J.O. 304 du 31 décembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2005-0930 du 8 novembre 2005 se prononçant sur un différend opposant la société Bouygues Telecom à la Société française de radiotéléphone (SFR)


NOR : ARTT0500107S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 ;

Vu l'arrêté du 16 décembre 1987 portant autorisation d'établissement et d'exploitation d'un service de radiotéléphonie publique ;

Vu l'arrêté du 25 mars 1991 portant autorisation d'extension dans la bande des 900 MHz d'un réseau de radiotéléphonie pour l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F2 ;

Vu l'arrêté du 8 décembre 1994 portant autorisation d'établissement d'un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service de communication personnelle DCS F3 ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant adoption du règlement intérieur ;

Vu la décision no 2003-1083 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 2 octobre 2003 portant modification de la décision susvisée ;

Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée le 11 juillet 2005, présentée par la société Bouygues Telecom, immatriculée au RCS de Nanterre 397 480 930, dont le siège social est situé 20, quai du Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt, représentée par M. Gilles Pelisson, président-directeur général ;

La société Bouygues Telecom demande à l'Autorité de :

- se déclarer compétente pour connaître du différend qui l'oppose à SFR ;

- fixer le tarif de terminaison d'appel SMS interpersonnel de SFR à 2,5 centimes d'euro HT à compter du 1er juillet 2005 ;

- reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondé à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnel plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal.



I. - EXPOSÉ DE LA DEMANDE



La société Bouygues Telecom indique que la terminaison d'un SMS interpersonnel sur le réseau de chacun des opérateurs français de téléphonie mobile en provenance de l'un des autres réseaux est régie par un contrat d'interconnexion SMS. Elle précise qu'elle a signé un accord avec SFR le 7 décembre 1999 et un accord avec France Télécom Mobiles le 9 décembre 1999 fixant une charge identique d'interconnexion de 5,336 centimes d'euro HT.

Bouygues Telecom précise qu'en octobre 2004 elle a entamé des négociations avec ses concurrents afin d'obtenir une baisse du niveau de terminaison SMS adaptée à l'évolution du marché et des flux de trafic. L'opérateur souligne que, lors de ces négociations, Orange France et SFR ont refusé la baisse demandée.

Pour ces motifs, l'opérateur demande à l'Autorité de fixer un tarif commun à hauteur de 2,5 centimes d'euro HT à la charge de Bouygues Telecom lorsque la terminaison d'appel est assurée par Orange France et SFR.

Parallèlement, Bouygues Telecom demande à bénéficier d'une rémunération de 3 centimes d'euro HT pour la terminaison d'appel SMS sur son réseau, en provenance d'Orange France et de SFR.



II. - SUR LA COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ



Bouygues Telecom estime que l'Autorité est compétente pour connaître du présent litige, qui relève du régime juridique de l'interconnexion et qui résulte d'un échec des négociations sur la baisse du niveau du tarif de terminaison SMS.


2.1. Le différend relève de l'interconnexion


Bouygues Telecom rappelle qu'en 1999 elle a signé avec SFR et France Télécom Mobiles des accords dits « d'interfonctionnement point à point pour l'envoi et la réception de messages courts entre abonnés des trois opérateurs ». Bouygues Telecom indique que, conformément à l'article L. 32-9 du CPCE, l'interopérabilité SMS permet aux utilisateurs des trois réseaux mobiles de communiquer entre eux grâce à des prestations réciproques fournies par chaque opérateur. Bouygues Telecom précise que le prix de ces prestations consiste à rémunérer la collecte et la terminaison de messages SMS sur le réseau de chaque opérateur.

Bouygues Telecom estime donc que l'interopérabilité SMS relève du régime juridique de l'interconnexion et de la compétence de l'Autorité.


2.2. Sur l'échec des négociations


Bouygues Telecom précise que, le 11 octobre 2004, elle a sollicité Orange France et SFR pour obtenir une baisse de leurs tarifs d'interconnexion SMS de moitié. Bouygues Telecom estime que cette demande est raisonnable au regard de l'évolution du service SMS.

La position de SFR.

La société Bouygues Telecom signale que, par courrier du 2 novembre 2004, la société SFR lui a indiqué qu'elle souhaitait procéder, d'une part, à une « évolution à la baisse de son tarif de terminaison SMS dans le respect du principe de non-discrimination » et qu'elle envisageait, d'autre part, d'entamer des négociations « afin de discuter des modalités et du niveau de la baisse du tarif de terminaison de SMS » sur les deux réseaux.

Après de nombreux échanges, la société SFR lui a indiqué qu'elle envisageait une réduction du tarif de terminaison limitée à 10 % pour la fin de l'année 2005. Bouygues Telecom a estimé que cette proposition ne correspondait pas aux évolutions du marché de la téléphonie mobile depuis 1999. Bouygues Telecom a pu alors retirer, par courrier en date du 16 mai 2005, sa demande de baisse de 50 % du tarif de terminaison d'appel SMS. La société SFR a répondu le 13 juin 2005 qu'elle « allait procéder à une baisse de sa terminaison d'appel d'environ 20 % à compter du 1er septembre 2005, soit un tarif de 4,3 centimes d'euro par SMS ».

Le constat d'échec des négociations.

L'opérateur considère que la position de SFR conduit à la fixation d'une charge d'interconnexion identique.

Bouygues Telecom estime que le refus de SFR de trouver un accord pour baisser le niveau tarifaire des SMS met en évidence le constat d'échec de négociations commerciales.



III. - DISCUSSIONS



Bouygues Telecom précise qu'une baisse significative du tarif d'interconnexion SMS pourrait conduire à une baisse sensible du prix de détail des SMS.


3.1. Le développement du service SMS


Un usage en constante augmentation.

Bouygues Telecom indique que, depuis l'année 1999, date de la mise en oeuvre de l'interconnexion SMS entre les trois opérateurs mobiles, les communications par SMS interpersonnels n'ont fait qu'augmenter. L'entreprise précise en ce sens qu'au cours du premier trimestre 2005 le nombre de SMS émis a atteint plus de 3,2 milliards, soit une progression de 28 % par rapport à l'année précédente et une augmentation de 69,7 % entre mars 2003 et mars 2005.

La société Bouygues Telecom souligne en outre qu'en moins de trois ans l'envoi mensuel de SMS par client utilisateur a progressé de 56,2 % de fin 2002 à début 2005.

Un marché déséquilibré.

Bouygues Telecom estime que le mode d'évolution de la consommation de SMS ne profite pas de façon identique à tous les opérateurs puisque la majorité des SMS provient des réseaux d'Orange France et de SFR.




3.2. La nécessité d'une baisse significative de la terminaison d'appel SMS


Bouygues Telecom estime que l'Autorité ne pourra que faire droit à sa demande car le maintien de tarifs de terminaison SMS élevés constitue une contrainte sur le marché de détail conduisant à des prix de détail élevés.

Les conditions financières sont contraires aux principes d'objectivité et de transparence.

Bouygues Telecom rappelle que la charge de terminaison SMS doit répondre aux principes d'objectivité et de transparence énoncés par le CPCE et qu'elle doit par suite être établie en corrélation avec l'usage du service et les coûts afférents.

Une charge trop élevée depuis l'année 1999.

Bouygues Telecom indique que, dès 1999, elle souhaitait développer l'usage du SMS et des services innovants associés. L'entreprise a d'ailleurs engagé des négociations avec ses concurrents dans cette perspective.

Bouygues Telecom souligne que les prix de détail constituaient une contrainte dans la mesure où tous les opérateurs mobiles commercialisaient déjà des services de SMS vendus à 15 centimes d'euro TTC, alors que le tarif que proposait Bouygues Telecom était de 10,6 centimes d'euro TTC par SMS. Dans ces conditions, Bouygues Telecom a préconisé un tarif de terminaison SMS d'environ 3 centimes d'euro HT, alors que France Télécom Mobiles demandait un prix de l'ordre de 7,6 centimes d'euro HT et SFR de l'ordre de 6,1 centimes d'euro HT. L'opérateur rappelle qu'Orange France et SFR se sont mis d'accord sur un tarif de 5,3 centimes d'euro HT.

La société Bouygues Telecom précise qu'elle ne pouvait risquer d'être marginalisée sur le marché de la téléphonie mobile sur lequel elle n'était présente que depuis 3 ans.

Dans ces conditions, il était impératif de trouver un accord afin de bénéficier de l'interopérabilité notamment à l'occasion de la fin de l'année, période active sur le plan commercial. Pour cette raison, la société Bouygues Telecom a accepté les conditions imposées par Orange France et SFR.

L'opérateur considère cependant que ce tarif était pénalisant puisqu'il lui imposait d'augmenter ses tarifs de détail dans la mesure où le tarif de gros représentait environ 60 % de son prix de détail HT et sa faible part de marché le conduisait à anticiper un déséquilibre structurel du trafic SMS.

La société Bouygues Telecom indique que le niveau de la charge d'interconnexion l'a donc conduit à remonter ses tarifs de détail pour les mettre au même niveau que ses concurrents.

Une charge encore plus injustifiée aujourd'hui.

Bouygues Telecom signale qu'en 2005 la charge d'interconnexion d'un montant de 5,3 centimes d'euro HT, voire de 4,3 centimes d'euro HT si Orange France et SFR appliquent la baisse annoncée à leur charge d'interconnexion, ne répond pas aux principes d'objectivité et de transparence et n'est justifiée ni au regard des coûts d'Orange France et de SFR, ni au regard de la structure du marché et du développement de l'interopérabilité entre les réseaux.


Au regard des coûts des opérateurs


En premier lieu, Bouygues Telecom indique que la modélisation des coûts du SMS permet d'isoler les coûts commerciaux et techniques et d'évaluer le montant d'une charge d'interconnexion raisonnable.

La société rappelle qu'au sein de ces coûts l'interconnexion SMS correspond aux coûts techniques du réseau de téléphonie mobile, majorés d'une quote-part des coûts de structure de l'entreprise. Elle estime que le développement du service SMS a permis aux coûts des opérateurs de baisser de façon substantielle.

Bouygues Telecom précise qu'à partir des informations dont elle dispose le coût moyen pondéré modélisé pour l'interopérabilité en 2005 est inférieur à 2,5 centimes d'euro et que, pour SFR, ce coût est encore plus bas.

L'opérateur estime que le tarif de 2,5 centimes d'euro constitue la charge d'interopérabilité que les parties peuvent raisonnablement s'appliquer dans le cadre de l'interconnexion SMS et correspond à une baisse raisonnable équivalente à environ 50 % du tarif actuellement pratiqué.

Au surplus, Bouygues Telecom note que le niveau de la terminaison d'appel SMS n'a pas évolué depuis 1999, alors que la charge de terminaison d'appel vocal a décru de plus de 60 % sur la même période.


Au regard de la structure du marché


En second lieu, la société estime que l'écart de parts de marché avec ses concurrents justifie la baisse de la charge d'interconnexion SMS. [...]

Bouygues Telecom précise que SFR et Orange France commercialisent des forfaits SMS allant de 7 à 10 centimes d'euro TTC, soit de 5,85 à 8,36 centimes d'euro HT par SMS.

Bouygues Telecom considère qu'avec un tarif de détail de 7 centimes d'euro TTC proposé par Orange France et SFR elle ne pourrait disposer que de [...] pour couvrir ses coûts réseau, ses coûts communs et ses coûts commerciaux, ce qui est insuffisant.

[...]

[...]

Elle précise qu'Orange France et SFR peuvent proposer des offres compétitives car les sociétés concurrentes bénéficient d'un effet club accentué depuis 2004 par des offres « on-net » qui permettent aux abonnés d'envoyer des SMS à d'autres clients de l'opérateur selon un tarif préférentiel. Ainsi, l'incitation est d'autant plus forte pour le consommateur que l'écart tarifaire est important.

Bouygues Telecom indique que, de ce fait, les opérateurs concernés :



- favorisent les échanges sur leur propre réseau ;

- incitent le consommateur à choisir son opérateur en fonction de celui de ses correspondants habituels afin de réduire le montant de sa facture.

Dans ce cadre, l'opérateur estime que l'instauration d'une charge de terminaison d'appel SMS élevée permet de :

- amplifier la charge financière pesant sur les SMS « off-net » ;

- créer une barrière artificielle au développement d'offres de détail quand le volume des appels « off-net » est supérieur au volume des SMS « on-net » ;

- justifier un écart important entre tarifs « on-net » et « off-net ».

L'entreprise fait savoir que seul un tarif de terminaison SMS bas lui permettrait d'assurer une baisse significative des tarifs de détail et de faire jouer la concurrence.


Au regard du développement de l'interopérabilité


Bouygues Telecom souligne que le droit national et le droit communautaire imposent à l'Autorité d'assurer l'interopérabilité entre les réseaux sur le fondement du droit des communications électroniques et en particulier au regard de l'objectif de développement équilibré du service. L'opérateur souligne qu'il s'agit d'une condition essentielle à la fourniture et au développement de services de communications électroniques.

Dans cette perspective, Bouygues Telecom considère que le tarif pratiqué par Orange France et SFR constitue une barrière à l'interopérabilité entre les réseaux. A contrario, Bouygues Telecom affirme que la baisse des charges d'interconnexion SMS de 50 % contribue à favoriser l'interopérabilité entre les réseaux.

