J.O. 29 du 3 février 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2006-AC-2 du 31 janvier 2006 relatif au transfert au secteur privé du contrôle de la société SANEF


NOR : ECOX0609065V



La commission émet l'avis suivant :

Par lettre en date du 21 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue par l'Etat, directement et via l'établissement public Autoroutes de France, dans les sociétés Autoroutes du Sud de la France (ASF), Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et SANEF ; du fait du nombre d'employés et du montant du chiffre d'affaires de chacune de ces trois sociétés, leur cession requiert l'avis conforme de la commission.

La commission a délibéré et adopté au cours de ses séances des 13 et 15 décembre 2005 l'avis no 2005-AC-4 favorable aux cessions projetées.

Les décrets d'autorisation n'ayant pas été pris dans le délai de trente jours après l'avis de la commission prévu à l'article 3 de la loi du 6 août 1986 susvisée, le ministre a saisi à nouveau la commission par lettre du 30 janvier 2006.

Un rapport complémentaire des banques conseils de l'Etat sur l'évaluation de SANEF a été transmis à la commission et ce rapport, qui prend en compte les éléments survenus depuis décembre 2005, conclut que la fourchette des valorisations intrinsèques à fin janvier 2006 est similaire à celle présentée fin novembre 2005 dans le rapport d'évaluation.

Les conditions de l'opération sont identiques à celles sur lesquelles la commission a rendu son avis des 13 et 15 décembre 2005.

Dès lors il y a lieu pour la commission d'exprimer à nouveau son avis favorable à la cession du contrôle de la société SANEF.


Evaluation de SANEF


I. - La SANEF (Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France) a été créée en 1963 pour exploiter à l'origine l'autoroute Paris-Lille (A 1). Son réseau s'est progressivement développé durant les années suivantes par l'attribution de nouvelles concessions vers la Belgique (A 2), le nord et l'est de la France, et la reprise de l'autoroute Paris-Metz (A 4). En 1994, dans le cadre de la réorganisation du secteur, SANEF a pris le contrôle de SAPN (Société des Autoroutes Paris-Normandie), qui exploite un réseau qui dessert la Normandie et l'ouest de l'Ile-de-France. Les concessions de SANEF et de SAPN expirent le 31 décembre 2028.

Par la taille de son réseau concédé, 1 743 km en service, le groupe SANEF est le troisième opérateur français et le quatrième en Europe. Le réseau de SANEF est, du point de vue économique, particulièrement bien positionné au coeur de l'Europe entre la France, la Belgique (et, au-delà, l'Europe du Nord), l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Il relie quatre des six principaux ports marchands français, le principal port passager et l'aéroport de Roissy. Il parcourt des régions françaises denses et actives. Son importance économique se traduit par une proportion élevée de trafic de poids lourds (32 %). L'intensité de fréquentation est assez diversifiée entre l'autoroute du Nord, la plus fréquentée de France, et les autoroutes de Normandie qui recèlent encore des potentialités de développement.


Le groupe SANEF a développé certaines activités connexes (5 % de son chiffre d'affaires), ce qui en fait le plus diversifié des trois concessionnaires d'autoroutes en France. Il a notamment acquis en 2004 la société Masternaut spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de systèmes de repérage de véhicules.

La société SANEF a été introduite en Bourse de Paris fin mars 2005 au prix pour les particuliers de 40 euros par action, la participation directe et indirecte (via Autoroutes de France) de l'Etat étant ainsi réduite à 75,7 %.

La répartition du capital de SANEF est la suivante :

Etat et Autoroutes de France : 75,7 % ;

Salariés : 0,9 % ;

Collectivités territoriales et chambres consulaires : 0,3 % ;

Flottant : 23,1 %.

Le cours de l'action SANEF a connu une hausse continue depuis mai 2005. Le cours de bourse, en moyenne aux environs de 42 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005, s'est établi vers 50 euros au début de l'automne puis a progressé jusqu'à 57 euros, niveau au-dessus duquel il se situe depuis début décembre.

