J.O. 199 du 27 août 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2005-A-8 de la Commission des participations et des transferts du 12 juillet 2005 relatif à la cession de Edenor par Electricité de France


NOR : ECOX0508683V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre en date du 7 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de recueillir son avis sur le transfert au secteur privé par Electricité de France du contrôle de la société Empresa Distribuidora y Comercializadora Norte SA (ci-après « Edenor »).

Edenor emploie 2 455 personnes et a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de pesos (environ 307 millions d'euros). La cession projetée entre donc dans le champ d'application de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée sans requérir l'avis conforme de la commission. Cependant, le ministre a souhaité la consulter comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 3 de ladite loi.

II. - La société Edenor est détenue :

- pour 39 % directement par EDF International SA, filiale intégrale de Electricité de France ;

- pour 51 % par Electricidad Argentina SA (ci-après « EASA », holding détenu à 100 % par EDF International SA) ;

- pour 10 % par le personnel.

Electricité de France a acquis progressivement le contrôle de Edenor de 1992 à 2001, ayant participé dès l'origine à la constitution de EASA qui avait remporté en juillet 1992 l'appel d'offres relatif à la cession de 51 % du capital d'Edenor par les pouvoirs publics argentins. Au total, cette acquisition aura représenté pour EDF un investissement de l'ordre de 1,4 milliard de dollars (dont 1 milliard en 2001).

Edenor, qui dessert la région nord-ouest de Buenos Aires, est le premier distributeur d'électricité en Argentine et l'un des plus importants d'Amérique latine. Il est titulaire d'une concession d'une durée de 95 ans expirant en 2087. La société compte 2,4 millions de clients.

La crise économique de l'Argentine en 2001 a conduit le Gouvernement de ce pays à prendre des mesures économiques qui ont eu un fort impact pour Edenor dont EDF venait d'acquérir le contrôle. D'une part, les tarifs de la société à l'origine exprimés en dollars ont été convertis en pesos argentins et une dévaluation du peso argentin est intervenue en janvier 2002. D'autre part, les tarifs d'électricité ont été gelés alors que le pays connaissait une hausse très élevée des prix de gros. Ces deux facteurs ont entraîné entre 2000 et 2002 une chute de deux tiers du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation exprimés en dollars des Etats-Unis. La société continue cependant à afficher des performances opérationnelles saines, améliorant sa productivité et réduisant les détournements d'électricité.

N'ayant plus la capacité de générer les ressources suffisantes, la société a dû suspendre en septembre 2002 le remboursement du principal de sa dette qui était libellée en dollars et ne bénéficiait d'aucun mécanisme de couverture. Edenor a tenté de restructurer sa dette mais n'a pu aboutir à un accord avec ses créanciers. Dans le même temps, les investissements ont été réduits, ce qui a créé des litiges avec les pouvoirs publics locaux.

Les mesures prises par le Gouvernement argentin ayant rompu le cadre normatif et contractuel, EDF a déposé une demande de dommages et intérêts auprès du Centre international de règlement des différends relatifs à l'investissement (CIRDI).

Durant l'exercice 2004, Edenor a réalisé un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de pesos, soit 376 millions de dollars (+ 17 %), un résultat d'exploitation de 39 millions de pesos (- 42 %) et une perte nette de 90 millions de pesos (contre un bénéfice net de 211 millions en 2003). Les fonds propres s'élèvent au bilan de Edenor à 1,53 milliard de pesos, soit 530 millions de dollars, au 31 décembre 2004. La dette nette de Edenor-EASA est de 429 millions de dollars.

III. - Electricité de France, dans le cadre de sa politique générale de recentrage vers les marchés européens, a décidé de céder sa participation dans Edenor.

La procédure de cession a été publiquement lancée en avril 2005, alors que le fonds d'investissement Dolphin avait acquis une grande partie de la dette de Edenor-EASA et fait part de son intérêt pour l'acquisition du groupe. Neuf investisseurs financiers ont fait acte de candidature et ont pu participer à des salles d'information (data room) ouvertes fin avril et début mai. Les offres finales ont été reçues le 16 mai et l'accord de cession a été finalisé en juin avec l'offreur le mieux disant qui était Dolphin.