Sur le caractère raisonnable de la proposition tarifaire de Bouygues Telecom.

L'opérateur estime que l'Autorité peut faire droit à sa demande en fixant la charge d'interconnexion d'Orange France et de SFR à 2,5 centimes d'euro et en rappelant que celle de Bouygues Telecom peut s'établir au-dessus de celle de ses deux concurrents.

La charge d'interconnexion d'Orange France et de SFR doit être de 2,5 centimes d'euro.

Bouygues Telecom considère qu'une baisse de 50 % de la charge d'interconnexion d'Orange France et de SFR lui permettrait d'envisager une évolution significative de ses prix de détail et permettrait à l'Autorité de garantir l'effectivité des objectifs posés par l'article L. 32-1 du CPCE. La société estime qu'il appartient à l'Autorité de rétablir une concurrence équitable par les prix en faisant droit à sa demande de baisser les tarifs de gros d'Orange France et de SFR à 2,5 centimes d'euro.

La charge d'interconnexion de Bouygues Telecom peut s'établir 20 % au-dessus de celle d'Orange France et de SFR.

Bouygues Telecom rappelle que, dans un courrier du 23 juin 2005, Orange France a entendu subordonner la diminution de son tarif à une baisse du tarif de Bouygues Telecom dans les « mêmes conditions ». Il est ainsi indiqué que SFR réserve le bénéfice de la baisse de la terminaison d'appel SMS aux seuls opérateurs « s'engageant à une baisse similaire de leur terminaison SMS à la même échéance ».

Bouygues Telecom souligne qu'à compter du 1er septembre 2005 Orange France et SFR appliqueront un tarif de terminaison SMS de 4,3 centimes d'euro HT dans le cadre d'un accord bipartite et qu'elles entendent imposer à Bouygues Telecom, par ce biais, non seulement le tarif de sa terminaison d'appel SMS, mais également le rythme de son évolution.

Par suite, la société Bouygues Telecom note que le bénéfice de cette baisse ne lui serait étendu que si elle établissait son prix de gros au même niveau que celui d'Orange France et de SFR.

L'entreprise estime qu'elle est fondée à demander un tarif de terminaison SMS supérieur à celui de ses concurrents pour les motifs suivants :

- la différence de coûts et de revenus associés à chacun des réseaux mobiles liés à l'arrivée tardive de Bouygues Telecom sur le marché ;

- la taille des parcs de clients respectifs et la part de marché des trois opérateurs ;

- le pourcentage de SMS adressé à destination des clients de réseaux tiers au regard du volume global de SMS émis par les clients des trois opérateurs.

[...]

Vu le courrier du 13 juillet 2005 de l'adjoint au chef du service juridique adressé aux parties fixant le calendrier de dépôt des mémoires des parties et portant désignation des rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 29 août 2005 présentées par la Société française du radiotéléphone (SFR), RCS de Paris no 403 106 537, dont le siège social est situé tour Séquoïa, 1, place Carpeaux, 92915 Paris - La Défense ;



I. - RAPPEL DES FAITS



1.1. L'interopérabilité des SMS


La société SFR rappelle que la mise en oeuvre de l'interopérabilité des SMS entre les réseaux mobiles a fait l'objet de nombreuses négociations entre les opérateurs afin de mettre en place un cadre contractuel. Elle a donc conclu le 7 décembre 1999 deux contrats avec Bouygues Telecom et Orange France fixant le tarif de réception des SMS sur les réseaux de SFR, Bouygues Telecom et Orange France à 35 centimes de franc HT (5,336 centimes d'euro HT).


1.2. Le contexte des négociations en cours


L'entreprise indique que, dans un courrier du 11 octobre 2004, Bouygues Telecom l'a informée de son intention de baisser d'au moins 50 % son tarif de terminaison des SMS à compter du 1er mars 2005.

SFR précise que, le 27 octobre 2004, elle a informé Bouygues Telecom de son intention de procéder également à une baisse de son tarif de terminaison de SMS et d'engager des négociations avec Bouygues Telecom sur le sujet.

Or le défendeur souligne que ce n'est que quatre mois plus tard, soit le 30 mars 2005, qu'une réunion de négociation s'est déroulée avec Bouygues Telecom au cours de laquelle SFR a proposé une baisse de terminaison de SMS d'environ 10 % vers la fin 2005 en se montrant par ailleurs ouverte à des baisses ultérieures les années suivantes.

SFR estime que cette démarche progressive est de nature à éviter d'introduire des ruptures dans l'économie d'un marché dont les évolutions technologiques nécessitent de lourds investissements.

L'entreprise note que, lors des discussions avec la société Bouygues Telecom, cette dernière souhaitait imposer unilatéralement le niveau de baisse de la terminaison SMS sans véritablement négocier en tenant compte des propositions de SFR.

SFR signale que, le 16 mai 2005, Bouygues Telecom a rejeté ses propositions. Pourtant, elle indique que, le 23 mai 2005, un accord est intervenu avec Bouygues Telecom sur une première baisse des tarifs de terminaison de SMS de 20 % au 1er juillet 2005, suivie d'une autre baisse en 2006. La société SFR a donc proposé à Bouygues Telecom de formaliser cet accord par un avenant au contrat d'interfonctionnement qui s'est soldé par un refus de la part de Bouygues.

Afin de dénouer cette situation, la société a adressé le 6 juin 2005 un courriel à Bouygues Telecom afin de lui faire part de son étonnement et de rappeler l'accord de principe conclu à la fin du mois de mai. Au demeurant, SFR l'a informé le 13 juin 2005 de son intention de baisser son tarif de terminaison SMS d'environ 20 % à compter du 1er septembre 2005, soit 4,3 centimes d'euro HT. L'opérateur indique qu'un courrier similaire a été envoyé à Orange France dans un souci de non-discrimination.

Enfin, SFR souligne que, le 8 juillet 2005, Bouygues Telecom l'informait du constat d'échec des négociations commerciales sur les tarifs de terminaison SMS et déposait le 11 juillet 2005 une demande de règlement de différend devant l'Autorité, soit 3 jours après.

Dans ce cadre, la société SFR entend préciser que la demande de Bouygues Telecom, revendiquant une asymétrie tarifaire de l'ordre de 20 % en sa faveur pour les tarifs de terminaison d'appel SMS, doit être considérée comme une réclamation nouvelle, dans la mesure où elle n'a pas fait l'objet de discussions antérieures lors des phases de négociation entre les parties.



II. - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM



2.1. L'absence de constat d'échec des négociations


SFR estime que la demande de Bouygues Telecom ne remplit pas les conditions fixées par l'article L. 36-8-I du CPCE. La société indique que, le 11 octobre 2004, Bouygues Telecom a maintenu une demande unilatérale visant à imposer à SFR une baisse de son tarif de terminaison de SMS. SFR considère que la démarche initiée par Bouygues Telecom n'avait pas pour objet l'aboutissement de négociations commerciales sur les conditions tarifaires de l'interfonctionnement des SMS, mais qu'elle recherchait uniquement à réunir les conditions d'une saisine de l'Autorité.

SFR rappelle que, dans une étude publiée par Exane et Arthur D., Bouygues Telecom était en 2004 l'opérateur le plus rentable en Europe et que son niveau de rentabilité était voisin de ceux d'autres opérateurs. L'entreprise souhaite ainsi démontrer que, contrairement aux affirmations de Bouygues Telecom, un accord a été trouvé entre les parties et que le préjudice subi par Bouygues Telecom n'est pas démontré.




2.2. L'absence d'échec de négociation en l'absence même de négociations


La société SFR note que le comportement de Bouygues Telecom est surprenant car le courrier du 8 juillet 2005 annonçant l'échec des négociations comportait une revendication nouvelle de Bouygues Telecom quant à l'application d'une différenciation tarifaire de 20 % entre le tarif de sa terminaison SMS et celui de SFR. SFR estime cette demande surprenante étant donné que depuis plus de cinq ans la société Bouygues Telecom n'a jamais sollicité le bénéfice d'une telle asymétrie.


2.3. Le non-respect des conditions préalables de l'article L. 36-8 du CPCE


SFR estime que l'Autorité ne pourra que constater l'absence d'échec des négociations et déclarer irrecevable la demande de Bouygues Telecom. La partie défenderesse rappelle que la directive 2002/21 /CE « cadre » prévoit que la procédure de règlement de différend constitue l'issue ultime en cas d'échec de négociations commerciales menées de bonne foi par une partie lésée.

Il est indiqué que Bouygues Telecom tente de faire croire que SFR et Orange France dictent d'un commun accord leurs tarifs de terminaison de SMS, ce qui n'est pas le cas. A ce sujet, SFR rappelle, d'une part, que le caractère bilatéral des négociations impose qu'à l'issue d'un processus itératif chacun des trois opérateurs finisse par accepter un tarif commun, d'autre part, qu'un accord entre Orange France et SFR ne peut être viable sans un accord symétrique entre SFR et Bouygues Telecom et Orange France et Bouygues Telecom.



III. - SUR LA DEMANDE AU FOND DE BOUYGUES TELECOM



3.1. Les conditions tarifaires de l'interconnexion et de l'accès


Rappel du cadre réglementaire.

SFR remarque que le tarif de terminaison SMS ne fait pas l'objet de dispositions de régulation ex ante et notamment d'obligation d'orientation vers les coûts. L'entreprise indique que les conditions tarifaires du contrat d'interfonctionnement des SMS doivent respecter les principes d'objectivité et de transparence de l'article D. 99-10 du CPCE applicables à l'accès ou l'interconnexion.

Il est précisé que l'Autorité peut imposer aux opérateurs puissants sur un marché pertinent des obligations proportionnées aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du CPCE, notamment de ne pas pratiquer des tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants. A ce propos, SFR rappelle que l'Autorité a lancé le 29 juillet 2004 une analyse sur le marché de gros pour la terminaison de SMS.

SFR estime que, si Bouygues Telecom considérait que sa proposition n'était pas conforme aux dispositions de l'article D. 99-10 du CPCE, elle aurait dû saisir l'Autorité au titre de sa compétence en matière de sanction.

En définitive, SFR indique que sa proposition tarifaire est objective et transparente, conformément à l'article D. 99-10 du CPCE.

La fixation des conditions tarifaires dans le cadre du présent litige.

SFR estime que, si l'Autorité devait faire droit à la demande de Bouygues Telecom, il ne faudrait pas imposer à l'opérateur une obligation relevant d'une disposition réglementaire, mais trancher un litige au regard des éléments objectifs présentés par les parties dans le respect des principes définis à l'article L. 32-1 du CPCE.

Dans ce contexte, l'Autorité devrait veiller à une concurrence effective et loyale, mais aussi au développement de l'emploi, des investissements efficaces dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ou à l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues dans le traitement des opérateurs.


3.2. Une demande exorbitante de Bouygues Telecom


La position de Bouygues Telecom.

SFR indique qu'à l'occasion de la saisine du Conseil de la concurrence par l'UFC Que choisir sur le tarif de détail des SMS, Bouygues Telecom déclarait notamment en novembre 2003 que la tarification actuelle des SMS en France de 0,10 euro TTC en moyenne en forfait et de 0,15 euro TTC à l'unité était adaptée. La société défenderesse s'étonne donc des observations actuelles de Bouygues Telecom sur la charge trop élevée de la terminaison d'appel SMS en 1999, alors que des négociations pouvaient être engagées afin de réviser les conditions tarifaires de l'interfonctionnement des SMS.

En outre, SFR rappelle que Bouygues Telecom a toujours accepté le principe de symétrie tarifaire en matière de terminaison de SMS, notamment lors de la signature du contrat d'interfonctionnement MMS, signé en juin 2003 et liant les deux sociétés.

Une demande injustifiée.

Pour justifier la demande de baisse du tarif de terminaison d'appel SMS de SFR et la reconnaissance du principe d'une asymétrie tarifaire à son avantage, Bouygues Telecom avance trois motifs :

- le tarif actuel de la terminaison d'appel SMS désavantagerait Bouygues Telecom en termes de flux financiers ;

- le tarif actuel limiterait sa capacité à baisser ses prix de détail du SMS ;

- enfin, Bouygues Telecom subirait le préjudice d'un « effet club » privilégiant ses concurrents.

Sur le tarif de la terminaison d'appel SMS.

SFR estime que la présentation de Bouygues Telecom est erronée, puisqu'en réalité le trafic de SMS entre opérateurs mobiles est globalement équilibré. En effet, le coût moyen d'interconnexion plus élevé des SMS sortants est compensé par un revenu d'interconnexion moyen également plus élevé sur les SMS entrants.


Le volume de SMS échangés entre opérateurs mobiles reste équilibré


Il est indiqué que le volume de SMS échangés entre SFR et Bouygues Telecom est identique et qu'il n'y a pas d'effet de déséquilibre structurel en raison de la taille différente des deux opérateurs mobiles. SFR fait le même constat pour ce qui concerne l'échange de SMS avec Orange France.



L'impact global de la charge de terminaison SMS

est identique pour chaque opérateur


La société SFR souligne que, contrairement à ce qu'affirme Bouygues Telecom, l'impact de la charge de terminaison SMS pour chacun des opérateurs est identique.