Grâce essentiellement à la croissance du trafic, l'exercice 2004 de SANEF a enregistré une progression du chiffre d'affaires qui est passé de 1,02 en 2003 à 1,06 milliard d'euros, soit une hausse de 3,7 % après celle de 3,9 % de l'exercice précédent. L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) a augmenté de 2,7 % à 676 millions d'euros et le résultat d'exploitation (EBIT) s'est établi à 421 millions d'euros (+ 1,4 %). Le résultat net de 97 millions d'euros a été en hausse de 132 % en raison de la diminution des charges financières nettes et du volume élevé de charges exceptionnelles durant l'exercice précédent.

Au 31 décembre 2004, les capitaux propres s'élèvent à 464 millions d'euros et la dette financière nette à 4,4 milliards d'euros.

Au cours du premier semestre 2005, le chiffre d'affaires a enregistré à 549 millions d'euros une progression de 8,5 % par rapport à la même période de l'exercice précédent. L'excédent brut d'exploitation (355 millions d'euros) et le résultat d'exploitation (210 millions) ont progressé respectivement de 9,6 et 3,8 %. Le résultat net augmente de 13 % à 45,6 millions d'euros. La dette financière nette de SANEF a été ramenée au 30 juin 2005 à 3,8 milliard d'euros grâce notamment à l'augmentation du capital de mars 2005.

Pour l'ensemble de l'exercice 2005, SANEF a rendu public un chiffre d'affaires de 1,15 milliard d'euros, en progression de 9,1 % par rapport à 2004.

Le groupe SANEF a défini une stratégie de développement fondée sur deux axes :

- la valorisation des actifs des concessions existantes (télécommunications, aires commerciales, prestations aux collectivités locales) ;

- le développement, d'une part, de ses activités de concession en Europe comme investisseur, comme équipementier ou comme exploitant, y compris dans des infrastructures de transport autres que les autoroutes (parkings), et, d'autre part, de la télématique avec l'objectif de devenir un acteur majeur de l'interopérabilité en Europe.

II. - Pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes, la détermination précise des obligations réciproques du concédant et du concessionnaire est un point essentiel. Elle est réalisée au moyen de plusieurs textes contractuels :

- la convention de concession, approuvée par décret en Conseil d'Etat, définit le domaine géographique et la durée de la concession, la nature des apports de l'Etat et les obligations générales du concessionnaire ainsi que son droit de percevoir des péages. A compter d'une certaine date, l'Etat peut, dans un motif d'intérêt général et moyennant indemnisation, exercer un droit de rachat de la concession ;

- le cahier des charges, également approuvé par décret en Conseil d'Etat, définit en détail l'assiette de la concession, les constructions à réaliser et les conditions d'exploitation et d'entretien. Il fixe notamment la tarification des péages et les modalités de leur révision. Le cahier des charges de chaque société prévoit ainsi que les tarifs seront annuellement révisés d'au moins un certain pourcentage du taux d'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) lorsqu'un contrat d'entreprise a été conclu. Des compensations sont prévues en cas de modification des réglementations fiscales ou techniques qui seraient susceptibles de compromettre gravement l'équilibre des concessions ;

- un contrat de groupe et des contrats d'entreprise quinquennaux ont été conclus entre l'Etat et chaque entreprise. Ils définissent les axes de développement du groupe, le détail et le calendrier des investissements à réaliser, la politique sociale, les mesures de protection de l'environnement ainsi que la politique commerciale et tarifaire. Ils précisent les modalités de l'évolution annuelle des tarifs de péage et prévoient notamment une hausse spécifique pour tenir compte de la situation financière de la société et de son programme d'investissement. Dans l'hypothèse où les contrats quinquennaux ultérieurs ne seraient pas conclus, la révision des tarifs serait alors limitée à un pourcentage plus faible de l'évolution de l'indice des prix à la consommation.

