J.O. 185 du 11 août 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2006-AC-5 du 20 juillet 2006 relatif à la cession par EDF Energia Italia


NOR : ECOT0651051V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre en date du 19 juillet 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue par Electricité de France dans la société EDF Energia Italia (ci-après dénommée « EEI »).

EDF Energia Italia emploie 34 personnes et a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 531 millions d'euros. La cession projetée entre donc dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée. En vertu des dispositions dudit article , l'autorisation de cession ne peut être accordée si le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par la commission ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés. Il doit être également tenu compte de l'incidence des charges qui, le cas échéant, demeurent pour le secteur public après la cession.

II. - La société EDF Energia Italia a été créée en 2000 comme vecteur de la stratégie commerciale du groupe EDF en Italie. Elle a reçu en 2004 l'apport des activités d'EnBW Italia. EDF International détient 100 % du capital de EEI.

EEI est une société de commercialisation d'électrité et elle ne dispose ni de capacité de production ni de réseau de distribution. Le portefeuille de clients a été constitué en ciblant les grands clients « éligibles », italiens ou européens. Le service client associé à la vente d'électricité est reconnu comme un point fort de la société et il est rendu possible par l'appui du groupe EDF. L'approvisionnement en électricité est assuré par des contrats d'achat auprès de producteurs ou de grossistes et, à la marge, par des transactions sur la bourse italienne de l'énergie (IPEX). Avec 2,7 % de part de marché, EEI reste cependant un acteur de petite taille du marché de l'électricité en Italie.

EEI a réalisé, sur les trois derniers exercices, une croissance régulière du montant de ses ventes (463 millions d'euros en 2003, 527 en 2004 et 531 en 2005) qui toutefois ont été stables en volume.

Le coût des approvisionnements de EEI a connu une forte hausse sur les deux dernières années, principalement du fait de la suppression, à compter du 1er juillet 2004, de la possibilité que la société avait de s'approvisionner directement chez EDF. Cette suppression, qui résultait de l'application de la législation européenne en Italie, a conduit à une forte baisse des marges de EEI et à la perte de clients faute d'avantage compétitif. EEI a également subi la hausse des coûts résultant de l'expiration du mécanisme « CIP-6 » en Italie qui visait à favoriser la création de nouvelles capacités de production.

Le résultat brut d'exploitation est ainsi passé de 32,7 millions d'euros en 2003 à 21,7 millions en 2004 et à 5,4 millions en 2005. Le résultat net s'est inscrit parallèlement en recul de 19,9 millions en 2003 à 13,3 millions en 2004 et 3,3 millions en 2005.

Au 31 décembre 2005, le bilan de EEI présente une situation nette de 3,6 millions d'euros et une dette financière nette de 3,8 millions. Ces chiffres sont toutefois peu significatifs, les bénéfices de la société, qui constituent l'essentiel de la situation nette, étant entièrement distribués et le niveau d'endettement étant très variable en fonction des échéances de paiements. EEI fait partie d'un pool de trésorerie au sein du groupe EDF.

Le premier semestre 2006 est caractérisé par une forte hausse de l'activité tant en volume qu'en prix. La société estime à 45 % l'augmentation prévisible du chiffre d'affaires sur l'ensemble de l'exercice. Il en a résulté une forte hausse du besoin en fonds de roulement et donc de la dette financière nette (elle serait de 12,6 millions d'euros au 30 juin).

III. - Compte tenu de cette évolution, le groupe EDF a été conduit à s'interroger sur l'avenir de sa participation. Par ailleurs, ayant acquis conjointement, avec le distributeur électrique AEM Milan, le contrôle de la société Edison, il s'attache à réorganiser et rationaliser son activité en Italie.

Edison a proposé à EDF de lui racheter l'intégralité de sa participation dans EEI au prix de 8,3 millions d'euros. Il ne reprendrait toutefois pas certains clients européens pour qui les services fournis par EDF, en plus de la vente d'énergie, constituent un élément essentiel des contrats.

IV. - Le groupe Edison a commencé ses activités à Milan à la fin du xixe siècle, mettant en service en 1883 la première centrale électrique d'Europe. Le groupe a par la suite étendu ses activités, hors de Milan et dans d'autres secteurs énergétiques, tout en devant se retirer de 1962 à 1990 du secteur de l'électricité dont le monopole avait été confié légalement à ENEL. En mai 2005, EDF a conclu un accord avec le distributeur milanais AEM Milan pour prendre le contrôle de Edison dans le capital duquel il était entré en 2001 ; cet accord a permis de mettre fin à une situation contractuelle difficile et aux restrictions imposées en Italie à EDF quant à cette participation. Edison est le deuxième groupe électrique italien, avec près de 15 % du marché, et le troisième groupe gazier.

