieurs porteront sur la totalité des 35 %. Le prix sera payé par Thales en numéraire à l'Etat ou par apport d'actifs à DCN.

VII. - Conformément à la loi, la Commission a examiné les conditions financières de l'accord dont les différents éléments (acquisition de TNF par DCN et entrée de Thales au capital de DCN) constituent un tout.

Elle a disposé à cette fin des rapports d'évaluation établis par les banques conseils de l'Etat, de DCN et de Thales.

Les banques ont procédé à l'évaluation de DCN sur la base des méthodes suivantes :

- l'actualisation des flux de trésorerie : la banque conseil de DCN a retenu le plan d'affaires élaboré en septembre 2006 par l'entreprise tandis que les banques conseils de l'Etat et de Thales se sont appuyées sur un plan d'affaires ajusté intégrant un certain nombre d'hypothèses différentes de celles de l'entreprise, notamment en termes de prises de commandes futures et de marges. Ces plans d'affaires couvrent la période 2006-2014. Une année normative est définie avec un taux de croissance à l'infini pour calculer la valeur résiduelle. La valeur d'Armaris a été déterminée séparément sur la base du plan d'affaires révisé d'Armaris ;

- deux des banques conseils ont également utilisé la méthode des multiples de sociétés comparables ; comme il n'existe pas de maître d'oeuvre naval militaire coté, l'échantillon des comparables a été constitué pour l'une des banques par des valeurs européennes du secteur de la défense, avec l'EBITDA comme agrégat principal de référence, et pour l'autre banque par des constructeurs navals plus généralistes (Aker Yards et Fincantieri), le résultat d'exploitation étant alors l'agrégat retenu ;

- une des banques conseils a également étudié l'actif net consolidé réévalué de DCN.

Les banques conseils soulignent que, dans le cas d'espèce, la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie doit être privilégiée, la méthode des multiples boursiers souffrant du manque de comparable véritable et de la difficulté de définir l'agrégat de résultat d'exploitation récurrent pour une société récente comme l'est DCN.

Sur ces bases, les banques conseils ont présenté des évaluations dont elles ont ensuite étudié la sensibilité par rapport à des variations des paramètres financiers et des hypothèses opérationnelles.

Les banques conseils ont également évalué, par actualisation des flux, les actifs de TNF cédés par Thales à DCN. Les plans d'affaires utilisés couvrent la période 2007-2014. Les évaluations présentées sont convergentes.

Pour apprécier l'économie d'ensemble de l'opération envisagée, les banques prennent enfin en compte, sur la base de plusieurs scenarii, les compléments de prix susceptibles de s'ajouter au paiement comptant prévu pour l'acquisition par Thales de sa participation dans DCN. Elles concluent à l'équilibre de la transaction sur la base du plan d'affaires de référence.

VIII. - La Commission a procédé à l'examen de l'accord industriel et commercial. L'alliance de DCN et de Thales est de nature à permettre à DCN de consolider sa place de leader européen du secteur naval de défense et de constituer un pôle majeur dans la perspective de regroupements européens dans ce secteur, dont certains sont déjà engagés.

Même s'il ne modifie pas significativement la taille du groupe, l'apport de TNF à DCN renforce le positionnement de DCN en tant que maître d'oeuvre et intégrateur de navires armés, doté d'un portefeuille d'activités couvrant l'ensemble de la vie des navires, depuis la conception et l'ingénierie jusqu'au maintien en condition opérationnelle et au démantèlement.

L'intégration d'Armaris dans DCN donnera à celui-ci la maîtrise de ses activités commerciales et simplifiera la gestion du dispositif de vente à l'exportation. Grâce à l'accord de coopération, DCN pourra continuer à bénéficier du soutien du réseau commercial international de Thales.

La coopération entre les deux groupes devrait leur permettre d'optimiser les investissements, ainsi que les efforts de recherche, et les faire bénéficier de leurs ressources technologiques respectives. Thales pourra aussi apporter des compétences en matière de gestion, favorisant et accélérant l'évolution de DCN, déjà bien engagée au cours de ces dernières années.

