J.O. 302 du 30 décembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis sur le projet de décret approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport de l'électricité


NOR : INDI0608911V



L'article 12-II de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dispose que « le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité exerce ses missions dans les conditions fixées par un cahier des charges type de concession approuvé par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission de régulation de l'énergie ».

Dans ce cadre, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 17 octobre 2005, par le ministre délégué à l'industrie, d'un projet de décret approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport (RPT) de l'électricité. Elle a été saisie, à nouveau, le 18 janvier 2006, d'un projet modifié tenant compte des observations formulées par le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz (CSEG), lors de sa séance du 17 janvier 2006. La CRE a auditionné les principaux acteurs concernés, les 2 et 9 février 2006, afin de recueillir leurs observations sur le projet modifié.

Ce texte, qui a vocation à organiser les relations entre le concédant et le concessionnaire, est lacunaire sur les dispositions à prendre au terme de la concession. Il prévoit, certes, un délai de préavis de deux ans pour l'annonce par le concédant du non-renouvellement éventuel de la concession, mais il ne fixe pas de date certaine à l'obligation de cette annonce et, donc, au terme réel du contrat. Il ne traite pas, non plus, des conséquences, notamment financières, à tirer de la situation qui existera au terme du contrat. Or, à ce terme, la liberté d'action du concédant sera restreinte.

Le projet soumis pour avis à la CRE dans sa dernière version appelle les observations suivantes, tant sur sa compatibilité et sa cohérence avec le nouveau cadre légal que sur le contenu des missions du gestionnaire du réseau public de transport qu'il propose de retenir.



A. - LE PROJET DE DÉCRET DOIT ÊTRE COMPLÉTÉ


Le projet de décret ne traite pas les problèmes entraînés par l'abrogation partielle du décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (RAG).


A1. Le traitement de la Corse nécessite un régime spécifique qui reste à déterminer


Le maintien envisagé, pour la Corse, du cahier des charges type du RAG n'est pas compatible avec la loi du 10 février 2000 et le décret no 2005-172 du 22 février 2005, définissant la consistance du réseau public de transport d'électricité.

Il ressort, en effet, de l'article 12-I de la loi du 10 février 2000 que : « Le réseau public de transport est constitué par : 1° les ouvrages exploités, à la date de publication de la loi no 2004-803 du 9 août 2004 précitée, par Electricité de France, en tant que gestionnaire du réseau public de transport [...] ». La loi no 2004-803 du 9 août 2004 n'apporte, pour sa part, pas de précision particulière, puisqu'elle se borne à énoncer, à l'article 36-I, les conditions de reclassement des ouvrages.

Les paragraphes I et II de l'article 1er du décret du 22 février 2005 comportent, toutefois, une définition fonctionnelle du réseau de transport, dont il ressort que le réseau d'alimentation générale (RAG) en électricité d'une tension supérieure à 50 kV existant en Corse à la date de publication de la loi du 9 août 2004 est un réseau public de transport d'électricité.

On peut, certes, soutenir que le réseau de transport d'électricité de la Corse, géré par Electricité de France, présente certaines particularités techniques qui le différencient matériellement du réseau géré par RTE. Le Gouvernement français a, d'ailleurs, demandé à la Commission européenne, le 27 juillet 2004, que ce réseau soit considéré comme un « petit réseau isolé » au sens de la directive européenne 2003/54/CE du 26 juin 2003 et que sa gestion puisse, à ce titre, bénéficier des dérogations prévues dans ce cas. La Commission européenne n'a pas encore pris position.

En tout état de cause, le maintien du RAG pour la Corse après l'entrée en vigueur du cahier des charges n'apparaît pas possible. Ce maintien serait préjudiciable aux utilisateurs de réseau, compte tenu des nombreuses dispositions devenues caduques ou inadaptées au nouvel environnement législatif et réglementaire.

Les particularités du réseau de transport d'électricité de la Corse pourraient être prises en compte par l'établissement d'un régime spécifique, qui trouverait son fondement dans les dispositions de l'article 37 de la loi du 9 août 2004, qui dispose que de nouvelles concessions de distribution d'électricité aux services publics sont possibles, sauf sur le territoire métropolitain continental.


