J.O. 56 du 7 mars 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007


NOR : CSCX0710109S



Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la prévention de la délinquance, le 26 février 2007, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Lilian Zanchi, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Yves Le Déaut, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, M. Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Pérez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Mme Christiane Taubira, députés,

et, le même jour, par M. Jean-Pierre Bel, Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Yolande Boyer, Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Michel Charasse, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. André Lejeune, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, Thierry Repentin, Roland Ries, André Rouvière, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropeano, André Vantomme et Richard Yung, sénateurs ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Le rapporteur ayant été entendu,

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la prévention de la délinquance ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 8, 55, 57 et 60 ;

Sur l'article 8 :

2. Considérant que l'article 8 de la loi déférée insère dans le code de l'action sociale et des familles un nouvel article L. 121-6-2 ; que celui-ci définit le cadre dans lequel les professionnels de l'action sociale peuvent partager entre eux des informations confidentielles et les transmettre au maire ou au président du conseil général ;

3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent le droit à la vie privée et sont entachées d'incompétence négative ;

4. Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; qu'aux termes des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;

5. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, les exigences de solidarité découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ;

6. Considérant que c'est afin de mieux prendre en compte l'ensemble des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille et de renforcer l'efficacité de l'action sociale, à laquelle concourt une coordination accrue des différents intervenants, que le législateur a prévu, dans certaines hypothèses, de délier ces derniers du secret professionnel ; qu'il a précisé que, si l'un d'eux agit seul auprès d'une personne ou d'une famille, il ne doit donner d'informations au maire de la commune ou au président du conseil général que « lorsque l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles » de cette personne ou de cette famille « appelle l'intervention de plusieurs professionnels » ; qu'il n'a autorisé les professionnels qui agissent auprès d'une personne ou d'une même famille, ainsi que le coordonnateur éventuellement désigné parmi eux par le maire, « à partager entre eux des informations à caractère secret » qu'« afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre » et seulement dans la mesure « strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale » ; qu'il n'a permis à un professionnel, agissant seul ou en tant que coordonnateur, de délivrer ces informations confidentielles au maire ou au président du conseil général, qui disposent déjà, à d'autres titres, d'informations de cette nature, que si elles sont strictement nécessaires à l'exercice des compétences de ceux-ci ; qu'il a, enfin, précisé que la communication de telles informations à des tiers est passible des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal ;

7. Considérant que le législateur a ainsi assorti les échanges d'informations qu'il a autorisés de limitations et précautions propres à assurer la conciliation qui lui incombe entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, les exigences de solidarité découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ; que, ce faisant, il n'a, en outre, pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

8. Considérant qu'il suit de là que les griefs dirigés contre l'article 8 de la loi déférée doivent être écartés ;

Sur les articles 55, 57, 58 et 60 :

En ce qui concerne les normes applicables :

9. Considérant que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ;

10. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 que doivent être respectés, à l'égard des mineurs comme des majeurs, le principe de la présomption d'innocence, celui de la nécessité et de la proportionnalité des peines et celui des droits de la défense ; que doit être respectée également la règle énoncée à l'article 66 de la Constitution, selon laquelle « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;

11. Considérant, enfin, que, lorsqu'il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences constitutionnelles énoncées ci-dessus avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ;

En ce qui concerne l'article 55 :

12. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 55 de la loi déférée se borne à modifier le deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 2 février 1945 afin de donner à la procédure de « jugement à délai rapproché » la dénomination de « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » ; que ce changement terminologique n'appelle par lui-même aucune critique de constitutionnalité ;

En ce qui concerne l'article 58 :

13. Considérant que le 2° de l'article 58 de la loi déférée modifie l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 afin non seulement de procéder au même changement de dénomination, mais encore de définir de nouvelles modalités d'application de cette procédure ; qu'il prévoit que le mineur de seize à dix-huit ans pourra être jugé à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation devant le procureur de la République, sans attendre l'expiration du délai de dix jours qui doit, en principe, séparer la date de cette présentation de celle de l'audience du tribunal pour enfants ; qu'il dispose que cette procédure est applicable aux mineurs qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an en cas de flagrance ou supérieure ou égale à trois ans dans les autres cas ;