Edison a réalisé au cours de l'exercice 2005 un chiffre d'affaires de 6,65 milliards d'euros (en hausse de 18,2 % par rapport à 2004). L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) s'est élevé à 1,3 milliard d'euros (- 11,5 %), sa baisse significative résultant de la hausse des coûts d'approvisionnement, notamment avec l'expiration du mécanisme « CIP-6 ». Le résultat net de 500 millions d'euros est en hausse de 41 %. Au 31 décembre 2005, le groupe a une situation nette de 6,4 milliards d'euros et une dette nette de 4,9 milliards.

Le premier trimestre 2006 a été caractérisé par une hausse du chiffre d'affaires (+ 35 %) et de l'EBITDA (+ 7,4 %) tandis que le résultat net est en baisse (- 32 %).

V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation de EEI établi par un expert indépendant.

L'expert a procédé à l'estimation de la société selon trois méthodes :

- l'actualisation des flux nets disponibles de trésorerie. Deux scenarii ont été retenus selon que EEI décide ou non d'investir dans une capacité de production propre :

- sans investissement, le calcul est fait sur la base d'un plan d'affaires établi par le groupe EDF et qui prévoit un arrêt de l'activité, devenue non rentable, en 2010. Le coût de liquidation est inclus dans le calcul et actualisé au taux sans risque ;

- avec investissement, le calcul est fait sur la base d'un plan d'affaires établi par le groupe EDF et qui prévoit l'entrée en service début 2010 d'une centrale à cycle combiné à gaz. La valeur terminale, qui représente l'essentiel de la valeur totale, est déterminée à partir d'une année normative à laquelle un taux de croissance perpétuel de 2 % est appliqué ;

- l'application des multiples boursiers de sociétés cotées comparables : l'expert ne retient qu'un seul comparable coté, la société Poweo, les autres sociétés étant de taille plus importante et détenant des actifs de production en propre. Les multiples retenus sont pour 2006 celui d'EBIT et celui de chiffre d'affaires ajusté d'une décote traduisant la différence de rentabilité ;

- l'application des multiples de transactions comparables : l'expert retient cinq transactions. Les multiples retenus pour EEI sont pour 2006 celui d'EBIT et celui de chiffre d'affaires ajusté d'une décote traduisant la différence de rentabilité.

L'expert écarte la méthode de l'actif net réévalué du fait que les principaux actifs de EEI, son portefeuille de clients et son équipe de gestionnaires, n'apparaissent pas à son bilan.

Les différentes méthodes utilisées conduisent à des résultats convergents et à une valeur négative de la société compte tenu du niveau de dette au 30 juin 2006.

L'expert a également étudié la valeur des contrats qui ne seraient pas repris par Edison. Il conclut que ce portefeuille génère aux conditions actuelles de marché une marge positive.

Au total, l'expert estime que le prix proposé par Edison est supérieur à la valeur de l'actif cédé par EDF International, sous réserve de la mise en oeuvre des garanties accordées.

VI. - EDF International donnerait à l'acquéreur des garanties de passif sur les activités de EEI. Il s'agit, d'une part, de garanties juridiques et fiscales usuelles limitées dans leur montant et, d'autre part, d'une garantie de paiement des créances sur les clients. Le total de ces garanties est plafonné.

Par ailleurs, EDF International octroierait deux garanties spécifiques dont l'une porte sur un contentieux avec un client et l'autre sur un litige fiscal ancien.

VII. - La commission observe que la cession par le groupe EDF à Edison de sa filiale EEI vise à clarifier l'activité d'EDF en Italie à la suite de la prise de contrôle conjointe avec AEM d'Edison. Edison dispose des capacités de production qui assurent pour l'avenir l'activité d'EEI qui avait à l'origine été conçue suivant un modèle désormais périmé reposant en grande partie sur l'acquisition privilégiée d'électricité à EDF. La cession apparaît donc de nature à mieux valoriser le portefeuille de clients existant et à créer des synergies au sein du groupe EDF.

L'estimation de la valeur d'EEI est très dépendante des prévisions d'activité et de marge au cours des années à venir, ce qui affecte d'une évidente incertitude les évaluations présentées à la commission. Le phénomène de réduction des marges résulte cependant de facteurs largement inévitables (disparition des sources d'approvisionnement à coût réduit, exacerbation de la concurrence) pour une société sans capacité de production. La valeur d'EEI, dont les bénéfices ont été systématiquement distribués par le passé, ne peut donc qu'être faible voire, comme le conclut l'expert, négative du fait de l'endettement net.

Les garanties données par le vendeur constituent un élément important du dossier compte tenu de leur montant théorique élevé, nettement supérieur au prix de vente. L'enjeu réel paraît cependant modéré selon les analyses des risques concernés réalisées par EDF et ses conseils juridiques et dont les conclusions ont été transmises à la commission.

Globalement, la cession projetée, qui ne porte que sur des montants faibles, n'apparaît pas défavorable aux intérêts patrimoniaux de EDF.

VIII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé par EDF de la société EDF Energia Italia.