J.O. 289 du 13 décembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales


NOR : CSCL0508888X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs, d'un recours contre la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, adoptée le 24 novembre 2005. Le recours est, en particulier, dirigé contre les dispositions de la loi relatives à la délivrance du mandat de dépôt à l'audience et contre celles relatives à la surveillance judiciaire par la voie du placement sous surveillance électronique mobile.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - sur la délivrance du mandat de dépôt

à l'audience


A. - L'article 7 de la loi déférée insère au code de procédure pénale un article 465-1, dont le second alinéa prévoit que le tribunal délivre un mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, s'il condamne une personne en état de récidive légale pour des faits d'agressions ou d'atteintes sexuelles, de délits avec violences volontaires aux personnes ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violence, à moins que le tribunal n'en décide autrement par une décision spécialement motivée.

Les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions renverseraient un principe fondamental du droit pénal en rendant obligatoire, sauf exception, le mandat de dépôt à l'audience et qu'elles seraient contraires aux exigences résultant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 66 de la Constitution. Ils font valoir, en outre, que ces dispositions porteraient atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, dans la mesure où elles feraient obligation aux magistrats de prononcer une mesure privative de liberté.

B. - De telles critiques ne pourront qu'être écartées.

1. Les dispositions critiquées de l'article 7 ont pour objet d'aménager les conditions dans lesquelles la juridiction de jugement est appelée à se prononcer sur la délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience à l'égard d'un prévenu qu'elle condamne alors qu'il est en état de récidive légale pour des infractions d'une particulière gravité. Elles n'ont pas pour effet de priver la juridiction de son pouvoir d'appréciation et se bornent à lui imposer de motiver sa décision sur ce point si elle ne délivre pas de mandat de dépôt.

On doit observer que ces dispositions n'ont été instituées par le législateur que pour le cas particulier des personnes condamnées alors qu'elles sont en état de récidive pour des délits graves, c'est-à-dire pour des hypothèses où l'on peut légitimement craindre que l'auteur des faits, dont la dangerosité a déjà été attestée par au moins deux condamnations, ne commette de nouvelles infractions si la peine d'emprisonnement n'était pas mise à exécution immédiatement à titre provisoire.

Ces nouvelles dispositions ne sont susceptibles de recevoir application que si trois conditions sont remplies. La première suppose que le prévenu doit avoir déjà été définitivement condamné pour une infraction visée aux articles 132-16-1 ou 132-16-4 du code pénal. Il s'agit, d'une part, des délits d'agressions sexuelles et des délits d'atteintes sexuelles sur mineur (faits punis par les articles 222-27 à 222-30 et 227-25 à 227-27 du code pénal de deux à dix ans d'emprisonnement selon les cas) et, d'autre part, des délits de violences prévus par les articles 222-9 à 222-15 du code pénal qui figurent dans le paragraphe 2 intitulé « Des violences » de la section première du chapitre II du titre II du livre II du code pénal (faits punis de trois à dix ans d'emprisonnement) ainsi que des délits de vols et extorsions (articles 311-4 [4°], 311-5, 311-6 et 312-2 [1°] du code pénal), de proxénétisme (article 225-7 [8°] du code pénal), d'évasion (troisième alinéa de l'article 434-27 du code pénal) lorsqu'ils sont commis avec la circonstance aggravante de violences (faits punis de cinq à dix ans d'emprisonnement).

Il faut aussi, en deuxième lieu, que le prévenu ait été condamné pour un nouveau délit commis en état de récidive légale, ce qui implique tout à la fois qu'il ait été déclaré coupable par le tribunal correctionnel d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés, que ces faits aient été commis dans un délai de cinq ans après l'expiration ou la prescription de la première peine conformément aux dispositions de l'article 132-10 du code pénal et qu'il s'agisse du même délit ou d'un délit assimilé par l'effet des articles 132-16-1 ou 132-16-4 du code pénal. Les peines maximales alors encourues sont doublées du fait de la récidive et s'échelonnent, selon les cas, entre quatre et vingt ans d'emprisonnement.