L'opération comprend les éléments suivants :

- la cession à Dolphin de l'intégralité du capital de EASA et de 14 % des actions directement détenues dans Edenor par EDF pour un montant comptant de 100 millions de dollars ;

- la mise en place de mécanismes d'options d'achat et de vente associés à la participation minoritaire résiduelle de 25 % de EDF dans Edenor, options valorisées par l'expert entre 69 et 76 millions de dollars ;

- la signature d'un accord d'assistance technique ;

- la restructuration de la dette d'Edenor-EASA qui doit, selon l'expert, conduire EDF International à espérer un remboursement de ses créances pour environ 70 millions de dollars ;

- l'abandon par EDF de sa plainte contre le Gouvernement argentin.

Deux autres fonds d'investissements, Marathon et Tavistock, se sont associés à Dolphin.

IV. - Le groupe Dolphin a été créé en 1989 par un homme d'affaires argentin, M. Marcelo Mindlin. Il gère des fonds d'investissement à profils diversifiés dans lesquels le groupe participe lui-même aux côtés d'investisseurs extérieurs. Dolphin conseille également en fusion-acquisition et pour l'émission d'obligations convertibles.

Le groupe Dolphin a investi dans le secteur de l'énergie, acquérant notamment en 2004 le contrôle conjoint de la principale entreprise de transport d'électricité d'Argentine, Transener.

V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation d'Edenor établi par un expert indépendant choisi par EDF, J. P. Morgan, qui était associé à l'origine dans la privatisation d'Edenor.

L'expert estime que Edenor ne peut être évalué que sur la base d'une actualisation des flux de trésorerie. Pour ce faire, il distingue deux scénarios, le premier suivant lequel un accord serait conclu avec les pouvoirs publics argentins sur la renégociation des tarifs (ce qui entraîne abandon de la plainte auprès du CIRDI) et le second qui se situe dans une perspective conflictuelle. Dans le second scénario, est inclus dans la valorisation le montant de l'indemnité à attendre de l'arbitrage du CIRDI, évaluée selon sa jurisprudence.

Sur cette base, l'expert présente une fourchette d'évaluation qui est nettement inférieure à la valeur de l'offre du groupe Dolphin telle qu'il l'a déterminée, c'est-à-dire en incluant les espérances ultérieures de recettes sur le remboursement de la dette d'Edenor-EASA et la cession des 25 % résiduels.

VI. - La commission constate que Electricité de France a conduit une procédure de cession qui a donné lieu à la production d'offres concurrentes et qu'il a retenu l'offre la mieux disante.

Il n'en reste pas moins que le prix de la cession, qui au demeurant ne porte pas immédiatement sur la totalité de la participation d'EDF, est très bas en comparaison du coût qu'avait représenté l'acquisition menée de 1992 à 2001 et qui était d'environ 1,4 milliard de dollars. La sortie d'Edenor se traduira donc pour EDF par une moins-value considérable dont le montant a déjà été intégralement provisionné.

L'évaluation d'Edenor, compte tenu du contexte dans lequel se trouve la société, est particulièrement difficile. L'approche de l'expert constitue une tentative d'approcher la valeur de la société par un raisonnement adapté à cette situation spécifique.

Une autre approche consisterait à appliquer aux données comptables (chiffre d'affaires, excédent brut d'exploitation) de l'exercice 2005 d'Edenor, sur la base de tarifs renégociés, les multiples moyens de sociétés du secteur de l'énergie hors d'Argentine et du secteur des services en Argentine. Ce calcul ferait apparaître que le prix de cession résultant de l'offre de Dolphin n'est pas disproportionné au vu de l'importance des risques juridiques, financiers et macroéconomiques qui affectent la situation de la société.

La sortie d'Electricité de France, dont on peut seulement regretter qu'elle ne soit pas totale, lui permet de se retirer d'une zone d'activité où le groupe ne souhaite plus être présent. Elle donne ainsi plus de visibilité à EDF, contribue à diminuer ses risques aux yeux du marché et manifeste que le groupe entend solder une période de croissance externe mal maîtrisée.

VII. - Pour ces motifs, sur la base des éléments qui lui ont été transmis, la commission n'a pas d'objection à formuler sur la transaction envisagée par EDF pour se désengager d'une situation critique.