En effet, si le coût moyen de terminaison SMS est plus élevé pour Bouygues Telecom, son revenu moyen de terminaison SMS est aussi plus élevé du fait de sa part de trafic de SMS « on-net » inférieure.


Un espace économique raisonnable pour des baisses des prix de détail


L'entreprise souligne qu'au regard du tarif de terminaison des SMS de 4,3 centimes d'euro HT qu'elle propose la marge générée sur un SMS « off-net » vendu à 7 centimes d'euro TTC (tarif le plus bas constaté dans un forfait) est encore de [...].

Dans ces conditions, SFR constate que la liberté de Bouygues Telecom en matière de stratégie tarifaire sur les SMS est d'autant plus importante que chaque opérateur offre en réalité un panier de services.

SFR considère enfin que le niveau qu'elle propose n'obère pas les marges de manoeuvre de Bouygues Telecom sur les tarifs de détail. Pour SFR, la partie demanderesse conserve en effet l'entière liberté de ses choix stratégiques et doit en assumer les conséquences.


Un « effet club » qui ne contraint pas Bouygues Telecom

dans sa stratégie tarifaire


SFR relève qu'une étude réalisée pour Vodafone sur les pratiques des opérateurs fixes et mobiles européens en matière de différenciation tarifaire entre les appels « on-net » et « off-net » montre que, lorsque les opérateurs mobiles proposent des tarifs différenciés pour leurs appels « on-net » et « off-net », les opérateurs plus petits offrent généralement les plus fortes remises sur les tarifs « on-net ».

Il est précisé que, pour un opérateur de moindre taille, la proportion d'appels « on-net » est moins importante. Cette stratégie tarifaire de remise sur les prix « on-net » est donc moins coûteuse commercialement.

SFR note que, dans l'hypothèse d'une généralisation et d'une différenciation tarifaire entre appels « on-net » et « off-net », la théorie économique montre qu'un niveau de charge de terminaison d'appel plus élevé augmente l'intensité concurrentielle.

Les externalités tarifaires engendrées par la différenciation poussent les opérateurs à accroître leurs parts de marché en augmentant la concurrence entre eux, d'autant que « l'effet de club » est rendu plus important en raison du tarif de terminaison élevé.

Une baisse de 50 % serait disproportionnée.


La proposition tarifaire de SFR

est inférieure à la moyenne européenne


Une étude réalisée par Cullen International et complétée par SFR sur un échantillon de 16 pays européens montre que la France, avec un tarif d'interfonctionnement SMS de 5,336 centimes d'euro HT par SMS, se situe au-dessus de la moyenne européenne évaluée à 4,7 centimes d'euro HT par SMS.

SFR précise qu'en proposant un tarif de 4,3 centimes d'euro HT par SMS l'opérateur permettrait à la France d'être dans le peloton des pays dont le tarif de terminaison SMS est le moins élevé.

La société défenderesse indique qu'avec un tarif inférieur de 9 % à la moyenne des tarifs de terminaison la France se retrouverait en 6e position sur les 16 pays étudiés. SFR estime par conséquent que le tarif de 4,3 centimes d'euro HT par SMS est cohérent avec les tarifs d'interfonctionnement SMS observés en Europe.

Il est signalé que la proposition de Bouygues Telecom de 2,5 centimes d'euro HT par SMS, inférieure de 53 % à la moyenne des pays européens et de 17 % au tarif le plus bas constaté, serait un non-sens économique.


Une demande de baisse trop brutale qui n'aurait pas d'équivalent

dans le secteur des communications électroniques


SFR estime qu'une baisse de 50 % pour le tarif de terminaison d'appel SMS est disproportionnée au regard des baisses passées, telles qu'elles ont été pratiquées pour les prestations de terminaison d'appel qu'elles soient fixes ou mobiles. Ainsi, les tarifs de terminaison d'appel vocal de SFR, ainsi que les tarifs d'interconnexion en intra-CAA, simple transit et double transit de France Télécom, n'ont jamais baissé de 50 % en un an.


Une demande de baisse trop brutale aurait des effets néfastes

sur le développement des nouveaux services


La société SFR considère qu'une baisse tarifaire de la terminaison d'appel SMS risquerait de déstabiliser les services de données émergents qui incluent des fonctionnalités plus riches que le SMS et qui sont amenés à se développer. L'opérateur souligne que, pour inciter les clients à utiliser ces nouveaux services, il est nécessaire d'assurer une cohérence tarifaire par rapport au service de référence que constitue le SMS.

En conséquence, SFR considère que la demande de Bouygues Telecom est déraisonnable et disproportionnée, mais qu'en revanche sa proposition d'une baisse de 20 % en 2005, suivie d'une baisse similaire en 2006 ferait de la France l'un des pays de l'Union européenne dont la terminaison d'appel SMS serait la plus basse.

Une demande d'asymétrie injustifiée et injustifiable.


Une demande contraire aux principes réglementaires

et aux dispositions contractuelles qui lient les parties


Dans le cadre de plusieurs règlements de différends entre des opérateurs alternatifs fixes et France Télécom, l'Autorité a pu consacrer le principe de symétrie tarifaire en matière de terminaison d'appel. SFR indique que l'Autorité a accepté un différentiel tarifaire entre les deux prestations pour une période transitoire arrivant à échéance en 2008, date à laquelle le tarif de la prestation de terminaison d'appel de l'opérateur tiers devra être équivalent à celui de France Télécom. SFR indique qu'avant cette date le tarif était déterminé en fonction des tarifs des prestations de terminaison d'appel de France Télécom de la cinquième année précédant l'année en vigueur.

SFR rappelle qu'elle a obtenu son autorisation de déployer un réseau GSM en 1991 et que Bouygues Telecom a obtenu la sienne en 1995, soit quatre ans après. Les sociétés Bouygues Telecom et SFR se facturent mutuellement un tarif symétrique de terminaison de SMS depuis février 2000, sans que Bouygues Telecom n'ait jamais contesté ce principe. En outre, SFR précise qu'en juin 2003 elle a conclu avec son concurrent un accord d'interfonctionnement des MMS sur la base du principe de réciprocité tarifaire.

L'introduction d'une asymétrie tarifaire serait contraire aux contrats conclu avec Bouygues Telecom et introduirait un déséquilibre contractuel. SFR rappelle que le développement de l'usage des SMS n'a démarré qu'en 2000 et que la mise en place d'une différenciation tarifaire, même temporaire, au profit de Bouygues Telecom reviendrait à sanctionner les performances en terme d'efficacité commerciale de SFR, alors que l'ensemble des opérateurs a pu développer, sans décalage temporel, l'usage des services SMS.

Dans le respect des dispositions contractuelles et des principes réglementaires que l'Autorité doit mettre en oeuvre, il convient de maintenir une symétrie tarifaire pour les tarifs de terminaison d'appel SMS entre opérateurs mobiles.


Une demande contraire à la logique économique


La société SFR entend rappeler que la théorie économique recommande de pratiquer une symétrie tarifaire entre les opérateurs pour les prestations de terminaison d'appel. Pour le défendeur, cette symétrie est seule garante du développement d'une concurrence équitable et équilibrée. Toute dérogation à cette règle entraînerait des conséquences néfastes du point de vue de l'efficacité concurrentielle.

a) La symétrie tarifaire, garante d'une concurrence équitable :

SFR rappelle, d'une part, que la réciprocité des tarifs de terminaison d'appel SMS doit être maintenue car elle permet de prévenir les distorsions concurrentielles, et souligne, d'autre part, que, si la société Bouygues Telecom était autorisée à pratiquer un prix de terminaison d'appel SMS supérieur à celui de SFR, le différentiel de revenu de terminaison en faveur de Bouygues Telecom créerait une distorsion de concurrence préjudiciable pour les consommateurs.

SFR estime que la demande de Bouygues Telecom visant à mettre fin à l'application d'un tarif de terminaison symétrique viserait à accroître ses profits individuels par la création d'une rente.

b) L'asymétrie tarifaire conduirait à subventionner un acteur inefficace :

La partie défenderesse considère que Bouygues Telecom fonde sa demande de mise en oeuvre de tarifs asymétriques en invoquant des coûts supérieurs à ceux de SFR.

SFR indique que la fixation d'un tarif asymétrique conduirait en réalité à pratiquer un mode de subvention inefficace du point de vue économique, lequel serait, au surplus, contraire à toute logique de concurrence. SFR rappelle qu'elle ne cherche pas à se voir conférer un tel avantage et privilégie une politique d'investissements commerciaux et techniques.

L'entreprise estime que, si l'Autorité devait imposer une discrimination tarifaire, elle favoriserait la stratégie de Bouygues Telecom visant à privilégier les rentes de situation.

Pour ces motifs, SFR demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes de Bouygues Telecom.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 8 septembre 2005 transmettant un questionnaire aux parties et fixant au 23 septembre 2005 la clôture des réponses ;

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 15 septembre 2005 transmettant un second questionnaire aux parties et fixant au 29 septembre 2005 la clôture des réponses ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 19 septembre 2005 présentées par la société Bouygues Telecom.



I. - LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM EST RECEVABLE



Bouygues Telecom estime que l'échec des négociations est indiscutable et que les prestations SMS relèvent effectivement du régime juridique de l'interconnexion.


A.1. Sur les négociations entre les parties


La société Bouygues Telecom rappelle que, le 11 octobre 2004, elle a fait part de son intention à la société SFR de procéder à une baisse « très significative » de son tarif de terminaison d'appel SMS dès le 1er mars 2005, et sollicitait une baisse d'au moins 50 % du tarif de terminaison du Défendeur.

Bouygues Telecom indique que SFR, par un courrier en date du 27 octobre 2004, admet la nécessité du principe d'une baisse de terminaison SMS, mais refuse la proposition de Bouygues Telecom.

Bouygues Telecom indique que, fin 2004, SFR lui a signifié qu'une baisse de 50 % du tarif de terminaison lui paraissait trop importante. L'opérateur fait remarquer que, lors d'une réunion le 30 mars 2005, la société SFR est apparue favorable au principe d'une baisse du niveau de terminaison d'appel SMS afin d'éviter une régulation ex ante et a envisagé de procéder à une réduction de 10 % du taux de terminaison SMS à la fin de l'année 2005. Bouygues Telecom souligne que le niveau proposé lui a paru insuffisant pour répondre à l'évolution du marché et qu'il a été précisé à l'attention de SFR qu'en cas de refus de négociation sur cette question l'Autorité de régulation serait saisie d'une demande de règlement de différend.

Par un courrier en date du 16 mai 2005, Bouygues Telecom a sollicité une nouvelle fois SFR. Le 23 mai 2005, lors d'un entretien téléphonique avec SFR, il est évoqué la possibilité d'un accord autour de deux baisses successives de 20 % : la première en septembre 2005, la seconde en janvier 2006 ; mais SFR souhaite évoquer de nouveau le sujet avec Orange France.

Bouygues Telecom souligne que SFR a proposé alors de formaliser l'accord en limitant l'offre à la première baisse de 20 % en septembre sans évoquer la seconde baisse de 20 %. Le 13 juin 2005, SFR lui a fait part de sa décision unilatérale de procéder à une baisse de terminaison SMS d'environ 20 % à compter du 1er septembre 2005, soit un tarif de 4,3 centimes d'euro par SMS, mais qu'elle ne s'appliquerait qu'aux opérateurs s'engageant à procéder à une baisse similaire de leur terminaison SMS à la même date.

Lors d'un entretien téléphonique du 16 juin 2005 avec SFR, Bouygues Telecom a pu proposer un nouveau compromis. La société SFR a toutefois signifié son refus, ainsi que le rejet de toute différenciation tarifaire. Par suite, dans la mesure où la proposition finale de SFR correspondait à celle exprimée le 13 juin 2005, Bouygues Telecom a saisi l'Autorité.

L'entreprise considère que SFR a choisi de mettre fin à 10 mois de négociations en présentant une baisse conditionnelle et non négociable de 20 % du tarif de terminaison, alors que Bouygues Telecom estimait qu'une diminution substantielle de ce tarif devait être envisagée en association avec la reconnaissance d'une discrimination tarifaire en sa faveur.

En conclusion, Bouygues Telecom souligne qu'il y a bien eu un échec des négociations commerciales et que sa demande est juridiquement fondée.


A.2. Sur la présentation inexacte des négociations par SFR


Bouygues Telecom indique qu'elle s'est rapprochée régulièrement de SFR afin de trouver un compromis qui a été systématiquement rejeté par SFR.

L'opérateur affirme qu'il était prêt à accepter que la baisse demandée soit étalée dans le temps afin de parvenir, à brève échéance, à une diminution significative du tarif de terminaison d'appel SMS. Il s'est toutefois heurté à la position de SFR qui, le 13 juin 2005, limitait sa proposition à une baisse de 20 % sans différenciation tarifaire d'ici à janvier 2006.

Dans ces conditions, la société Bouygues Telecom estime que SFR est à l'origine de l'échec des négociations. En outre, la société rappelle que son refus de céder aux propositions de SFR l'expose à ne pas bénéficier du nouveau tarif d'interconnexion SMS de 4,3 centimes d'euro que ses concurrents sont prêts à pratiquer à compter du 1er septembre 2005.

Bouygues Telecom signale encore avoir vainement tenté de renouer le dialogue avec SFR le 16 juin 2005, mais que cette ultime démarche s'est soldée par un échec.

