J.O. 179 du 3 août 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches »


NOR : SOCX0500188P



Monsieur le Président,

Dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, le Premier ministre a fait de la lutte contre le chômage la priorité absolue du Gouvernement. Avec un taux de chômage de plus de 10 % et certaines catégories de populations particulièrement touchées, notamment les jeunes qui sont confrontés à de fortes difficultés d'insertion durable dans l'emploi, la situation de l'emploi justifie que soient mises en oeuvre, sans délai, des mesures fortes, pragmatiques et efficaces destinées à relancer l'emploi et la croissance.

A ce titre, les petites entreprises sont un gisement d'emplois précieux qu'il faut exploiter prioritairement.

Au 1er janvier 2004, les entreprises comptant jusqu'à vingt salariés étaient au nombre de 2,5 millions, dont 1,5 million sans aucun salarié. Ces entreprises représentaient à cette date environ 30 % de l'emploi salarié.

Or, les chefs de ces entreprises hésitent encore trop souvent à embaucher, même lorsque leur plan de charge immédiat le leur permettrait. En raison de la volatilité de l'économie et des incertitudes liées à l'évolution de leur marché, par crainte des difficultés et des incertitudes, tant juridiques que financières, inhérentes à une rupture du contrat au cas où la conjoncture économique ou la personne du salarié rendrait nécessaire la cessation de la relation de travail, les chefs d'entreprise sont souvent réticents à recruter de façon pérenne sans visibilité de long terme. Ils renoncent alors à anticiper le développement de leur entreprise et privilégient, pour faire face au cas par cas à des pics d'activité, le recours au travail temporaire ou, plus souvent encore, au contrat à durée déterminée.

Pour surmonter ces réticences, la présente ordonnance crée, sur le fondement des 1°, 2° et 3° de l'article 1er de la loi no 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, un nouveau contrat de travail, dénommé « contrat nouvelles embauches », pour les entreprises employant jusqu'à vingt salariés. Ce nouveau contrat est un contrat à durée indéterminée dont les règles de rupture sont aménagées pendant les deux premières années à compter de la date de sa conclusion ; il repose, durant cette période, sur la recherche d'un nouvel équilibre dans la relation de travail, en associant une simplification de la procédure de rupture et de nouvelles garanties pour le salarié afin de favoriser le retour rapide à l'emploi en cas de cessation du contrat.

L'article 1er de l'ordonnance définit le champ des entreprises qui auront accès au nouveau contrat. Il s'agit des entreprises comptant jusqu'à vingt salariés, pour lesquelles les freins à l'embauche apparaissent les plus forts et qui constituent un gisement d'emplois important. Les emplois saisonniers sont exclus du champ d'application du nouveau contrat.

L'article 2 définit le régime de ce nouveau contrat de travail.

Ce contrat, conclu par écrit et sans durée déterminée, est soumis à l'ensemble des prescriptions du code du travail et des conventions collectives du secteur d'activité, à l'exception pendant les deux premières années des règles relatives à la rupture du contrat. Au-delà de cette période, il est entièrement soumis au régime de droit commun du contrat à durée indéterminée.

Pendant cette période de consolidation de l'emploi de deux ans, les modalités de rupture sont simplifiées par rapport au droit commun : le contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La rupture n'est effective qu'après un préavis croissant en fonction de l'ancienneté (de deux semaines pour une ancienneté inférieure à six mois à un mois pour une ancienneté comprise entre six mois et deux ans). Elle ouvre droit pour le salarié, lorsque le contrat est rompu à l'initiative de l'employeur, à une indemnité dont le montant s'élève à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion de son contrat. Cette indemnité n'est soumise ni à l'impôt sur le revenu ni à cotisations sociales.

A cette indemnité s'ajoute une contribution de l'employeur égale à 2 % du montant de la rémunération brute versée depuis le début du contrat, recouvrée par les Assedic et destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en faveur de son retour à l'emploi.

Enfin, dans un souci de sécurité juridique, et à l'instar des dispositions prévues par l'article L. 321-16 du code du travail pour les licenciements, il est prévu que la contestation de la rupture se prescrive par douze mois à compter de sa notification, à condition que le salarié en ait été avisé.

Le salarié bénéficie par ailleurs des avantages résultant du droit à congé de formation et du droit individuel à la formation selon les modalités particulières ouvertes par le code du travail aux salariés ayant été titulaires de contrats à durée déterminée.

L'article 2 apporte enfin plusieurs précisions sur les conséquences de ces nouvelles modalités de rupture. Il dispose ainsi, conformément aux objectifs de la directive 98/59 /CE du 20 juillet 1998, que les ruptures de « contrats nouvelles embauches » sont comptabilisées dans le décompte des effectifs pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation dans le cadre d'un licenciement économique collectif. Par ailleurs, les règles de rupture spécifiques liées à la protection des salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif sont préservées. Enfin, un délai de carence de trois mois est instauré à compter du jour de la rupture d'un « contrat nouvelles embauches » avant de pouvoir signer un nouveau contrat avec le même salarié pour éviter les éventuelles fraudes.

L'article 3 de l'ordonnance assure aux salariés dont le contrat aurait été rompu une couverture renforcée du risque chômage. Il permet ainsi aux salariés qui ne justifient pas de droits suffisants pour bénéficier de l'assurance chômage (qui n'est ouverte que si le travailleur justifie d'une durée d'activité de six mois sur les vingt-deux derniers mois), de bénéficier d'une allocation forfaitaire financée par l'Etat. Son montant, sa durée de versement et la condition d'activité préalable seront définis par décret.

Par ailleurs, cet article autorise les partenaires sociaux à étendre au bénéfice de salariés dont le contrat aurait été rompu le dispositif de la convention de reclassement personnalisé institué par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale en faveur des salariés qui ont fait l'objet d'un licenciement économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. A défaut d'accord, le bénéfice de la convention de reclassement personnalisé pourra être mis en oeuvre par décret en Conseil d'Etat.

L'article 4 étend à Mayotte les dispositions issues de l'ordonnance.

L'article 5 prévoit une évaluation, d'ici le 31 décembre 2008, des conditions de mise en oeuvre de ce nouveau contrat et de ses effets sur l'emploi par une commission à laquelle seront associés des représentants d'organisations d'employeurs et de salariés.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.