Dans la perspective de cession de ses participations, l'Etat a élaboré des projets d'avenants aux contrats de concession qui ont été rendus publics le 28 juillet 2005. Les principales modifications visent à :

- garantir la concurrence dans l'attribution des marchés de travaux par les concessionnaires ;

- réaffirmer l'importance du respect des obligations prévues par le cahier des charges en relevant les pénalités en cas de manquement ;

- harmoniser et renforcer pour les trois groupes les dispositions visant les obligations du concessionnaire en ce qui concerne la politique d'exploitation et de sécurité, la qualité du service aux usagers, les informations dues au concédant, la compensation du gain éventuel lié à un décalage dans le temps des travaux prévus, l'indemnisation des concessionnaires en cas de rachat par l'Etat.

Des modifications complémentaires apportées aux contrats de concession, à la suite des observations du Conseil de la concurrence, ont été acceptées par les acquéreurs pressentis le 14 décembre 2005.

Par ailleurs un projet d'avenant aux contrats entre les sociétés d'autoroutes et la Caisse nationale des autoroutes (CNA) a été élaboré en vue de sécuriser les créances à long terme de la CNA. Le projet se traduit en particulier par :

- la protection du rang des créances de la CNA ;

- des conditions de remboursement anticipé ;

- l'obligation pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes de respecter deux ratios financiers :

- le rapport dette nette sur EBITDA ne pourra pas dépasser 7 ;

- le rapport EBITDA sur charges financières devra rester supérieur à 2,2.

Les candidats à l'acquisition des participations de l'Etat dans les trois sociétés d'autoroutes se sont engagés à faire adopter les modifications aux contrats de concession par les organes délibérants des sociétés. Le projet d'avenant aux contrats avec la CNA a été approuvé par les trois sociétés et communiqué aux candidats à l'acquisition.

III. - Le cahier des charges de la cession des participations de l'Etat dans les trois sociétés concessionnaires d'autoroutes prévoit que le prix convenu pour la vente soit payé comptant et en numéraire par les acquéreurs et il ne prévoit aucun ajustement. Aucune charge ne demeure après la cession pour les cédants, l'Etat et Autoroutes de France, qui ne donnent aucune garantie financière.

IV. - Conformément à l'article 20, troisième alinéa, de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, la commission a disposé d'un dossier comprenant l'évaluation de SANEF faite par des experts indépendants désignés conformément aux dispositions du décret du 24 octobre 1986 modifié susvisé. La commission a également disposé de l'évaluation réalisée par les banques conseils de SANEF.

Ces évaluations ont utilisé cinq méthodes à titre principal ou secondaire selon leurs auteurs :

- l'actualisation des flux nets de trésorerie (DCF) a été utilisée dans tous les cas à titre principal. Les évaluateurs ont utilisé le plan d'affaires établi par la société jusqu'à l'expiration des concessions et l'ont éventuellement revu en fonction de leurs propres anticipations d'évolution du trafic, des tarifs et des investissements. Les flux sont actualisés au coût moyen pondéré du capital de l'entreprise suivant un taux fixe, ou suivant un taux glissant en raison de la modification importante de la structure financière de l'entreprise sur la durée de la concession (remboursement de la dette). Le calcul a été fait avec une dette à valeur comptable et avec une dette à valeur de marché ;

- l'actualisation des dividendes a également été utilisée à titre principal. Sur la base d'une hypothèse de taux de distribution, les dividendes ont été actualisés année par année au coût des fonds propres, fixe ou glissant, sur toute la période de concession, ainsi que les liquidités résiduelles ;

- la méthode de la « valeur présente ajustée » (VPA) a été utilisée à titre principal seulement par les experts indépendants. Elle consiste en une valorisation de la société au coût des fonds propres hors dette par actualisation des flux de trésorerie et en un calcul de l'impact fiscal de l'endettement ;


- les comparaisons avec des sociétés cotées comparables n'ont été réalisées qu'à titre secondaire ou pour vérification de la cohérence des évaluations, faute de référence pertinente à l'étranger ;

- l'analyse des cours de bourse a été utilisée à titre principal. Les évaluateurs se sont référés à des moyennes de cours avant l'annonce de la privatisation le 8 juin. Ils ont aussi analysé l'évolution des cours depuis lors en notant qu'ils comprennent un élément spéculatif lié au processus de cession.