A2. Le projet de cahier des charges ne couvre pas tous les besoins


A la différence de la concession du RAG dévolue à Electricité de France comportant des dispositions sur l'acheminement et la fourniture d'énergie, la concession du réseau public de transport a vocation, dans le contexte issu de l'adoption de la loi du 10 février 2000, à ne comporter que des dispositions portant sur l'acheminement de l'énergie. La loi du 10 février 2000 détermine, ainsi, dans ses articles 14, 15, 23 et 23-1, les missions du gestionnaire du réseau de transport en matière d'exploitation, d'entretien et de développement du réseau, ainsi qu'en matière d'accès du réseau à ses différentes catégories d'utilisateurs.

Dans ce contexte, le choix d'abroger le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (RAG) est pertinent. Mais il faudra que des textes de remplacement traitant des questions qui relèvent d'autres entités d'Electricité de France que RTE, telles que l'exécution des missions prévues par l'article 2-III de la loi du 10 février 2000 et l'achat de l'énergie des producteurs autonomes prévu à l'article 27 du cahier des charges du RAG, fournissent le cadre réglementaire nécessaire.

Par ailleurs, le modèle de convention de concession pour le service public de la distribution d'énergie électrique de 1992 (articles 16, 19 et 22) prévoit que les dispositions applicables aux clients desservis par le RAG sont applicables aux clients alimentés en haute tension au titre de la concession de distribution électrique. Dans l'intérêt des utilisateurs de réseau, l'abrogation partielle du décret du 23 décembre 1994 et la modification du cahier des charges de concession du réseau public de transport ne doivent pas empêcher l'harmonisation des conditions de traitement des clients alimentés en haute tension, qu'ils soient desservis par un réseau de distribution ou par le réseau de transport d'électricité. Or, dans l'état actuel du projet de texte soumis à la CRE, rien n'imposera aux gestionnaires des réseaux de distribution de procéder à cette harmonisation. Sur la base de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, le projet de décret présenté pourrait ainsi utilement prescrire une modification dans ce sens des cahiers des charges de concession de distribution électrique.

Dans le même ordre d'idée, les modifications visant, notamment, à traiter des contrats de fourniture au tarif réglementé en les soumettant partiellement au cahier des charges du réseau public de transport (articles 14-I, 14-IV, 17-IV, 17-V, 20-III et 20-VII du projet de cahier des charges) ne sont pas satisfaisantes. Cette soumission partielle ne garantit pas l'absence de toute discrimination en matière d'accès au réseau entre les clients au tarif intégré et des clients ayant fait jouer leur éligibilité. Cette garantie ne pourrait être apportée que par une modification appropriée des contrats de fourniture au tarif réglementé. Or, à la différence des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité, qui ont un caractère d'ordre public prévu par la loi, la simple promulgation du décret approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport ne rendra pas impérative la révision des contrats de fourniture au tarif réglementé en cours d'exécution pour en rendre les stipulations relatives à l'accès au réseau compatibles avec le nouveau cahier des charges.

Enfin, le projet de cahier des charges établit, notamment dans ses articles 14-IV, 15-III, 20-VI et 22, de nouvelles contraintes pour l'accès des utilisateurs au réseau public de transport. Avant la publication de ce projet de décret, le Gouvernement devra, donc, suivre la procédure d'information de la Commission européenne en application de la directive 98/34 /CE du 22 juin 1998, modifiée par la directive 98/48 /CE du 29 juillet 1998. En effet, ce projet de cahier des charges entre dans le champ de la définition d'une « règle technique » mentionnée au point 11 de l'article 1er de cette directive.


B. - LE PROJET N'APPLIQUE PAS CORRECTEMENT

LES TEXTES COMMUNAUTAIRES PERTINENTS


Le nouveau cahier des charges type de concession du réseau public de transport doit tenir compte des directives et règlements européens existants, et notamment de la directive 2005/89 /CE du 18 janvier 2006 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité et les investissements dans les infrastructures. Or tel n'est pas le cas sur de nombreux points, y compris ceux mentionnés par l'article 9 de la directive du 26 juin 2003, qui définit les tâches qu'un gestionnaire de réseau de transport est tenu d'accomplir.


B1. Le développement des interconnexions et la gestion des échanges

ne sont pas correctement traités


Les articles 29 et 30 du projet de cahier des charges relatifs au développement des interconnexions et à la gestion des échanges ne répondent que très partiellement aux exigences du règlement no 1228/2003 du 26 juin 2003 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité, pourtant d'application directe et visé par le projet de décret. Ils ne répondent pas, non plus, aux exigences du point 4 de l'article 23 de la directive du 26 juin 2003, qui permet aux régulateurs de demander au gestionnaire de réseau de modifier « au besoin les conditions, tarifs, dispositions et méthodologies [...] » dans ce domaine.

