J.O. 196 du 24 août 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Avis n° 2005-AC 2 du 22 juillet 2005 de la Commission des participations et des transferts relatif au transfert au secteur privé des actifs de Sernam SA par la SNCF


NOR : ECOX0508680V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre en date du 20 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé des actifs de Sernam SA, préalablement regroupés au sein de la société Ermewaneuf (ci-après « SernamXpress »), filiale de la SNCF.

La société Sernam emploie 2 730 personnes au 30 juin 2005 et elle a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires consolidé de 395 millions d'euros. La cession projetée entre donc dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée. Conformément aux dispositions dudit article , l'autorisation de cession ne peut être accordée si le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par la commission ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés. Il doit être également tenu compte de l'incidence des charges qui, le cas échéant, demeurent pour le secteur public après la cession.

II. - Sernam a été créé en 1970 sous la forme d'un département interne de la SNCF et réorganisé à plusieurs reprises depuis la fin des années 90 du fait des difficultés financières rencontrées. Filialisé en février 2000, Sernam est devenu une société anonyme en décembre 2001.

Sernam exerce principalement des activités de transport de colis, de messagerie, notamment express, d'affrètement et de logistique. Après s'être dégagé ces dernières années de l'utilisation du transport ferroviaire, en raison de problèmes de coût et de fiabilité, Sernam y revient en se positionnant désormais sur le nouveau mode d'acheminement ferroviaire développé par la SNCF, le train bloc express (TBE), train à grande vitesse de marchandises reliant actuellement Paris à Orange et Paris à Bordeaux et Toulouse. La limitation attendue de la vitesse autorisée des camions devrait accroître l'intérêt de ce mode, qui permet un chargement tardif des marchandises en soirée et leur livraison précoce le lendemain matin. Le TBE s'inscrit dans l'objectif de développement du transport ferroviaire de marchandises souhaité par l'Union européenne.

Sernam dispose d'un réseau d'agences réparties sur le territoire et comprenant 53 sites, dont 13 hubs. Une importante modernisation des implantations est menée.

Depuis sa création en 2000, la société Sernam n'a pas réalisé d'exercice bénéficiaire. Les pertes des trois derniers exercices se sont élevées à 79,1 millions d'euros en 2002, 85,1 millions en 2003 et 42,9 millions en 2004. L'incertitude sur l'avenir de la société, l'échec d'un plan de rapprochement avec Geodis et une conjoncture sectorielle et nationale difficile ont gravement affecté l'activité (un tiers du chiffre d'affaires a été perdu entre 2001 et 2004) et n'ont pas permis aux plans de redressement de porter tous leurs fruits. Les derniers mois marquent cependant une stabilisation de l'activité et un début de redressement grâce au programme d'économies.

Durant l'exercice 2004, Sernam a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 395 millions d'euros, une perte d'exploitation de 41,5 millions et un résultat net négatif de 42,9 millions, ce qui traduisait une diminution significative des pertes. Au 31 décembre 2004, la société présentait des fonds propres de 14,7 millions d'euros et des dettes financières de 50,9 millions.

III. - Après avoir été autorisée par la Commission européenne le 23 mai 2001 à mettre en oeuvre une aide à la restructuration du Sernam, la SNCF a conduit dans les mois suivants un premier processus de cession du Sernam, qui devait conduire à son adossement au groupe Geodis. Ce processus n'a pas abouti et a conduit à une révision par la SNCF de son aide à Sernam qui était amené à poursuivre son activité déficitaire. Saisie d'une plainte, la Commission européenne a notifié le 30 avril 2003 sa décision d'ouvrir une procédure concernant cette aide.

Par sa décision du 20 octobre 2004 susvisée, la Commission européenne a estimé qu'un montant de 41 millions d'euros d'aides n'était pas compatible avec le marché commun et elle a confirmé son autorisation de mai 2001 de l'aide de 503 millions d'euros, notant que « la viabilité de Sernam pourra être retrouvée dans un délai raisonnable » et que « la concurrence ne sera pas faussée dans une mesure contraire à l'intérêt commun ». La cession des actifs de transport routier de Sernam était également imposée.