Par ailleurs, l'entreprise rappelle que, dès le 11 octobre 2004, elle distinguait son tarif de terminaison d'appel SMS de celui de SFR en évoquant une baisse de 50 % pour le tarif de SFR. Bouygues Telecom estime enfin que la mise en oeuvre du principe de différenciation tarifaire ne pouvait être formalisée, faute d'accord sur une baisse substantielle du tarif d'interconnexion et que l'échec des négociations ne fait pas de doute.


A.3. Le comportement déloyal de SFR


Bouygues Telecom note que SFR met en cause son comportement dans l'échec des négociations et que, depuis octobre 2004, les parties avaient le temps de parvenir à un accord sur une diminution tarifaire. Bouygues Telecom estime qu'elle a clairement exprimé sa volonté de parvenir à une baisse significative du niveau de terminaison d'appel SMS et que SFR ne pouvait ignorer qu'il s'agissait d'une condition subordonnant la conclusion du contrat définitif.

Bouygues Telecom indique que les négociations ne pouvaient évoluer compte tenu du fait que la société SFR, soutenue par Orange France, s'en tenait à une baisse de 20 % du tarif de terminaison, alors que Bouygues Telecom considérait que seule une diminution significative de ce tarif devait être envisagée.


B. - La procédure de règlement de différend est adaptée

au tarif de terminaison d'appel SMS


Il est demandé à l'Autorité de rejeter l'argument de SFR tendant à ce que les tarifs d'interconnexion ne soient pas examinés dans le cadre des dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE, mais dans le cadre de la régulation ex ante prévue à l'article L. 37-1 du CPCE ou de la procédure de sanction prévue à l'article L. 36-11 du CPCE.

L'opérateur considère que l'Autorité n'est pas fondée à déterminer au titre de l'article L. 36-11 du CPCE un niveau tarifaire adapté à la prestation d'interconnexion en cause et que le recours à cette procédure ne pourrait être appliqué au cas d'espèce.

Bouygues Telecom rappelle que l'article L. 34-8-I du CPCE permet à l'Autorité d'imposer « de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès ou de l'interconnexion », soit par le biais d'une analyse de marché, soit par le biais de la procédure de règlement de différend.


B.1. L'inapplicabilité de la procédure liée à l'analyse de marché


Bouygues Telecom indique que l'Autorité a initié une procédure d'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles à l'issue de laquelle les opérateurs puissants pourront, le cas échéant, se voir imposer certaines obligations, notamment la fourniture de prestations d'interconnexion, appropriée et proportionnée à la concurrence.

Bouygues Telecom rappelle, d'une part, que la Commission européenne n'a pas défini la terminaison SMS comme constitutive d'un marché pertinent, et souligne, d'autre part, que la nécessité d'une régulation ex ante du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles n'a pas été définitivement tranchée par l'Autorité et que, par conséquent, le régime juridique de l'article L. 37-1 du CPCE n'a pas à s'appliquer.

L'entreprise estime que, compte tenu des délais inhérents à la procédure de règlement de différend, il est inenvisageable que l'Autorité procède dans le délai imparti de 4 mois à une analyse de marché.

Bouygues Telecom rappelle que, pour répondre aux exigences communautaires et nationales, l'Autorité n'a pas procédé à l'analyse du marché de la charge de terminaison d'appel pour le trafic à destination d'internet, de l'accès au réseau de France Télécom de liaisons louées aux opérateurs tiers, de l'accès à la boucle locale sur lesquels elle a rendu une décision dans le cadre de l'article L. 36-8 du CPCE.

Bouygues Telecom estime donc que sa demande est recevable et que l'analyse de marché et les conséquences éventuelles qui en seront tirées ne sont pas de nature à résoudre le litige qui l'oppose actuellement à SFR.



B.2. L'application de la procédure de règlement de différend

est pertinente au cas d'espèce


La société Bouygues Telecom indique que ni les directives communautaires ni les dispositions du CPCE relatives au règlement de différend ne conditionnent la recevabilité de la saisine de l'Autorité à une analyse de marché préalable.

Elle souligne qu'en revanche, dans le cadre de ses pouvoirs de règlement de différend, l'Autorité a posé l'obligation pour chaque opérateur de ne pas pratiquer des prix excessifs et a affirmé la possibilité de déroger au principe de liberté tarifaire et d'imposer à un opérateur, même non réputé puissant, un niveau tarifaire d'interconnexion qu'elle aura jugé équitable.

Bouygues Telecom estime qu'étant confrontée à un échec des négociations commerciales portant sur la prestation d'interconnexion SMS elle a saisi l'Autorité sur le fondement de l'article L. 36-8 du CPCE afin de fixer un tarif équitable et que les observations de SFR quant à la nécessité d'une analyse de marché préalable à tout règlement de différend ne sont pas fondées et devront être rejetées.



II. - SUR LE BIEN-FONDÉ DE LA DEMANDE DE BOUYGUES TELECOM



Bouygues Telecom rappelle, d'une part, que le tarif de terminaison d'appel SMS est soumis aux principes du CPCE, et signale, d'autre part, que la charge d'interconnexion fixée à 5,3 centimes d'euro en 1999 ne répond plus aux principes d'objectivité et de transparence, tels que posés par l'article D. 99-10 du CPCE.

L'opérateur considère que cette charge de terminaison n'est pas justifiée au regard des coûts d'Orange France et de SFR, ni au regard de la structure du marché. C'est dans ce contexte que Bouygues Telecom a entamé des négociations commerciales avec ses concurrents afin de procéder à une baisse conjointe et substantielle de ce tarif.

Bouygues Telecom a souhaité bénéficier d'un tarif de terminaison SMS supérieur à celui de ses concurrents pour les motifs suivants :

- la différence de coûts et de revenus associés à chacun des réseaux mobiles liés notamment à l'arrivée tardive de Bouygues Telecom sur le marché ;

- la taille des parcs de clients respectifs et la part de marché des trois opérateurs.

Bouygues Telecom rappelle que l'Autorité est fondée à apprécier les conditions tarifaires des conventions d'interconnexion. Il est donc demandé à l'Autorité de veiller au respect des principes d'objectivité et de transparence qui s'imposent à chaque opérateur en vue de pratiquer des tarifs raisonnables. Dès lors, il est justifié que les tarifs de gros suivent l'évolution des coûts réellement supportés par chacun des opérateurs.

Bouygues Telecom constate que SFR ne démontre pas le caractère déraisonnable de sa demande, laquelle peut en outre se prévaloir du principe d'équité mentionné à l'article L. 36-8 du CPCE.


A. - La demande de Bouygues Telecom est raisonnable et justifiée


A l'appui de sa demande, Bouygues Telecom souligne que :

- la charge d'interconnexion SMS actuelle de 5,3 centimes d'euro n'offre aucune marge de manoeuvre pour une diminution sensible des offres de détail. A ce titre, elle pénalise l'entreprise au regard de la structure du marché ;

- si le tarif actuel était justifié par rapport aux coûts sur la période 1999-2004, la proportionnalité n'est plus respectée au regard des coûts exposés depuis 2005 et a fortiori pour les années à venir ;

- la demande de Bouygues Telecom est justifiée tant par la position de SFR dans le passé que sur l'évolution du marché sur la période 1999-2004.


A.1. La situation du marché de la téléphonie mobile


Il est précisé que les opérateurs européens troisième entrant subissent un handicap lié à leur arrivée tardive qui, bien que compensé parfois par des mesures réglementaires adaptées, se traduit par des marchés structurellement déséquilibrés.

[...]

Bouygues Telecom estime qu'Orange France et SFR peuvent poursuivre une politique d'investissement sans conséquence sur leur marge de manoeuvre commerciale et que toutes barrières artificielles pénalisent l'acteur le plus fragile du marché.


A.2. Le tarif de terminaison d'appel SMS est défavorable

à Bouygues Telecom


Un tarif excessif au regard des prix de détail.

Bouygues Telecom précise que le poids de la terminaison SMS dans la construction d'une offre de détail est central notamment pour ce qui concerne les offres les plus attractives, dont le tarif est d'environ 7 centimes d'euro TTC par SMS.

Le prix de marché moyen du SMS se situe aux alentours de 12 centimes d'euro TTC et la charge d'interconnexion actuelle représente 53 % du prix de détail. Bouygues Telecom souligne que les 47 % restants doivent couvrir la prestation technique d'envoi du SMS qui nécessite le recours à des éléments de réseau plus nombreux que la terminaison d'appel vocal. Par ailleurs, les coûts commerciaux, de facturation et de recouvrement ne sont pas à négliger. L'opérateur affirme que la charge de terminaison actuelle est donc hors de proportion au regard du prix de détail.

Bouygues Telecom précise que la baisse de 20 % proposée par SFR porterait cette part à 43 %, ce qui est élevé au regard du partage des coûts sous-jacents entre l'émission du SMS et sa réception.

L'opérateur estime que sa proposition ramène le poids de la terminaison dans le prix de détail du SMS à 25 %, ce qui est cohérent avec les ratios existant sur d'autres marchés de téléphonie.

Bouygues Telecom rappelle que la charge de terminaison est un facteur limitant de l'évolution des prix de détail dans la mesure où les prix les plus bas sur le marché se situent entre 7 centimes d'euro TTC et 9 centimes d'euro TTC et permettent à peine de couvrir la terminaison d'appel seule.



Un tarif qui prive Bouygues Telecom de toute marge de manoeuvre.

Bouygues Telecom estime que les observations de SFR sont erronées et rejette l'argumentation selon laquelle une baisse de 50 % du tarif de terminaison SMS, plutôt que de 20 %, serait disproportionnée.

Sur les marges de manoeuvre existantes.

La société note que, dans ses observations, SFR prétend qu'un tarif d'interconnexion SMS de 4,3 centimes d'euro laisse à Bouygues Telecom une marge de [...] pour un SMS vendu 7 centimes TTC au détail.

Bouygues Telecom estime que ces arguments sont infondés et qu'un écart entre le tarif de terminaison et le prix public est insuffisant. L'opérateur indique qu'à titre d'exemple il ne saurait couvrir les coûts de commercialisation de service, ainsi qu'une marge raisonnable et que cet écart ne laisse pas de marge de manoeuvre en faveur d'une baisse des prix.

Bouygues Telecom souligne que le problème rencontré sur le service SMS est le même que pour les appels vocaux de mobile à mobile. La sortie du « Bill and Keep » fait peser de fortes contraintes sur la rentabilité de ses offres voix et laisse peu de place pour absorber des baisses du prix de détail des SMS en deçà des niveaux de prix actuels.

Sur l'équilibre des flux.

Bouygues Telecom relève que les courbes transmises par SFR démontrent que les flux de trafic avec ses concurrents [...] et que cette évolution est concomitante avec la baisse du prix de détail des SMS [...].

L'espace économique que lui laisse le tarif de terminaison actuel n'est pas suffisant pour proposer des offres commerciales aussi agressives. Bouygues Telecom souligne que le caractère attractif des forfaits SMS contribue au développement de l'usage, mais qu'elle ne peut en profiter dans la même proportion que ses concurrents. [...]

[...]

Sur l'impact des charges de terminaison.

La société Bouygues Telecom estime que l'importance des SMS « off-net » sur son réseau la rend plus sensible que ses concurrentes à l'interconnexion [...].

Sur le caractère contraignant des effets club.

Bouygues Telecom souligne qu'étant donné la charge de terminaison actuelle l'économie de ses offres SMS reposerait sur la stratégie de ses concurrents, notamment SFR qui disposerait de la faculté de réduire la rentabilité des offres de Bouygues Telecom par la généralisation d'offres « on-net » engendrant ainsi un déséquilibre du solde de SMS entrants/sortants.

Si SFR pratiquait des offres « on-net » agressives, Bouygues Telecom ne pourrait que proposer des prix attractifs vers l'ensemble des réseaux stimulant ainsi les flux « off-net » vers SFR, ce qui constituerait un transfert de marge vers SFR.

Bouygues Telecom note que les observations de SFR sur l'étude OVUM sont erronées car, dans le cas d'un marché pratiquant des prix « on-net », le plus petit opérateur pratique la plus forte remise sur les prix « on-net » pour compenser la moindre taille de son réseau. A ce propos, Bouygues Telecom indique également qu'un petit opérateur n'a que peu d'intérêt à pratiquer une différenciation « on-net »/« off-net » notamment dans un marché où la maturité est assurée.

Il est enfin précisé que la modélisation économique permet d'établir que de telles offres n'ont d'intérêt que pour les opérateurs disposant d'une part de marché importante et que, par conséquent, Orange France et SFR ont un intérêt à la mise en place de telles offres, ce qui n'est pas le cas de Bouygues Telecom.


A.3. Une demande proportionnée au regard des coûts


Bouygues Telecom considère que le tarif de terminaison qu'elle demande est proportionné au regard des coûts encourus par les opérateurs.

L'entreprise signale qu'elle a cherché à évaluer les coûts moyens d'interopérabilité du service SMS pour chacun des opérateurs sur la période 1999-2010 en construisant un modèle de coûts du SMS.

