J.O. 79 du 2 avril 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi pour l'égalité des chances


NOR : CSCL0609191X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi pour l'égalité des chances, adoptée le 9 mars 2006.

Les recours mettent en cause les articles 8, 21, 48, 49 et 51 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :


*

* *

I. - Sur l'article 8


A. - L'article 8 de la loi déférée institue un nouveau type de contrat de travail, dénommé « contrat première embauche », susceptible d'être conclu par les employeurs qui entrent dans le champ de l'article L. 131-2 du code du travail et qui emploient plus de vingt salariés, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de vingt-six ans.

L'article 8 prévoit que ce contrat de travail est conclu sans détermination de durée et qu'il est soumis aux dispositions du code du travail à l'exception, pendant les deux premières années courant à compter de sa conclusion, de certaines dispositions limitativement et précisément énumérées. L'article 8 précise les conditions et modalités de la rupture de ce contrat de travail pendant ses deux premières années d'exécution.

En termes procéduraux, les auteurs des saisines font valoir que la procédure législative qui a conduit à l'adoption de ces dispositions n'aurait pas respecté les règles fixées par la Constitution et aurait porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Ils soutiennent, en particulier, que le Gouvernement ne pouvait, sans excéder les limites du droit d'amendement et sans méconnaître l'obligation de consulter le Conseil d'Etat sur les projets de loi, soumettre ces dispositions par voie d'amendement. Ils relèvent, en outre, qu'il a été porté atteinte à la sincérité du débat parlementaire du fait de la mise en oeuvre cumulative de la procédure du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution et de la procédure d'urgence et du fait que le Sénat a adopté sans les modifier les dispositions réputées adoptées par l'Assemblée nationale. Ils mettent en cause également la discussion du texte devant le Sénat et contestent l'application qui a été faite de certaines des dispositions du règlement du Sénat.

Sur le fond, les parlementaires requérants soutiennent que l'institution de ce nouveau type de contrat de travail porterait atteinte au principe constitutionnel d'égalité. Ils font valoir aussi qu'elle serait contraire à la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000, telle qu'interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes, ainsi qu'à la Charte sociale européenne. Ils relèvent également que l'absence d'exigence de motivation de la rupture de ce contrat de travail serait de nature à porter atteinte à l'objectif constitutionnel du droit à l'emploi.

Les recours font encore valoir que les dispositions adoptées par le législateur ne seraient pas suffisamment précises, qu'elles seraient entachées d'incompétence négative et qu'elles méconnaîtraient les exigences constitutionnelles relatives à l'intelligibilité et la clarté de la loi. Elles porteraient aussi atteinte, par leur imprécision, à la garantie des droits reconnue par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Enfin, le défaut d'information du salarié quant aux motifs d'une rupture du contrat de travail méconnaîtrait les exigences constitutionnelles résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, porterait atteinte au droit à l'emploi et serait en contradiction avec les stipulations de la convention no 158 de l'Organisation internationale du travail.

B. - Le Gouvernement considère qu'aucun de ces griefs n'est susceptible d'être accueilli par le Conseil constitutionnel.

1. Les différentes critiques mettant en cause la régularité de la procédure législative ne sont pas de nature à justifier la censure de l'article 8 de la loi déférée.

a) En premier lieu, il était loisible au Gouvernement de proposer au Parlement d'adopter la disposition qui est devenue l'article 8 de la loi déférée par la voie d'un amendement.

En vertu de l'article 44 de la Constitution, les membres du Parlement et le Gouvernement disposent du droit d'amender un texte en discussion. Pour le Gouvernement, l'exercice du droit d'amendement constitue l'une des deux formes que peut prendre son pouvoir d'initiative des lois. Le Conseil constitutionnel a, en effet, déjà considéré que l'initiative législative du Gouvernement peut prendre « à son choix » la forme du dépôt d'un projet de loi ou la forme d'un amendement à un texte en discussion devant une assemblée, dès lors dans ce dernier cas que sont respectées les règles constitutionnelles relatives à l'exercice du droit d'amendement. Le conseil a ainsi jugé qu'aucune disposition de la Constitution ne contraint le Premier ministre à présenter un projet de loi, réserve faite des dispositions particulières régissant les lois de finances ou, aujourd'hui, les lois de financement de la sécurité sociale (décision no 93-329 DC du 13 janvier 1994). Il s'ensuit que le choix effectué au cas présent par le Premier ministre de mettre en oeuvre son pouvoir d'initiative sous la forme du dépôt d'un amendement et non sous celle du dépôt d'un projet de loi n'est pas contraire à la Constitution.

Lorsque le Gouvernement fait usage de son droit d'amendement, les dispositions de l'article 39 de la Constitution, qui sont relatives à la consultation du Conseil d'Etat sur les seuls projets de loi délibérés en conseil des ministres, ne trouvent pas à s'appliquer. Et il ne saurait être valablement déduit de l'existence de cette obligation de consultation sur les projets de loi la conséquence que le Gouvernement ne pourrait faire usage du droit que lui reconnaît par ailleurs l'article 44 de la Constitution et qui n'est pas assorti de la même obligation procédurale : le Conseil constitutionnel a déjà jugé que les dispositions de l'article 39 ne s'opposent pas à l'introduction d'une disposition par voie d'amendement gouvernemental, quand bien même cette disposition serait « substantielle » ou n'aurait « rien d'impromptu » (décision no 95-357 DC du 25 janvier 1995).

La circonstance que, par une décision ultérieure (décision no 2003-468 DC du 3 avril 2003), le conseil ait veillé à ce que le Gouvernement respecte strictement l'obligation résultant de l'article 39 de la Constitution de consulter le Conseil d'Etat lorsqu'il choisit de déposer un projet de loi n'a nullement pour effet de remettre en cause la possibilité pour le Gouvernement de mettre en oeuvre son pouvoir d'initiative des lois, sans consultation du Conseil d'Etat, par la voie du droit d'amendement que lui reconnaît l'article 44 de la Constitution.

On doit, enfin, souligner qu'en l'espèce le dépôt par le Gouvernement de l'amendement dont est issu l'article 8 de la loi déférée n'a pas excédé les limites imparties au droit d'amendement par la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel admet que puissent être adoptés par voie d'amendement, au cours de la première lecture, des articles additionnels, dès lors que ces articles ne sont pas dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion (voir notamment la décision no 2005-532 DC du 19 janvier 2006 et les décisions no 2006-533 DC et no 2006-534 DC du 16 mars 2006). Par ailleurs, la jurisprudence a cessé d'impartir à l'exercice du droit d'amendement des limites tenant à l'ampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (voir en particulier la décision no 2001-445 DC du 19 juin 2001 et la décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002).