En troisième lieu, il est évidemment nécessaire que le tribunal prononce une peine d'emprisonnement ferme. Le deuxième alinéa du nouvel article 465-1 fait suite au premier alinéa qui permet la délivrance d'un mandat de dépôt à l'encontre d'un récidiviste « quelle que soit la durée de l'emprisonnement prononcé », par dérogation aux dispositions générales de l'article 465 qui exigent une peine d'au moins un an d'emprisonnement. La délivrance du mandat de dépôt à l'audience implique nécessairement qu'une peine d'emprisonnement ferme soit effectivement prononcée. Elle ne saurait être décidée si le tribunal prononce une peine d'amende, une peine alternative (par exemple une peine de jour-amende, de travail d'intérêt général ou un suivi socio-judiciaire), ou une peine d'emprisonnement assortie du sursis simple ou assortie du sursis avec mise à l'épreuve (si les conditions d'octroi du sursis sont remplies).

2. En procédant à cet aménagement limité, le législateur n'a porté atteinte ni à l'article 66 de la Constitution ni à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

a) Aucun principe de valeur constitutionnelle, non plus que l'article 66 de la Constitution selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu », n'a pour effet d'imposer au législateur de prévoir que la délivrance d'un mandat de dépôt par une juridiction de jugement ne pourrait résulter que d'une décision expresse de la juridiction spécialement motivée. Compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les règles concernant la procédure pénale, le législateur peut, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, déterminer d'autres modalités sans méconnaître la Constitution. Au cas présent, le législateur a estimé utile de procéder à l'aménagement que traduit l'article 7 de la loi déférée afin de mieux assurer la sauvegarde de l'ordre public vis-à-vis de délinquants récidivistes dont la dangerosité est avérée. L'appréciation à laquelle le législateur s'est livré ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste.

En particulier, on doit observer que l'état de récidive pour des infractions graves comme celles visées par l'article contesté constitue, en soi, un motif de nature à justifier la délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience. Le législateur en a tiré les conséquences en prévoyant que, sauf décision contraire du tribunal, une nouvelle condamnation en état de récidive, pour les infractions graves énumérées limitativement par l'article 7, justifiait l'incarcération immédiate, lorsqu'une peine ferme d'emprisonnement est prononcée. Par analogie, on peut relever que la jurisprudence de la Cour de cassation admet que la simple constatation de la récidive puisse constituer la motivation spéciale requise par l'article 132-19 du code pénal pour prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis (voir notamment Cass. crim. 3 avril 1995, JCP 1995.IV.1690 ; Cass. crim. 19 avril 1995, Dr. pénal 1995.194 ; Cass. crim. 19 janvier 1999, bull. no 7), ce qui a d'ailleurs conduit le législateur, par l'article 17 de la loi déférée, à supprimer cette exigence de motivation spéciale en cas de récidive.

On peut aussi relever que, dans d'autres cas, la loi a déjà imposé au juge l'obligation de motiver certaines décisions favorables à la personne poursuivie et présumée innocente. Ainsi, le tribunal correctionnel qui refuse de révoquer un sursis simple doit motiver cette décision conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 132-38 du code pénal. De même, le juge d'instruction qui refuse de saisir le juge des libertés ou de la détention en vue d'un placement en détention qui a été requis par le procureur de la République doit se prononcer par une ordonnance motivée, conformément aux dispositions de l'article 137-4 du code de procédure pénale. On doit souligner que le Conseil constitutionnel a jugé que ces dernières dispositions, qui résultent de la loi no 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, ne se heurtaient à aucune exigence constitutionnelle (décision no 2002-461 DC du 29 août 2002).

b) Les dispositions de l'article 7 de la loi déférée ne peuvent non plus être jugées contraires à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen garantissant la présomption d'innocence.