Les rapports d'évaluation mentionnent aussi les objectifs de cours publiés par les analystes financiers avant et après l'annonce de la décision de privatisation.

L'ensemble de ces méthodes conduisent les experts indépendants et les banques conseils à présenter des évaluations convergentes de SANEF.

Le résultat des évaluations est sensible à la prise en compte des risques opérationnels résultant de l'impact de l'évolution de l'environnement économique sur le trafic (croissance du PIB, prix des hydrocarbures), de la concurrence des autres modes de transport (rail, avions, voies d'eau) et de l'évolution du contexte réglementaire (cadre tarifaire en particulier). Les volumes d'investissement et leur déroulement chronologique ont aussi un impact important dans les calculs d'actualisation des flux.

Les méthodes d'actualisation supposent la détermination du taux (coût des fonds propres ou coût moyen pondéré du capital) auquel le calcul est effectué. Suivant les méthodes financières reconnues, le coût des fonds propres est déterminé en ajoutant au taux sans risque (en l'espèce l'OAT 15 ans) une prime de risque reflétant l'incertitude inhérente aux flux futurs de trésorerie ou de dividendes de l'entreprise. Cette prime est calculée à partir de la prime de risque générale observée sur le marché des actions pondérée par le niveau de risque (le « bêta ») propre au secteur considéré, celui des autoroutes étant jugé faible.

Pour vérifier la vraisemblance de cette mesure du risque, la dégradation des hypothèses du plan d'affaires de l'entreprise qu'elle représente implicitement a été testée ainsi qu'une variation des taux.

Ces calculs tiennent compte à la fois de l'inflation et des risques mais non des flux financiers dus aux externalités positives générées par le système autoroutier qui ne bénéficient pas aux sociétés concessionnaires. Les études jointes au dossier montrent comment les taux utilisés dans les évaluations se réconcilient avec les taux d'actualisation macroéconomiques utilisés pour la sélection d'investissements publics.

V. - Conformément à l'article 20, dernier alinéa, de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, la commission est appelée à fixer la valeur de la société SANEF dans laquelle est cédée une participation majoritaire. Le quatrième alinéa dudit article précise que les « évaluations sont conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d'actifs de sociétés, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence des filiales et des perspectives d'avenir ».

La commission a considéré que dans le cas présent les méthodes auxquelles doit être accordée la pondération la plus importante sont l'actualisation des flux de trésorerie, l'actualisation des dividendes et l'analyse des cours de bourse. Les deux premières méthodes intègrent bien la capacité bénéficiaire de l'entreprise et ses perspectives d'avenir pour une société dont les contrats de concession ont un terme connu. S'agissant des cours de bourse, la commission a estimé qu'il convenait de considérer principalement ceux précédant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005 et d'y ajouter une prime significative conforme aux usages, l'Etat transférant aux acquéreurs le contrôle intégral de la société. Les multiples de sociétés comparables et les cours récents de bourse permettent d'opérer des vérifications de vraisemblance.

La commission a également veillé à ce que l'évaluation des trois sociétés concessionnaires d'autoroutes soit réalisée selon une méthodologie homogène.

Sur ces bases, la commission estime que la valeur de la société SANEF ne saurait être inférieure à 47 euros par action, soit environ 4,3 milliards d'euros.