Au cas présent, l'amendement dont est issu l'article 8 de la loi déférée n'est pas dépourvu de lien avec l'objet du projet de loi qui avait été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale : instituant un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée destiné à permettre l'embauche des jeunes de moins de vingt-six ans, il n'est pas sans lien, au sens de la jurisprudence constitutionnelle, avec les dispositions de l'article 5 du projet de loi initialement déposé, qui avaient pour objet de modifier les dispositions du code du travail relatives au dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises mis en place en 2002, avec celles de l'article 2 du projet de loi relatif au contrat d'apprentissage et avec celles de l'article 4 du projet relatif au contrat de professionnalisation.

b) En deuxième lieu, la mise en oeuvre régulière de procédures particulières prévues par la Constitution ne saurait affecter la constitutionnalité de la loi déférée. On doit observer, au demeurant, que cette critique formulée par les saisines ne concerne pas spécifiquement le seul article 8 de la loi déférée, mais met en cause, plus généralement, le déroulement de l'ensemble de la procédure législative.

D'une part, en vertu de l'article 45 de la Constitution, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion après une seule lecture par chaque assemblée si le Gouvernement a déclaré l'urgence. Au cas d'espèce, le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur le texte. On ne peut, par suite, considérer que l'article 8 de la loi déférée aurait été adopté selon une procédure irrégulière au motif qu'il n'aurait fait l'objet que d'une seule lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Par ailleurs, on ne saurait suivre l'argumentation des saisines qui apparaît contester au Sénat le pouvoir d'adopter par un vote conforme les dispositions du projet telles qu'elles lui ont été transmises après leur examen en première lecture par l'Assemblée nationale, au motif que ce vote conforme aurait pour effet d'empêcher la discussion de se poursuivre en commission mixte paritaire.

D'autre part, selon le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte, ce dernier étant alors considéré comme adopté sauf si l'Assemblée adopte une motion de censure déposée dans les vingt-quatre heures.

C'est conformément à ces dispositions constitutionnelles que le Premier ministre a engagé, en vertu d'une délibération du conseil des ministres, la responsabilité du Gouvernement et que le projet de loi pour l'égalité des chances a été considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, d'ailleurs après que l'Assemblée eut fini d'examiner les dispositions dont est issu l'article 8 de la loi déférée.

La mise en oeuvre de ces différentes procédures s'est effectuée dans le respect des dispositions constitutionnelles applicables à chacune d'entre elles. Et le fait qu'elles aient été utilisées cumulativement, pour permettre l'adoption du texte de loi en temps utile, ne conduit pas à considérer que la procédure législative suivie aurait été contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a déjà admis la mise en oeuvre combinée d'autres procédures organisées par la Constitution ou les règlements des assemblées, en considérant que la circonstance que plusieurs procédures aient été utilisées cumulativement n'était pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnelle l'ensemble de la procédure législative (décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995). Pas davantage que dans ce précédent, la procédure législative ayant au cas présent conduit à l'adoption de la loi déférée n'a pas été contraire à la Constitution.

c) En troisième lieu, le Gouvernement estime que les conditions dans lesquelles la discussion s'est déroulée au Sénat ne conduisent pas à considérer que la loi déférée aurait été adoptée selon une procédure législative contraire à la Constitution. Comme les critiques précédentes, les griefs tirés du déroulement de la procédure au Sénat ne mettent pas en cause seulement l'article 8 de la loi déférée.

Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé, le bon déroulement du débat démocratique et le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels supposent que soit pleinement respecté le droit d'amendement garanti aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution et que les parlementaires et le Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins. Mais. il importe toutefois qu'il ne soit pas fait un usage excessif de ces droits (décision no 95-370 DC du 30 décembre 1995 ; décision no 2003-468 DC du 3 avril 2003).

Au cas présent, il faut relever que la discussion en séance du projet de loi pour l'égalité des chances au Sénat en première lecture a été l'une des plus longues de l'histoire du Sénat. Elle a été répartie sur neuf jours de débats et a duré plus de 84 heures. Sur ce total, plus de 72 heures ont été consacrées à la discussion en séance des différents articles du texte et des nombreux amendements qui ont été déposés. On doit souligner à cet égard que le rythme des travaux a été ralenti par la mise en oeuvre dilatoire de diverses procédures : il a, ainsi, été procédé au cours de la première lecture au Sénat à 57 rappels au règlement, à 2 demandes de vérification de quorum, à 15 suspensions de séance ainsi qu'à 56 demandes de scrutin public sur l'examen des articles .

S'agissant précisément de l'exercice du droit d'amendement, on doit relever que 900 amendements ont été déposés sur le texte. Comme 57 d'entre eux ont été retirés avant la séance, 843 amendements étaient à examiner. 160 d'entre eux ont été déclarés irrecevables et 81 sont tombés en raison de l'ordre de la discussion. Au total, le Sénat a examiné 682 amendements et en a adopté 132, à savoir 43 amendements de la commission des affaires sociales, 43 amendements des commissions saisies pour avis, 17 amendements du groupe socialiste, 5 du groupe CRC, 16 du groupe UC-UDF, 6 du groupe UMP et 1 du groupe RDSE.

Sur les 160 amendements qui ont été écartés des débats comme irrecevables, 52 l'ont été par application de l'article 40 de la Constitution, conformément à la position de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et sans que les saisines ne contestent précisément le bien-fondé de la mise en oeuvre de cette procédure.

2 amendements ont été écartés en vertu du deuxième alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, au motif qu'ils étaient contraires à l'article 3 de la Constitution.

28 sous-amendements ont été écartés par application du deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission. Ces 28 sous-amendements ont été déposés en bloc en séance publique alors que l'amendement no 63 sur lequel ils entendaient se greffer, qui avait été déposé deux jours auparavant, avait déjà été appelé par le président de séance. Ils n'ont pas été soumis à la commission et le Sénat a admis, par scrutin public, l'applicabilité de l'article 44, alinéa 2, aux sous-amendements. Au surplus, ces sous-amendements reprenaient des amendements qui avaient été précédemment écartés et qui ne présentaient pas de lien avec le texte de l'amendement sur lequel ils entendaient se greffer. Deux d'entre eux reprenaient des amendements qui avaient été écartés par application de l'article 40 de la Constitution et les autres dépassaient le cadre du sous-amendement dans la mesure où ils ne s'appliquaient pas au texte de l'amendement no 63 qu'ils prétendaient compléter.

78 amendements ont été écartés en application du troisième alinéa de l'article 48 du règlement du Sénat, comme ne s'appliquant effectivement pas au texte en discussion ou comme insérant des articles additionnels dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion. Sur le premier point, il a été notamment considéré que de nombreux amendements étaient artificiellement rattachés à l'article 1er alors qu'ils auraient dû prendre la forme d'articles additionnels, compte tenu de leur objet et de l'absence de lien manifeste avec l'article en discussion. Sur le second point, plusieurs amendements avaient pour objet d'insérer des articles additionnels sans lien aucun avec le texte en discussion : il en allait ainsi, par exemple, d'amendements déjà présentés dans le cadre de la discussion du projet de loi sur l'engagement national pour le logement ou d'amendements tendant à l'abrogation d'une directive en matière de fonction publique ou encore d'amendements relatifs aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires.