La présomption d'innocence ne saurait, en effet, interdire à une juridiction qui inflige une sanction à l'encontre d'une personne qu'elle vient de déclarer coupable de prévoir l'exécution immédiate et provisoire de cette sanction, quand bien même sa décision n'est pas définitive et peut faire l'objet d'une voie de recours. L'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas pour effet d'interdire d'exercer la moindre rigueur à l'égard d'une personne tant qu'elle n'a pas été définitivement déclarée coupable ; il ne prohibe pas par principe toute forme de détention provisoire. En décidant qu'un mandat de dépôt sera décerné à l'audience sauf décision contraire, le législateur n'a pas exercé, dans le cas de condamnés en état de récidive légale pour des infractions graves, de rigueur qui serait excessive au regard de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

On doit souligner que la personne contre laquelle mandat de dépôt sera décerné à l'audience en application de l'article 465-1 du code de procédure pénale sera considérée comme étant placée en détention provisoire tant que sa condamnation n'aura pas acquis un caractère définitif. Le prévenu pourra faire appel de sa condamnation et demander sa mise en liberté à la cour d'appel immédiatement, puis ultérieurement autant de fois qu'il le voudra, en application des dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 148-1 du code de procédure pénale. Et s'il est fait application des dispositions de l'article 465-1 par la cour d'appel, ces demandes de mise en liberté pourront être faites, devant cette même cour, en cas de pourvoi en cassation, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le pourvoi, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 148-1. Enfin, si la personne vient finalement à être relaxée en appel, la réparation automatique et intégrale du préjudice résultant de la détention effectuée pourra être ordonnée en application des dispositions des articles 149 et suivants du code de procédure pénale.

Il convient en outre d'observer que la cour d'appel devra statuer sur une demande de mise en liberté dans un délai de deux mois si le mandat de dépôt a été délivré en première instance et dans un délai de quatre mois s'il a été délivré en appel, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 148-2 du code de procédure pénale, faute de quoi le prévenu devra être mis immédiatement en liberté. L'article 148-2 impartit ainsi des délais pour statuer sur la demande de mise en liberté plus longs dans le cas de la condamnation en appel que dans celui de la condamnation en première instance, ce qui témoigne de ce que les effets de la présomption d'innocence s'amoindrissent progressivement du fait des condamnations successives.

Dans ces conditions, en prévoyant par les dispositions critiquées qu'un mandat de dépôt sera délivré à l'audience sauf si le tribunal en décide autrement par une décision motivée, à l'égard de récidivistes ayant commis des actes particulièrement graves, le législateur n'a pas porté d'atteinte excessive à la présomption d'innocence garantie par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. On peut relever, à cet égard, que l'article 367 du code de procédure pénale prévoit, en matière criminelle, que la cour d'assises qui prononce une peine privative de liberté à l'encontre d'un accusé libre décerne mandat de dépôt, sans d'ailleurs réserver la possibilité pour la cour de ne pas décerner ce mandat.

3. La critique tirée de l'indépendance de l'autorité judiciaire garantie par l'article 64 de la Constitution ne pourra, pour sa part et en tout état de cause, qu'être écartée comme manquant en fait.

En effet, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions critiquées du second alinéa du nouvel article 465-1 du code de procédure pénale ne privent nullement la juridiction de son pouvoir d'appréciation et n'ont ni pour objet ni pour effet de la contraindre à délivrer un mandat de dépôt à l'audience à l'égard des personnes dont elle retient la culpabilité en cas de récidive légale.

La loi laisse une telle décision à l'appréciation souveraine de la juridiction qui pourra, par exemple, estimer que la faible durée de la peine d'emprisonnement ferme prononcée, ou le délai écoulé depuis la précédente condamnation, ou la prise en considération de circonstances particulières de l'espèce ou de la personnalité du prévenu, ne justifient pas la délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience, bien que le prévenu soit en état de récidive pour des faits graves. On peut penser, en particulier, que le mandat ne sera pas délivré, par l'effet d'une décision spécialement motivée, lorsque le tribunal ayant prononcé une peine d'emprisonnement ferme inférieure à un an, aura décidé d'ordonner son aménagement ab initio par la semi-liberté, par le placement extérieur ou par le placement sous surveillance électronique, ou souhaitera qu'un tel aménagement puisse être ordonné par le juge de l'application des peines, devant lequel le condamné sera convoqué en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure pénale.