La décision de la Commission européenne disposait que dans le cas où Sernam vendrait ses actifs en bloc, au prix du marché et dans un certain délai, à une société n'ayant pas de lien juridique avec la SNCF, moyennant une procédure transparente et ouverte, la cession des actifs routiers ne s'appliquerait pas. Si la société Sernam continuait à exister, le remboursement de l'aide de 41 millions d'euros lui incomberait.

Dans ces conditions, et vu la situation financière de Sernam, la SNCF a décidé de procéder à la cession en bloc des actifs et passifs d'exploitation de la société.

La SNCF, assistée d'une banque conseil, a contacté 28 entreprises du secteur en Europe potentiellement intéressées par cette acquisition et elle a le 29 novembre 2004 diffusé un communiqué public invitant toute personne intéressée à se manifester, à la suite de quoi elle a reçu six manifestations d'intérêt supplémentaires.

Dix-neuf sociétés ont répondu à cet appel à candidature. En janvier 2005, à l'issue du premier tour de sélection, la SNCF avait reçu quatre offres non engageantes répondant aux conditions du cahier des charges. En mai 2005, trois des candidats ont remis des offres non engageantes à l'issue du deuxième tour. La SNCF a engagé des négociations avec le candidat ayant remis l'offre la plus précise et la mieux disante, un fonds d'investissement associé aux dirigeants de Sernam, mais finalement ce candidat a indiqué à mi-juin ne pas être en mesure de remettre une offre finale dans le délai fixé. Les dirigeants de Sernam ont alors déposé, dans le délai fixé par la Commission européenne, une offre ferme que la SNCF, au vu des conditions proposées, a décidé de retenir. Un protocole d'accord a été finalisé.

IV. - Le protocole d'accord a été signé avec MM. Philippe Chevalier et Olivier Chenevez, agissant sans solidarité pour le compte d'une société qui sera créée et dont ils détiendront, avec d'autres cadres et employés, l'intégralité du capital. M. Chevalier, professionnel reconnu du secteur du transport, est le président de Sernam depuis décembre 2004 et M. Chenevez, originaire de la SNCF, travaille au Sernam depuis plusieurs années et en est actuellement le directeur général délégué.

Compte tenu de la valeur de marché négative de l'ensemble cédé, qui est clairement apparue dans toutes les offres reçues par la SNCF, la transaction se traduit globalement en termes financiers par un prix négatif de 57 millions d'euros pour la SNCF.

Juridiquement, après la recapitalisation de Sernam SA, sera opérée sa scission, ses actifs et passifs d'exploitation et sa trésorerie étant apportés à une nouvelle société, qui sera nommée SernamXpress. La nouvelle société sera immédiatement acquise par la société à constituer par les repreneurs. Une partie des déficits fiscaux de Sernam SA devrait être transférée à la nouvelle société. La société Sernam SA, qui ne conservera que certains passifs financiers, restera intégralement détenue par la SNCF. Au total, le coût de l'opération s'élève donc pour la SNCF à 95,5 millions d'euros.

Les fonds mis à disposition de la nouvelle société sont destinés à lui permettre de financer les besoins liés à sa restructuration pour permettre le retour à une exploitation équilibrée.

La SNCF apporte au repreneur les garanties juridiques et de passif usuelles ainsi qu'un certain nombre de garanties spécifiques dont les deux principales sont les suivantes :

- la garantie du maintien pendant 10 ans par la SNCF de l'offre TBE, sans aucune clause d'exclusivité, avec un contrat d'évolution tarifaire sur les cinq premières années, et la garantie que le site de Valenton, essentiel à l'utilisation du TBE, sera disponible fin 2007 ;

- la prolongation par la SNCF du protocole social instaurant un droit de retour des cheminots mis à disposition du Sernam (environ 250) et une garantie de reclassement pour certains salariés du Sernam (environ 650) dans le cas où ils seraient affectés individuellement par une mesure de suppression d'emploi dans le cadre d'un plan de restructuration.