Choix de l'acquéreur


VI. - La cession des participations majoritaires de l'Etat dans ASF, APRR et SANEF a été annoncée le 8 juin 2005 par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Le 18 juillet, le processus de cession a été lancé par un communiqué du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui a rendu public le cahier des charges applicables aux trois cessions de participations. Les candidats étaient invités dans une première étape à déposer des offres indicatives sur tout ou partie de chacune des participations dont la cession était projetée.

Le cahier des charges indiquait par ailleurs que « l'Etat entend procéder au transfert de chacune des participations dans des conditions financières conformes à ses intérêts patrimoniaux, et dans des conditions permettant d'assurer le respect des contrats de concession ainsi que le développement à long terme des sociétés dans le cadre d'un projet industriel et social précis et structuré ». Les différents aspects de ces critères de sélection étaient précisés dans le cahier des charges.

Le 28 juillet ont été rendus publics les projets d'avenants aux contrats de concession que les candidats doivent s'engager à accepter (voir point II ci-dessus).

Le 22 août, 19 offres indicatives d'acquisition ont été remises par des investisseurs industriels et financiers, français et étrangers pour l'ensemble des trois sociétés. Le même jour était annoncée la nomination de M. Jean-Louis Fort en tant que personnalité indépendante chargée de veiller au bon déroulement de la procédure.

La commission a été tenue informée du contenu des offres déposées.


Le 2 octobre, les ministres ont annoncé le lancement de la deuxième étape du processus de cession au terme de laquelle les candidats étaient invités à déposer pour le 7 novembre des offres fermes sur la base d'un cahier des charges complémentaire. Il était précisé que ces offres devaient porter sur la totalité de chacune des participations, qu'elles devaient prévoir un paiement exclusivement en numéraire et que chacune des trois participations serait cédée à un acquéreur distinct.

Le 7 novembre, les offres fermes ont été remises. Quatre offres ont été déposées portant sur la participation majoritaire dans SANEF :

- une offre déposée par Abertis au nom d'un consortium constitué avec AXA, la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, Predica et la FFP ;

- une offre déposée par Cintra au nom d'un consortium constitué par Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid ;

- une offre déposée par Eiffage au nom d'un consortium constitué avec Macquarie ;

- une offre déposée par le groupe Sacyr/Itinere au nom d'un consortium constitué avec le Groupe industriel Marcel Dassault, Sogécap et Generali France.

Toutes ces offres, d'excellente qualité et réunissant des partenaires de premier plan, souscrivent aux engagements requis par le cahier des charges. Grâce à la procédure mise en oeuvre, les prix proposés par ces offres extériorisent, au-delà de la valeur fixée par la commission, des primes qui reflètent l'intérêt porté par les candidats à la prise de contrôle des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

La commission, après avoir pris connaissance du contenu des offres, a procédé à l'audition de l'ensemble des candidats et de leurs conseils les 1er et 2 décembre 2005. Elle a également entendu les représentants de l'Etat, l'établissement public Autoroutes de France, les trois sociétés d'autoroutes et les experts indépendants.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a adressé le 13 décembre à la commission une proposition visant à sélectionner pour SANEF l'offre ferme remise par Abertis.

La commission a entendu la personnalité indépendante et a pris acte de la conclusion de son rapport : « Les conditions de déroulement de l'ensemble de la procédure relative à chacune des trois sociétés n'appellent aucune réserve de ma part, aussi bien en ce qui concerne sa clarté, sa régularité et sa transparence que pour ce qui se rapporte à la publicité donnée à l'opération, à l'égalité de traitement des candidats et à l'examen des offres fermes reçues. J'estime enfin que le choix des acquéreurs, en ce qui concerne la procédure, s'est fait dans des conditions totalement objectives et transparentes. »

VII. - Les quatre candidats qui ont déposé des offres fermes pour l'acquisition de la participation majoritaire dans SANEF sont :



