J.O. 225 du 28 septembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2006-29 du 19 juillet 2006 portant sanction à l'encontre de l'ancien président de la société d'assurance A...


NOR : ACAX0600029S



L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles,

Vu le code des assurances ;

Vu le rapport de contrôle en date du 21 septembre 2005, la réponse du groupe C... du 27 octobre 2005, les observations finales et conclusions du commissaire-contrôleur du 15 novembre 2005 ;

Vu le courrier en date du 16 décembre 2005 par lequel le président de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP) a informé M. X..., président de la société d'assurance A..., de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et notifié à l'intéressé, en application des dispositions de l'article R. 310-18 du code des assurances, les griefs susceptibles d'être retenus dans ce cadre ;

Vu les observations écrites présentées les 4 janvier, 8 février, 7 juin et 12 juillet 2006 pour M. X... par son avocat, Me Vatier ;

Vu le courrier en date du 6 avril 2006 par lequel le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) a informé M. X... du report de sa décision au 19 juillet 2006 et de la possibilité offerte à l'intéressé d'être auditionné une nouvelle fois ;

Vu les autres pièces du dossier ;

M. X... ayant été régulièrement convoqué à la séance de l'ACAM, qui s'est tenue ce jour, avec la participation de M. Jurgensen, président, et de MM. Aubert, Atlan, Cachin, Coudreau, Gougenheim, de Vulpillières, membres de l'Autorité et en présence de :

M. Cognat et Mme Bouchiaia, commissaires du Gouvernement ;

Mme Lustman, secrétaire générale, M. Israël, conseiller juridique, M. Crinetz, chef de brigade, M. Meyer, commissaire contrôleur, et Mme Litvak, secrétaire de séance ;

M. X..., président de la société d'assurance A..., assisté de Me Vatier, avocat.

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Crinetz, chef de brigade ;

- les observations de M. X... et de Me Vatier ;

- Me Vatier ayant pris la parole en dernier.

Le quorum requis étant réuni, le collège a délibéré le 19 juillet 2006, hors la présence des commissaires du Gouvernement et de l'ensemble des membres du secrétariat général, à l'exception de la secrétaire de séance,

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

Considérant que la société d'assurance A... a été créée en 1976 et s'est constituée sous la forme d'une société d'assurance mutuelle agréée dans les branches 20, 22 et 24 ; que le groupe C... (1) a fait l'objet d'un contrôle sur place, lequel a donné lieu à la rédaction d'un rapport le 21 septembre 2005 ; que la mutuelle a formulé des observations le 27 octobre 2005, auxquelles le commissaire-contrôleur a répondu le 15 novembre 2005 ;

Considérant que lors de sa séance du 23 novembre 2005 l'Autorité de contrôle, saisie par sa secrétaire générale, a examiné le rapport et les observations finales du commissaire-contrôleur, ainsi que les observations qui avaient été formulées à l'époque par le groupe C... ; qu'à l'issue de cette réunion l'Autorité de contrôle a, en application des dispositions de l'article R. 310-18 du code des assurances, décidé de notifier à M. X..., président de la société d'assurance A..., les faits susceptibles de lui être reprochés ;

Considérant qu'au cours d'une première audition disciplinaire tenue le 25 janvier 2006 M. X... a pris l'engagement, confirmé par écrit le 8 février 2006, de proposer, avec l'aval du conseil d'administration, et en son nom, aux prochaines assemblées générales de la société d'assurance B... et de la société d'assurance A..., le rachat des actions détenues par tous les administrateurs personnes physiques et salariés au sein du groupe dans des conditions qui « ne puissent donner lieu à aucune critique, ni reproche » ; que suite à cette proposition, et sans préjudice des autres observations rappelées dans la lettre de griefs du 16 décembre 2005, le collège de l'Autorité de contrôle a décidé de reporter sa décision au mois de juillet 2006, et cela afin de pouvoir apprécier les conditions de cette opération et la suite à donner, dans cette perspective, à la procédure disciplinaire engagée ;

Sans qu'il soit besoin de retenir le grief tiré de l'infraction à l'article R. 322-55 du code des assurances dans sa rédaction antérieure au décret du 26 juin 2002 et à l'alinéa II de l'article R. 322-55-1 dans sa rédaction actuelle :



Sur le premier grief tiré des prérogatives de l'assemblée générale :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 322-57 du code des assurances dans sa rédaction antérieure au décret no 2002-942 du 26 juin 2002 : « (...) Il est, chaque année, rendu à l'assemblée un compte spécial de l'exécution des marchés, entreprises, traités ou opérations commerciales ou financières par elle autorisés, aux termes du précédent alinéa. Ce compte rendu spécial doit faire l'objet d'un rapport des commissaires aux comptes » ; qu'en application des dispositions de l'article R. 322-55 du même code, dans sa version consécutive au décret no 2002-942 du 26 juin 2002, il appartient à l'assemblée générale des sociétaires de fixer les limites des indemnités compensatrices du temps passé pour l'exercice des fonctions d'administrateur, les indemnités effectivement allouées devant en outre faire l'objet d'une information annuelle de l'assemblée générale ;