A défaut de renvoi vers les textes communautaires, le projet de cahier des charges devrait préciser l'obligation pour le concessionnaire de mettre en place des mécanismes d'échanges d'informations et de coordination pour assurer la sécurité des réseaux dans le cadre de la gestion des congestions, conformément au point 1 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2003.

Il devrait, également, inclure la publication des normes de planification, d'exploitation et de sécurité utilisées par les gestionnaires de réseaux de transport, qui doivent être préalablement soumises à l'approbation des régulateurs, conformément au point 2 de l'article 5 du règlement.



De même, il devrait contenir les différentes obligations du gestionnaire du réseau public de transport en matière de gestion de la congestion aux interconnexions au titre de ce règlement (procédures d'allocation, de restriction fortuite des transactions, d'indemnisation, d'incitation à la meilleure utilisation des capacités maximales d'interconnexion, conçues de façon non discriminatoire et fondées sur des mécanismes de marché).


B2. Le partage d'informations entre gestionnaires de réseaux de transport européens

n'est pas prévu


Il est nécessaire d'assurer, dès à présent, la compatibilité du cahier des charges avec la directive du 18 janvier 2006, en intégrant à l'article 30 du projet de cahier des charges type les exigences contenues au point 1 de l'article 4 de la directive en ce qui concerne la nécessité du partage d'informations entre les gestionnaires de réseaux européens. Ces exigences portent sur la coopération en matière de capacités de transfert, de fourniture d'informations et de modélisation des réseaux de transport d'électricité.


B3. La méthode de fixation des objectifs de qualité et de sûreté n'est pas conforme


L'article 4-2 de la directive du 18 janvier 2006 fait obligation aux gestionnaires de réseaux de transport, non seulement d'établir des objectifs de qualité et de sûreté transparents et non discriminatoires et de les soumettre à l'approbation des autorités compétentes, mais aussi de les rendre publics. L'article 28 du projet de cahier des charges doit, donc, être modifié en conséquence.

Par ailleurs, il n'existe pas, à ce jour, de règles approuvées par l'Union pour la coordination du transport de l'électricité (UCTE) traitant des questions mentionnées par l'article 28 du projet de cahier des charges. Les dispositions qu'il contient sont, donc, actuellement sans effet sur ce point.

Enfin, l'article 4-1 de la directive du 18 janvier 2006 impose la consultation des acteurs concernés des pays interconnectés dans l'élaboration de règles et une coopération avec les gestionnaires des réseaux de transport des pays interconnectés qui ne sont pas mentionnées par l'article 28 du projet de cahier des charges.


B4. Les procédures de raccordement au réseau public de transport

doivent être établies différemment


L'article 13 du projet de cahier des charges prévoit que les procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de transport établies par le concessionnaire sont « soumises à l'approbation du ministre chargé de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'énergie et incluses dans le référentiel technique ».

Ces dispositions ne sont pas conformes aux dispositions de la directive du 26 juin 2003, dont le point 1 de l'article 23 dispose que les autorités de régulation « sont au minimum chargées, par l'application du présent article , d'assurer la non-discrimination, une concurrence effective et le fonctionnement efficace du marché, notamment en ce qui concerne : [...] c) le temps pris par les entreprises de transport et de distribution pour effectuer les raccordements et les réparations [...] » et le point 2 que : « les autorités de régulation se chargent de fixer ou d'approuver, avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodologies utilisées par calculer ou établir : a) les conditions de connexion et d'accès aux réseaux nationaux [...] ».

C'est, donc, la CRE qui doit approuver les règles déterminées par le gestionnaire du réseau public de transport ou fixer celles qui feraient défaut, cette interprétation de l'article 23 de la directive du 26 juin 2003 étant celle de la Commission européenne dans son rapport sur l'état d'avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l'électricité pour 2005 (1).


(1) « En vertu des nouvelles directives "électricité et "gaz, les régulateurs disposent maintenant d'un ensemble minimal de pouvoirs dans chaque Etat membre » (B-7, page 13).




C. - LE PROJET COMPORTE DES BIAIS RÉDACTIONNELS SUSCEPTIBLES

DE GÉNÉRER DE SÉRIEUSES DIFFICULTÉS D'APPLICATION


Le projet présenté n'est pas cohérent avec l'ensemble des textes pertinents, pourtant visés par le projet de décret. Il en résultera des difficultés d'application, qui pourront être préjudiciables aux intérêts des utilisateurs du réseau.