En vue de bénéficier du retour espéré à meilleure fortune de la société cédée, la SNCF bénéficie d'une clause de complément de prix lors du transfert ultérieur, total ou partiel, quelle qu'en soit la forme, à un tiers du capital ou des actifs de la société cédée. La SNCF recevra 80 % du prix de cession jusqu'à 25 millions d'euros et 35 % sur la fraction du prix au-delà.

V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation des actifs transférés par un expert indépendant.

ABN Amro a procédé à l'évaluation selon deux méthodes principales :

- l'actualisation des flux de trésorerie sur la base d'un plan d'affaires établi par Sernam jusqu'en 2008 et qui prévoit le retour à l'équilibre pour cette même année. Le taux d'actualisation des flux est établi par référence à ceux du secteur en incluant une prime de risque. La valeur terminale est calculée sur la base de l'année normative 2008 et représente l'essentiel du total de l'évaluation, compte tenu du caractère déficitaire des premières années. L'expert évalue par ailleurs de façon séparée la valeur des déficits fiscaux qui devraient être transférés à la nouvelle société ;

- l'application des multiples moyens de deux groupes de sociétés comparables à la valeur actualisée des agrégats financiers de Sernam en année normative après redressement. La valeur d'entreprise ainsi obtenue est retraitée par le besoin en trésorerie estimé jusqu'au retour à l'équilibre. Les multiples utilisés sont l'excédent brut d'exploitation et le résultat d'exploitation. L'expert privilégie cette deuxième méthode.

L'expert conclut que le prix convenu pour la transaction correspond à la valeur de marché.

Une comparaison du coût pour la SNCF de la cession avec celui qui résulterait de la liquidation judiciaire de Sernam est particulièrement importante pour apprécier l'intérêt patrimonial de l'opération.

A la demande de la SNCF, le cabinet d'audit Ernst & Young a validé les schémas selon lesquels une telle liquidation se déroulerait et a évalué les différents éléments de coût, directs et indirects, qui en résulteraient dans chacun des cas pour la SNCF : valeur résiduelle des actifs compte tenu des coûts légaux de licenciement, des coûts de procédure et des pertes intercalaires, dettes chirographaires, pénalités de rupture des contrats, coûts sociaux et dommages opérationnels.

Du fait de l'importance de cette question, l'Etat a décidé de recourir à une expertise complémentaire qui a été réalisée par Oddo Corporate Finance. L'expert confirme l'ordre de grandeur du coût de la liquidation, soit de 200 à 270 millions d'euros.

VI. - La commission observe que la SNCF a mené une procédure de cession ouverte et transparente à la suite d'un très large appel à candidature en Europe. Les offres remises par des groupes de transports ou des fonds d'investissement, ou des consortiums regroupant ces deux catégories, ont conduit à constater que la valeur de marché des actifs et passifs cédés était négative. Même sur cette base, aucune offre ferme n'a été obtenue de ces candidats.

L'offre de reprise présentée par les dirigeants, auparavant associés à l'offre d'un fonds d'investissement, est donc la seule possibilité qui s'est présentée à la SNCF, en dehors d'une liquidation de Sernam. La SNCF, observant que cette offre s'avérerait mieux disante que les offres non liantes précédemment reçues, a décidé de la retenir.

Le rapport de l'expert indépendant et les expertises sur le coût d'une liquidation concluent que, compte tenu de la législation et de la pratique françaises, cette liquidation, très probablement accompagnée de recours contre la SNCF, coûterait à celle-ci plus cher que la cession projetée.

Le nouveau Sernam disposera tout juste des moyens qui devraient permettre à l'entreprise, totalement indépendante de la SNCF, de franchir les premiers exercices qui demeurent difficiles, pour retrouver, seul ou avec l'aide d'investisseurs, une situation d'exploitation normale.

C'est pourquoi la commission, tout en observant que la cession du Sernam aurait dû, de toute évidence, être mise en oeuvre depuis longtemps et que ce retard a été très coûteux pour la SNCF, constate que, compte tenu des contraintes auxquelles il doit répondre, le projet de cession qui lui est présenté apparaît comme la solution qui, tout en assurant des chances non déraisonnables de succès au nouveau Sernam, coûte le moins cher à la SNCF.

VII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser la cession par la SNCF des actifs de Sernam au secteur privé.