II. - sur l'application dans le temps

de la surveillance judiciaire


A. - L'article 13 de la loi déférée, insérant plusieurs dispositions au code de procédure pénale, définit le régime de la surveillance judiciaire susceptible d'être décidée à l'égard de personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit. Il s'agit d'une nouvelle mesure d'exécution de la peine qui peut prendre la forme d'un placement sous surveillance électronique mobile. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 41 de la loi et celles de l'article 42 déterminent, pour leur part, les modalités d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions relatives à la surveillance judiciaire.

Les auteurs du recours soutiennent qu'en décidant que les dispositions nouvelles seraient immédiatement applicables à des personnes qui ont été condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, le législateur aurait méconnu les termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui interdisent la rétroactivité de la loi en matière pénale. Ils font valoir, à cet égard, que la mesure de placement sous surveillance électronique doit s'analyser comme une peine ou, à tout le moins, comme une mesure de sûreté à laquelle s'appliquent les exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration. Ils relèvent, par ailleurs, que l'application rétroactive des dispositions nouvelles conduirait à méconnaître les prescriptions des articles 763-10 et 763-14 du code de procédure pénale.

B. - Le Gouvernement considère que ces différentes critiques ne sont pas fondées.

1. La surveillance judiciaire, organisée par les articles 723-29 à 723-37 du code de procédure pénale, constitue une nouvelle modalité d'application d'une peine déjà prononcée, permettant au juge de l'application des peines d'imposer à un condamné, à sa libération, certaines obligations destinées à prévenir la récidive pour une durée égale à celle des réductions de peine dont il a bénéficié.

Elle n'est susceptible d'être mise en oeuvre qu'à l'égard de personnes condamnées à une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, c'est-à-dire les crimes de viols, les délits d'agressions et d'atteintes sexuelles, les crimes d'homicides volontaires, les crimes d'actes de tortures et de barbarie, les crimes d'enlèvement et de séquestration et les incendies criminels.

Dans le cadre de la surveillance judiciaire, le juge de l'application des peines pourra imposer certaines des obligations prévues en matière de libération conditionnelle, définies par référence à celles du sursis avec mise à l'épreuve dès lors qu'elles présentent un aspect de mesure de sûreté - comme l'interdiction de se rendre dans certains lieux, l'interdiction de porter une arme, l'interdiction de rencontrer sa victime ou ses complices -, certaines des obligations du suivi socio-judiciaire - comme l'injonction de soins et l'interdiction d'être en contact avec des mineurs -, ou encore certaines des obligations du placement sous surveillance électronique mobile, à la condition que la personne ait fait l'objet, un an avant sa libération, d'un examen de dangerosité après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. A cet égard, il faut préciser que cette surveillance électronique, qui permettra de localiser le condamné, aura pour effet, dans certains cas, de le dissuader de passer à nouveau à l'acte, et dans les autres cas, si cet effet préventif n'a pas joué, permettra de le confondre et de l'arrêter plus rapidement, de telle sorte qu'il ne puisse récidiver une nouvelle fois.

Si la personne condamnée ne respecte pas les obligations qui lui auront été imposées dans le cadre de la surveillance judiciaire, elle s'exposera au retrait des réductions de peines, selon la procédure juridictionnalisée applicable devant le juge de l'application des peines depuis la loi no 2004-204 du 9 mars 2004.

Le législateur a estimé nécessaire d'instituer cette nouvelle mesure d'exécution des peines, pour éviter que des condamnés présentant un fort risque de récidive ne fassent l'objet d'une « libération sèche » que les praticiens considèrent, dans leur ensemble, comme la première des causes de la récidive. Or, de telles libérations ont lieu actuellement lorsque le condamné n'a pas fait l'objet d'un suivi socio-judiciaire ou lorsqu'il ne bénéficie pas d'une libération conditionnelle. Dans cet esprit, on doit observer que le législateur a précisé, par l'article 723-36 du code de procédure pénale, que la surveillance judiciaire ne pourra être ordonnée si un suivi socio-judiciaire a été prononcé ou si la personne fait l'objet d'une libération conditionnelle, la surveillance judiciaire ne présentant pas d'utilité dans de tels cas.

2. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme, aux termes duquel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée », interdit la rétroactivité des dispositions instituant des sanctions plus sévères.