14. Considérant qu'en contestant l'article 55 de la loi déférée, les requérants entendent soutenir que les dispositions précitées de son article 58 méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, en établissant, pour ces derniers, une procédure de jugement « quasi semblable à celle dite de comparution immédiate en vigueur pour les majeurs » ;

15. Considérant que les nouvelles modalités de la procédure de « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs », comme celles auxquelles elles se substituent, ne sont applicables qu'aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans ; que ces derniers ne peuvent être traduits que devant le tribunal pour enfants ou, dans l'attente de la première audience de ce tribunal, devant le juge des enfants ; qu'il ne pourra en être ainsi que si des investigations sur leur personnalité ont été accomplies à l'occasion soit de la procédure en cours, soit d'une autre procédure antérieure de moins d'un an ; que le tribunal pour enfants conserve la faculté soit de renvoyer l'affaire à une prochaine audience s'il estime qu'elle n'est pas en état d'être jugée, soit de renvoyer le dossier au procureur de la République si des investigations supplémentaires sont nécessaires ;

16. Considérant que, si le quantum des peines qui détermine la faculté de recourir à cette procédure est abaissé, il demeure supérieur à celui qui conditionne le recours à la comparution immédiate pour les majeurs ; que, si la loi permet de procéder au jugement de l'affaire sans que soit respecté le délai minimal de dix jours, c'est à la condition que le mineur et son avocat y consentent expressément et que les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, ne s'y opposent pas ;

17. Considérant, eu égard à l'ensemble des précautions ainsi prises par le législateur, que le 2° de l'article 58 de la loi déférée ne méconnaît ni les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs, ni aucune autre exigence constitutionnelle ;

En ce qui concerne l'article 57 :

18. Considérant que l'article 57 de la loi déférée modifie l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 afin d'élargir les conditions dans lesquelles il peut être recouru au contrôle judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans en matière correctionnelle et, en cas de violation de certaines obligations du contrôle judiciaire, à la détention provisoire ; qu'il prévoit que le contrôle judiciaire sera désormais possible non seulement lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans et que le mineur a déjà fait l'objet de mesures éducatives ou d'une condamnation, mais encore lorsque la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans ; que l'article 57 complète également la liste des obligations auxquelles les mineurs peuvent être soumis dans le cadre de cette mesure ;

19. Considérant que les requérants soutiennent que, faute de prévoir des conditions relatives au passé pénal des mineurs, ces dispositions nient « la spécificité du droit pénal des mineurs tenant, notamment, à la prise en compte de leur personnalité et de leur évolution » ;

20. Considérant qu'aux termes du II de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 dans sa rédaction issue de l'article 57 de la loi déférée, le contrôle judiciaire peut comprendre une ou plusieurs des obligations suivantes : « 1° Se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou à un service habilité, mandaté à cette fin par le magistrat ; - 2° Respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité auquel le mineur a été confié par le magistrat en application des dispositions de l'article 10 et notamment dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33 ou respecter les conditions de placement dans un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique ; - Toutefois, les obligations prévues au 2° ne peuvent être ordonnées que pour une durée de six mois et ne peuvent être renouvelées par ordonnance motivée qu'une seule fois pour une durée au plus égale à six mois ; - 3° Accomplir un stage de formation civique ; - 4° Suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité » ;

21. Considérant que, comme le prévoient les dispositions actuellement en vigueur de l'ordonnance du 2 février 1945, l'article 57 n'autorise le placement en détention provisoire que dans l'hypothèse où le mineur ne respecte pas les obligations d'un contrôle judiciaire consistant dans le placement dans un centre éducatif fermé ; qu'il n'étend la possibilité d'être placé dans un tel centre que dans le cas où le mineur n'a pas respecté d'autres obligations du contrôle judiciaire auxquelles il a été dans un premier temps soumis ;