A supposer que le Conseil constitutionnel estime que certains de ces derniers amendements aient été écartés sans justification appropriée, le Gouvernement considère que cette circonstance ne présenterait pas le caractère d'une irrégularité substantielle susceptible d'entacher de nullité l'ensemble de la procédure législative, eu égard au contenu de ces amendements et aux conditions générales du débat parlementaire, au cours duquel le droit d'amendement des sénateurs a pu être largement exercé. Le Conseil constitutionnel a déjà mis en oeuvre un tel raisonnement (voir la décision no 93-329 DC du 13 janvier 1994), qui apparaîtrait au Gouvernement tout à fait transposable au cas d'espèce.

Pour ces différentes raisons, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel devra écarter les différents griefs mettant en cause la procédure législative qui sont articulés par les saisines.

2. Sur le fond, et avant de répondre précisément à l'argumentation des recours, il convient de rappeler l'objet et la portée du contrat dit « première embauche ».

a) Le Gouvernement, en présentant l'amendement qui est devenu l'article 8 de la loi déférée, et le législateur, en adoptant cette disposition, ont entendu mettre en place un dispositif nouveau afin de réduire les difficultés d'insertion professionnelle constatées chez les jeunes et la grande précarité de leur situation.

On ne peut, en effet, que constater que les différentes politiques de l'emploi qui ont été menées jusqu'à maintenant n'ont eu que peu d'effets sur l'insertion des jeunes générations sur le marché du travail.

En termes de formation, la proportion de jeunes sortant de formation initiale sans qualification (c'est-à-dire sans diplôme et sans avoir achevé un cycle de formation) a beaucoup baissé sur la longue période (30 % en 1970, 15 % en 1980, 6 à 7 % depuis 1995). Plus de 60 % d'une génération obtient désormais le baccalauréat et 40 % un diplôme de l'enseignement supérieur. Mais les sorties sans diplôme (ou uniquement avec le brevet des collèges) semblent, depuis la fin des années 1990, atteindre un plancher estimé, sur la période 2002-2004, à près de 18 % de l'ensemble des sortants, ce qui représente entre 120 000 et 140 000 jeunes chaque année. La France connaît ainsi un nombre de jeunes sortis du système de formation sans qualification qui demeure élevé. Par ailleurs, la hiérarchie des diplômes semble moins respectée.

De plus, force est de constater que tous les jeunes, y compris ceux qui détiennent un ou plusieurs diplômes, connaissent de sérieuses difficultés pour obtenir une situation professionnelle stable après leur arrivée sur le marché du travail. Ils sont, de façon générale, fortement exposés au risque de chômage. On observe, en outre, de fortes inégalités selon le diplôme, le sexe, le milieu socioprofessionnel et l'origine. Le taux de chômage des jeunes était de 22 % à la fin de l'année 2005, soit l'un des plus élevés d'Europe. Il apparaît structurellement supérieur au double du taux de chômage global : ainsi en mars 2001, alors que le taux de chômage général était descendu à 8,6 %, celui des moins de 25 ans était de 17,6 %. Le taux de chômage des jeunes atteint même 40 % dans les quartiers défavorisés. De plus, les taux d'activité observés en France sur la tranche d'âge 15-24 ans sont parmi les plus faibles des pays de l'OCDE : il n'était, en 2004, que de 34,1 % en France contre 67,4 % au Royaume-Uni, 61,1 % aux Etats-Unis, 51,5 % en Suède, 49,2 % en Espagne, 47,5 % en Allemagne et 46,4 % pour la moyenne des quinze pays composant alors l'Union européenne.

On doit remarquer, au surplus, que l'insertion professionnelle des jeunes est particulièrement chaotique et qu'elle est marquée par une grande précarité. Aujourd'hui, près des deux tiers des jeunes entrent dans l'emploi par la voie d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat aidé ou par l'intérim. La moitié des sorties de jeunes pour fin de contrat à durée déterminée s'effectue moins d'un mois après l'embauche et les périodes d'intérim durent en moyenne quinze jours. Pour les jeunes de 16 à 25 ans, le contrat à durée indéterminée ne représente que 56 % des emplois privés, contre plus de 90 % pour les salariés plus âgés. Ce n'est que vers l'âge de 30-35 ans que la proportion atteint le niveau moyen de 90 %.

Les études du CEREQ confirment que la mobilité en début de carrière est très élevée. L'ouvrage intitulé « Quand l'école est finie... Premier pas dans la vie active de la génération 2001 », publié au deuxième trimestre 2005, montre, en termes de flux d'entrées, que le premier emploi des jeunes ne prend la forme d'un contrat à durée indéterminée que dans 36 % des cas, et même seulement environ 30 % des cas si l'on ne prend en compte que le secteur privé stricto sensu. Au fil de leur parcours, les jeunes se stabilisent progressivement dans l'emploi et obtiennent un contrat à durée indéterminée après des premières périodes d'emploi passées en contrats à durée déterminée ou en intérim, souvent entrecoupées d'épisodes de chômage. Pour sa part, la DARES a étudié l'ensemble de la population des 16-25 ans, non pas en flux d'entrées mais en stock : dans « Premières informations et Premières Synthèses » (n° 14.2) publiée en avril 2005, elle estime que 46 % des jeunes de 25 ans et moins sont dans un statut d'emploi temporaire, en contrat à durée déterminée ou en intérim ; elle précise également que cette proportion n'est que de 5,7 % pour les 40-49 ans et de 3,8 % pour les 50-64 ans. Dans cette même publication, il apparaît qu'à caractéristiques équivalentes de diplôme, de secteur d'activité, de durée du travail, un jeune a 7 fois plus de probabilités d'être sur un statut précaire qu'un salarié âgé de 30 à 49 ans.

Dans leur rapport de décembre 2004 exploitant des données d'EUROSTAT, MM. Francis Kramarz et Pierre Cahuc expliquent qu'il faut attendre l'âge de 33 ans pour que le taux de contrats à durée indéterminée par âge soit égal à la moyenne de l'ensemble des salariés, c'est-à-dire 90 %. L'âge moyen de fin d'étude étant de 22 ans, il faut donc aux jeunes une dizaine d'années pour atteindre la stabilité dans l'emploi que connaissent les autres salariés.

De la précarité de cette situation résulte, pour les jeunes, une grande vulnérabilité. Les trajectoires d'emploi des jeunes sont discontinues. Près de la moitié (47 %) des jeunes de la génération 2001 ont connu une période de chômage au cours des trois ans qui ont suivi la fin de leur scolarité. La situation de ceux qui sont sortis du système de formation sans qualification est plus difficile encore : 54 % de ces jeunes ont été au chômage pendant plus de six mois et 42 % pendant plus de douze mois. Il faut souligner que peu de ces jeunes sont susceptibles de recevoir une indemnisation par l'assurance chômage : 55 % des 16-25 ans inscrits à l'ANPE ne perçoivent pas d'allocation.

b) Le « contrat première embauche » vise à remédier à cette situation de grande précarité, en instituant une nouvelle forme de contrat à durée indéterminée comportant une période dite de consolidation de deux ans, destiné à servir aux jeunes de passerelle vers un contrat à durée indéterminée de droit commun. Il tire les enseignements du contrat dit « nouvelles embauches » ouvert aux petites entreprises, dont les résultats sont concluants, et s'en inspire pour l'adapter à la situation des jeunes embauchés dans les autres entreprises.