C1. De nombreuses imperfections sont imputables au mode de rédaction adopté,

qui nuit à la cohérence du texte


Deux modes de rédaction peuvent, a priori, assurer la cohérence requise. Soit le cahier des charges type reprend littéralement le texte des articles pertinents des directives, des règlements communautaires et des lois nationales et y ajoute, en tant que de besoin, des précisions d'application. L'exhaustivité de la reprise des articles s'impose alors, ce qui est une contrainte forte. Soit le cahier des charges type se borne à apporter des précisions opératoires aux textes applicables, en le mentionnant explicitement. Dans ce cas, l'exhaustivité n'est pas nécessaire et il revient au concessionnaire de démontrer, le cas échéant devant les tribunaux, qu'une évolution législative ne lui est pas applicable.

Or, de manière générale, la rédaction du projet de cahier des charges procède d'une méthode intermédiaire consistant à reprendre de façon incomplète les dispositions des textes applicables. Il en résulte une grande ambiguïté dans la détermination des obligations du concessionnaire. Les exemples suivants ne sont pas exhaustifs.


C1. a) Les obligations relatives au code de bonne conduite sont mal transposées


L'article 16 du projet de cahier des charges relatif au code de bonne conduite est moins précis que le d de l'article 10 de la directive du 26 juin 2003, car l'obligation de présentation au régulateur du rapport annuel de suivi des mesures prises fait défaut. Cet article 16 doit soit être limité au premier alinéa du projet, soit être complété en compilant les textes de la directive et de la loi du 9 août 2004.


C1. b) Les conditions de raccordement des utilisateurs sont incomplètes


L'article 12 du projet de cahier des charges est en retrait par rapport à l'article 23-1 de la loi du 10 février 2000, qui prévoit la possibilité pour un producteur, à certaines conditions, d'exécuter à ses frais exclusifs les travaux de raccordement.

De même, l'article 13 du projet de cahier des charges ne prévoit pas l'établissement de procédures pour le raccordement des circuits d'interconnexion, ainsi que pour le raccordement des lignes directes mentionnées à l'article 24 de la loi du 10 février 2000, qui font pourtant explicitement partie de la mission du gestionnaire du réseau public définie par l'article 14 de la même loi.



Par ailleurs, aucune disposition du projet ne permet au concessionnaire de procéder aux vérifications auxquelles est soumise une installation « préalablement à sa mise en service et durant son exploitation », comme le prévoit l'article 17 du décret no 2003-588 du 27 juin 2003. A l'instar du troisième alinéa de l'article 12 du cahier des charges du RAG, il suffirait, sur ce point, de prévoir, au VI de l'article 14 du projet de cahier des charges, la faculté pour le concessionnaire de pénétrer dans les postes de raccordement des utilisateurs.


C1. c) Aucune précision n'est apportée en matière d'exploitation technique


Les articles 23 et 25 du projet de cahier des charges type décrivent, de façon moins précise que l'article 15 de la loi du 10 février 2000, le processus selon lequel le gestionnaire du réseau public de transport doit assurer l'équilibre des flux et l'exploitation sûre, fiable et efficace de ce réseau. Ce processus entraîne des contraintes, tant à l'égard des utilisateurs du réseau public de transport (déclarations des programmes) que du concessionnaire (gestion des réserves), qu'il faudrait définir sans ambiguïté. La différence de rédaction entre le projet de cahier des charges et la loi engendrera de sérieuses difficultés d'application.

En outre, la CRE doit recevoir les informations nécessaires à l'exercice des missions que l'article 23 de la directive du 26 juin 2003 confie expressément aux régulateurs nationaux. Or, le projet de cahier des charges ne prévoit l'information de la CRE que de façon ponctuelle, et à sa demande, dans différents articles . Tel est le cas pour le recensement des ouvrages ou pour la maintenance, le développement et le renouvellement des ouvrages.

Compte tenu des dispositions de l'article 33 de la loi du 10 février 2000, il suffirait que le projet de cahier des charges pose comme principe général le droit pour le régulateur d'obtenir la communication de tous les documents du concessionnaire, prévus ou non dans ce texte.

De même, le projet prévoit que les agents habilités par le ministre chargé de l'énergie, au titre de l'article 33 de la loi du 10 février 2000, ont accès à toutes les données du concessionnaire, notamment en matière de raccordement, de qualité et de sûreté. Il suffirait également que le projet de cahier des charges prévoie la même disposition pour les agents de la CRE, qui sont habilités au titre du même article 33.


