J.O. 27 du 1 février 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique


NOR : CSCL0709936X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre les articles 23 et 24 de la loi ratifiant l'ordonnance no 2005-1040 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions, modifiant le code de la santé publique et habilitant le Gouvernement à modifier les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement, adoptée le 14 décembre 2006.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur l'article 23


A. - L'article 23 de la loi déférée a pour objet d'autoriser, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement, en particulier pour préciser le rôle des professions de santé dans l'administration de ces soins. Il prévoit que l'ordonnance doit être prise dans un délai de deux mois suivant la publication de la loi déférée et qu'un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

Les députés requérants font valoir que cet article aurait été adopté en méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution.

B. - Cette critique appelle les observations suivantes.

Il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire.

Le Conseil constitutionnel n'impartit plus à l'exercice du droit d'amendement des limites tenant à l'ampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (décision no 2001-445 DC du 19 juin 2001 ; décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002). La seule limite opposable à l'exercice du droit d'amendement, en première lecture, tient au fait que les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne peuvent être dépourvues de tout lien avec le texte soumis au Parlement (décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002 ; décision no 2002-459 DC du 22 août 2002 ; décision no 2003-472 DC du 26 juin 2003 ; décision no 2003-481 DC du 30 juillet 2003 ; décision no 2005-532 DC du 19 janvier 2006 ; décision no 2006-533 DC du 16 mars 2006).

Au cas présent, l'article 23 de la loi déférée est issu d'un amendement présenté par le Gouvernement qui a été adopté lors de l'examen du projet de loi, en première lecture, à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement considère qu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec les dispositions qui avaient été initialement soumises au Parlement.

La loi déférée a pour objet principal la ratification de l'ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005 relative, notamment, à l'organisation de certaines professions de santé.

Or l'autorisation donnée au Gouvernement par l'article 23 de modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement affecte l'organisation de la profession des psychiatres amenés à intervenir dans les procédures qui conduisent à l'administration de tels soins.

Ainsi que le précise le 3° de l'article 23, l'ordonnance prise à la suite de la publication de la loi déférée précisera en particulier le rôle des professions de santé et des autorités locales et visera à améliorer leur information, notamment pour ce qui concerne les procédures de levée de soins.

L'ordonnance devrait sur ce fondement instituer une procédure qui conférerait un rôle nouveau aux professionnels de la psychiatrie. La décision d'admission en soins sans consentement pourrait être prononcée sur le fondement d'un seul certificat médical et non de deux, ainsi que l'exigent les dispositions aujourd'hui en vigueur. Par ailleurs, un régime d'incompatibilités applicable aux professionnels appelés à examiner la personne serait institué : l'auteur du premier certificat médical ne pourrait ainsi, par exemple, signer ultérieurement d'autres certificats. Enfin, le fonctionnement des commissions départementales des soins psychiatriques serait amélioré et leur composition modifiée pour assurer une meilleure représentation des associations. Leurs missions seraient également précisées pour être recentrées vers les cas les plus délicats, tels que les procédures en l'absence de tiers ou les soins sans consentement d'une durée de plus d'un an.

Le Gouvernement estime, dans ces conditions, que l'article 23 ne peut être regardé comme étant dépourvu de tout lien avec l'objet initial du projet de loi.


II. - Sur l'article 24


A. - L'article 24 prévoit, à son premier alinéa, qu'à défaut de conclusion un mois après l'entrée en vigueur de la loi déférée d'un avenant conventionnel, pris en application des articles L. 162-5 et L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, autorisant des médecins relevant de certaines spécialités, sous des conditions tenant notamment à leur formation, à leur expérience professionnelle, à la qualité de leur pratique et à l'information des patients sur leurs honoraires, à pratiquer de manière encadrée des dépassements d'honoraires pour une partie de leur activité, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peut, pendant un délai de quatre mois, se substituer à cette carence des partenaires conventionnels. Le second alinéa de l'article 24 précise que ce même arrêté pourra également modifier les tarifs et rémunérations des médecins spécialistes autorisés à pratiquer des dépassements, lorsqu'aucun dépassement n'est facturé, pour les rendre égaux aux tarifs applicables aux médecins qui ne sont pas autorisés à en pratiquer.

Les députés saisissants font valoir que ces dispositions ne satisferaient pas aux exigences résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 relatives notamment à la garantie de la protection de la santé.

B. - Ce moyen sera écarté.

Depuis 1980 certains médecins, principalement les anciens chefs de clinique, sont autorisés à s'installer en secteur 2, c'est-à-dire à pratiquer des dépassements d'honoraires. La conséquence de ce mécanisme a été la réduction progressive de la part du secteur à tarifs opposables (secteur 1), en particulier dans certaines disciplines comme la chirurgie. Dans cette spécialité, la proportion de praticiens exerçant en secteur 1 n'excède pas 20 % et diminue chaque année.