Il s'agit d'un contrat écrit à durée indéterminée, auquel sont applicables les dispositions du code du travail et le droit conventionnel dans les conditions de droit commun, sauf pour ce qui concerne les conditions de sa rupture pendant la période de consolidation. Après la fin de cette période, le contrat est entièrement soumis au régime de droit commun du contrat à durée indéterminée. Pendant la période de consolidation, le contrat peut être rompu à l'initiative du salarié ou de l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception. La contestation de la rupture se prescrit par douze mois à compter de sa notification, à la condition toutefois que le salarié en ait été avisé.

Le contrat « première embauche », par la simplification et la sécurisation des conditions de rupture, donne ainsi plus de souplesse aux entreprises dans la prise en compte des aléas et variations concernant leur activité et réduit le risque que représente pour elles toute nouvelle embauche.

Cette modification des conditions de rupture respecte les prescriptions de l'ordre public social. Les prescriptions assurant par exemple la protection des salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif sont applicables de même que celles censurant les licenciements reposant sur une cause illicite. Enfin, les licenciements éventuels sont comptabilisés dans le décompte des effectifs ouvrant la procédure de licenciement collectif.

Ces conditions de rupture sont compensées pour le salarié par des droits nouveaux en matière de préavis, d'indemnité de licenciement, de droit individuel à la formation et de couverture renforcée du risque chômage. Le préavis croît en fonction de l'ancienneté, il est de deux semaines pour une ancienneté inférieure à six mois, d'un mois pour une ancienneté comprise entre six mois et un an. Comme pour le contrat dit « nouvelles embauches », la rupture à l'initiative de l'employeur pendant la période de consolidation ouvre au salarié droit à une indemnité de 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion de son contrat. Cette indemnité n'est soumise ni à l'impôt sur le revenu ni à cotisations sociales. A cette indemnité s'ajoute une contribution de l'employeur égale à 2 % du montant de la rémunération brute versée depuis le début du contrat, destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en faveur de son retour à l'emploi.

La loi assure au salarié dont le contrat a été rompu pendant la période de consolidation une couverture renforcée du risque chômage. Elle permet aux salariés qui ne justifient pas de droits suffisants pour bénéficier de l'assurance chômage de disposer d'une allocation forfaitaire financée par l'Etat. Sa durée de versement sera doublée par rapport à celle prévue dans le cadre du contrat dit « nouvelles embauches ». Dans des conditions définies par les partenaires sociaux, ou à défaut par décret, le salarié pourra également prétendre au bénéfice de la convention de reclassement personnalisé institué par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale en faveur des salariés qui ont fait l'objet d'un licenciement économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés.

Par rapport au contrat dit « nouvelles embauches », le contrat « première embauche » comporte des spécificités prenant en compte la situation particulière des jeunes salariés. La période de stage ou toute autre période de travail ou de formation accomplie par le jeune dans l'entreprise entre dans le décompte de la période de consolidation correspondant à un contrat. Le droit à la formation sera plus largement ouvert puisque le droit individuel à la formation, prévu par l'article L. 933-1 du code du travail, pourra être mobilisé dès la fin d'un délai d'un mois à compter de la signature du contrat alors que le délai est d'un an pour un contrat à durée indéterminée de droit commun.

3. A l'encontre de ce dispositif nouveau, les recours développent de nombreux griefs, qui ne sont toutefois pas susceptibles, selon le Gouvernement, de conduire à la censure de l'article 8 de la loi déférée.

a) Le Gouvernement considère, en premier lieu, que certains des griefs sont inopérants et ne relèvent pas du champ du contrôle de la constitutionnalité des lois.

Il en va ainsi de l'invocation directe de divers instruments internationaux, comme la Convention internationale du travail no 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur adoptée à Genève le 22 juin 1982, publiée par le décret no 90-140 du 9 février 1990, ou la Charte sociale européenne faite à Strasbourg le 3 mai 1996 dans le cadre du Conseil de l'Europe, publiée par le décret no 2000-110 du 4 février 2000. Le Conseil constitutionnel juge, depuis sa décision no 74-54 DC du 15 janvier 1975, qu'il ne lui appartient pas, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international. C'est sur le fondement de cette jurisprudence constante que les juridictions de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif ont été conduites, sur l'invitation du Conseil constitutionnel, à mettre en oeuvre la règle de conflit de normes qui résulte de l'article 55 de la Constitution.

Le Gouvernement considère qu'est également inopérante l'invocation de la directive 2000/78 /CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. A cet égard, il est vrai que le Conseil constitutionnel, en se fondant sur l'article 88-1 de la Constitution, a considéré que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle (décision no 2004-496 DC du 10 juin 2004). Au cas d'espèce, on doit observer que la loi déférée n'est pas une loi de transposition.

Mais surtout, on doit relever que le conseil n'a tiré pour conséquence de son interprétation de l'article 88-1 que la conclusion qu'une loi assurant la transposition de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive européenne n'est pas susceptible d'être jugée contraire à la Constitution, sous la réserve d'éventuelles dispositions constitutionnelles « expresses contraires ». Cette solution jurisprudentielle vise à favoriser la transposition des directives en évitant que le contrôle de constitutionnalité des lois ne s'ajoute au contrôle exercé par la cour de justice et risque de faire obstacle à la transposition. Elle n'implique pas que le conseil ait intégré les directives européennes au bloc de constitutionnalité. Une telle intégration serait d'ailleurs de nature à poser des difficultés d'articulation avec le contrôle exercé par les autres juridictions et soulèverait, en particulier, des difficultés sérieuses compte tenu de la mission dévolue à la cour de justice par les traités européens ratifiés par la France.

Le Gouvernement estime ainsi que les différents griefs prenant directement appui sur ces différents actes de droit international ou de droit communautaire sont, par application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, inopérants.

Il considère, en outre, que ne saurait davantage être accueillie leur invocation indirecte, via le principe de clarté et d'intelligibilité de la loi. Contrairement à ce que soutiennent les saisines, l'éventuelle mise en oeuvre, par les juridictions ordinaires, de la règle de conflit de normes résultant de l'article 55 de la Constitution n'affecte pas l'intelligibilité ou la clarté de la loi : elle est sans lien avec la qualité intrinsèque de la rédaction de la disposition législative. On ne saurait, par cette forme de biais détourné, tenter de réintroduire un débat subsidiaire sur la conformité de la loi aux traités que la jurisprudence constitutionnelle écarte, à titre principal, par l'interprétation de l'article 55 de la Constitution. A suivre l'argument des saisines, comme la règle de conflit de normes de l'article 55 est susceptible d'être invoquée à l'égard de toute loi, cette éventualité devrait conduire à la censure de toutes les lois votées par le Parlement au nom de l'exigence d'intelligibilité ou conduire le Conseil constitutionnel à exercer un contrôle équivalant à celui que sa jurisprudence a écarté depuis 1975.

b) En deuxième lieu, les critiques adressées par les recours au nom du principe constitutionnel d'égalité ne sont pas fondées.