C2. Une autre méthode de rédaction aurait été préférable


Les incohérences ou insuffisances relevées démontrent qu'il aurait été préférable de concentrer le cahier des charges type sur les dispositions qui complètent ou précisent effectivement les textes législatifs ou réglementaires applicables, et d'en supprimer les simples reprises de textes en vigueur.

Il convient, également, de définir aussi précisément que possible des notions utilisées dans le projet de cahier de charges pour qualifier certaines obligations mises à la charge du concessionnaire, telles que ce qui concerne la « maintenance » (2), qu'il faut distinguer du « renouvellement », les « opérations significatives » de maintenance (3), l'« état détaillé » ou l'« état récapitulatif synthétique ».



Il doit en aller de même pour l'articulation entre les « conditions normales d'exploitation », les « interruptions programmées » et la « situation d'exploitation perturbée », compte tenu de ses conséquences possibles sur le régime de responsabilité du concessionnaire.

Parallèlement, il convient de retirer du projet les dispositions sans valeur normative (4), voire inutiles (5), résultant par exemple de l'application du droit commun.


(2) En s'inspirant de la définition contenue dans la norme NF EN 13306 de juin 2001, l'article 4 devrait être rédigé de la manière suivante : « Le concessionnaire assure les travaux de maintenance nécessaires pour conserver ou rétablir le réseau public de transport dans un état permettant son bon fonctionnement tel que défini par les chapitres V, VII et IX du présent cahier des charges. Il assure également les travaux de renouvellement nécessaires à ce bon fonctionnement. Ces travaux sont exécutés dans les conditions prévues au chapitre III. » (3) Une définition possible serait la suivante : « Opérations significatives : renforcements et remplacements de parties d'ouvrage et opérations visant à maintenir ou allonger la durée d'exploitation de l'ouvrage ». (4) « Il [le concessionnaire] veille d'une part au respect des dispositions réglementaires et contractuelles en matière de sécurité et de qualité [...] » (art. 6-I). (5) « Les dispositions des deux précédents alinéas ne sont pas applicables dans le cas où le concessionnaire n'a pu remplir ses obligations par suite de circonstances de force majeure dûment constatées » (art. 40) ou « Le concessionnaire peut engager toute action en garantie pour la responsabilité qu'il aurait à encourir du fait des agissements des gestionnaires des utilisateurs » (art. 15-VI).



D. - LE PROJET NE PROTÈGE PAS ASSEZ LES INTÉRÊTS LÉGITIMES

DES UTILISATEURS DU RÉSEAU


Les principes généraux de la protection des utilisateurs de réseau sont, notamment, décrits par les paragraphes e et f de l'article 9 de la directive du 26 juin 2003, et les utilisateurs concernés sont définis à l'article 2-18. Cette définition ne fait pas obstacle à ce que les besoins particuliers d'une catégorie d'utilisateurs du réseau soient pris en compte par le cahier des charges. La large autonomie que le projet de cahier des charges type donne au concessionnaire doit avoir pour contrepartie la mise en place de cette protection dans le même texte.


D-1. Les demandeurs de raccordement ne disposent pas d'une information suffisante


L'article 13 du projet de cahier des charges laisse au concessionnaire l'initiative de proposer les informations devant être communiquées par le concessionnaire aux demandeurs de raccordement. Pourtant, la négociation des conditions de raccordement nécessite une information approfondie des demandeurs, en particulier sur la capacité d'accueil du réseau. La puissance de court-circuit au niveau de chacun des postes électriques devrait, ainsi, être communiquée aux demandeurs de raccordement.

Ce même article permet au concessionnaire de s'affranchir des engagements de coûts et de délais de sa proposition technique et financière dans les cas où le dépassement de ces engagements ne relève pas de sa responsabilité.

En définitive, cet article n'est pas conforme à l'article 20-2 de la directive du 26 juin 2003, qui impose à un gestionnaire de réseau de communiquer aux demandeurs de raccordement des informations pertinentes sur les mesures nécessaires pour renforcer le réseau, le cas échéant moyennant une redevance raisonnable reflétant le coût de la fourniture desdites informations.


D-2. La méthode d'élaboration des modèles de contrats est trop rigide


L'article 14 du projet de cahier des charges prévoit l'approbation par la CRE de modèles de contrats pour l'accès au réseau, y compris dans le cas du contrat de fourniture au tarif intégré. Cette approbation par la CRE est une procédure lourde, surtout pour la fourniture au tarif intégré, dont le contrat fait déjà l'objet d'une approbation par le ministre. La simple transmission à la CRE pour avis suffirait, d'autant que cette dernière peut, en tant que de besoin, régler les différends relatifs à l'accès au réseau.