En matière pénale, ces dispositions s'appliquent aux peines prononcées par les juridictions répressives. A cet égard, il a été jugé que sont aussi soumises à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen les périodes ou mesures de sûreté qui sont prononcées par la juridiction de jugement lorsqu'elle statue sur la peine (décision no 86-215 DC du 3 septembre 1986 ; décision no 93-334 DC du 20 janvier 1994).

En revanche, il n'a pas été jugé que les exigences constitutionnelles de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'appliqueraient aux mesures d'exécution de la peine, décidées non par la juridiction de jugement au stade de la condamnation mais par le juge de l'application des peines, après le prononcé de la condamnation et dans la limite de la peine prononcée.

Le Gouvernement considère que de telles mesures, dont la finalité n'est pas d'infliger une nouvelle sanction, n'entrent pas dans le champ des exigences constitutionnelles et sont, en conséquence, susceptibles d'être appliquées immédiatement à des personnes qui ont été condamnées antérieurement, dès lors du moins que le législateur en décide ainsi. A cet égard, il est vrai que le 3° de l'article 112-2 du code pénal adopté par le Parlement en 1992 et entré en vigueur en 1994 prévoit, en principe, que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ne sont pas applicables aux condamnations prononcées pour des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur si elles ont pour effet de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation. Mais ces dispositions législatives ne traduisent pas les prescriptions constitutionnelles résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : elles instituent une règle législative qui va au-delà des exigences constitutionnelles et à laquelle le législateur peut toujours décider de déroger pour des motifs d'intérêt général qu'il lui appartient d'apprécier. Les travaux parlementaires relatifs au nouveau code pénal attestent que le législateur, qui a sur ce point finalement retenu un amendement sénatorial ayant pour objet de compléter le projet du Gouvernement qui ne comportait pas une telle disposition, n'avait pas entendu répondre à une exigence constitutionnelle et considérait qu'il lui serait toujours loisible d'apporter des dérogations à la règle législative qu'il édictait. Cette possibilité de dérogation a été d'ailleurs rappelée par la circulaire d'application du nouveau code pénal du 14 mai 1993 et elle est exposée par la doctrine (voir notamment R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Cujas, t. 1, 7e éd., 1997 ; J. Pradel, Droit pénal général, Cujas, 15e éd., 2004 ; F. Desportes et F. Le Gunéhec, Droit pénal général, Economica, 12e éd., 2005).

Dans ces conditions, il apparaît, compte tenu de la finalité de la mesure, qui n'est pas de sanctionner la personne mais de prévenir sa récidive, et de sa nature, qui consiste en une modalité d'exécution d'une peine décidée par le juge de l'application des peines et non par la juridiction de jugement au stade de la condamnation, et dont la durée ne pourra en aucun cas dépasser celle fixée par la juridiction de jugement, que l'application immédiate de la surveillance judiciaire à des personnes déjà condamnées est constitutionnellement possible. Le législateur a considéré qu'elle était indispensable pour permettre l'application de la surveillance judiciaire aux personnes condamnées pour des faits particulièrement graves commis avant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et qui, compte tenu des réductions de peine dont ils ont bénéficié, seront libérés après cette date, alors que les risques de récidive apparaissent élevés.

A cet égard, il convient de souligner que le placement sous surveillance électronique mobile, qui constitue l'une des mesures susceptibles d'être ordonnées dans le cadre de la surveillance judiciaire, ne saurait, en soi, être qualifié de peine. Sans doute, dans certains cas, une telle obligation peut-elle être prononcée à des fins répressives et à titre de peine par une juridiction de jugement. Mais, dans le cadre de la surveillance judiciaire, cette obligation ne présente pas un caractère punitif ; elle s'inscrit dans le cadre de l'exécution de la peine précédemment prononcée sans excéder les limites de cette peine.

