J.O. 177 du 2 août 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Délibération n° 2006-171 du 27 juin 2006 portant avis sur un projet d'arrêté relatif à l'expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile


NOR : CNIX0609490X



La Commission nationale de l'Informatique et des Libertés,

Saisie pour avis par le ministère de la justice, conformément aux dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, d'un projet d'arrêté relatif à l'expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) ;

Vu la convention no 108 du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;

Vu la directive no 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel ;

Vu le code pénal, notamment ses articles 131-36-9 et suivants ;

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 731-1, 763-10 à 763-14 et D. 539 ;

Vu le décret no 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004 ;

Vu la délibération no 2006-147 du 23 mai 2006 fixant le règlement intérieur de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés ;

Après avoir entendu M. Patrick Delnatte, commissaire, en son rapport, et Mme Pascale Compagnie, commissaire du Gouvernement, en ses observations,



Emet l'avis suivant :

Le ministère de la justice a saisi la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, le 29 mai 2006, d'un dossier de demande d'avis accompagné d'un projet d'arrêté relatif à l'expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), conformément aux dispositions de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

Aux termes des dispositions des articles 131-36-9 et suivants du code pénal issues de la loi no 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, « le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'à l'encontre d'une personne majeure condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à sept ans et dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour prévenir la récidive à compter du jour où la privation de liberté prend fin ».

Les articles 763-10 et suivants du code de procédure pénale déterminent les modalités d'exécution du placement sous surveillance électronique mobile. Ainsi, le condamné placé sous surveillance électronique mobile est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d'un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation.

La commission rappelle qu'aux termes de la loi la mise en oeuvre du procédé homologué à cet effet par le ministre de la justice doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale.

L'alinéa premier de l'article 763-13 du code de procédure pénale, sur le fondement duquel est présenté le projet d'arrêté portant création du traitement automatisé relatif à l'expérimentation du placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), dispose que « le contrôle à distance de la localisation du condamné fait l'objet d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, mis en oeuvre conformément aux dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978. »

L'article 763-14 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du placement sous surveillance électronique mobile et qu'en particulier les dispositions relatives au traitement automatisé prévu à l'article 763-13 qui précisent, notamment, la durée de conservation des données enregistrées sont prises après avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés.

L'article D. 539 du code de procédure pénale prévoit toutefois que le placement sous surveillance électronique mobile peut intervenir avant la date fixée par le décret pris en application de l'article 763-14 précité pour les peines d'au moins sept ans d'emprisonnement, avec l'accord du condamné, dans le cadre d'une expérimentation menée par le ministère de la justice.




Sur les conditions de l'expérimentation :

Cette expérimentation sera limitée à quarante personnes volontaires faisant l'objet d'une mesure de libération conditionnelle. En effet, aux termes de l'article 731-1 du code de procédure pénale, la personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être placée sous surveillance électronique mobile dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 763-10 à 763-14 du code de procédure pénale.

Elle se déroulera sur deux sites pilotes, les directions régionales des services pénitentiaires de Lille et Rennes à compter de juin 2006, et pour une durée de un an.

A cet effet, il est prévu la création au sein des directions régionales des services pénitentiaires précitées d'une application informatique qui aura pour finalité d'assurer le contrôle à distance de la localisation et le suivi des personnes placées sous surveillance électronique mobile.

Le personnel de l'administration pénitentiaire assurera la pose et la dépose des émetteurs, recevra et traitera les alarmes de violation des interdictions et obligations liées aux déplacements et procédera à la saisie des décisions judiciaires relatives à la surveillance électronique.

C'est la décision de la juridiction de l'application des peines qui fixe le cadre des obligations assortissant la libération conditionnelle, et notamment celle du PSEM, en précisant les zones d'inclusion, d'exclusion, tampons et les horaires d'assignation.

Un « pôle centralisateur » mis en place au sein de chaque direction régionale sera équipé d'une infrastructure informatique dédiée sur laquelle sera installé le logiciel de surveillance électronique mobile. Les données propres à chaque direction régionale seront gérées au sein de leur pôle centralisateur.

L'alimentation du dispositif de surveillance par les données de géolocalisation sera gérée par un prestataire extérieur, qui disposera seulement d'un numéro non signifiant (numéro dit de « PSEM ») dont la correspondance avec l'identité du porteur du bracelet sera seule détenue par le pôle centralisateur. C'est le prestataire qui transmettra les alarmes aux pôles centralisateurs des deux directions régionales retenues pour cette expérimentation.

