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Décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007


NOR : CSCX0710089S



Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, le 22 février 2007, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Lilian Zanchi, Mme Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Yves Le Déaut, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, M. Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Pérez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Mme Christiane Taubira, députés,

et, le 23 février 2007, par M. Jean-Pierre Bel, Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Boumediene-Thiery, Yolande Boyer, Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Michel Charasse, Pierre-Yves Collombat, Yves Dauge, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. André Lejeune, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, Thierry Repentin, Roland Ries, André Rouvière, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropeano, André Vantomme et Richard Yung, sénateurs,

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 23 février 2007 ;

Le rapporteur ayant été entendu,

1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ; qu'ils contestent en particulier la conformité à la Constitution du sixième alinéa de l'article 99 et de l'article 103 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, dans leur rédaction issue de l'article 6 de la loi déférée ;

2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions « méconnaissent le principe d'égalité, le principe du pluralisme et, en tout état de cause, l'article 34 de la Constitution dès lors que le législateur n'a pas épuisé sa propre compétence » ;

Sur le principe d'égalité :

En ce qui concerne les normes applicables :

3. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

4. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; qu'en outre, si l'article 13 de la même Déclaration n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant, enfin, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ;

En ce qui concerne le nouvel article 99 de la loi du 30 septembre 1986 :

6. Considérant que le nouvel article 99 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit, en son premier alinéa, que : « Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique prend fin au plus tard le 30 novembre 2011 » ; qu'aux termes de son sixième alinéa : « Par dérogation au I de l'article 28-1, les autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services nationaux de télévision préalablement diffusés sur l'ensemble du territoire métropolitain par voie hertzienne terrestre en mode analogique accordées aux éditeurs de ces services sont prorogées de cinq ans, à la condition que ces éditeurs soient membres du groupement d'intérêt public institué à l'article 100. Le bénéfice de cette prorogation est écarté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 42-7 et aux articles 42-8 et 42-9, si l'éditeur de ces services qui diffuse ses programmes par voie hertzienne en mode analogique perd la qualité de membre du groupement avant la dissolution de celui-ci » ;

7. Considérant que cette prorogation est subordonnée, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la participation des éditeurs concernés au groupement d'intérêt public notamment chargé par le nouvel article 100 de mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement de l'extinction de la diffusion analogique et de gérer le fonds d'aide destiné, en application du nouvel article 102, à garantir aux foyers défavorisés la continuité de la réception gratuite des programmes de télévision qu'ils recevaient auparavant en mode analogique ; qu'elle repose dès lors sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec le but poursuivi par le législateur ;

En ce qui concerne le nouvel article 103 de la loi du 30 septembre 1986 :

8. Considérant qu'aux termes du nouvel article 103 de la loi du 30 septembre 1986 : « A l'extinction complète de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique d'un service national de télévision préalablement autorisé sur le fondement de l'article 30, le Conseil supérieur de l'audiovisuel accorde à l'éditeur de ce service qui lui en fait la demande, sous réserve du respect des articles 1er, 3-1, 26 et 39 à 41-4, un droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion d'un autre service de télévision à vocation nationale, à condition que ce service ne soit lancé qu'à compter du 30 novembre 2011 et qu'il remplisse les conditions et critères énoncés aux deuxième et troisième alinéas du III de l'article 30-1, souscrive à des obligations renforcées de soutien à la création en matière de diffusion et de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française fixées par décret en Conseil d'Etat et soit édité par une personne morale distincte, contrôlée par cet éditeur au sens du 2° de l'article 41-3 » ;

9. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 104 : « La mise en oeuvre du présent titre n'est pas susceptible d'ouvrir droit à réparation » ;

10. Considérant que la loi déférée met fin, de façon anticipée et progressive, à compter du 30 mars 2008, à la diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique ; qu'elle aura pour effet de réduire la durée des autorisations de diffusion qui avaient été accordées aux éditeurs de ces services jusqu'en décembre 2010, février 2012 et avril 2012 selon les cas ; qu'elle porte ainsi atteinte à des situations légalement acquises ;

11. Considérant, en premier lieu, que les éditeurs nationaux de services de télévision diffusés en mode analogique sont, au regard de l'extinction anticipée de ce mode de diffusion, dans une situation différente de celle des éditeurs nationaux diffusant exclusivement leurs services en mode numérique ;

12. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi déférée qu'en attribuant, à l'exclusion de toute autre forme de réparation, un autre service de télévision à vocation nationale à chacun des trois éditeurs dont les autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique seront progressivement privées d'effets avant leur terme, le législateur a voulu indemniser le préjudice qui leur sera ainsi causé ; qu'il s'est notamment référé aux dépenses inhérentes au passage anticipé à une diffusion exclusivement numérique ;

13. Considérant, en outre, qu'afin de ne pas défavoriser les nouveaux éditeurs de la télévision numérique terrestre, les trois services compensatoires de télévision numérique ne pourront être attribués et offerts au public qu'à l'extinction définitive de la diffusion analogique, soit le 30 novembre 2011 ; que les éditeurs de ces trois services devront souscrire à des obligations renforcées en matière de diffusion et de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française et européenne ; qu'ils seront également soumis aux dispositions de droit commun de la loi du 30 septembre 1986 tendant à limiter la concentration dans le secteur de la communication ;

14. Considérant, dans ces conditions, que le nouvel article 103 de la loi susvisée du 30 septembre 1986 n'apporte pas aux éditeurs concernés une compensation manifestement disproportionnée ;

Sur la liberté d'expression et le pluralisme des courants de pensées et d'opinions :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que le pluralisme des courants de pensées et d'opinions est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de son expression est une condition de la démocratie ;

16. Considérant que les mesures prises par le législateur tendant à généraliser la diffusion des programmes de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique auront pour effet de faciliter l'accès du plus grand nombre de téléspectateurs à des programmes diversifiés ; qu'il s'ensuit que, loin de porter atteinte à la liberté d'expression ou au pluralisme des courants de pensées et d'opinions, les nouvelles dispositions, dans leur économie générale, sont de nature à les favoriser ; que, s'agissant des dispositions particulières du nouvel article 103 de la loi du 30 septembre 1986, il appartiendra aux autorités compétentes, à l'occasion de l'autorisation de nouveaux services numériques et de l'attribution des trois services compensatoires, de veiller au respect du pluralisme des courants de pensées et d'opinions compte tenu des ressources radioélectriques alors disponibles ; que, sous cette réserve, le nouvel article 103 de la loi du 30 septembre 1986 n'est pas contraire à la Constitution ;

Sur l'incompétence négative :

17. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'est pas resté en deçà de la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution pour fixer « les règles concernant... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ;

18. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

Décide :


Article 1


Sous la réserve énoncée au considérant 16, les nouveaux articles 99 et 103 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée résultant de l'article 6 de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 2


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 février 2007, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, M. Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.


Le président,

Pierre Mazeaud