Il convient, d'abord, de rappeler que les différences qui séparent la situation des salariés en contrat à durée indéterminée de droit commun de celle des futurs titulaires de contrats « première embauche » sont limitées. Le salarié, dès son embauche par l'effet d'un contrat « première embauche », sera placé dans une situation identique à celle des autres salariés de l'entreprise, avec les mêmes droits et obligations tels qu'ils résultent du code du travail et du droit conventionnel applicable à l'entreprise : c'est ainsi que ce salarié bénéficiera des mêmes salaires, du même suivi médical et sera soumis aux mêmes horaires collectifs que tout autre salarié.

Les différences avec le contrat à durée indéterminée de droit commun sont circonscrites à la rupture du contrat « première embauche ». Elles sont temporaires, dans la mesure où elles ne s'appliquent que pendant la période de consolidation. Au cours de cette période initiale, le contrat repose sur un équilibre différent de celui du contrat de travail de droit commun : les règles de rupture sont, pour l'employeur, plus souples que les règles applicables au contrat à durée indéterminée de droit commun, mais en contrepartie le législateur a adopté des dispositions favorables au salarié qui, par rapport au droit commun, bénéficiera de droits nouveaux en matière de formation, d'indemnisation en cas de rupture, de préavis et d'allocation de chômage.

L'institution de règles de rupture particulières au cours de la période de consolidation de deux ans vise à permettre de s'assurer, de façon plus souple, de l'adaptation du recrutement des jeunes aux exigences du poste et à l'activité de l'entreprise. Cette marge de souplesse, par rapport au contrat à durée indéterminée de droit commun, est destinée à inciter les entreprises à recruter par cette nouvelle forme de contrat, plutôt que de continuer à embaucher des jeunes sous les formes plus précaires qui sont observées aujourd'hui. Comme il a été dit précédemment, les jeunes salariés sont trop souvent embauchés par des contrats à durée déterminée de très courte durée ou pour des missions d'intérim, dans des conditions les plaçant dans une situation de précarité et d'insécurité par rapport aux autres salariés de l'entreprise. Cette situation est générale et concerne toutes les entreprises quelle que soit leur taille.

Le Conseil constitutionnel a déjà admis que des mesures particulières puissent être décidées par le législateur dans le but de favoriser le recrutement des jeunes et d'améliorer leur entrée dans la vie professionnelle, en considérant que les différences de traitement qui peuvent résulter de ces mesures, entre catégories de travailleurs, répondent à une fin d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier (voir en particulier la décision no 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 ; voir aussi les décisions no 77-79 DC du 5 juillet 1977 et no 2005-521 DC du 22 juillet 2005).

Dans la ligne de cette jurisprudence, le Gouvernement estime que les différences de traitement résultant de l'institution du contrat « première embauche » répondent à des considérations d'intérêt général, appréciées par le législateur dans le cadre du pouvoir que lui reconnaît la Constitution. Ces considérations d'intérêt général visent, d'une part, à inciter les entreprises, en particulier celles de taille moyenne, à augmenter le volume de leur recrutement et à favoriser l'emploi de jeunes salariés et, d'autre part, à réduire la précarité des jeunes sur le marché du travail en incitant les entreprises, notamment celles de grande taille, à modifier leur politique de recrutement en ayant recours au contrat « première embauche » de préférence aux formes plus précaires qu'elles mettent en oeuvre aujourd'hui lorsqu'elles embauchent des jeunes. A cet égard, il convient de rappeler que les grandes entreprises (plus de 500 salariés) ont recours aux formes d'emplois précaires dans une proportion identique à celle constatée dans les autres entreprises (environ 9 % de contrats précaires). Ainsi, à côté de leurs salariés soumis à des règles conventionnelles souvent plus favorables, les grandes entreprises ont un « volant de main-d'oeuvre » précaire qui vise plus particulièrement les jeunes salariés.

Les modalités adoptées par le législateur pour mettre en oeuvre ces objectifs apparaissent appropriées et pertinentes. En créant une nouvelle forme de contrat à durée indéterminée, comportant des modalités de rupture plus souples pendant la période de consolidation initiale de deux ans, le contrat « première embauche » est de nature à inciter les entreprises à avoir dorénavant recours à ce type de contrat, de préférence aux contrats plaçant les jeunes salariés en situation de précarité, particulièrement ceux qui sont les moins qualifiés et qui éprouvent le plus de difficultés pour accéder au marché du travail. Si le législateur n'avait pas retenu des modalités de rupture plus souples pour le contrat « première embauche » que pour le contrat à durée indéterminée de droit commun, il aurait été peu vraisemblable que les entreprises modifient les politiques de recrutement qui les conduisent aujourd'hui à n'embaucher que sur des contrats précaires. Les statistiques montrent, en effet, que les jeunes constituent, y compris pour les grandes entreprises, l'une des variables d'ajustement des aléas liés à l'activité économique. Le contrat à durée indéterminée de droit commun est perçu comme un cadre trop rigide et est contourné par le recours, parfois intensif, à l'intérim ou à des contrats à durée déterminée. En assouplissant les règles de rupture du contrat à durée indéterminée, pendant une période déterminée, le dispositif entend prendre en compte cette exigence de souplesse tout en incitant les entreprises à moins recourir aux diverses formes de contrats précaires et à utiliser la passerelle que constitue le contrat « première embauche » vers le contrat à durée indéterminée de droit commun.

Le dispositif adopté apparaît ainsi reposer sur des bases objectives et rationnelles, pertinentes avec les motifs d'intérêt général poursuivis. C'est pourquoi le Gouvernement estime que le législateur a mis en oeuvre son pouvoir d'appréciation sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité.

c) En troisième lieu, le Gouvernement considère que le fait que le législateur ait dispensé l'employeur, en cas de rupture d'un contrat « première embauche » au cours de la période de consolidation, de l'obligation de motivation applicable à la rupture des contrats à durée indéterminée de droit commun ne se heurte à aucun obstacle de nature constitutionnelle.

D'une part, il ne saurait être sérieusement soutenu que l'absence de motivation porterait atteinte au droit à l'emploi proclamé au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le lien entre l'exigence formelle de motivation et ce droit constitutionnel apparaît par trop indirect : l'indication expresse des motifs du licenciement apparaît sans lien avec les perspectives ultérieures de recrutement. Quoi qu'il en soit, le dispositif institué par le législateur comporte des mesures destinées à accompagner le jeune salarié dans son parcours en cas de rupture : telle est notamment la finalité de la convention de reclassement personnalisé. Ses capacités de retrouver un emploi tiennent certainement davantage à cet accompagnement personnalisé plutôt qu'au respect d'une exigence formelle de motivation.