Sur l'architecture informatique retenue :

La commission prend acte que le ministère de la justice a confirmé la constitution d'une base de données centralisée qui serait rendue nécessaire pour « fournir un accès unique aux destinataires des données ». De plus, cette base permettrait de répondre aux exigences de sécurité, notamment « sur l'accès permanent aux systèmes d'information par le biais de site de secours, pour la simplicité du contrôle d'accès physique aux sites du contrôle des accès des destinataires au système informatique qui sera unique ».

Elle estime toutefois que n'est pas ainsi apportée de justification suffisante à la constitution d'une base centrale, dans la mesure où deux bases de données seront d'ores et déjà constituées dans chaque pôle centralisateur des deux directions régionales pour les personnes relevant de leur zone géographique.



Sur la confidentialité des données :

S'agissant des transmissions entre le bracelet électronique et le système informatique central, il est précisé que les données de géolocalisation ne pourront être interceptées par un tiers car l'ensemble des procédés de transmission des données entre le centre de surveillance du prestataire et les supports techniques de l'administration pénitentiaire sera sécurisé. Les transmissions de données entre le bracelet, l'unité mobile de géolocalisation et le centre de traitement seront protégées de façon à ne permettre la géolocalisation de la personne que par les équipes désignées par l'administration pénitentiaire.

En outre, le ministère de la justice précise que chaque bracelet sera doté d'un code d'identification unique et que les fréquences seront sécurisées.

La commission prend acte que la totalité des transmissions entre le bracelet électronique et le système informatique central sera chiffrée.

Par ailleurs, le choix du recours à un prestataire extérieur a été retenu en particulier pour assurer le recueil des données sur la localisation de la personne.

La commission considère que compte tenu de la finalité du traitement et de la sensibilité des données le recours à un prestataire extérieur ne peut être admis, dans le cadre de cette expérimentation, que dans la mesure où toutes les garanties techniques et juridiques sont prises pour assurer la confidentialité des données et éviter toute utilisation de celles-ci à des fins autres que celles prévues dans le projet d'arrêté.

Elle observe que le système de géolocalisation retenu permettra au prestataire de géolocaliser la personne en relevant ses positions toutes les trente secondes et que seules les alarmes, c'est-à-dire les informations selon lesquelles la personne aura franchi des zones d'exclusion ou des zones tampons, seront transmises aux pôles centralisateurs. Les autres éléments de surveillance seront ainsi transférés en temps différé, à la fin de chaque journée.

La commission relève que le prestataire retenu pour héberger le système informatique central en France et procéder à la maintenance de celui-ci pourrait assurer des opérations de télémaintenance à partir d'un centre situé à l'étranger. Elle prend acte des précisions apportées par le ministère de la justice selon lesquelles cette télémaintenance extérieure ne nécessitera aucune transmission de données à caractère personnel vers l'étranger. Dès lors, les dispositions de l'article 69 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée n'auraient pas lieu de s'appliquer.

Elle estime nécessaire que, conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 6 janvier 1978, un contrat soit conclu entre le ministère de la justice, seul responsable de l'application, et la société de service retenue, afin de déterminer clairement les conditions de réalisation de la prestation ainsi confiée, en particulier en matière de protection des données personnelles. Ce contrat devra préciser les modalités selon lesquelles la procédure de télémaintenance sera engagée.

Elle demande qu'une copie de ce contrat de sous-traitance lui soit transmise.




Sur les modalités d'information des personnes placées sous surveillance électronique mobile et le recueil du consentement :

Conformément aux dispositions du second alinéa de l'article D. 539 du code de procédure pénale, le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra intervenir qu'avec l'accord de la personne. Au préalable, le juge de l'application des peines saisi d'une demande de libération conditionnelle, par l'intermédiaire des personnels de l'administration pénitentiaire, s'assurera que la personne est volontaire pour participer à l'expérimentation. A cet effet, le consentement de la personne sera recueilli lors d'un débat contradictoire par le ou les magistrats de la juridiction de l'application des peines.

La commission prend acte des mentions d'information qui seront respectivement portées sur les formulaires de collecte des données et qui seront affichées dans les locaux accessibles au public de la direction régionale des services pénitentiaires dans le ressort duquel se déroulera l'expérimentation.

Elle observe que le droit d'accès s'exercera auprès du directeur régional des services pénitentiaires territorialement compétent dans le ressort duquel se déroulera l'expérimentation.

Elle estime également nécessaire que l'article 1er du projet d'arrêté soit complété afin de mentionner le caractère volontaire de la participation à l'expérimentation.