1. Abertis au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :

- Abertis (57,5 %), premier groupe d'autoroutes en Espagne avec plus de 60 % du réseau. Abertis est présent à l'étranger et détient notamment des participations dans Brisa et Autostrade et dans la gestion d'autoroutes en Amérique latine. Il a également développé une activité diversifiée (36 % du chiffre d'affaires) dans les aéroports, les télécommunications et les parkings. Abertis a pour principaux actionnaires le groupe de construction ACS (20 %) et les Cajas de Ahorros (plus de 40 % dont la Caixa pour 24 %). Il a une capitalisation boursière de 12,8 milliards d'euros, des capitaux propres de 3,1 milliards, une dette nette de 4,2 milliards, un chiffre d'affaires de 1,5 milliard, un EBITDA de 1 milliard ;

- AXA (9,9 %), deuxième groupe d'assurances au monde et qui a une capitalisation boursière de 51 milliards d'euros ;

- la Caisse des dépôts et consignations, premier investisseur de long terme en France, et la CNP (15 %) ;

- Prédica (12,4 %), deuxième société d'assurances-vie en France et qui appartient au groupe Crédit agricole ;

- la Société foncière, financière et de participations FFP (5,1 %), qui est le holding d'investissement de la famille Peugeot, a une capitalisation de 2,3 milliards d'euros et détient en particulier 21 % du groupe automobile Peugeot ;

2. Cintra au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :

- Cintra (30 %), un des principaux groupes espagnols spécialisés dans les concessions d'autoroutes et de parcs de stationnement. Cintra est implanté dans six pays d'Europe et d'Amérique, principalement en Espagne et au Canada. Son capital est contrôlé à 62 % par le groupe Ferrovial présent dans la construction et la promotion immobilière. La capitalisation boursière de Cintra s'élève à 5 milliards d'euros, les fonds propres à 2,5 milliards et la dette nette à 5,8 milliards. Le chiffre d'affaires est de 0,55 milliard et le résultat opérationnel de 0,26 milliard ;

- Boréalis Infrastructure (30 %), gestionnaire des investissements, dans le secteur des infrastructures, du Système de retraite des employés municipaux de l'Ontario OMERS, une des plus importantes caisses de retraite du Canada, qui gère 24 milliards d'euros de fonds ;

- Teachers (30 %), gestionnaire des actifs de la Caisse de retraite des enseignants de l'Ontario. C'est une des premières institutions financières du Canada avec 64 milliards d'euros d'actifs sous gestion, investis dans le long terme, notamment dans les infrastructures ;

- la Caja de Madrid (10 %), caisse d'épargne, quatrième groupe financier d'Espagne présent dans l'ensemble des activités bancaires et investisseur, notamment dans le secteur des infrastructures ;

3. Eiffage au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :

- Eiffage (50 % plus une action), troisième groupe de bâtiment et travaux publics en France, présent dans la construction et l'immobilier, l'entretien et la construction des routes, les installations électriques, la construction métallique et les concessions. Eiffage a une capitalisation boursière de 3,4 milliards d'euros, des capitaux propres de 1,2 milliard, un endettement net de 17 millions, un chiffre d'affaires de 7,8 milliards et un EBITDA de 422 millions.

Le principal actionnaire du groupe est ses salariés, qui détiennent 22 % du capital ;

- Macquarie Infrastructure Group (50 % moins une action), qui est un ensemble de fonds d'investissements du groupe australien Macquarie et qui est spécialisé dans les infrastructures notamment routières (il est le quatrième concessionnaire routier au monde) et dont les fonds sous gestion s'élèvent à 19 milliards d'euros. Macquarie investit normalement sur la durée totale des concessions ;