On peut observer, d'ailleurs, à propos de la libération conditionnelle qui constitue le mode traditionnel d'aménagement de la peine le plus efficace pour lutter contre la récidive, que l'article 731-1 du code de procédure pénale résultant de l'article 22 de la loi déférée a précisé que le placement sous surveillance électronique mobile pourra être décidé dans le cadre d'une libération conditionnelle. Le 2° de l'article 41 de la loi déférée prévoit d'appliquer immédiatement cette nouvelle possibilité aux libérations conditionnelles concernant des condamnations en cours d'exécution, ce qui apparaît à la fois utile au regard de l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public et de l'impératif de protection de la sûreté des personnes, et constitutionnellement possible puisqu'il s'agit là aussi d'une modalité d'exécution d'une peine déjà prononcée.

C'est pourquoi le Gouvernement estime que le législateur pouvait décider, sans méconnaître la Constitution, que les nouvelles dispositions relatives à la surveillance judiciaire, y compris le placement sous surveillance électronique mobile susceptible d'être ordonné dans ce cadre, seraient immédiatement applicables aux personnes condamnées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

3. Enfin, on observera que les dernières critiques formulées par la saisine, invoquant les dispositions combinées des articles 731-1 et 763-10 à 763-14 du code de procédure pénale sont dénuées de fondement.

Le renvoi de l'article 731-1 aux articles 763-10 et 763-12 implique effectivement qu'un placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être ordonné dans le cadre d'une libération conditionnelle qu'à la condition que la dangerosité de la personne ait été constatée, un an au moins avant la date prévue pour la libération, par un examen nécessitant notamment l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Il implique également que la mise en place du dispositif sur le condamné devra intervenir une semaine avant sa libération.

Mais aucune difficulté ne découle de l'application à la libération conditionnelle de ces règles qui ont pour objet de s'assurer, d'une part, que le recours au placement est véritablement indispensable pour prévenir la récidive et, d'autre part, si tel est le cas, que la personne ne puisse pendant une durée plus ou moins longue après sa libération ne pas faire l'objet de cette surveillance électronique. Il en est ainsi que le placement soit ordonné lors de libérations conditionnelles concernant des personnes condamnées pour des faits commis après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou qu'il soit ordonné lors de libérations conditionnelles concernant, comme le permet le 2° de l'article 42 de la loi déférée, des personnes condamnées pour des faits commis avant cette date.

Le renvoi aux articles 763-10 et 763-12 implique en effet logiquement, ce qui correspond à l'intention du législateur, que le recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre d'une libération conditionnelle ne pourra être décidé qu'au moment de cette libération. En revanche, il ne pourra évidemment pas être ordonné à l'égard d'un condamné ayant déjà bénéficié d'une libération conditionnelle et qui respecte les conditions qui lui ont été imposées au moment de sa libération. Ce n'est qu'en cas de révocation de la libération conditionnelle pour violation par le condamné de ses obligations et de réincarcération de ce dernier que le placement pourrait, le cas échéant, être ordonné s'il était décidé ultérieurement une nouvelle libération conditionnelle.

Les dispositions du 2° de l'article 42 ont donc pour seul objet et pour seul effet de permettre que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être ordonné à l'égard de personnes qui bénéficieront d'une libération conditionnelle après l'entrée en vigueur de la loi, alors qu'elles ont été condamnées pour des faits commis avant cette date ; en revanche, elles ne conduisent pas à ce qu'il puisse s'appliquer à des personnes ayant déjà été libérées.

Le Gouvernement a par ailleurs indiqué au cours des débats que, du fait de la nécessité de prendre un certain nombre de décrets d'application, et notamment le décret prévu par l'article 763-14 du code de procédure pénale pris avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés et du Conseil d'Etat, puis de procéder à des appels d'offre et à des expérimentations, l'entrée en vigueur effective des dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile, dont la date sera fixée par ce décret, ne pourrait intervenir avant environ deux ans.

Il s'ensuit qu'il n'existera aucune difficulté pour procéder à l'examen de dangerosité exigé par l'article 763-10 au moins un an avant la date possible d'une libération conditionnelle qui, si elle doit être assortie pour le condamné de l'obligation d'être placé sous surveillance électronique mobile, ne pourra intervenir au plus tôt qu'à la fin de l'année 2007.


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Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs de la saisine ne sont pas de nature à justifier la censure des dispositions contestées de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.