D'autre part, le Gouvernement considère que la décision du Conseil constitutionnel no 99-419 DC du 9 novembre 1999, rendue à propos de la loi sur le pacte civil de solidarité, ne peut être interprétée comme posant un principe général, valable à l'égard de toute forme de contrat de droit privé à durée indéterminée, imposant que soit garantie l'information du cocontractant et la réparation du préjudice résultant des conditions de la rupture. Une telle solution a été adoptée, sur le fondement de la liberté contractuelle, à propos d'un contrat d'un type très particulier qui était contesté au motif que les dispositions législatives le régissant auraient institué une forme de répudiation contraire au principe de la dignité de la personne humaine. Cette solution ne paraît pas transposable à toutes les formes de contrats de droit privé et notamment pas aux contrats de travail. Il apparaît au Gouvernement que le législateur, en l'espèce, pouvait dispenser l'employeur de l'obligation de motiver la rupture du contrat au cours de la période de consolidation sans méconnaître le principe de la liberté contractuelle résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est, au demeurant, ce qui a été jugé par le Conseil d'Etat lorsqu'il a statué sur la légalité de l'ordonnance no 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » (CE Sect., 19 octobre 2005, Confédération générale du travail et autres, no 283471).

Enfin, il convient de relever que les dispositions critiquées ne remettent nullement en cause l'exercice du droit constitutionnel au recours. Toute rupture du contrat « première embauche » pourra faire l'objet d'une contestation devant le juge du contrat de travail et, dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de justifier devant le juge le motif du licenciement. En effet, si le dispositif en cause déroge aux exigences de motivation, d'entretien préalable et de cause réelle et sérieuse, aucune disposition de la loi déférée n'affecte l'exercice des voies de recours. Il appartiendra à l'employeur, en cas de contestation contentieuse, d'indiquer le motif de la rupture de façon que le débat puisse, le cas échéant, porter sur ce motif. Le juge du contrat de travail pourra apprécier la licéité de ce motif, en vérifiant par exemple qu'il n'est pas discriminatoire ou contraire aux dispositions du code du travail qui assurent une protection particulière à certains salariés. Conformément aux articles L. 122-25 et L. 125-2, L. 122-32-7, L. 122-46 et L. 122-49, les licenciements qui seraient prononcés pour un motif lié à l'état de santé du salarié, à une inaptitude médicale, à ses opinions politiques ou religieuses ou ses moeurs, ou encore qui révéleraient un harcèlement ou un comportement discriminatoire visés à l'article L. 122-45 du code du travail seront sanctionnés par le juge.

Par ailleurs, et au-delà de ces dispositions spécifiques, la jurisprudence sanctionnant l'abus de droit s'appliquera au contrat « première embauche ». A ce titre, un licenciement qui révélerait, par exemple, une intention de nuire ou un montage visant à contourner les règles du droit du travail sera considéré comme abusif et ouvrira droit à des dommages et intérêts dans les conditions de droit commun, ainsi qu'en témoigne, à propos d'une utilisation abusive du dispositif du contrat « nouvelles embauches », un récent jugement du conseil des prud'hommes de Longjumeau en date du 20 février 2006.

d) Le Gouvernement estime, enfin, que les autres critiques tirées de l'incompétence négative et de la méconnaissance des exigences de clarté et d'intelligibilité de la loi ne sont pas fondées.

On relèvera que le législateur a pris soin d'indiquer très précisément les dispositions du code du travail qui ne sont pas applicables au contrat « première embauche » au cours de la période de deux ans suivant la conclusion du contrat. Sur ce point, aucune exigence constitutionnelle n'imposait au législateur de qualifier expressément cette période de deux ans ; aucune imprécision ou incertitude ne résulte des termes mêmes de la loi, dès lors que les règles applicables au cours de cette période ont été précisément déterminées. Et, ainsi qu'il a été dit précédemment, la contestation de la compatibilité du dispositif avec les engagements internationaux de la France ne relève pas des exigences relatives à la clarté et l'intelligibilité de la loi.

Par ailleurs, il ne résulte de la loi aucune confusion selon que la rupture du contrat « première embauche » revêt ou non un caractère disciplinaire. Les articles L. 122-40 et L. 122-41 du code du travail sont applicables à ce type de contrat ; ils organisent les modalités de la procédure contradictoire dans tous les cas où l'employeur prend une mesure à titre disciplinaire à l'encontre d'un salarié, suite à un agissement considéré comme fautif. Le respect de la procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcé pour un motif disciplinaire a le caractère d'un principe général du droit du travail. La loi déférée n'y a nullement dérogé et, dans l'hypothèse où un employeur contournerait cette exigence, sans mettre en oeuvre la procédure contradictoire alors que la rupture reposerait en réalité sur un motif disciplinaire, le juge du contrat de travail serait conduit à requalifier la mesure et à en tirer les conséquences au bénéfice du salarié irrégulièrement licencié.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement considère que devront être écartés les différents griefs articulés par les deux recours mettant en cause, au fond, la constitutionnalité de l'article 8 de la loi déférée.


II. - Sur l'article 21


A. - L'article 21 de la loi déférée modifie les articles L. 620-10, L. 423-7 et L. 433-4 du code du travail pour exclure des effectifs de l'entreprise, pour ce qui concerne le calcul des effectifs et l'électorat aux élections professionnelles, les salariés intervenant dans l'entreprise en exécution d'un contrat de sous-traitance.

Les auteurs des recours soutiennent que ces dispositions ont été adoptées en méconnaissance des règles constitutionnelles régissant le droit d'amendement. Ils font valoir, en outre, qu'elles portent atteinte aux exigences constitutionnelles résultant du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 sur la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises.

B. - Ces critiques appellent les observations suivantes :

L'article 21 de la loi déférée modifie, d'une part, l'article L. 620-10 du code du travail relatif aux modalités de décompte des effectifs et, d'autre part, les articles L. 423-7 et L. 433-4 du même code qui précisent quels salariés sont électeurs pour la désignation des délégués du personnel et du comité d'entreprise.

Le législateur est intervenu pour préciser que les salariés des entreprises sous-traitantes ne doivent pas être inclus dans les effectifs des entreprises utilisatrices, contrairement à ce qu'a pu juger, dans certaines situations, la Cour de cassation. En intervenant de la sorte, afin notamment d'éviter que la prise en considération de salariés extérieurs n'affecte l'organisation des entreprises et de mettre fin à la double prise en compte de ces salariés à la fois dans l'entreprise qui les emploie et dans celle pour laquelle ils exercent leur activité, le législateur n'a pas méconnu les termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : il s'est borné à exercer la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution au titre de la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical pour déterminer, dans le respect du huitième alinéa du Préambule, les conditions de leur mise en oeuvre (décision no 77-79 DC du 5 juillet 1977).