Bouygues Telecom indique que la méthode retenue est une modélisation de type CMILT « bottom-up » sur la base des coûts courants exposés pour la construction d'un réseau GSM permettant de fournir le service SMS également utilisée pour la fourniture d'un service de voix. Bouygues Telecom précise que les résultats de cette modélisation font apparaître pour SFR un coût moyen de terminaison du SMS sur la période 1999-2003 inférieur à [...] et inférieur à [...] pour la période 2004-2008, alors que le coût moyen de terminaison de Bouygues Telecom est évalué à [...] sur la période 1999-2003.

Bouygues Telecom souligne ainsi que ces résultats démontrent que, si le tarif d'interopérabilité appliqué sur la première période était cohérent avec les coûts supportés par les opérateurs pour la fourniture du service, ce tarif est désormais excessif au regard des coûts qui seront encourus sur la période 2004-2008 et paraissent donc justifier le niveau de baisse demandée, ainsi que la mise en place d'un tarif de 2,5 centimes d'euro.

Bouygues Telecom a estimé le coût de terminaison de SMS sur la base de ces coûts historiques pour l'année 2003. L'allocation des coûts au SMS repose sur :

- les coûts de réseau sur la base de l'usage ;

- les coûts communs en les répartissant entre les services voix et SMS au prorata des coûts réseau, ces coûts allouables au SMS étant ensuite répartis sur les différents types de SMS au prorata des volumétries correspondantes.

Bouygues Telecom souligne que cette méthode a permis de calculer un coût de terminaison du SMS pour 2003 de l'ordre de [...].


A.4. Une préoccupation constante de Bouygues Telecom


La société Bouygues Telecom précise que la transition entre les deux cadres réglementaires l'a conduite à concentrer ses efforts sur les analyses de marchés pertinents menés par l'Autorité. Ce n'est qu'après la transposition des directives que les incertitudes ont été levées sur les modalités d'une intervention de l'Autorité.


B. - La demande de Bouygues Telecom est proportionnée

B.1. Le « benchmark » européen proposé par SFR n'est pas pertinent


Bouygues Telecom estime que le « benchmark » transmis par SFR sur les niveaux de terminaison d'appel SMS ne permet pas d'étayer une analyse objective :

- il est rapporté que la France se situe parmi les pays dont le niveau de terminaison SMS est le plus élevé et son tarif supérieur à la moyenne européenne ;

- il n'est pas pris en compte la dynamique de baisse observée en Europe.

Bouygues Telecom indique que la majorité des pays européens pratiquent des tarifs d'interconnexion SMS inférieurs à la France : ainsi, au Danemark, le tarif pratiqué par TeliaMobile est de [...].

Bouygues Telecom considère qu'en faisant droit à sa demande l'Autorité fixerait le tarif de terminaison au niveau de celui du Danemark et qu'il ne s'agirait pas d'un non-sens économique, comme l'indique SFR. L'entreprise précise que le « benchmark » proposé par SFR ne tient pas compte de la date à laquelle a été fixée la terminaison SMS dans les pays concernés. En effet, le niveau élevé de la terminaison SMS en Europe s'explique par le fait que les niveaux de terminaison ont été fixées il y a plusieurs années, lors de la mise en place de l'interopérabilité du service SMS et que les coûts supportés par les opérateurs à la fin des années 1990 ne sont plus adéquats avec ceux supportés actuellement.

Bouygues Telecom considère donc qu'une demande de 2,5 centimes d'euro s'inscrit dans la tendance européenne. Une étude comparée des tarifs de terminaison et des offres de détails permet de constater qu'une charge d'interconnexion peu élevée favorise la baisse des tarifs de détail et par conséquent le développement des usages sur le marché de détail.


B.2. Sur la demande de Bouygues Telecom


Bouygues Telecom précise que, contrairement au prix de la terminaison d'appel SMS qui n'a pas évolué depuis 1999, les tarifs ont subi des baisses régulières correspondant à une baisse cumulée qui a dépassé le taux de 50 %.

Il est rappelé que les tarifs d'interconnexion fixe de France Télécom, lesquels correspondent à une activité régulée, sont orientés vers les coûts, ce qui explique que la baisse cumulée soit moins importante que dans le cas de la terminaison mobile.

Bouygues Telecom indique également que le tarif d'interconnexion de terminaison d'appel vocal de SFR a connu une baisse constante au cours des cinq dernières années correspondant à une diminution de 66 % depuis 1999, alors que celui du SMS n'a pas changé.

Bouygues Telecom note que, dans les deux cas, le volume de trafic échangé entre opérateurs a été multiplié par cinq et que, dans ce contexte, une baisse de 50 % ne constituerait qu'une remise à niveau de la terminaison SMS. Ainsi, à titre d'exemple, il est indiqué qu'en avril 2002 le tarif du dégroupage partiel a connu une baisse de 50 % passant de 6 euros par mois à 2,9 euros seulement par mois.




B.3. Sur le développement de nouveaux services


Bouygues Telecom précise que la rentabilité de services innovants s'étudie à long terme selon les besoins nouveaux suscités chez les consommateurs sans prendre en compte l'évolution du prix du service de SMS. Un lourd investissement a été consenti dans la téléphonie de troisième génération, alors que les prix de la téléphonie GSM étaient en baisse rendant moins attractive la technologie UMTS.


B.4. La demande de Bouygues Telecom n'a pas d'incidence

sur les résultats financiers de SFR


Bouygues Telecom considère qu'un tarif de terminaison d'appel SMS de 2,5 centimes d'euro est largement supérieur aux coûts supportés par SFR. Par suite, s'il était fait droit à sa demande et que la baisse du prix de gros soit répercutée en intégralité sur les prix de détail, le manque à gagner pour SFR ne devrait pas représenter plus de [...] ce qui est insignifiant au regard d'un chiffre d'affaires de [...] en 2004.


C. - Une demande d'asymétrie justifiée

C.1. Une demande d'asymétrie nécessaire à l'efficacité

économique de Bouygues Telecom


Bouygues Telecom estime qu'en mettant en avant ses bons résultats financiers et son bon positionnement en terme de parts de marché par rapport aux autres opérateurs troisièmes entrants en Europe, SFR montre en réalité le bien-fondé de sa demande.

L'étude effectuée par SFR est critiquable car :

- la rentabilité des opérateurs est mesurée par la seule part de l'« Operating Free Cash Flow » hors coûts d'acquisition et de rétention de clientèle comparée à la part de marché en valeur. Cette évaluation de la rentabilité n'est pas pertinente, car la téléphonie mobile est un marché où les coûts d'acquisition et de rétention de clientèle constituent une donnée de la stratégie commerciale d'un opérateur mobile. Exclure ces coûts de l'analyse revient à occulter un élément majeur d'appréciation et, en tout état de cause, avec un taux de churn supérieur à 20 % chaque année, la téléphonie mobile n'est pas un marché sur lequel ces critères sont adaptés ;

- l'année prise pour référence ne permet pas d'effectuer une comparaison fiable entre les opérateurs concernés puisqu'en 2004 la France était le seul pays où les opérateurs mobiles ne facturaient pas les terminaisons d'appel. Le chiffre d'affaires retenu pour Bouygues Telecom n'est pas comparable à celui des autres opérateurs.

Par ailleurs, Bouygues Telecom souligne que ses résultats financiers ne lui ont pas permis de rembourser ses dettes et de faire bénéficier ses actionnaires d'un retour sur investissement, ce qui n'est pas le cas de SFR qui dégage des bénéfices depuis plusieurs années.


C.2. La demande d'asymétrie est conforme à la jurisprudence


L'Autorité a accepté un différentiel tarifaire pour la terminaison d'appel pour une période transitoire arrivant à terme en 2008. Bouygues Telecom indique que, si une asymétrie tarifaire est justifiée entre deux opérateurs de réseaux de téléphonie mobile, la justification est encore plus évidente entre deux opérateurs de téléphonie mobile.

Bouygues Telecom indique qu'il faut distinguer les réseaux fixes et mobiles : les premiers pouvant déployer leurs infrastructures dans des zones rentables, alors que les seconds ont l'obligation de couvrir une part croissante de la population, y compris les zones non rentables.

Bouygues Telecom précise que l'investissement en infrastructures des opérateurs mobiles se situe à des niveaux comparables, alors que, pour les acteurs de la téléphonie fixe, les coûts de déploiement pèsent essentiellement sur France Télécom.

Bouygues Telecom souligne qu'avec 7,6 millions de clients elle est loin des 15 millions de clients de SFR et des 21 millions de clients d'Orange France.

L'opérateur estime qu'il supporte les mêmes coûts que ses concurrents sans bénéficier de revenus comparables en raison notamment de l'attribution tardive de sa licence GSM. Ce retard a été pris en compte par l'Autorité qui a mis en place une asymétrie tarifaire à son bénéfice sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal.

Bouygues Telecom considère que SFR ne tient pas compte des difficultés rencontrées par l'entreprise depuis le début d'exploitation de sa licence et qu'à ce titre sa demande d'asymétrie tarifaire est raisonnable et justifiée.

Pour ces motifs, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de rejeter les arguments exposés par SFR et de faire droit à ses demandes.

Vu les réponses des parties au questionnaire des rapporteurs enregistrées le 23 septembre 2005 ;

Vu les réponses des parties au second questionnaire des rapporteurs enregistrées le 29 septembre 2005 ;

Vu les secondes observations en défense présentées par la société SFR enregistrées le 3 octobre 2005.



I. - INTRODUCTION



SFR note que le chiffre d'affaires de Bouygues Telecom est en hausse de [...] sur le premier semestre 2005 avec un résultat net de [...] et une hausse de [...] par rapport au premier semestre 2004 et son taux de marge d'EBITDA progresse de [...] pour atteindre [...] du chiffre d'affaires net réseau.

SFR estime que ces chiffres permettent d'ailleurs à Bouygues Telecom d'être candidat à l'acquisition de [...] du capital de Tunisie Telecom et contraste avec la situation décrite dans ses dernières observations, puisqu'elle sollicite de l'Autorité une baisse de 50 % du tarif de la terminaison de SMS et l'application d'une asymétrie tarifaire de 20 % à son avantage.

L'opérateur considère que l'Autorité ne peut faire droit à la demande de Bouygues Telecom dans la mesure où cela porterait atteinte au principe d'équité. La société SFR indique qu'une baisse de 50 % du tarif de sa terminaison d'appel SMS et d'une asymétrie tarifaire de 20 % au bénéfice de Bouygues Telecom équivaudrait à un transfert de marge sur un service non régulé et qu'une telle situation serait défavorable à la concurrence et introduirait une inéquité contraire à l'article L. 32 du CPCE. Le consommateur s'en trouverait d'ailleurs pénalisé, ainsi que l'efficacité des investissements consentis par SFR pour déployer l'UMTS.



II. - SUR L'ABSENCE D'ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS



La société SFR note que son concurrent confirme la présentation qu'elle a pu faire en ce qui concerne le calendrier des négociations, mais indique que Bouygues Telecom ne s'est engagé dans les négociations qu'à la fin du mois de mars 2005 soit à peine trois mois avant le dépôt de sa saisine devant l'Autorité.

SFR rappelle qu'elle a adressé le 13 juin 2005 un courrier à l'attention de Bouygues Telecom reprenant l'accord de principe intervenu entre les parties sur une baisse réciproque du tarif de terminaison d'appel SMS.

S'agissant de l'asymétrie tarifaire, SFR rappelle qu'elle a approuvé le choix de l'Autorité de poser une règle de différenciation des tarifs de terminaison sur les réseaux mobiles, mais s'est opposée à la mise en oeuvre de dérogation sur ce point. SFR rappelle que Bouygues Telecom n'a pas évoqué de demande d'asymétrie au stade de la négociation et estime en conséquence qu'il s'agit d'une nouvelle demande.

La partie défenderesse demande donc à l'Autorité de rejeter la demande de Bouygues Telecom en relevant l'absence d'échec des négociations.



III. - SUR LA DEMANDE AU FOND DE BOUYGUES TELECOM



3.1. Rappel des principes devant présider

la demande de règlement de différend


SFR rappelle que l'Autorité doit trancher le litige au regard des prétentions des parties dans le respect du principe du contradictoire et des principes d'équité et d'impartialité.

L'opérateur souhaite ainsi rappeler à Bouygues Telecom les limites qui s'imposent à l'Autorité dans la procédure de règlement de différend. A ce titre, l'obligation pour un opérateur de pratiquer des tarifs reflétant les coûts relève des dispositions de l'article L. 38 du CPCE et ne peut être imposée par l'Autorité qu'au terme de la procédure d'analyse des marchés prévue aux article L. 37-1 et suivants du CPCE.

SFR souligne que l'obligation pour chaque opérateur de ne pas pratiquer des prix excessifs relevait de l'article D. 99-10 du CPT en vigueur en 1998 et non de la décision no 98-1025 de l'Autorité. SFR indique que cette disposition relève désormais des obligations pouvant être imposées par l'Autorité dans le cadre de l'article L. 37-1 du CPCE.

Il est encore souligné que l'Autorité est soumise au principe du contradictoire et que de ce fait une étude des propositions tarifaires des deux parties au litige et la fixation de conditions tarifaires doivent être équitables. Ainsi, la société SFR souligne que la question posée à l'Autorité revient à trancher le point de savoir si la baisse de 50 % revendiquée par Bouygues Telecom peut ou non apparaître comme plus raisonnable et justifiable que le principe d'une première baisse de 20 % proposée par SFR.