Considérant que M. X... s'est vu octroyer, en qualité de président de la société d'assurance A..., une rémunération, sous forme d'honoraires, excédant le quantum fixé par le conseil d'administration en 1997, et cela sans que ce montant ait par ailleurs été assujetti à des limites qui auraient dû être fixées par l'assemblée générale des sociétaires ; que, de plus, la convention d'honoraires correspondante n'a été soumise à l'assemblée générale ni pour autorisation, ni même pour information ; que si M. X... fait valoir, notamment dans ses écritures en défense du 4 janvier 2006, que, d'une part, cette rémunération n'est pas l'expression d'une convention particulière, et que, d'autre part, la qualification d'honoraires ne saurait induire l'existence d'un contrat particulier, force est de constater, sauf à considérer qu'il s'agit là d'une dépense non causée, laquelle serait dans ce cas directement contraire aux intérêts des assurés, que l'intéressé ne recevait pas de simples libéralités, mais était bien rémunéré en sa qualité de président, en vertu d'une convention ;

Considérant qu'il résulte également du rapport de contrôle que l'assemblée générale de la société d'assurance A... n'a jamais eu communication du compte rendu spécial des commissaires aux comptes, et cela malgré l'existence de diverses opérations qui auraient pu en faire l'objet ; que M. X..., qui était précédemment directeur général, avant de devenir président à compter du 1er juillet 1997, ne conteste pas la matérialité des faits, se bornant à faire valoir que l'assemblée générale a été informée des indemnités des administrateurs mais que sa rémunération de président échappait à cette obligation ; que, toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que cette fonction ne lui enlève nullement la qualité d'administrateur ; qu'en outre, si dans le dernier état de ses écritures, M. X... fait valoir que cette omission a de toute façon été régularisée par la résolution no 2 de l'assemblée générale ordinaire du 29 juin 2006 de la société d'assurance A..., une telle ratification est sans incidence sur la réalité de l'infraction à l'époque du contrôle ; que, par suite, tant les dispositions de l'article R. 322-57 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, que celles de l'article R. 322-55 du même code, dans sa version consécutive au décret no 2002-942 du 26 juin 2002, ont été méconnues ; que le premier grief est donc fondé en ses deux branches ;

Sur le deuxième grief tiré de l'acquisition et de la conservation des actions de la filiale D... :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 322-57 du code des assurances dans sa rédaction antérieure au décret no 2002-942 du 26 juin 2002 : « Il est interdit aux administrateurs et aux directeurs de prendre ou de conserver un intérêt direct ou indirect dans une entreprise, un marché, un traité ou une opération commerciale ou financière faits avec la société ou pour son compte, à moins qu'ils n'y soient autorisés par l'assemblée générale » ;

Considérant que M. X..., en sa qualité de directeur général, puis de président, a acquis et conservé des actions de la filiale D... alors que cette filiale, et la sous-filiale E..., tiraient l'essentiel de leur activité et de leurs profits de leurs relations avec les sociétés d'assurance du groupe C... ; qu'en outre, cette acquisition de titres de la filiale D..., d'une part, et le pacte entre les actionnaires de la filiale D..., d'autre part, n'ont été ni soumis à l'autorisation de l'assemblée générale de la mutuelle, ni même communiqués à celle-ci ; que si l'assemblée générale ordinaire du 29 juin 2006 a autorisé dans sa résolution no 4 la société d'assurance A... à acquérir les actions de la filiale D... détenues par M. X... au prix unitaire déterminé par un expert judiciaire, cette cession est sans incidence sur la réalité, à l'époque du contrôle, du grief tiré de l'absence d'autorisation de l'acquisition et de la conservation des actions de la filiale D..., lequel est donc fondé ;

Sur la sanction :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... a méconnu plusieurs dispositions essentielles du code des assurances ; qu'en dépit des efforts déployés depuis le contrôle pour y mettre fin, notamment la décision de céder les actions détenues par l'intéressé dans la filiale, il y a lieu de le sanctionner en prononçant à son encontre un avertissement ; que compte tenu de la gravité des griefs, il convient également d'assortir cette mesure d'une sanction pécuniaire de 15 000 ; qu'il y a lieu enfin, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la publication « anonymisée » de la présente décision au Journal officiel de la République française,

Décide :


Article 1


Un avertissement est prononcé à l'encontre de M. X....

Article 2


Une sanction pécuniaire d'un montant de 15 000 euros (quinze mille euros) est prononcée à l'encontre de M. X..., directeur général puis président de la société d'assurance A... à l'époque des faits.

Article 3


La présente décision fera l'objet d'une publication « anonymisée » au Journal officiel de la République française.

Article 4


La présente décision sera notifiée à M. X...

Délibérée à l'issue de l'audience du 19 juillet 2006, où siégeaient :

M. Jurgensen, président, et MM. Aubert, Atlan, Cachin, Coudreau, Gougenheim, et de Vulpillières, membres de l'Autorité de contrôle des assurances, des mutuelles, en présence de Mme Litvak, secrétaire de séance.


La secrétaire,

M. Litvak

Le président,

P. Jurgensen


Nota. - En application des dispositions de l'article L. 310-18-1 du code des assurances, cette décision peut, dans le délai de deux mois qui suit sa notification, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.



(1) Le groupe C... est composé de la société A..., de la société B..., de la filiale D... et de la sous-filiale E...