En clarifiant les règles de décompte des effectifs, dont on sait qu'elles ne sont pas sans incidence sur le comportement des entreprises en matière d'emploi, le législateur a adopté un amendement qui n'est pas sans lien avec les dispositions relatives à la politique de l'emploi qui figuraient dans le projet initialement déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale. On peut ainsi considérer que l'article 21 n'a pas été adopté en méconnaissance des règles constitutionnelles relatives à l'exercice du droit d'amendement.


III. - Sur les articles 48 et 49


A. - L'article 48 de la loi déférée, insérant un article L. 224-4-l au code de l'action sociale et des familles, prévoit, pour les cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale entre les parents et le président du conseil général. L'article permet au président du conseil général, si le contrat n'a pu être signé sans motif légitime ou si les obligations souscrites n'ont pas été respectées, de décider la suspension des prestations familiales afférentes à l'enfant et à saisir l'autorité judiciaire.

L'article 49 de la loi déférée, rétablissant un article L. 552-3 au code de la sécurité sociale, organise les modalités de la suspension des prestations par le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales à la suite de la décision du président du conseil général.

Les parlementaires requérants soutiennent que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et qu'elles porteraient atteinte au droit au recours et aux droits de la défense.

B. - Le Gouvernement considère que ces critiques ne sont pas fondées.

L'article 48 a pour objet d'instituer un nouveau dispositif d'aide sociale à l'enfance sous la forme d'un contrat de responsabilité parentale destiné à apporter une aide aux parents qui rencontrent de réelles difficultés pour faire face à leur mission d'éducation. Le législateur a considéré, à cet égard, que la signature par ces parents d'un contrat les rappelant à leurs obligations et définissant la teneur d'actions précises destinées à remédier à la situation constituait un dispositif pertinent permettant aux services sociaux d'aider des parents qui sont confrontés à de telles difficultés à les surmonter.

Le Gouvernement estime que le législateur a suffisamment défini les cas dans lesquels il peut être proposé aux parents de signer un contrat de responsabilité parentale : l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles vise les cas d'absentéisme scolaire, en faisant référence à la définition qu'en donne le code de l'éducation, les cas de troubles portés au fonctionnement d'un établissement scolaire ainsi que les autres difficultés liées à la carence de l'autorité parentale. En apportant ces précisions, s'agissant à ce stade de l'institution d'un dispositif particulier relevant de l'aide sociale, le législateur n'est certainement pas demeuré en deçà de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale.

On doit observer, en outre, pour ce qui concerne le mécanisme particulier de sanction permettant au président du conseil général de décider la suspension du versement de tout ou partie des prestations familiales afférentes à l'enfant en cause, que le législateur a pris soin de déterminer les cas dans lesquels les parents s'exposent à ce que les prestations familiales soient suspendues : les dispositions de l'article critiqué précisent explicitement qu'une telle suspension est encourue lorsque les parents auront, sans motif légitime, refusé de signer le contrat de responsabilité parentale ou bien lorsque les obligations incombant aux parents, telles qu'inscrites au contrat, n'auront pas été respectées. Dans ce dernier cas, le motif de la sanction réside dans le défaut d'exécution d'obligations contractuelles résultant des termes mêmes du contrat. Les motifs justifiant la mise en oeuvre de la procédure de suspension des prestations apparaissent ainsi précisément définis par la loi.

Par ailleurs, on doit relever que le législateur n'était pas tenu de rappeler que la mesure de suspension des prestations familiales devrait être précédée d'une procédure contradictoire. Conformément au principe des droits de la défense, la mise en oeuvre de cette procédure de sanction administrative suppose que les intéressés puissent faire valoir leurs observations. Cette exigence constitutionnelle n'avait nul besoin d'être rappelée par la loi déférée pour devoir être mise en oeuvre (voir par exemple, les décisions no 97-395 DC du 30 décembre 1997 et no 99-424 DC du 29 décembre 1999). Au demeurant, on doit noter que seront en tout état de cause applicables les dispositions de l'article 24 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 qui organisent, de façon générale, une procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions individuelles devant être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 : les décisions infligeant une sanction sont au nombre des décisions individuelles visées à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; les dispositions de l'article 24, qui n'ont pas été écartées par la loi déférée, s'appliqueront donc de plein droit à la procédure de suspension des prestations familiales.


IV. - Sur l'article 51


A. - L'article 51 de la loi déférée, insérant un article 44-1 au code de procédure pénale, habilite le maire, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, à proposer au contrevenant une transaction pour les contraventions que les agents de la police municipale sont habilités à constater par procès-verbal et qui sont commises au préjudice de la commune. Cette transaction consiste en la réparation du préjudice ou en l'exécution d'un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures. La transaction proposée par le maire doit être homologuée par le procureur de la République ou par le juge du tribunal de police ou de la juridiction de proximité. Le maire est, en outre, habilité à proposer au procureur de la République de procéder à une des mesures prévues par les articles 41-1 à 41-3 du code de procédure pénale lorsque la contravention a été commise sur le territoire de la commune mais sans porter préjudice à ses biens.

Les députés et sénateurs auteurs des recours font valoir que ces dispositions méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs. Ils soutiennent, en outre, qu'elles portent atteinte aux droits de la défense ainsi qu'au caractère équitable du procès.

B. - Ces différentes critiques ne pourront être retenues par le Conseil constitutionnel.

1. Les dispositions de l'article 51 ont pour objet de permettre aux maires de transiger avec l'auteur de certaines contraventions et de proposer au procureur de la République de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites contre les auteurs d'autres contraventions. Il convient de souligner que ces dispositions ne concernent ni les crimes ni les délits, mais uniquement certaines contraventions commises sur le territoire de la commune, contraventions que les agents de police municipale sont ou seront habilités à constater par procès-verbal.

La liste de ces contraventions est limitativement fixée par l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales et le décret en Conseil d'Etat pris pour son application. Il s'agit actuellement, d'une part, des contraventions aux arrêtés de police du maire (que réprime de façon générale l'article R. 610-5 du code pénal) et, d'autre part, de certaines contraventions au code de la route, dont la liste est fixée par l'article R. 130-2 de ce code. Il s'agira également à l'avenir, du fait des nouvelles dispositions de l'article L. 2212-5 résultant de l'article 50 de la loi déférée, d'autres contraventions comme les contraventions de divagation d'animaux dangereux (art. R. 622-1 du code pénal), d'atteintes volontaires ou involontaires ou mauvais traitements à animal (art. R. 653-1, R. 654-1 et R. 655-1), de menaces de violences (art. R. 623-1) ou de bruits ou de tapages injurieux ou nocturnes (art. R. 623-2). Pourront de même être visées les contraventions d'abandon d'ordures et déchets, le cas échéant avec utilisation d'un véhicule (art. R. 632-1 et R. 635-8), et de destructions, dégradations et détériorations légères (art. R. 635-1).