3.2. La proposition tarifaire de SFR est objective et justifiée


SFR estime que sa proposition tarifaire est cohérente avec le « benchmark » européen, contrairement à ce que prétend Bouygues Telecom. Elle souhaite que le « benchmark » permette d'examiner les tarifs de terminaison des SMS de pays comparables à la France.

L'opérateur indique que les tarifs français actuels de terminaison d'appel SMS sont dans la moyenne des 5 principaux pays européens et que la proposition de SFR portant sur un tarif de 4,3 centimes d'euro ferait de la France l'un des pays les moins chers d'Europe en matière de terminaison d'appel SMS et le moins cher de ses voisins, notamment au regard de ce qui se pratique en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie ou en Espagne.


3.3. Le maintien d'une symétrie tarifaire des terminaisons d'appel SMS


SFR rappelle que la symétrie tarifaire des tarifs de terminaison des SMS :

- s'inscrit dans la continuité d'un engagement contractuel de plus de cinq, qui n'a pas été remise en cause par Bouygues Telecom ;

- est conforme au principe retenu par l'Autorité et ne peut être aménagée même de façon transitoire au bénéfice de Bouygues Telecom ;

- préserve l'intérêt des consommateurs en garantissant la lisibilité tarifaire des prix de détail et de l'intéropérabilité des réseaux.

Par ailleurs, SFR considère que, si l'Autorité devait accéder à la demande de Bouygues Telecom, elle remettrait en cause les principes qu'elle a pu poser dans le cadre de la régulation ex ante.

L'entreprise défenderesse estime en outre que, s'il était fait droit à la demande de différenciation tarifaire revendiquée par la société Bouygues Telecom au regard des coûts encourus, l'Autorité devrait nécessairement faire bénéficier SFR du même principe d'asymétrie tarifaire entre son propre tarif de terminaison d'appel SMS et celui d'Orange France. Pour SFR, cela reviendrait à faire table rase d'un principe auquel l'Autorité ne cesse de rappeler son attachement.

Dans ces conditions, l'Autorité serait donc amenée à déroger au principe qu'elle a fixé en matière de terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles pour une durée très limitée arrivant à échéance dans un an et qu'une telle décision serait particulièrement préjudiciable au consommateur.

SFR indique qu'une décision en ce sens n'inciterait pas les opérateurs à optimiser leurs réseaux, dans la mesure où tout différentiel de coût de la terminaison d'appel SMS par rapport à celui d'un opérateur plus efficace serait répercuté dans le prix de terminaison et, par voie de conséquence, serait donc supporté par ses concurrents. De même, SFR souligne qu'un opérateur plus efficace ne serait pas incité à accroître son efficacité via l'innovation, dans la mesure où tout gain d'efficacité se traduirait par une baisse de son tarif de terminaison d'appel SMS et par un accroissement du différentiel tarifaire de terminaison avec l'opérateur moins efficace.

L'opérateur considère donc que l'Autorité ne peut que s'appuyer sur la symétrie tarifaire, seule garante du bon fonctionnement de la concurrence entre les opérateurs.

SFR conclut aux mêmes demandes que dans ses précédentes observations et demande, à titre subsidiaire, que l'Autorité fixe le tarif de terminaison d'appel SMS des trois opérateurs mobiles à 4,3 centimes d'euro HT à compter du 1er septembre 2005.

Vu les observations présentées par la société SFR enregistrées le 17 octobre 2005 relatives à la réponse de Bouygues Telecom en date du 23 septembre 2005 au questionnaire du rapporteur.

A titre liminaire, SFR rappelle que l'Autorité devra examiner les prétentions des deux parties et trancher le litige en objet en fixant les conditions tarifaires qu'elle jugera équitables.


1. Sur l'analyse des coûts présentée par Bouygues Telecom


SFR précise que l'approche historique présentée par Bouygues Telecom dans le cadre du présent litige ne peut être retenue car elle repose sur des éléments qui n'ont pas été versés au dossier.

SFR observe que, dans ses observations en réplique du 19 septembre 2005, Bouygues Telecom a communiqué un résultat issu de son approche historique pour calculer son coût de terminaison SMS pour l'année 2003, en indiquant que « le détail de cette méthode sera transmis dans le cadre de la réponse de Bouygues Telecom au questionnaire ».

SFR estime que la réponse de Bouygues Telecom au questionnaire se limite à une description méthodologique dont la pertinence est contestable, en l'absence d'informations détaillées et chiffrées couvertes par le secret des affaires. SFR constate également que l'approche théorique de modélisation des coûts des SMS entrants présentée par Bouygues Telecom, issue d'une étude réalisée par le cabinet Tera, est sujette à caution.


2. Sur la méthode d'allocation des coûts


SFR indique que la modélisation théorique retenue par Bouygues Telecom repose sur une allocation des coûts utilisant la valeur de Shapley qui n'est utilisée par aucune autorité de régulation des communications électroniques dans le cadre des analyses menées pour la fixation de tarifs orientés vers les coûts.

Une méthode contestable car elle repose sur une allocation des coûts entre les services sans tenir compte de leur ordre d'arrivée sur le marché.

SFR souligne qu'il ne faut pas faire abstraction de la chronologie des offres dans le temps lors de l'allocation des coûts. SFR indique que le graphique présenté par Bouygues Telecom en annexe de sa réponse au questionnaire montre que SFR a subi des pertes importantes sur les premières années de fourniture du service de terminaison de SMS dont il faut tenir compte dans une analyse objective des coûts.

Une méthode contestable car la valeur de Shapley ne permet pas d'énoncer une règle de partage des coûts que « dès lors qu'on est capable de connaître le coût de fourniture isolée de chacun des produits ».

SFR précise que la fourniture du service de SMS ne peut être considérée de façon isolée à partir d'un réseau dit « de couverture », tel qu'envisagé par Tera Consultants. SFR note que Tera démontre que « la fourniture du service SMS est indissociable de la voix », tout en précisant que « cette impossibilité à déterminer les coûts de fourniture isolée des noeuds de réseau pour les SMS empêche de calculer la valeur de Shapley pour ces seuls équipements ».

SFR rappelle que les offres des réseaux dédiés aux services de mini-messages (normes Ermès ou POCSAG) ne se basent pas sur une infrastructure GSM, ce qui confirme que de tels services ne sont pas viables commercialement lorsqu'on cherche à les fournir de façon isolée.

SFR indique qu'en raison des difficultés que pose la méthode Tera Consultants choisit d'utiliser des facteurs d'usage comme inducteurs des coûts.


3. Sur les hypothèses de modélisation


SFR considère que les hypothèses de modélisation ont été choisies pour démonter que Bouygues Telecom souhaite obtenir des coûts plus élevés. SFR indique que, selon les hypothèses retenues par Tera Consultants, les coûts unitaires des équipements radio sont identiques pour chaque opérateur, alors que Bouygues a bénéficié d'un avantage concurrentiel important en obtenant des prix d'achat des équipements radio significativement plus bas que ceux de SFR lors du déploiement initial de son réseau. SFR souligne qu'une étude réalisée par l'OFCOM montre que le prix d'achat des équipements radio depuis 1991 a été divisé par cinq.

[...] Toutefois, SFR estime que la méthodologie employée par Tera Consultants ne tient pas compte du fait que le coût incrémental de couverture est croissant et suit une même courbe exponentielle lorsqu'on se rapproche du taux de couverture de 100 % [...]. SFR considère que les coûts de radio réels qu'elle supporte sont significativement supérieurs à ceux pris en compte dans la modélisation de Tera Consultants.

SFR observe que Tera Consultants ne prend pas en compte le fait que SFR déploie un réseau de troisième génération depuis fin 2002 et qu'elle supporte des coûts d'un second réseau de couverture lié à la norme UMTS nécessitant des investissements très lourds qui sont négligés par Tera.


4. Une analyse biaisée de l'économie des offres


SFR indique que l'analyse comparée de Bouygues Telecom concernant les marges brutes et les marges nettes des offres est biaisée et conduit à des résultats trompeurs. SFR a effectué ses propres estimations à partir des éléments d'analyse fournis par Bouygues Telecom sur ses offres forfaitaires de 240 et 480 SMS d'où il ressort que :

- la part de marché de Bouygues Telecom n'est pas un facteur explicatif de sa marge brute ;

- Bouygues Telecom pourrait augmenter sa marge brute par des gains d'efficacité sur son propre réseau ;

- en prenant en compte un coefficient d'inutilisation des offres forfaitisées, les marges brutes et les marges nettes de Bouygues Telecom sont largement positives.

SFR considère que la stratégie tarifaire de Bouygues Telecom n'est contrainte ni par sa faible part de marché ni par un niveau trop élevé du tarif de terminaison de SMS, mais par son efficacité relative.

SFR souligne que Bouygues Telecom n'est pas fondée à prétendre que « le poids de la charge d'interconnexion dans la marge brute des offres de Bouygues Telecom contraint toute évolution à la baisse de ces offres ».

SFR rappelle qu'elle s'est engagée dans des opérations commerciales visant à développer l'usage du SMS par ses clients. SFR indique qu'elle n'a pas connaissance de telles opérations de promotions visant à une « satisfaction client » autour du SMS chez Bouygues Telecom. SFR souligne que les bonnes performances de SFR en termes d'usage de SMS par client ne proviennent pas de sa position de second sur le marché mobile, mais de son dynamisme à construire des propositions qui répondent aux besoins de ses clients, en conséquence de la seule concurrence par les mérites.

Vu la lettre du chef du service juridique en date du 21 octobre 2005 convoquant les parties à une audience devant le collège le 3 novembre 2005 ;

Vu les observations présentées par la société Bouygues Telecom enregistrées le 27 octobre 2005.



I. - SUR L'ANALYSE DES COÛTS SUIVANT LA MODÉLISATION THÉORIQUE



Bouygues Telecom souligne que l'utilisation de la valeur de Shapley faite dans sa réponse au questionnaire repose, par définition, sur l'allocation des coûts aux différents services, en considérant tous les ordres d'arrivée de chacun de ces services sur le marché. Bouygues Telecom indique que cette valeur, utilisée comme méthode de répartition des coûts, consiste à envisager tous les ordres d'entrée en lice des différents services et à imputer à chacun d'eux la moyenne des coûts incrémentaux qu'ils causent en s'ajoutant au groupement de services qui les ont précédés dans la séquence d'entrée.

Bouygues Telecom précise que les fondamentaux économiques de l'utilisation de la valeur de Shapley visent justement à éliminer toute influence de l'ordre d'apparition des services sur ce marché. Bouygues Telecom estime qu'en suivant le raisonnement de SFR visant à prendre en compte l'ordre chronologique d'arrivée des services seuls les coûts spécifiques aux SMS seraient attribuables aux SMS.

Bouygues Telecom indique que la modélisation théorique qu'elle a retenue vise à calculer un coût moyen du SMS sur la période considérée qui prend en compte les coûts supportés par l'opérateur au cours des premières années de développement du service.

Sur l'utilisation de la valeur de Shapley pour l'allocation des coûts des noeuds de réseau, Bouygues Telecom précise que Tera Consultants indique dans sa description de la méthode de calcul du coût du SMS entrant que, dans le cas des seuls noeuds de réseau (MSC & HLR), une autre méthode d'allocation pertinente basée sur une clé à l'acte a été retenue, les données permettant le calcul de cette clé étant alors aisément disponibles. Bouygues Telecom estime donc que le raisonnement de SFR n'est pas probant.

Bouygues Telecom souligne que la modélisation théorique qu'elle a retenue vise à déterminer le coût de fourniture d'un service sur un réseau multiservice et non à appréhender la rentabilité du service pris isolément.

Sur les différences de prix d'achat des équipements, pour chacun des opérateurs, Bouygues Telecom précise que le modèle de coûts développé est un CMILT bottom-up, basé sur des coûts courants identique dans son fonctionnement aux trois opérateurs, et que, par conséquent, il ne prend pas en compte une différenciation des prix des équipements en fonction des dates d'entrée sur le marché de chacun des opérateurs.

Bouygues Telecom indique que la prise en compte d'éventuelles différenciations de prix d'achat est induite dans la méthode de calcul des coûts historiques.

Sur la méthodologie retenue, Bouygues Telecom rappelle que le modèle calcule un coût moyen du SMS sur la totalité du réseau et non le coût du SMS transporté sur la dernière BTS servant à couvrir le dernier pourcentage de territoire.

Bouygues Telecom estime que ce n'est pas le coût de la dernière BTS qui est exponentiel, mais le coût de la minute (ou du SMS) transporté sur cette dernière, engendrant une hausse du coût moyen global. Bouygues Telecom indique que ce coût moyen transporté sur un réseau déployé pour couvrir [...] du territoire est toujours plus élevé que celui déployé sur [...] du territoire.

Bouygues Telecom rappelle que le SMS n'a pas vocation à financer le déploiement du réseau UMTS.



II. - SUR L'ÉCONOMIE DES OFFRES



Bouygues Telecom rappelle que c'est bien le niveau de terminaison qui l'empêche de répliquer les offres promotionnelles proposées par Orange France et SFR.

Bouygues Telecom relève que l'Autorité, dans sa consultation publique relative au marché de gros de la terminaison d'appel SMS, que le coût d'une terminaison d'appel SMS en métropole, prenant en compte les coûts de réseau liés à l'usage des SMS, ainsi qu'une juste contribution aux coûts communs, serait de l'ordre de 2,50 centimes d'euro maximum par SMS, ce qui atteste le bien-fondé et la proportionnalité de sa demande.

Vu le courrier de la société SFR enregistré le 28 octobre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Bouygues Telecom enregistré le 28 octobre 2005 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 3 novembre 2005, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Henry-Pierre Mélone, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Emmanuel Forest, Emmanuel Micol, Pascal Dutru, pour la société Bouygues Telecom ;

- les observations de MM. Pierre Bardon, Bertrand Mabille, pour la société France Télécom et de Me Alexandre Espenel, cabinet Racine.

En présence de :

M. Emmanuel Forest, Arnaud Van Eeckhout, Emmanuel Micol, Pascal Dutru, Mme Constance de la Source pour la société Bouygues Telecom, Me Agnès Germain, Me Joseph Vogel pour le Cabinet Vogel & Vogel, M. Laurent Benzoni pour la société Tera Consultants ;

M. Pierre Bardon, Bertrand Mabille, Olivier Marzouk, Hugo Salaun, Mmes Marie-Georges Boulay, Patricia Lodier pour la société SFR, Me Alexandre Espenel, cabinet Racine ;

M. Philippe Distler, directeur général, François Lions, directeur général adjoint, Henry-Pierre Mélone, Olivier Mellina-Gottardo, Benoît Loutrel, Sébastien Soriano, Grégoire Weigel, Mmes Isabelle Kabla-Langlois, Joëlle Adda, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Le collège en ayant délibéré le 8 novembre 2005, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,

Adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.



I. - COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ



En application des dispositions de l'article L. 36-8-I du CPCE, l'Autorité peut être saisie par l'une ou l'autre des parties « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques ».

Par ailleurs, l'article L. 32 (9°) du CPCE dispose que l'interconnexion désigne « la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. (...) ».

Enfin, « on entend par réseaux ouverts au public tout réseau de communications électroniques établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de communications électroniques ou de services de communication au public par voie électronique » (art. L. 32 [3°] du CPCE).

S'agissant du SMS mobile vers mobile, le service d'envoi et de réception des messages court permet aux utilisateurs des différents réseaux exploités par les opérateurs de téléphonie mobile de communiquer entre eux.

S'agissant de la terminaison d'appel SMS, le contrat d'interfonctionnement point à point pour l'envoi et la réception de messages courts entre abonnés d'opérateurs mobiles GSM signé entre Bouygues Telecom et SFR indique, à l'article 1.1, que la convention a pour objet « de définir les conditions dans lesquelles chaque Partie fournit à l'autre Partie les services d'envoi de SMS à partir de son (ses) SMS-C et de réception de SMS en provenance du (des) SMS-C de l'autre Partie » (1). En outre, l'article 3 de ladite convention stipule notamment que « chacune des Parties s'engage à transmettre les SMS de ses clients à l'autre Partie (...) ». Enfin, le schéma technique repose bien sur la transmission des messages par le biais d'équipements caractérisant une « liaison physique et logique » entre les réseaux des opérateurs concernés.



Par ailleurs, les infrastructures concernées sont bien des réseaux ouverts au public.

Il résulte de ces éléments que la terminaison d'appel SMS relève du régime juridique de l'interconnexion. Au demeurant, ce point n'est pas contesté par la partie défenderesse.

Dans ces conditions, la compétence de l'Autorité au titre de la procédure de règlement de différend se trouve vérifiée.


(1) Les initiales SMS-C (Short Message Service Centre) désignent l'équipement gérant le stockage et l'expédition des SMS.

II. - RECEVABILITÉ



A. - Sur le champ des négociations commerciales et l'échec de ces négociations


Il ressort des éléments du dossier que Bouygues Telecom a adressé à SFR un courrier du 11 octobre 2004 par lequel l'opérateur annonçait sa volonté de procéder à une baisse « significative » de son tarif de terminaison d'appel SMS tout en demandant à SFR de procéder elle-même à « une baisse de 50 % » de son tarif.

Après plusieurs échanges, SFR a informé Bouygues Telecom par courrier du 13 juin 2005 qu'elle entendait baisser son tarif de terminaison SMS d'environ 20 % à compter du 1er septembre 2005, soit un tarif de 4,3 centimes d'euro HT. Cette proposition de baisse était conditionnée à une application réciproque et symétrique de la part des cocontractants et s'inscrivait dans la continuité des différents contrats d'interfonctionnement SMS et MMS liant les deux sociétés. Dans ce cadre, SFR a demandé à Bouygues Telecom de lui retourner dans un délai de 10 jours un exemplaire dudit courrier avec la mention « Bon pour accord ».

Bouygues Telecom indique qu'un entretien téléphonique s'est déroulé le 16 juin 2005 au cours duquel un nouveau compromis aurait été recherché, en vain. SFR ne mentionne pas cet échange téléphonique dans ses observations.

SFR conteste qu'il y ait eu un quelconque échec des négociations. S'agissant plus particulièrement de la demande tendant à ce que l'ARCEP fixe le tarif de terminaison SMS de Bouygues Telecom à un niveau supérieur à celui de SFR, la partie défenderesse affirme que ce point n'a jamais fait l'objet d'une quelconque négociation et qu'elle a été informée de cette nouvelle demande par la lettre du 8 juillet 2005 par laquelle Bouygues Telecom constatait l'échec des négociations, avant de saisir l'Autorité du présent litige trois jours plus tard.

Il ressort en premier lieu des pièces transmises par les parties que les négociations ont principalement porté sur le tarif de terminaison d'appel SMS de SFR à l'égard de Bouygues Telecom, mais que le tarif de terminaison d'appel SMS de Bouygues Telecom à l'égard de SFR était également l'objet des négociations. En effet, la proposition du 13 juin 2005 de SFR consistait en une baisse de son tarif sous réserve d'une baisse équivalente pratiquée par Bouygues Telecom. De la même manière, Bouygues Telecom demandait à SFR, dans son courrier du 11 octobre 2004, de baisser son tarif après avoir précisé qu'elle entendait pratiquer une baisse significative sur son propre tarif.

En second lieu, il ressort des éléments du dossier que Bouygues Telecom n'a obtenu satisfaction sur aucun des deux aspects de sa demande (baisse du tarif de SFR de 50 % et instauration d'un écart tarifaire à son avantage).

L'Autorité relève donc que les négociations commerciales entre les parties ont bien échoué, tant en ce qui concerne le tarif de terminaison d'appel SMS de SFR à l'égard de Bouygues Telecom que celui de Bouygues Telecom à l'égard de SFR.


B. - Sur la recevabilité des demandes des parties


Dans sa saisine en date du 11 juillet 2005, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de :

- se déclarer compétente pour connaître du différend qui l'oppose à SFR ;

- fixer le tarif de terminaison d'appel SMS interpersonnels de SFR à 2,5 centimes d'euro à compter du 1er juillet 2005 ;

- reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondé à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal (en l'espèce 3 centimes d'euro).

SFR, dans son premier mémoire en défense du 29 août 2005, demande à l'Autorité de rejeter l'ensemble des demandes de Bouygues Telecom. Dans ses observations en réplique du 3 octobre 2005, SFR demande en outre à l'Autorité :

- à titre principal, de rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes de Bouygues Telecom ;

- à titre subsidiaire, de fixer le tarif de terminaison de SMS des trois opérateurs mobiles à 4,3 centimes d'euro au 1er septembre 2005.

L'article L. 36-8-I, alinéa 2, du CPCE dispose que, dans le cadre de sa compétence, l'ARCEP règle le litige en précisant « les conditions équitables d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés ». S'agissant plus particulièrement des pouvoirs d'intervention de l'Autorité en matière tarifaire, la cour d'appel de Paris souligne, dans un arrêt en date du 20 janvier 2004, que « le principe de liberté tarifaire (...) n'est pas absolu et n'exclut pas que [l'Autorité] y apporte des restrictions tenant compte notamment d'un objectif d'efficacité économique, de la nécessité d'assurer un développement compétitif du marché, ainsi qu'un équilibre équitable entre les intérêts légitimes des différents opérateurs du secteur des télécommunications. » (2).

Ainsi, les demandes relatives à la fixation des tarifs de terminaison d'appel SMS sur les réseaux des opérateurs mobiles concernés sont recevables.


(2) La cour se prononçait dans le cadre du recours contre la décision de règlement de différend no 2003-703 du 5 juillet 2003 relatif au litige opposant UPC France contre France Télécom.

C. - Sur le critère de bonne foi dans les négociations


La société SFR rappelle que, selon le considérant no 32 de la directive no 2002/21/CE « cadre » du 7 mars 2002, qui traite de la procédure de règlement de litige, il convient que la « partie lésée qui a négocié de bonne foi sans parvenir à un accord ait la faculté de faire appel à une autorité réglementaire nationale pour résoudre le litige ». Or, SFR indique que Bouygues Telecom n'a pas négocié de bonne foi et qu'au demeurant un accord verbal entre les parties avait été trouvé, de sorte que l'opérateur demandeur n'est pas fondé à saisir l'Autorité pour régler le litige.

Il y a lieu de relever que le considérant invoqué, qui renvoie à l'article 20 de la directive « cadre » susmentionnée, tend surtout à garantir aux opérateurs concernés la possibilité d'accéder à l'autorité réglementaire nationale compétente afin que leur cause soit entendue et que le litige qui s'est formé soit résolu. Par ailleurs, ni l'article 20 de la directive « cadre », ni l'article 5, § 4, de la directive « accès » ne subordonnent la recevabilité de la demande à une quelconque évaluation de la « bonne foi » des parties durant la négociation.

L'article 5, § 4, précité dispose : « En ce qui concerne l'accès et l'interconnexion, les Etats membres veillent à ce que l'autorité réglementaire nationale puisse intervenir de sa propre initiative, lorsque cela se justifie, ou à la demande d'une des parties concernées, en l'absence d'accord entre les entreprises, afin de garantir le respect des objectifs fondamentaux prévus à l'article 8 de la directive 2002/21 /CE (directive "cadre). »

Par ailleurs, l'article L. 36-8 dispose : « En cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. »

Le droit national ne fait donc pas plus référence à la « bonne foi » des parties au cours des négociations que le droit communautaire dérivé.


D. - Sur le détournement de procédure allégué par SFR


SFR considère que Bouygues Telecom détourne de sa finalité la procédure de règlement de différend. Les demandes présentées par Bouygues Telecom consistent, selon elle, à :

- imposer une obligation d'orientation vers les coûts, ce qui reviendrait à contourner le cadre de la régulation ex ante prévue aux articles L. 37-1 et suivants du CPCE (analyse de marché) ;

- faire sanctionner un manquement à une obligation réglementaire (le fait que les conditions tarifaires des conventions d'interconnexion et d'accès doivent respecter les principes d'objectivité et de transparence), ce qui reviendrait à contourner la procédure de sanction prévue à l'article L. 36-11 du CPCE.

SFR reproche ainsi à Bouygues Telecom d'instrumentaliser la procédure en cherchant à obtenir l'adoption de mesures de régulation ex ante et non le règlement d'un différend relatif aux modalités d'une relation commerciale.

En revanche, SFR ne conteste pas qu'il appartient à l'Autorité de fixer les conditions tarifaires de la terminaison d'appel SMS, mais souligne qu'au-delà des principes d'objectivité et de transparence des tarifs invoqués par Bouygues Telecom, c'est l'équité qui doit guider l'appréciation du litige, notamment dans « la fixation de conditions financières raisonnables et proportionnées, d'un tarif juste au regard des prétentions des parties ».

Bouygues Telecom estime que la procédure du règlement de différend est la seule adaptée au cas d'espèce. D'une part, étant donné le temps imparti, la procédure liée à une analyse de marché est inapplicable et son annonce n'est pas de nature à exclure du champ de la procédure du règlement de différend toute matière se rapportant à cette analyse. D'autre part, la procédure relative au règlement de différend est adaptée à la situation dès lors qu'il y a échec des négociations commerciales portant sur une prestation d'interconnexion.

L'Autorité rappelle qu'elle est tenue de trancher un différend, dans la mesure où la demande est recevable au regard des dispositions de l'article L. 36-8 du CPCE, et ce, quand bien même une analyse de marché serait en cours concernant le marché en cause (au cas d'espèce le marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles).

En effet, sur le fondement de l'article L. 36-8-I précité du CPCE, l'Autorité tranche les litiges en précisant « les conditions équitables d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion et l'accès doivent être assurés ». Suivant les prescriptions de l'article R. 11-1 du CPCE, elle rend sa décision dans le délai de quatre mois sauf circonstance exceptionnelle.

La mise en oeuvre de ce mécanisme ne saurait donc être confondue avec la procédure distincte d'analyse des marchés qui, en application des dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, vise à imposer des obligations réglementaires ex ante au vu des obstacles au développement de la concurrence identifiés sur le marché concerné. En outre, cette procédure suppose de procéder à une consultation publique, de recueillir l'avis du Conseil de la concurrence et de notifier les projets de décisions à la Commission européenne.

Dans le premier cas, il est question de mettre en oeuvre une compétence quasi juridictionnelle, sous le contrôle du juge judiciaire, dans les conditions prévues par le législateur et de prononcer à ce titre, ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel, « des décisions exécutoires prises dans l'exercice de prérogatives de puissance publique » (3).

Dans le second cas, il s'agit de mener sur la base de critères précis une analyse de l'évolution de la situation concurrentielle sur un marché donné pour, selon les situations, déterminer les meilleurs dispositifs de correction ex ante susceptibles d'être appliqués pour remédier aux imperfections qui auront pu être identifiées.

Les deux mécanismes sont autonomes et ne s'excluent nullement.

Un règlement de différend peut ainsi intervenir dans le contexte d'un litige formé à l'occasion de l'exercice des activités de communications électroniques sur un marché régulé au titre de la régulation sectorielle relative à l'analyse de marché. De même, un litige peut tout aussi bien être tranché en équité, entre des opérateurs pour des prestations non régulées, mais relevant du régime de l'accès ou de l'interconnexion.

Les fondements juridiques des deux procédures sont distincts, l'objet du règlement de litige est différent de celui de l'analyse des marchés et leurs effets ne sont pas identiques. Aucune priorité, ni aucune subordination ne saurait être accordée à l'une plutôt qu'à l'autre. Dès lors, l'ARCEP ne peut écarter la compétence qu'elle tire des dispositions de l'article L. 36-8 susvisé.

Au cas d'espèce, l'Autorité rappelle que, dans le cadre de l'analyse des marchés, elle a envoyé des questionnaires portant sur les « services de communications mobiles SMS » aux différents acteurs concernés le 29 juillet 2004 puis a lancé une consultation publique sur l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel SMS sur les réseaux mobiles le 24 octobre 2005. Ces éléments n'impliquent aucunement la suspension de la compétence de règlement de litige qui appartient à l'ARCEP.

Dans ces conditions, l'Autorité est appelée à résoudre le différend en équité, ce qui implique d'apprécier les demandes des parties au regard des obligations qui leur sont effectivement opposables à la date de la décision, et plus généralement au regard des objectifs de la régulation, tels qu'ils figurent dans les dispositions de l'article L. 32-1 du CPCE précité.

Dans ce cadre, étant entendu que les parties bénéficient de la reconnaissance légale d'un droit à l'interconnexion et d'une obligation de conclure les conventions s'y rapportant, conformément aux prescriptions de l'article L. 34-8 du CPCE, l'Autorité veillera notamment à ce que sa décision préserve en particulier les conditions d'exercice « d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » (4). En revanche, l'Autorité rappelle qu'à ce jour les opérateurs concernés ne sont pas soumis à une obligation de contrôle tarifaire ex ante telle qu'elle pourrait être imposée dans le cadre d'une analyse de marché.


(3) Conseil constitutionnel, décision no 96-378 DC, 23 juillet 1996, RJC-I 675. (4) Article L. 32-1 (2°) du CPCE.

Pour toutes ces raisons, l'Autorité considère que la demande de Bouygues Telecom est recevable et se déclare compétente pour connaître du différend qui l'oppose à SFR, tant en ce qui concerne le tarif de terminaison d'appel SMS de SFR à l'égard de Bouygues Telecom que celui de Bouygues Telecom à l'égard de SFR.



III. - AU FOND



A. - Sur la demande d'écart tarifaire


La société Bouygues Telecom a demandé à l'Autorité de « reconnaître que Bouygues Telecom est bien fondée à solliciter un tarif de terminaison de SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents, avec un écart comparable à celui existant dans le cadre de la terminaison d'appel vocal ».

Le demandeur estime que sa demande d'écart tarifaire est conforme à la pratique observée s'agissant des terminaisons d'appel vocal, fixes et mobiles, pour lesquelles un écart existe entre certains opérateurs.

En premier lieu, contrairement aux marchés de gros de la terminaison d'appel vocal, fixe ou mobile, où l'écart tarifaire s'inscrit dans le cadre d'une obligation de contrôle tarifaire, notamment d'orientation vers les coûts, le marché de gros de la terminaison d'appel SMS n'a pas été identifié, à ce jour, comme pertinent par l'Autorité au sens de l'article L. 37-1 du CPCE. A fortiori, il n'existe pas d'obligation réglementaire ex ante sur ce marché. Aussi, à la date de la présente décision et au cas d'espèce, l'analogie avec la terminaison d'appel vocal n'est-elle pas pertinente pour la fixation du niveau équitable de la charge d'interconnexion.

En second lieu, le service de SMS interpersonnel est identique d'un opérateur à l'autre. En effet, il se base tout d'abord sur la même technologie (norme GSM). Ensuite, les architectures de réseau, schématisées ci-dessous, sont globalement identiques entre les deux opérateurs, comme l'indiquent les réponses des deux opérateurs au premier questionnaire de l'ARCEP portant, entre autres, sur la description des équipements utilisés dans le cadre de l'envoi et de la réception de SMS. Enfin, les opérateurs de réseau mobile sont soumis aux mêmes obligations de couverture du territoire. De ce fait, il n'existe pas de différences techniques significatives entre les prestations de terminaison d'appel SMS de chaque opérateur.





Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 304 du 31/12/2005 texte numéro 198





En troisième lieu, le volume annuel de SMS envoyé par Bouygues Telecom à SFR est globalement équivalent, à moins de 5 % près, à celui envoyé par SFR à Bouygues Telecom.

Dans ce contexte, il apparaît que, si les parties étaient parvenues à un accord commercial, cet accord se serait fait sur la base d'une réciprocité tarifaire, c'est-à-dire d'une identité du niveau des terminaisons d'appel SMS respectives. En effet, en l'absence de mesures de régulation ex ante, la symétrie tarifaire constitue le résultat naturel d'une négociation dans la mesure où elle résulte d'un équilibre de Nash : individuellement, chaque acteur a intérêt à ce que la terminaison d'appel SMS de son concurrent soit la plus basse possible de façon à minimiser ses coûts, tout en ayant un tarif d'interconnexion le plus élevé possible de façon à maximiser ses revenus.

Ainsi, dans le cadre d'une négociation bilatérale où il existe une symétrie globale en termes de prestations fournies, de volumes ainsi que d'architecture de réseaux sous-jacents et où le tarif d'interconnexion constitue le seul élément de négociation entre les parties et que ce tarif n'est pas soumis à une obligation de contrôle tarifaire ex ante, l'Autorité considère qu'il est équitable que les tarifs de terminaison soient réciproques, sauf circonstances exceptionnelles. L'Autorité relève que les parties pratiquent d'ailleurs la réciprocité tarifaire dans le cadre des accords d'interfonctionnement SMS depuis 1999, ainsi que pour les accords d'interfonctionnement MMS.

Au surplus, l'Autorité relève que la demande de Bouygues Telecom est essentiellement motivée par le niveau jugé trop élevé de la terminaison d'appel SMS de ses deux concurrents et non sur celui de sa propre terminaison d'appel SMS.

Pour ces raisons, l'Autorité rejette la demande d'écart tarifaire de Bouygues Telecom et estime que, au cas d'espèce, sur la seule base de l'équité et compte tenu des moyens développés, la société Bouygues Telecom n'est pas fondée à solliciter un tarif de terminaison SMS interpersonnels plus élevé que celui de ses concurrents.


B. - Sur le niveau équitable de la terminaison d'appel SMS


Au cours de la phase de négociations, les sociétés Bouygues Telecom et SFR se sont accordées sur le fait que le tarif de 5,336 centimes d'euro, fixé en 1999 et actuellement appliqué par les parties, ne se justifiait plus au regard de l'évolution de la consommation de SMS.

En effet, Bouygues Telecom indique à SFR, dans sa lettre du 11 octobre 2004, que l'évolution du contexte pendant ces cinq années rend ce tarif obsolète, l'usage des SMS ayant plus que triplé sur cette période. SFR, dans son courrier du 13 juin 2005, reconnaît être favorable à une diminution rapide du tarif de terminaison des SMS pour tenir compte de l'augmentation importante des volumes de SMS échangés et de la baisse des coûts unitaires consécutive.

Les parties n'ayant pas réussi à s'accorder sur les modalités de la baisse, il appartient désormais à l'Autorité de se prononcer sur le niveau équitable de la charge de terminaison d'appel SMS. Dans ce cadre, elle considère que, sur la base des propositions faites par SFR au cours des négociations et au regard des prétentions des parties, le tarif de 4,3 centimes d'euro, correspondant à une baisse d'environ 20 %, apparaît comme un point de départ que les parties étaient prêtes à s'appliquer à compter du 1er septembre 2005.

Comme le note Bouygues Telecom, la terminaison d'appel SMS représente, au tarif actuel, près de 50 % des prix HT de détail les plus fréquemment pratiqués et jusqu'à 90 % des prix HT de détail (hors offres promotionnelles) les plus bas observés et cités par les opérateurs. Bouygues Telecom estime que les tarifs de détail ont baissé depuis 1999, notamment en 2004, sans que le niveau de la terminaison d'appel SMS n'évolue, ce qui a conduit à réduire son niveau de marge. En ce sens, l'Autorité considère qu'une baisse de 20 % de la terminaison d'appel SMS permettrait à Bouygues Telecom de retrouver une certaine marge de manoeuvre sur les marchés de détail, dans la mesure notamment où l'évolution du prix moyen du SMS depuis 1999 fait apparaître une baisse de moins de 20 %.

Par ailleurs, tous les éléments fournis par Bouygues Telecom dans le cadre des réponses au premier questionnaire de l'ARCEP portant sur les éléments de coûts, indépendamment des méthodes de valorisation et d'évaluation retenues, tendent à montrer que les coûts de terminaison d'appel SMS sur les réseaux des opérateurs mobiles sont inférieurs à 4,3 centimes d'euro. Le tarif de 4,3 centimes d'euro n'apparaît donc pas incompatible avec la structure de coût sous-jacente.

En revanche, en l'absence d'obligation de contrôle tarifaire ex ante, consistant par exemple en une obligation d'orientation vers les coûts, l'analyse des coûts ne peut constituer, au cas d'espèce, qu'une référence parmi d'autres. Pour juger du caractère équitable de la charge de terminaison d'appel SMS, l'Autorité ne peut donc se fonder sur la seule base des coûts.

Il résulte de ce qui précède que les arguments développés par la société Bouygues Telecom, essentiellement fondés sur des références aux coûts, sont insuffisants, au cas d'espèce, pour justifier un tarif d'interconnexion de 2,5 centimes d'euro.

L'Autorité rejette donc la demande de la société Bouygues Telecom de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS de SFR à 2,5 centimes d'euro et considère, au vu des éléments en sa possession, que le tarif de 4,3 centimes d'euro constitue un niveau équitable que les parties peuvent raisonnablement s'appliquer, sans préjudice de l'analyse de marché en cours, ni d'une renégociation ultérieure à la baisse décidée entre les parties.

Pour toutes ces raisons et au vu des moyens exposés par les parties, l'Autorité estime que le niveau équitable de terminaison d'appel SMS s'élève à 4,3 centimes d'euro.


C. - Sur la date d'application de la baisse de la terminaison d'appel SMS


Dans sa saisine en date du 11 juillet 2005, Bouygues Telecom demande à l'Autorité de fixer le tarif de terminaison d'appel SMS à compter du 1er juillet 2005.

Dans ses observations en réplique du 3 octobre 2005, SFR demande quant à elle à l'Autorité, à titre subsidiaire, de fixer le tarif de terminaison de SMS des trois opérateurs mobiles au 1er septembre 2005. Toutefois, SFR n'apporte aucun élément permettant de justifier le choix du 1er septembre 2005.

Au demeurant, l'Autorité note que, dans la mesure où le tarif de terminaison d'appel SMS est réciproque entre les parties, les charges d'interconnexion supportées par un opérateur sont globalement compensées par les revenus d'interconnexion en provenance des autres opérateurs, les flux de SMS échangés n'étant pas significativement déséquilibrés en moyenne.

En conséquence, la baisse de terminaison d'appel SMS sur des volumes déjà échangés n'a que peu d'incidence sur les échanges de flux financiers entre opérateurs.

Dans ces conditions, l'Autorité estime équitable de retenir la date du 1er juillet 2005 pour l'application de la présente décision.

En conséquence de ce qui précède et sans préjudice d'obligations réglementaires imposées, le cas échéant, à l'issue de l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel SMS, ni du droit des parties à négocier pour s'accorder sur de nouvelles évolutions tarifaires, l'Autorité décide :


Article 1


La demande de la société Bouygues Telecom est recevable et l'Autorité est compétente pour connaître du différend qui l'oppose à la société SFR.

Article 2


La demande d'instauration d'un écart tarifaire à l'avantage de la société Bouygues Telecom est rejetée.

Article 3


Les sociétés Bouygues Telecom et SFR devront s'appliquer un tarif de terminaison d'appel SMS de 4,3 centimes d'euro à compter du 1er juillet 2005.

Article 4


Le chef du service juridique est chargé de notifier aux sociétés Bouygues Telecom et SFR la présente décision qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 8 novembre 2005.


Le président,

P. Champsaur


[...] Passages relevant des secrets protégés par la loi.