D-3. Les engagements tarifaires du concessionnaire sont discriminatoires


Les articles 14 et 15 du projet de cahier des charges font référence à des « engagements complémentaires » à ceux mentionnés dans des modèles de contrats d'accès au réseau. Ces engagements font l'objet d'un « catalogue de prix » établi par le concessionnaire. L'article 15 prévoit l'inclusion, dans le référentiel technique, des seuls engagements complémentaires proposés aux gestionnaires de réseaux publics de distribution. Or, cette inclusion n'est pas prévue pour les engagements mentionnés à l'article 14 et cette différence constitue un traitement discriminatoire prohibé par la directive du 26 juin 2003.

En outre, l'inclusion de dispositions à caractère tarifaire ou paratarifaire modifie la nature et n'est pas conforme à l'objet du référentiel technique, tel que défini par le décret no 2003-588 du 27 juin 2003, c'est-à-dire « un document d'information publié par [le gestionnaire de réseau] précisant les principes généraux de gestion et d'utilisation du réseau public de transport ». Elle n'est, d'ailleurs, pas reprise à l'article 35 du projet de cahier des charges, qui prévoit abusivement une application obligatoire rétroactive de ce référentiel dans certains cas.


D-4. Les engagements du concessionnaire en matière de qualité sont discriminatoires


L'article 17 du projet de cahier des charges introduit un traitement discriminatoire entre les producteurs en matière de garantie d'évacuation de leur production. Il en est de même pour l'article 18. Les explications fournies par RTE lors des auditions menées par la CRE n'ont pas paru suffisantes pour justifier une telle discrimination.

En matière de qualité, chaque utilisateur du réseau de transport doit bénéficier d'engagements contractuels quantitatifs fondés sur la qualité historiquement constatée aux points de connexion de ses installations. A cet égard, le concessionnaire, qui détient nécessairement ce type d'information, doit avoir l'obligation de fournir à chaque utilisateur un bilan annuel de la qualité constatée aux points de connexion.

Le projet de cahier des charges type ne contient rien de tel. En revanche, la référence faite à la norme EN 50160 est de nature à entraîner un recul de la qualité de service des réseaux de distribution. Elle doit donc disparaître.

Quant à la référence aux règlements prévus en application de l'article 21-I de la loi du 10 février 2000, elle ne serait crédible que si, à l'instar de la distribution, de tels règlements étaient déjà prévus pour le transport d'électricité, ce qui n'est pas le cas.

Par ailleurs, les modalités de traitement de demandes spécifiques des utilisateurs en matière de qualité ou d'organisation des interruptions programmées doivent être harmonisées aux articles 17 et 18 du projet de cahier des charges. Elles doivent être fondées sur la présentation préalable, par le concessionnaire, d'un devis motivé permettant une éventuelle contestation par l'utilisateur et donner lieu à un engagement contractuel en cas d'accord.


D-5. La responsabilité du concessionnaire n'est pas clairement établie


Les conséquences de la violation, par le gestionnaire du réseau, de ses engagements contractuels ne sont pas suffisamment définies et, par voie de conséquence, la responsabilité qui pèse sur le concessionnaire. La définition des conditions normales d'exploitation, de la situation d'exploitation perturbée et de la force majeure ne doivent, en tout état de cause, pas permettre au concessionnaire de s'exonérer de la responsabilité qui est légalement la sienne.

Le gestionnaire de réseau doit dédommager les utilisateurs en fonction du préjudice subi. Toute clause d'indemnisation forfaitaire du préjudice doit être écartée. A cet effet, ce ne sont pas les modalités financières, mais les modalités de mise en oeuvre de ce dédommagement qui doivent être décrites par les contrats prévus.


Conclusion


Il ressort de ce qui précède que le projet de cahier des charges type de concession du réseau public de transport qui a été soumis à l'avis de la CRE est incomplet, ne prend pas correctement en compte les textes communautaires applicables aux gestionnaires des réseaux publics de transport d'électricité, notamment les articles 9 et 10 de la directive du 26 juin 2003. En outre, par des citations partielles des textes pertinents, il est susceptible de créer des incohérences. Enfin, les utilisateurs du réseau de transport de l'électricité pourraient difficilement se prévaloir d'un tel cahier des charges à l'appui de la défense de leurs intérêts.

Il en résulte que la CRE émet un avis défavorable sur le texte qui lui a été soumis.

Fait à Paris, le 2 mars 2006.



Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota