J.O. 237 du 12 octobre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2006-0266 du 28 février 2006 sur les projets de décrets visant, d'une part, à préciser les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenue d'assurer et à fixer les droits et obligations de La Poste au titre de ses missions de service public des envois postaux et, d'autre part, portant sur la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire


NOR : ARTR0600026V



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive no 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, et notamment son article 3 ;

Vu la directive no 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la directive no 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté ;

Vu la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment son article L. 5 ;

Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 9 février 2006 ;

Après en avoir délibéré le 28 février 2006,

Le présent avis porte sur deux projets de décrets. Le premier, prévu par l'article L. 2 du CPCE, modifie la partie réglementaire du code des postes et des communications électroniques et porte sur les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenue d'assurer ainsi que sur ses droits et obligations au titre de ses missions de service public des envois postaux.

Le second est prévu par l'article 2 de la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 et porte sur la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire.



Sur le projet de décret relatif au service universel postal :

Sur le cadre général :

La directive no 97/67/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service prévoit, dans son article 3, que les Etats membres doivent veiller à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui corresponde à une offre de services postaux de qualité déterminée, fournis de manière permanente en tout point du territoire et à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

L'Autorité note que l'article L. 2 du CPCE dans sa rédaction issue de la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales transpose plus particulièrement cet article 3 de la directive no 97/67/CE.

Ce projet de décret soumis pour avis à l'Autorité a pour objectif de préciser les caractéristiques de l'offre du service universel que La Poste est tenue d'assurer et de fixer les droits et obligations de La Poste au titre de ses missions de service public. L'Autorité observe qu'aux termes de l'article L. 2 le projet de décret devrait fixer les conditions dans lesquelles sont assurées la neutralité et la confidentialité des services fournis par La Poste au titre de ses missions de service universel, ce qui n'apparaît pas en l'espèce.

A titre liminaire, il convient d'observer la nécessité de changer le titre du présent projet de décret qui doit viser l'article L. 2 et non pas l'article L. 1 du CPCE. Le titre suivant serait davantage conforme aux dispositions de la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 : « Projet de décret précisant les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenue d'assurer et fixant les droits et obligations de La Poste au titre de ses missions de service public et les conditions dans lesquelles sont assurées la neutralité et la confidentialité des services qu'elle fournit ». Par ailleurs, il conviendrait également de viser au début du projet de décret, la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.

Afin de favoriser la mise en oeuvre d'une régulation efficace des activités postales dans l'intérêt des utilisateurs, l'Autorité attache une importance particulière à ce projet de décret et tient à souligner la nécessité de son adoption rapide.

Il permettra en effet à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes d'assurer au mieux les compétences qui lui sont confiées par la loi en vue d'une régulation efficace des activités postales. La mise en oeuvre de cet objectif nécessite notamment :

- une définition claire de la mission de service universel ;

- une information complète de l'Autorité ;

- et des procédures permettant d'assurer l'effectivité de la régulation.


Une définition claire de la mission de service universel


Une telle exigence est indispensable pour les utilisateurs, l'opérateur historique et pour le régulateur.

Il convient en effet que les obligations soient clairement définies et que, dans la mesure du possible, ces obligations soient quantifiables et mesurables. L'Autorité comprend la difficulté de cet exercice du fait de la diversité des utilisateurs postaux à la fois émetteurs et destinataires. De plus, les attentes des émetteurs de courrier égrené diffèrent de celles des grands émetteurs d'envois en nombre. Il existe aussi une grande variété d'émetteurs de courrier égrené : du ménage à la grande entreprise en passant en particulier par les PME, qui peuvent engager des dépenses postales importantes au regard de leur budget sans disposer pour autant d'un pouvoir de négociation auprès des opérateurs. De leur côté, les émetteurs d'envois en nombre (de publicité adressée ou de courrier de gestion) ont eux-mêmes des besoins différents.

Une définition précise des prestations du service universel est une condition nécessaire pour permettre à l'Autorité d'en proposer les évolutions lorsque l'offre de services d'envois postaux disponibles au catalogue ne répond pas aux besoins d'une catégorie d'usagers ou lorsque aucune prestation existante ne répond aux besoins des usagers (art. R. 2). Il convient d'insister à ce stade sur l'utilité de cette procédure qui permettra d'adapter le service universel aux besoins des usagers car la définition de la mission de service universel doit rester évolutive. Néanmoins, l'Autorité juge excessif et trop restrictif le terme de constat de carence et propose une rédaction alternative en annexe.

Toujours dans l'optique d'une définition claire du service universel, l'Autorité souligne qu'il est important de préciser que, dans le cadre de prestations associées à l'offre de service universel (art. R. 2-1), les envois préaffranchis s'appuyant sur une offre de service universel relèvent des obligations de service universel.

Il est également prévu que des objectifs de qualité des prestations du service universel fassent l'objet de mesures régulières, selon des méthodes normalisées lorsque cela est possible.

Le projet d'article R. 1-5 prévoit notamment que ces objectifs portent sur la rapidité, la fiabilité et l'adaptabilité des prestations aux besoins des usagers. L'alinéa 1 de cet article met en avant la logique de transparence qui doit prévaloir en matière de qualité de service pour toutes les prestations du service universel. L'Autorité attache une grande importance à la fiabilité et à la publicité des indicateurs de qualité. Ce même projet d'article prévoit le lancement de consultations à ce sujet. Il est proposé de préciser que celles-ci débouchent sur la définition d'indicateurs complémentaires et leur publicité.

C'est pourquoi il conviendrait de prévoir dans l'article R. 1-5 (1°) que les mesures de qualité de service soient communiquées au public selon des modalités qui pourraient être fixées par l'Autorité et que celles-ci puissent définir d'autres indicateurs de qualité de service, après consultation publique.

L'ensemble des éléments apparaissant dans le projet de décret pour définir la mission de service universel paraît précis et mesurable.

L'Autorité note que le projet de décret apporte plusieurs précisions en matière d'information des usagers sur les prestations du service universel (information régulièrement actualisée, mise à disposition du public dans les points de contact ainsi que par un moyen électronique accessible en temps réel) et de traitement des réclamations qui doivent notamment faire l'objet d'un enregistrement nominatif et d'un accusé de réception. De plus, il est prévu que le médiateur de La Poste (art. R. 2-9), qui peut être saisi par les usagers dont les demandes ont été rejetées définitivement dans le cadre de cette procédure de traitement des réclamations, publie chaque année un bilan statistique et qualitatif de son activité.

Sur la définition de la mission de service universel, l'Autorité approuve le dispositif proposé qui satisfait les principes du service universel et permet une mise en oeuvre effective de son contrôle.



Une information complète de l'Autorité


Aux termes de la loi, l'Autorité devra appréhender les conditions d'offre du service universel, l'équilibre de son financement et les fondements de sa tarification. Par ailleurs, l'Autorité a une mission d'alerte sur la viabilité financière de ce service. A ce titre, il est indispensable qu'elle puisse avoir une compréhension approfondie de l'économie de ce service.

a) Sur l'article R. 2-3 relatif à l'information de l'Autorité :

Cet article concerne un pouvoir général de l'Autorité pour l'accomplissement de ses missions. Le renvoi au contrôle de la fourniture de la prestation du service universel est donc impropre.

L'Autorité souhaite ici apporter quelques précisions sur le champ de l'information qui lui est indispensable pour remplir sa mission :

- tout d'abord, le service universel est assuré par un outil industriel unique ou intégré qui fournit également d'autres prestations en dehors du champ du service universel. C'est pourquoi il est nécessaire que l'Autorité puisse accéder à une information complète lui permettant d'appréhender correctement l'ensemble des composantes pourvoyant à la prestation de service universel ;

- ensuite, l'Autorité doit pouvoir obtenir toute l'information utile à l'exercice de ces missions sur l'accès des concurrents à certains moyens, détenus ou contrôlés par La Poste, qui sont indispensables à l'exercice de leur activité postale ;

- enfin, l'Autorité rappelle que l'information qui lui est nécessaire pour se prononcer sur un tarif dépasse le seul registre comptable et inclut des éléments (comme les volumes transportés, les données physiques de production, etc.) qui doivent être fournis dans le cadre de l'article R. 2-3.

b) Sur l'article R. 2-4 relatif aux obligations comptables :

Le décret doit préciser les différentes exigences auxquelles le système comptable doit répondre dans son ensemble et, au-delà, l'information qui doit être fournie. Les exigences sont au nombre de trois :

- permettre de constater l'absence de subvention croisée ;

- permettre de vérifier le respect du principe de l'orientation des tarifs vers les coûts ;

- apprécier les conditions du financement du service universel ainsi que sa viabilité. Le calcul de l'éventuel surcoût imputable au service universel nécessitera des informations plus détaillées allant au-delà de la seule information comptable (découpages géographiques, types de tournées de distribution). C'est pourquoi il est proposé que l'article R. 2-4 prévoie également que les données utiles du système d'informations permettent à l'Autorité d'évaluer les coûts du service universel.

Enfin dans le même esprit que pour l'article R. 2-3, il est important que l'information analytique visée par l'article R. 2-4 ne se limite pas au seul champ des prestations du service universel ni au seul registre comptable.


Des procédures permettant d'assurer l'effectivité de la régulation


Sur l'article R. 2-5 relatif à l'encadrement tarifaire :

Concernant l'encadrement tarifaire, l'article R. 2-5 complète l'article L. 5-2 (3°) en définissant les objectifs des tarifs du service universel. Lorsque l'Autorité fixe l'encadrement tarifaire, elle veille à préserver la pérennité et la viabilité du service universel. Dans ce cadre, elle tient compte du fait qu'une partie des prestations du service universel soit assurée dans un contexte concurrentiel.

Enfin pour plus de clarté, il convient de préciser, comme le fait la loi au sujet des tarifs du secteur réservé, que le délai d'un mois, prévu entre la fourniture de l'information à l'Autorité et l'entrée en vigueur du tarif (des services non réservés de l'offre de service universel), commence à courir à compter de la fourniture d'une information complète.

Sur les articles R. 2-7, R. 2-9 et R. 1-8 relatifs à la transmission de bilans à l'Autorité :

L'Autorité note avec satisfaction les obligations d'information du public prévues à l'article R. 1-7. Suivant cette logique de transparence, l'Autorité estime que des procédures doivent permettre la diffusion d'une information régulière et à jour des niveaux de service et de la qualité.

D'ailleurs, le projet de décret prévoit la fourniture par La Poste :

- d'un bilan périodique de la fourniture du service universel (R. 2-7) qui devrait notamment inclure des informations relatives à la qualité de service (R. 1-5), à l'accessibilité (R. 1-6) et au traitement des réclamations (R. 1-8) ; l'Autorité estime plus approprié le terme de rapport périodique sur la fourniture du service universel. Pour que ce rapport permette une transparence suffisante, il conviendrait de prévoir que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes puisse fixer les procédures selon lesquelles La Poste lui transmet ce rapport et qu'elle puisse rendre publiques les informations utiles aux utilisateurs ;

- d'un bilan statistique et qualitatif de l'activité du médiateur de La Poste (R. 2-9). A ce sujet, il convient de relever que le projet de décret est en retrait par rapport à la directive no 97/67/CE du 15 décembre 1997 qui prévoit dans son article 19 que les Etats membres veillent à ce que les prestataires du service universel publient des informations sur le nombre de réclamations et la façon dont elles ont été traitées. C'est pourquoi l'Autorité propose de compléter l'article R. 1-8 relatif au traitement des réclamations par un alinéa faisant obligation à l'opérateur historique de publier annuellement un rapport détaillé des réclamations qui lui ont été adressées.

Il est important à ce niveau de souligner que les informations collectées en application du projet d'article R. 2-7 et L. 135 du CPCE en vue de la production de statistiques ne peuvent en aucun cas être assimilées à l'obligation d'information qui incombe à La Poste en application du R. 2-3. En effet, elles relèvent de deux logiques différentes, d'une part, la fourniture d'informations statistiques prévue au titre de l'article L. 135 qui concerne le prestataire du service universel au même titre que les autres opérateurs autorisés et, d'autre part, la communication d'un rapport périodique sur la fourniture du service universel.

C'est pourquoi l'Autorité estime nécessaire de prévoir un article distinct pour la fourniture du rapport périodique sur la fourniture du service universel ou de l'inclure dans l'article R. 2-3 (par exemple, en décalant les deux dernières phrases du R. 2-7 pour les insérer à la fin de l'article R. 2-3).

Enfin, sur les dispositions finales du projet de décret, l'Autorité pense avoir relevé une erreur matérielle. Ainsi, l'indication « décret no 90-111 » s'entend comme « décret no 90-1111 ».

Sur le projet de décret portant contribution de La Poste à l'aménagement du territoire :

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes n'a pas de commentaire à formuler sur ce projet de décret.

Au regard de ces observations, l'Autorité émet un avis favorable sur ces deux projets de décrets, et propose des modifications rédactionnelles formulées en annexe.

Le présent avis et son annexe seront transmis au ministre délégué à l'industrie.



Fait à Paris, le 28 février 2006.


Le président,

P. Champsaur





A N N E X E


PROJET DE DÉCRET VISANT À PRÉCISER LES CARACTÉRISTIQUES DE L'OFFRE DE SERVICE UNIVERSEL QUE LA POSTE EST TENUE D'ASSURER ET FIXANT LES DROITS ET OBLIGATIONS DE LA POSTE AU TITRE DE SES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DES ENVOIS POSTAUX

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JO no 237 du 12/10/2006 texte numéro 79
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