Sur la nature des données collectées :

L'article 2 du projet d'arrêté prévoit que les catégories d'informations enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article 1er sont :

- l'identité du placé : nom de famille, nom marital, prénoms, alias, date et lieu de naissance, sexe, nationalité ;

- la photographie du visage de face, la taille, le poids, la couleur des cheveux, la couleur des yeux, la description de tatouages ou cicatrices du placé ;

- l'adresse de résidence du placé ;

- la situation du placé : situation de famille, nombre d'enfants ;

- la situation professionnelle du placé : profession, adresse professionnelle ;

- la décision de condamnation : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision, infraction commise ;

- la décision de placement : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision ;

- les décisions modificatives de placement : désignation de la juridiction, nature et contenu de la décision ;

- le numéro PSEM ;

- les dates de début et de fin de la mesure de PSEM ;

- les coordonnées de géolocalisation des zones d'exclusion, des zones tampon et des zones d'inclusion, ainsi que les horaires d'assignation ;

- le relevé des positions du bracelet du placé à intervalles de 30 secondes ;

- la liste des alarmes déclenchées, enregistrées par date, heure, minute et position.



La commission estime que, dans la mesure où l'enregistrement des données relatives à la photographie du visage de face, à la taille, au poids, à la couleur des cheveux, des yeux, à la description de tatouages ou cicatrices est justifié par la nécessité, en cas d'alarme de violation ou dans le cadre de recherche de la personne placée sous PSEM, d'être certain de l'identité et de permettre sa mise hors de cause ou son interpellation dans les meilleurs délais, il est nécessaire que l'article 1er du projet d'arrêté soit complété afin de préciser la finalité de recherche et d'interpellation des personnes ne respectant pas les règles fixées pour leur libération conditionnelle.

La commission considère toutefois que la collecte de l'information relative à la situation de famille, au nombre d'enfants et à l'emploi de la personne faisant l'objet d'un PSEM n'est pas pertinente au regard des finalités ainsi précisées.

Sur les destinataires des données :

L'article 4 du projet d'arrêté précise que « Les destinataires des informations enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article 1er sont :

- le directeur de l'administration pénitentiaire ;

- le directeur des affaires criminelles et des grâces ;

- les magistrats et fonctionnaires de la direction de l'administration pénitentiaire, ainsi que de la direction des affaires criminelles et des grâces chargés du suivi et de la mise en oeuvre de l'expérimentation ;

- les directeurs régionaux des services pénitentiaires des sites expérimentaux ;

- les personnels de l'administration pénitentiaire affectés aux pôles centralisateurs chargés de la mise en oeuvre du PSEM dans le cadre de l'expérimentation ;

- les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation chargés de l'exécution de la mesure ;

- les magistrats et fonctionnaires habilités des juridictions de l'application des peines situées dans le ressort des directions régionales des services pénitentiaires de Lille et de Rennes. »

La commission prend acte du fait que les directeurs et personnels des directions centrales et régionales chargés du suivi et de la mise en oeuvre de l'expérimentation ainsi que les magistrats et fonctionnaires désignés des juridictions de l'application des peines et les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation, chargés de la mise en oeuvre effective de la mesure et du suivi du condamné, pourront être destinataires des informations enregistrées dans le traitement et qu'ils ne disposeront pas d'un accès direct au traitement.

Elle note également que, tant le directeur des affaires criminelles et des grâces que le directeur de l'administration pénitentiaire désigneront, par note, les personnels de leurs directions chargés du suivi et de la mise en oeuvre de l'expérimentation qui seront spécialement habilités à avoir accès au traitement.

Sur la durée de conservation des données :

L'article 3 du projet d'arrêté prévoit une conservation des données limitée à deux ans à compter de leur enregistrement, alors que l'article 6 du même projet d'arrêté limite l'expérimentation à une durée d'un an.

Selon le ministère, la durée de conservation de deux ans à compter de l'enregistrement des données a été arrêtée au regard du second marché d'expérimentation qui débutera à la fin de l'année 2006 afin de permettre une reprise des données et d'envisager un éventuel changement de prestataire.

La commission prend note que cette durée de conservation est spécifique à l'expérimentation et estime qu'elle ne préjuge pas de la durée qui devrait être retenue pour la conservation des données relatives aux déplacements des personnes dans le projet de décret pris pour l'application de l'article 763-14 du code de procédure pénale.

Elle demande à être saisie d'un bilan de l'expérimentation ainsi réalisée.

Fait à Paris, le 27 juin 2006.



Le président,

A. Türk