22. Considérant que, eu égard à la gravité des infractions en cause et au rôle que le contrôle judiciaire, tel qu'il est prévu en l'espèce, peut jouer dans le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants, le législateur pouvait, sans méconnaître les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs, prévoir la possibilité de placer un mineur sous contrôle judiciaire lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans d'emprisonnement, sans subordonner cette mesure à une condition supplémentaire tenant au passé pénal de l'intéressé ;

23. Considérant, dès lors, que les griefs dirigés contre l'article 57 de la loi déférée doivent être écartés ;

Sur l'article 60 :

24. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, qui a pour origine les articles 66 et 67 du code pénal en vigueur en 1945, permet au tribunal pour enfants ou à la cour d'assises des mineurs d'écarter, pour les mineurs de plus de seize ans, l'atténuation de responsabilité pénale prévue au premier alinéa de cet article 20-2 « compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur » ; que l'article 60 de la loi déférée permet désormais de l'écarter en outre lorsque « les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale » ; qu'il précise que cette décision, lorsqu'elle est prise par le tribunal pour enfants, doit être « spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l'état de récidive légale » ;

25. Considérant que les requérants soutiennent que cette disposition méconnaît les principes constitutionnels applicables aux mineurs, le principe d'individualisation de la peine et les droits de la défense ;

26. Considérant, en premier lieu, que le législateur n'a dispensé le tribunal pour enfants de motiver sa décision d'exclure l'atténuation de responsabilité pénale que pour les mineurs de plus de seize ans qui se trouvent en état de récidive légale pour un crime ou un délit constitutif d'une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne ; que l'exclusion de cette atténuation de responsabilité est alors justifiée par le constat, par le tribunal pour enfants, de la nature des faits et de l'état de récidive légale ;

27. Considérant, par ailleurs, que les dispositions critiquées maintiennent le principe selon lequel, sauf exception justifiée par l'espèce, les mineurs de plus de seize ans bénéficient d'une atténuation de responsabilité pénale ; qu'elles ne font pas obstacle à ce que la juridiction maintienne cette atténuation y compris dans le cas où les mineurs se trouvent en état de récidive ; qu'elles sont, en outre, sans incidence sur l'obligation faite au tribunal pour enfants, en vertu du troisième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 2 février 1945, de motiver spécialement le choix de prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis ;

28. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, s'impose dans le silence de la loi ;

29. Considérant, en troisième lieu, que l'état de récidive peut être discuté contradictoirement devant la juridiction de jugement ;

30. Considérant, eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, que les griefs dirigés contre l'article 60 de la loi déférée doivent être écartés ;

Sur les conditions d'adoption du III de l'article 34 :

31. Considérant que le III de l'article 34 de la loi déférée complète le premier alinéa de l'article 2-19 du code de procédure pénale afin d'étendre à la diffamation les cas dans lesquels les associations départementales de maires peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile ;

32. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi est votée par le Parlement » ; qu'aux termes du premier alinéa de son article 39 : « L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » ; que le droit d'amendement que la Constitution confère aux parlementaires et au Gouvernement est mis en oeuvre dans les conditions et sous les réserves prévues par ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 ;

33. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit d'amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement, doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu'il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;

34. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ;

35. Considérant, par suite, que doivent être regardées comme adoptées selon une procédure irrégulière les adjonctions ou modifications apportées à un projet ou à une proposition de loi dans des conditions autres que celles précisées ci-dessus ;

36. Considérant, en l'espèce, que l'amendement dont est issu le III de l'article 34 a été adopté en deuxième lecture ; que cette adjonction n'était pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elle n'était pas non plus destinée à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de la regarder comme ayant été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ;

37. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

Décide :


Article 1


Le III de l'article 34 de la loi relative à la prévention de la délinquance est déclaré contraire à la Constitution.

Article 2


Les articles 8, 55, 57, 58 et 60 de la même loi ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 3


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mars 2007, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe et Valéry Giscard d'Estaing, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.


Le président,

Pierre Mazeaud