Pour freiner cette évolution, l'accès au « secteur 2 » a été réservé à partir de 1990 aux nouveaux installés. Cette règle a été perçue comme inéquitable par les médecins anciens chefs de clinique qui avaient fait le choix du secteur 1 au moment de leur installation.

A la suite de l'accord du 24 août 2004 relatif à la chirurgie, des négociations se sont engagées avec les syndicats médicaux et les organismes complémentaires pour créer un secteur optionnel, ouvert à tous les anciens chefs de clinique, devant comporter des engagements à accomplir une part significative d'actes à tarifs opposables, des engagements sur les dépassements tarifaires et, en contrepartie, des avantages correspondant à des majorations de tarifs ou à la prise en charge de cotisations sociales.

Dans la mesure où ces négociations n'ont, à ce jour, pas encore abouti, les dispositions de l'article 24 de la loi déférée ont pour objet, à défaut de conclusion d'un avenant conventionnel un mois après l'entrée en vigueur de la loi, de permettre aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale d'intervenir par arrêté, pendant un délai de quatre mois, pour créer ce secteur optionnel.

Contrairement à ce qui est soutenu, l'article 24 de la loi déférée ne porte pas atteinte au droit à la protection de la santé en organisant la disparition du secteur à tarifs opposables.

Il a, à l'inverse, précisément pour objet de garantir le maintien des soins à tarifs opposables dans des disciplines où la majorité des professionnels exercent en secteur 2. A cet égard, l'exemple de la chirurgie est éclairant. A ce jour, 80 % de ces praticiens exercent en secteur 2 et les nouveaux chirurgiens s'installent dans ce même secteur. En conséquence, la population des chirurgiens qui demeurent dans le secteur 1 se réduit au fil du temps : seuls les praticiens qui ont irrévocablement choisi ce secteur à l'origine continuent d'y exercer mais, compte tenu des départs à la retraite, le secteur 1 est, à défaut de réforme, destiné à voir ses effectifs diminuer constamment. Sans l'intervention du législateur, l'offre de soins pour les assurés se limiterait, à moyen terme, à celle proposée par les chirurgiens exerçant dans le secteur 2.

S'agissant de ces spécialités pour lesquelles la proportion de médecins pratiquant en secteur 1 diminue, et prioritairement des chirurgiens, l'objet des dispositions critiquées est donc de préserver l'accès des assurés à des soins à tarifs opposables. L'effet qui en est attendu est double.

La logique des dispositions de l'article 23 est de favoriser le choix de médecins installés actuellement en secteur 2 ou s'installant pour la première fois à choisir ce nouveau secteur optionnel dans lequel les dépassements d'honoraires seront encadrés et une part significative de l'activité des médecins s'accomplira sans dépassements. En contrepartie, les adhérents bénéficieront de tout ou partie des avantages accordés aux médecins exerçant en secteur 1, tels que les majorations de tarifs ou la prise en charge de cotisations sociales. Ce nouveau secteur est qualifié d'optionnel car, d'une part, les praticiens seront libres de le choisir lors de leur adhésion à la convention et, d'autre part, ce choix ne sera pas irrévocable. Ce dispositif incitatif a pour but, d'un côté, de permettre à certains spécialistes de quitter le secteur 1 et, de l'autre, d'attirer ceux qui exercent en secteur 2 pour prodiguer leurs soins dans ce secteur optionnel, de sorte que l'offre de soins à tarifs opposables se trouvera augmentée par rapport à la situation actuelle, et préservée pour l'avenir par rapport à l'évolution attendue, à législation constante, des effectifs du secteur 1.

Par ailleurs, le second alinéa de l'article critiqué offre aux ministres concernés la possibilité de modifier les tarifs et rémunérations de l'ensemble des médecins spécialistes exerçant en secteur 2, lorsque aucun dépassement n'est facturé, pour les rendre égaux aux tarifs applicables aux médecins qui ne sont pas autorisés à en pratiquer. Les médecins exerçant en secteur 1 bénéficient en effet de tarifs supérieurs à ceux que peuvent pratiquer leurs confrères de secteur 2. Ces derniers, même s'ils ne pratiquent pas de dépassements, ne bénéficient pas des mêmes majorations. La disposition du second alinéa a pour objet d'habiliter l'arrêté susceptible d'intervenir en cas de carence des partenaires conventionnels à prévoir que les médecins exerçant en secteur 2 bénéficieront de ces avantages tarifaires jusqu'ici réservés à ceux exerçant en secteur 1. L'octroi de ces avantages sera ainsi de nature à inciter les médecins exerçant en secteur 2, même s'ils ne rejoignent pas le nouveau secteur optionnel, à pratiquer des tarifs opposables, sous réserve qu'ils facturent leurs actes sans dépassements.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que le grief tiré d'une atteinte à la protection de la santé ne pourra qu'être écarté.


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Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs de la saisine doivent être écartées. C'est pourquoi il demande au Conseil constitutionnel de rejeter le recours dont il est saisi.