J.O. 204 du 3 septembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Délibération n° 2006-170 du 27 juin 2006 portant autorisation de mise en oeuvre par l'Institut national des études démographiques d'une enquête intitulée « Intégration des secondes générations en Europe » (dossier n° 1168388)


NOR : CNIX0609534X



La Commission nationale de l'Informatique et des Libertés,

Saisie le 2 mai 2006 par l'Institut national des études démographiques d'une demande d'autorisation relative à la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour objet de permettre la réalisation d'une enquête sur l'intégration des secondes générations en Europe ;

Vu la convention no 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;

Vu la directive no 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel ;

Vu le décret no 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004 ;

Après avoir entendu Mlle Anne Debet, commissaire, en son rapport, et Mme Pascale Compagnie, commissaire du Gouvernement, en ses observations,

Formule les observations suivantes :

La commission est saisie par l'Institut national des études démographiques (INED) de la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dans le cadre de sa participation à une enquête coordonnée au niveau européen par le réseau IMISCOE et financée pour partie par la Commission européenne. Ce traitement a pour finalité d'analyser et de comparer l'intégration des descendants d'immigrés dans plusieurs villes européennes.

Le protocole d'enquête est commun à toutes les équipes de recherche et prévoit un questionnaire identique s'adressant à des personnes âgées de 18 à 35 ans, nées dans le pays d'enquête et dont au moins un parent est natif de Turquie, du Maroc ou de l'ex-Yougoslavie.

L'enquête qui serait réalisée en France porterait sur 1 500 personnes résidant à Paris et à Strasbourg. Dans chaque ville, seraient concernées 750 personnes réparties de la manière suivante : 250 personnes nées en France dont un parent est natif du Maroc, 250 personnes nées en France dont un parent est natif de Turquie, 250 personnes nées en France et dont les deux parents sont nés en France.

Afin d'identifier les personnes susceptibles d'être interrogées, l'INED envisage de procéder, dans le fichier des abonnés de l'annuaire du téléphone, hors listes rouge et orange, correspondant aux zones géographiques retenues, à une sélection aléatoire de noms et prénoms. Cette liste serait ensuite adressée à un organisme allemand spécialiste de travaux onomastiques qui établirait à partir de celle-ci une liste de noms et prénoms à consonance turque ou marocaine. L'INED rapprocherait cette liste de l'annuaire du téléphone pour obtenir les coordonnées téléphoniques et postales des personnes. Une enquête filtre téléphonique réalisée par un prestataire de services de l'INED permettrait enfin de vérifier que les personnes sélectionnées correspondent aux critères fixés par le protocole d'enquête.

La commission constate qu'en l'espèce la constitution de l'échantillon des personnes à interroger repose sur un tri opéré sur les noms et prénoms turcs et marocains ; que ce tri, fondé sur une analyse des noms et prénoms, selon des critères linguistiques, pour en déduire une origine nationale supposée, peut de manière indirecte révéler leurs origines raciales ou ethniques.

La commission estime que les fichiers constitués ou les traitements mis en oeuvre à partir de tris opérés sur les noms et prénoms qui sont susceptibles de faire apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou les appartenances religieuses des intéressés relèvent des dispositions de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004. Cet article interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions religieuses des personnes, sauf dans les cas prévus au II de cet article . Le IV permet également à la commission d'autoriser le traitement de telles données quand celui-ci est justifié par des motifs d'intérêt public.

L'Institut national des études démographiques, établissement public à caractère scientifique et technologique, a vocation à réaliser des études sur les phénomènes démographiques, en particulier sur les motifs et les modalités des migrations, les processus d'intégration des populations immigrées et les phénomènes de discrimination. La commission considère que l'enquête envisagée par l'INED est justifiée par l'intérêt public dans la mesure où elle doit permettre de mesurer l'intégration des secondes générations turques et marocaines et contribuer à remédier ainsi à l'insuffisance actuelle de données statistiques dont souhaitent disposer les pouvoirs publics pour définir et mettre en oeuvre des politiques en matière d'intégration à l'attention de ces populations, tant au niveau national qu'européen.

En conséquence, la commission estime que la constitution de l'échantillon de personnes à interroger à partir du nom et du prénom peut être autorisée en application de l'article 25-IV de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

S'agissant du déroulement des opérations de collecte des données, les personnes entrant dans le champ de l'enquête et ayant préalablement accepté d'être sollicitées répondraient à un questionnaire lors d'un entretien en face à face.

Les données collectées porteraient sur les caractéristiques familiales, l'éducation et la formation, l'emploi, les pratiques culturelles, le logement et le quartier d'habitation, les relations sociales et la participation politique, la répartition des tâches au sein du ménage, l'éducation des enfants, la religion et les pratiques religieuses, les discriminations, la construction identitaire, les revenus et la vie sexuelle.

Lors du premier contact téléphonique, la personne serait informée des modalités de sélection de ses coordonnées téléphoniques, du caractère facultatif de l'enquête ainsi que de l'existence du droit d'accès et de rectification aux données la concernant. Préalablement à la passation du questionnaire, les intéressés seraient à nouveau informés de leurs droits.

Conformément à l'article 8 (II, 1°) de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, l'INED recueillerait l'accord écrit des personnes concernées sur un support distinct du questionnaire dans la mesure où seraient collectées des données sur les pratiques religieuses et la vie sexuelle.

Dans ces conditions, la commission autorise la mise en oeuvre par l'INED d'un traitement automatisé de données à caractère personnel à l'occasion de l'enquête « Intégration des secondes générations en Europe ».



Le président,

A. Türk