L'article 51 de la loi insère dans le code de procédure pénale un article 44-1 précisant les nouvelles prérogatives du maire en cas de commission d'une de ces contraventions, qui distinguent selon qu'elles auront ou non porté préjudice à la commune. Dans le premier cas, le maire - qui peut déjà mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe au nom de la commune agissant en tant que partie civile conformément aux dispositions générales de l'article 2 du code de procédure pénale - pourra proposer à l'auteur des faits une transaction consistant en la réparation du préjudice causé - c'est-à-dire le versement des dommages et intérêts - ou à l'exécution d'un travail non rémunéré au profit de la commune pour une durée maximale de trente heures. Dans le second cas, le maire pourra simplement proposer au procureur de la République de procéder à une des mesures alternatives aux poursuites prévues par l'article 41-1 du code de procédure pénale (classement sous conditions, notamment, de rappel à la loi, de régularisation, de réparation de la victime ou de médiation) et par l'article 41-3 du même code (composition pénale contraventionnelle).

Cette faculté de transaction constitue une innovation dans la mesure où c'est la première fois que le législateur prévoit qu'elle pourra être mise en oeuvre par les maires. Mais des dispositifs de cet ordre existent déjà dans d'autres cas, soit en vertu de législations particulières au bénéfice de nombreuses administrations spécialisées, soit en vertu des articles 529-3 et suivants du code de procédure pénale au bénéfice des exploitants des services publics de transport, comme par exemple la SNCF ou la RATP, leur permettant de proposer aux contrevenants une transaction consistant dans le versement d'une indemnité forfaitaire. Elle se rapproche également de la transaction qui résulte de la procédure de composition pénale applicable en matière contraventionnelle, prévue par l'article 41-3 du code de procédure pénale. Elle ne constitue, à la vérité, qu'une nouvelle application des dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 6 du code de procédure pénale selon lequel l'action publique peut « s'éteindre par la transaction lorsque la loi en dispose expressément ».

2. Le Gouvernement considère que les dispositions critiquées de l'article 51 ne portent aucune atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Elles n'affectent pas les prérogatives de l'autorité judiciaire et ne limitent nullement l'exercice de sa mission.

On doit relever, d'une part, qu'ainsi que l'indique expressément le nouvel article 44-1 du code de procédure pénale, la transaction n'est possible que si l'action publique n'a pas déjà été mise en mouvement. Elle ne pourra pas être mise en oeuvre si une juridiction judiciaire, en l'espèce la juridiction de proximité ou le tribunal de police, a déjà été saisie. D'autre part, le législateur a prévu que la transaction devra être homologuée par l'autorité judiciaire, en la personne du procureur de la République ou celle, si la transaction proposée consiste en l'exécution d'un travail non rémunéré, du juge du tribunal de police ou du juge de la juridiction de proximité. Ces dispositions sont analogues à celles de l'article 41-3 du code de procédure pénale relatives à la composition pénale.

Par ailleurs, l'invocation de la décision no 95-360 DC du 2 février 1995 relative à la procédure d'injonction pénale ne saurait conduire à considérer que les dispositions de l'article 51 seraient contraires à la Constitution. D'une part, il n'apparaît pas que les mesures susceptibles de faire l'objet de la transaction mettent en cause la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, dans la conception qu'en retient la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel. Les mesures susceptibles de faire l'objet de la transaction, pour lesquelles l'accord de l'intéressé est requis, ne conduiront, en effet, jamais à s'assurer physiquement de la personne du contrevenant. D'autre part, les règles de procédure adoptées en l'espèce par le législateur, pour des raisons de cohérence avec d'autres procédures, sont en tout état de cause respectueuses de la décision du 2 février 1995.

3. Les dispositions critiquées ne portent pas atteinte aux droits de la défense, qui constituent un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et qui implique, en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable.

On doit rappeler que le mécanisme en cause ne constitue pas un procès mais une procédure de transaction, qui suppose l'accord de l'intéressé et ne présente, même après accord de ce dernier et homologation par l'autorité judiciaire, aucun caractère exécutoire. Le contrevenant sera en effet libre de contester les faits, et, même s'il les reconnaît, de refuser la transaction proposée, et il pourra évidemment, comme le précisera le décret d'application prévu par le dernier alinéa de l'article 44-1, consulter un avocat avant de donner sa réponse à l'offre de transaction qui lui sera faite par le maire. Par ailleurs, ce n'est que l'exécution par le contrevenant des mesures qu'il aura acceptées qui éteindra l'action publique et il n'existera aucun moyen de le forcer à exécuter ces mesures.

De ce point de vue, la procédure de transaction est très différente de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui constitue pour sa part une forme de jugement, qui aboutit à une décision juridictionnelle susceptible de faire l'objet d'une exécution forcée et qui peut même conduire à une privation de liberté. Ce sont ces considérations qui ont conduit le Conseil constitutionnel à exiger la tenue d'une audience publique pour la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (décision no 2004-492 DC du 2 mars 2004). Mais en l'espèce, aucune exigence constitutionnelle n'impose que la procédure de transaction prévue par l'article 44-1 soit publique, de la même manière que la publicité n'est ni prévue ni exigée pour les transactions résultant de lois particulières ou pour la procédure de composition pénale, qui peuvent pourtant concerner des délits, ou pour les procédures contraventionnelles de l'amende ou de l'indemnité forfaitaire.

4. Enfin, la possibilité donnée au maire, pour les contraventions n'ayant pas porté préjudice à la commune bien que commises sur le territoire de celle-ci, et qui, en pratique, auront été constatées par les agents de police municipale, de proposer au procureur de la République de recourir à une alternative aux poursuites ne constitue qu'une précision concernant la mise en oeuvre par le maire de son droit de dénoncer des infractions au parquet conformément aux dispositions générales de l'article 40 du code de procédure pénale.

En pratique, cette disposition concernera principalement les contraventions constatées par procès-verbal par les agents de la police municipale, c'est-à-dire des procès-verbaux qui doivent déjà, en application des dispositions de l'article 21-2 du code de procédure pénale, être adressés sans délai au maire et, par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, au procureur de la République.

Dans ces conditions, on ne voit pas quel obstacle de nature constitutionnelle pourrait interdire au législateur de préciser que le maire, informé de ces contraventions et s'il l'estime opportun, pourra indiquer au procureur de la République qu'il lui paraît souhaitable qu'elles donnent lieu à une procédure alternative aux poursuites - par définition moins sévère que des poursuites devant le tribunal de police ou la juridiction de proximité. Il ne pourra s'agir que d'une proposition et le magistrat du parquet prendra en tout état de cause la décision qui lui semble s'imposer.

A cet égard, le procureur de la République ne sera nullement lié par la proposition du maire et il pourra soit classer sans suite, soit recourir à une des alternatives de l'article 41-1 du code de procédure pénale, soit procéder à une composition pénale, soit mettre en mouvement l'action publique. La seule obligation qui s'imposera au procureur de la République sera d'informer le maire de la suite réservée à sa proposition. Il ne s'agit là que d'une extension à la matière contraventionnelle de l'obligation d'information du maire par le parquet déjà prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales applicable lorsque celui-ci a signalé au parquet un crime ou un délit conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, que rappelle le premier alinéa de l'article L. 2211-2.


*

* *


Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions critiquées de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.