L'appréciation de la valeur des sociétés concernées par l'opération, DCN et TNF, s'est heurtée à la difficulté de valoriser une activité composée principalement de grands contrats à forte valeur unitaire, dont certains ne sont pas encore assurés. L'obtention effective des contrats reste affectée d'incertitude, notamment à l'exportation, dans un contexte de forte concurrence internationale et de manque de visibilité sur les budgets militaires des pays concernés. Les parties ont dû trouver un accord sur les conditions financières de l'opération de rapprochement entre DCN et Thales en tenant compte de cette caractéristique.

Le prix au comptant payé par Thales ne représente donc qu'un élément de la transaction financière. Il doit au surplus être apprécié en tenant compte des retraits de liquidités opérés par l'Etat via les dividendes exceptionnels perçus en 2005 et 2006 et via le système d'actions de préférence dont il bénéficiera. Le prix au comptant a été déterminé en retenant dans le plan d'affaires de référence, pour chaque grand contrat prospecté, un pourcentage de probabilité d'obtention. Les pourcentages retenus sont par nature incertains mais ont été évalués sur des hypothèses prudentes et qui n'apparaissent pas déraisonnables à la Commission. Ils sont identiques, s'agissant de chaque contrat, pour l'évaluation de TNF et de DCN, même si la sensibilité à leur variation peut être différente sur les deux évaluations.

Si deux grands projets identifiés ainsi probabilisés se réalisent, alors Thales versera un complément de prix, de même si les résultats opérationnels de DCN sont supérieurs aux prévisions ayant servi à la détermination du prix. Il est important de noter qu'il n'est pas prévu d'ajustement net en sens inverse si les contrats n'étaient pas obtenus ou si les résultats ne sont pas à la hauteur de ceux prévus.

L'approche adoptée par les parties peut légitimement paraître comme la seule ayant pu permettre d'aboutir à un accord. Elle apparaît équilibrée, comme les travaux réalisés par les banques conseils le montrent, l'Etat bénéficiant des scenarii favorables grâce aux compléments de prix. Elle valorise pour l'Etat les potentialités de l'entreprise qui sont importantes mais par nature incertaines. A travers le complément de prix relatif à l'EBIT, une partie des synergies résultant du rapprochement seront bien incluses dans le prix final.

Les parties (l'Etat, Thales et DCN) ont convenu de négocier les prix sans inclure de prime de contrôle à payer par DCN pour l'achat de TNF ou par Thales pour l'entrée dans DCN. La complexité de la transaction qui forme un tout aurait rendu difficile la détermination de taux de prime de contrôle objectifs. Par ailleurs, les parties ont déterminé les prix sur la base de la méthode de l'actualisation des flux qui, supposant la maîtrise des flux, est plus particulièrement destinée à l'acquisition d'une participation majoritaire.

Les conditions de l'exercice de l'option par Thales de porter sa participation à 35 %, fondées sur le prix d'origine actualisé, peuvent l'assimiler à un paiement de prix différé. Le coût pour Thales de ne pas exercer l'option serait la perte de certains droits que lui accorde le pacte d'actionnaires. Ces conditions paraissent donc équilibrées.

Premier groupe du secteur naval de défense en Europe, et troisième au monde, DCN dans son nouveau périmètre conforte ses positions acquises et son potentiel de développement sur le marché mondial, tout en se positionnant en vue de la probable consolidation européenne à venir du secteur. L'Etat peut ainsi escompter de ce rapprochement une valorisation de la participation majoritaire qu'il conserve dans DCN.

La Commission estime qu'au total l'opération qui lui a été présentée respecte les intérêts patrimoniaux de l'Etat et n'est pas contraire aux intérêts de la défense nationale.

Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la Commission émet un avis favorable à l'opération qui lui a été présentée ainsi qu'au projet d'arrêté annexé au présent avis.



Le président,

F. Lagrange