4. Sacyr/Itinere au nom d'un consortium qui comprend :

- Sacyr/Itinere (80,3 %). Itinere regroupe l'ensemble des concessions du groupe Sacyr-Vallehermoso et est présent tant en Espagne (2e opérateur) qu'en Europe et en Amérique latine. Son principal actionnaire est Sacyr-Vallehermoso (82,75 %), qui est un groupe espagnol dont le chiffre d'affaires de 3,7 milliards d'euros est diversifié dans la construction (56 % du chiffre d'affaires), la promotion immobilière (31 %), les concessions (9 %) et les services (6 %) et qui a une capitalisation boursière de 5,7 milliards d'euros, des capitaux propres de 2,9 milliards, une dette nette de 8,3 milliards et un EBITDA de 747 millions (dont 250 dans les concessions) ;

- groupe industriel Marcel Dassault (7,6 %), qui est un holding qui gère les participations de la famille Dassault ;

- Sogécap (6,3 %), 5e société d'assurances vie en France et qui appartient au groupe Société générale ;

- Generali France (5,8 %), filiale française à 67 % de Assicurazioni Generali, premier groupe d'assurances italien, dont la capitalisation boursière est de 37 milliards d'euros.

Le ministre a proposé de retenir l'offre remise par Abertis.

L'offre d'Abertis propose un prix de 58 euros par action et est la mieux disante financièrement des quatre offres reçues sur SANEF. Seule l'offre de Sacyr/Itinere inclut un prix (57 euros) qui, tout en étant inférieur, est proche de celui d'Abertis.

Abertis, qui serait l'opérateur industriel, détiendrait le contrôle de SANEF avec la majorité du capital et des voix au conseil d'administration.

En France, SANEF deviendrait le vecteur de développement du groupe, tant pour les projets de nouvelles concessions d'autoroutes que pour des activités connexes dans lesquelles il bénéficierait de l'expérience d'Abertis. A l'étranger, SANEF participerait aux appels d'offres en lien avec Abertis et serait le véhicule privilégié du groupe pour l'Allemagne et le Benelux. L'expansion de Masternaut serait favorisée. La CDC propose également une coopération avec sa filiale Egis. La crédibilité de ce projet industriel est assurée par la solidité d'Abertis et il s'inscrit parfaitement dans la dynamique de l'entreprise. Le projet ne comporte pas d'aléa substantiel ni de délai de réalisation susceptible de compromettre sa mise en oeuvre.

La pratique antérieure du groupe Abertis conforte les engagements sociaux souscrits, notamment l'absence de plan de licenciement.

La sécurité financière du rapprochement entre Abertis et SANEF est confortée par l'assise dont dispose Abertis qui bénéficie de la meilleure notation de crédit du secteur AA- et par la notoriété de ses actionnaires. Les partenaires financiers d'Abertis dans cette acquisition sont par ailleurs des investisseurs de long terme de premier plan. Le schéma retenu est de nature à assurer le respect des engagements pris au titre de la dette envers la CNA.

La commission considère que la proposition de l'Etat et d'Autoroutes de France de retenir l'offre d'Abertis repose sur une appréciation objective des offres au regard des différents critères de sélection définis au cahier des charges de la cession.

Pour ces motifs, la commission émet un avis favorable au choix de l'offre remise par Abertis pour l'acquisition de la participation majoritaire dans SANEF.

VIII. - En conclusion, la commission constate que le lancement par l'Etat et Autoroutes de France d'une procédure ouverte d'appel à candidature a permis d'assurer la transparence de la sélection des acquéreurs et d'obtenir, grâce à la concurrence ainsi réalisée et au choix des candidats les mieux disants, des prix et des qualités de projet industriel et social qui répondent aux attentes initiales des vendeurs.

Les prix obtenus sont supérieurs, parfois très nettement là où la concurrence a été très vive, aux évaluations des trois sociétés conduites selon les prescriptions de la loi et fixées par la commission. Un tel résultat témoigne du vif intérêt des candidats pour cette acquisition et traduit le contexte particulièrement favorable dans lequel l'opération se déroule : taux d'intérêt historiquement bas, recherche par les investisseurs de valeurs défensives.

Les termes de la cession de SANEF apparaissent conformes aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.

IX. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé du contrôle de la société SANEF.